Traumenschar
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Re: Traumenschar
6 Néant.
« Comment ai-je pu être aussi dupe. » se dit-Il en souriant. Il repensa à tout ces moments à discuter avec Dastein, à s’entraîner avec lui, à rire avec lui. Tout ça pour se rendre compte qu’il n’existait qu’en Lui.
Guillaume Dastein n’était rien.
Guillaume Dastein était Lui.
Guillaume Dastein était retourné d’où il venait.
« De nulle part. »
Il lança son MSN Messenger et cliqua avec le bouton droit sur le contact Roof. Il fit glisser la flèche jusqu’à ‘Supprimer ce contact’ et appuya dessus.
« De nulle part… »
5 La fin d’un mythe.
Il avait reprit son allure humaine, et Il s’était relevé. Ses mains avaient tremblé alors qu’Il avait contemplé le sol à ses pieds. Un sol vide, vide de tout cadavre. Dastein avait disparu, Il avait vaincu Sa conscience. Et ça, Il venait de le comprendre, après tout ces mois passés avec Lui : Il avait imaginé Dastein, de part en part, comme un personnage virtuel. Mais Il avait tout accompli seul.
Et il était redevenu Seul. Libéré, mais Seul.
Tout seul.
Non, je suis là, Moi.
« C’est vrai, avait-Il ajouté. Je ne serai plus jamais seul, puisque Tu seras toujours avec Moi, n’est-ce pas, Fear ? »
Il avait ensuite hésité, en repensant aux dernières paroles de Sa conscience.
« …ou devrais-Je plutôt T’appeler Ank, maintenant ? »
Comme Tu veux.
« Ank. Oui, Ank, ça Te convient mieux que Fear. »
Très bien. Il Te reste une dernière chose à accomplir, avant de rentrer.
Il s’était tourné vers le libraire, qui était resté à genoux depuis le début, incapable de saisir l’ensemble des événements et de leur complexité. Puis Il avait levé la main vers la librairie de la rue Brouillard, et il avait claqué ses doigts. Un simple claquement de doigts, et la boutique s’était embrasée dans un souffle brûlant.
« Et voilà. Je suis libre, maintenant. »
Il avait fait demi-tour, content de Lui, et c’est à cet instant que le libraire Lui avait sauté dessus, ivre de rage et de tristesse, avant de le marteler de coups de poings vengeurs. Il S’était retrouvé à terre, surpris et pliant sous le poids conséquent de l’homme, puis Il avait entendu la Voix de Fear Lui parler. La Voix d’Ank.
Laisse-moi faire.
Et Il L’avait laissé faire.
4 Meurtre.
« C’est là que J’ai décroché. Réellement décroché. Une de Mes absences. Fear a dû prendre le contrôle, et faire des Siennes. »
Il regarda Ses mains maintenant propres. Elles ne tremblaient pas. Un flash, une réminiscence de la nuit, lui revint : Le libraire, allongé sur le dos, et Lui à califourchon dessus entrain de le frapper de toutes ses forces.
Il sut alors qu’Il l’avait tué.
Il ouvrit Internet Explorer et lança l’adresse de Traumen. La dernière version du forum s’afficha dans un éclat bleuté, qui adoucit Ses traits. Sans même y songer, Il cliqua sur la fonction d’enregistrement. Ses quinze ans approchaient, Sa conscience et Ses éventuels remords disparaissaient, et il était maintenant temps de passer à la suite.
Grâce à Moi, Tu domineras. Mais il Te reste du chemin à parcourir. Et avant toute chose, il Te faut une armée, des hommes pour te soutenir.
« Et Lainé, Blanchot et… »
Ils n’ont pas assez d’imagination. Toi si. Et Je suis sûr qu’ici, Tu pourras trouver des semblables. De la chair à canon.
« De la chair à canon. » répéta-t-Il.
Et Il commença à remplir les données de la création de compte.
Il S’apprêtait à devenir Trauménien.
3 Espion.
Ce qu’Il ignorait, c’est qu’une ombre L’avait vu. Et cette ombre, pendant que le corps du libraire secoué de spasmes se calcinait dans les flammes, avait mis la main à sa poche et en avait sorti un petit appareil argenté, qu’il avait allumé. Une voix nasillarde en était sortie, crachotant une question sans gentillesse.
« Où en est-Il ?
-Il vient de tuer le libraire. Croyez-vous qu’il soit temps d’intervenir ? »
Son interlocuteur avait hésité.
« Non. Pas encore. Pas toi. Le Patron enverra quelqu’un de plus qualifié. Ta mission s’arrête là pour le moment, agent Rhoécos. Rentre.
-Très bien, agent Hélios. »
Et l’agent Rhoécos s’était enfoncé dans les ombres, à nouveau.
2 Enregistrement.
« Voilà, tout est rempli. Tout sauf le pseudo. Selon Toi, que dois-Je mettre ? »
Il bascula en arrière et regarda le plafond, songeur. Au tout début, Il avait songé mettre Fear en tant que pseudo, mais ça n’était plus d’actualité. Mettre Son propre prénom ? Hors de question. Il voulait un pseudo que tous reconnaîtraient, un pseudo qu’Il pourrait utiliser partout, pas trop agressif mais pas amical non plus. Il eut une idée.
« Je pourrais mettre Ank, non ? »
Non, répondit l’autre. Nous créerons un second compte, lorsque Tu seras déjà installé là-bas. Nous leur jouerons une version simplifiée du bon et du méchant flic.
« Plus tard, alors ? »
Plus tard.
« Mais ça ne Me donne pas de pseudo valable. »
J’ai une idée. Pourquoi ne pas célébrer Ta conscience décédée dans ce pseudo ? Leur rendre un dernier hommage, en quelque sorte.
Il se redressa et se pencha sur son clavier.
« Le libraire et Dastein ? À quoi Tu penses ? »
Commençons par le libraire, rue Brouillard. Comment dit-on Brouillard, en anglais ?
« Fog. Ou mist. Ou encore haze. »
Gardon Mist de coté, d’accord ?
« Mist était plutôt pour brume, mais… Tu as déjà Ta petite idée, non ? dit-Il en souriant.
Exact. Ensuite, pour Dastein, prenons simplement le nom de son personnage inventé, puisque de toute façon ils étaient tout deux aussi virtuels l’un que l’autre.
« Roof ? Mist-Roof ? Ça ne fait pas très… »
Attends, il y avait une troisième partie de Ta conscience que Tu as éliminé. Ton personnage. Fear.
Il tourna les noms dans Son esprit, puis Il les inscrit en lieu et place de son pseudo. Ça ne Lui convenait pas exactement, mais Il sentit l’inspiration Lui venir. Il modifia quelques lettres, quelques sonorités, puis se recula.
Mist…
Il eut un sourire joyeux, comme Il n’en avait pas eu depuis longtemps.
…Roof…
Il appuya sur Entrée pour valider son inscription. Sa nouvelle identité était créée.
…Fear…
1 Création.
…Mistrophera.
« Comment ai-je pu être aussi dupe. » se dit-Il en souriant. Il repensa à tout ces moments à discuter avec Dastein, à s’entraîner avec lui, à rire avec lui. Tout ça pour se rendre compte qu’il n’existait qu’en Lui.
Guillaume Dastein n’était rien.
Guillaume Dastein était Lui.
Guillaume Dastein était retourné d’où il venait.
« De nulle part. »
Il lança son MSN Messenger et cliqua avec le bouton droit sur le contact Roof. Il fit glisser la flèche jusqu’à ‘Supprimer ce contact’ et appuya dessus.
« De nulle part… »
5 La fin d’un mythe.
Il avait reprit son allure humaine, et Il s’était relevé. Ses mains avaient tremblé alors qu’Il avait contemplé le sol à ses pieds. Un sol vide, vide de tout cadavre. Dastein avait disparu, Il avait vaincu Sa conscience. Et ça, Il venait de le comprendre, après tout ces mois passés avec Lui : Il avait imaginé Dastein, de part en part, comme un personnage virtuel. Mais Il avait tout accompli seul.
Et il était redevenu Seul. Libéré, mais Seul.
Tout seul.
Non, je suis là, Moi.
« C’est vrai, avait-Il ajouté. Je ne serai plus jamais seul, puisque Tu seras toujours avec Moi, n’est-ce pas, Fear ? »
Il avait ensuite hésité, en repensant aux dernières paroles de Sa conscience.
« …ou devrais-Je plutôt T’appeler Ank, maintenant ? »
Comme Tu veux.
« Ank. Oui, Ank, ça Te convient mieux que Fear. »
Très bien. Il Te reste une dernière chose à accomplir, avant de rentrer.
Il s’était tourné vers le libraire, qui était resté à genoux depuis le début, incapable de saisir l’ensemble des événements et de leur complexité. Puis Il avait levé la main vers la librairie de la rue Brouillard, et il avait claqué ses doigts. Un simple claquement de doigts, et la boutique s’était embrasée dans un souffle brûlant.
« Et voilà. Je suis libre, maintenant. »
Il avait fait demi-tour, content de Lui, et c’est à cet instant que le libraire Lui avait sauté dessus, ivre de rage et de tristesse, avant de le marteler de coups de poings vengeurs. Il S’était retrouvé à terre, surpris et pliant sous le poids conséquent de l’homme, puis Il avait entendu la Voix de Fear Lui parler. La Voix d’Ank.
Laisse-moi faire.
Et Il L’avait laissé faire.
4 Meurtre.
« C’est là que J’ai décroché. Réellement décroché. Une de Mes absences. Fear a dû prendre le contrôle, et faire des Siennes. »
Il regarda Ses mains maintenant propres. Elles ne tremblaient pas. Un flash, une réminiscence de la nuit, lui revint : Le libraire, allongé sur le dos, et Lui à califourchon dessus entrain de le frapper de toutes ses forces.
Il sut alors qu’Il l’avait tué.
Il ouvrit Internet Explorer et lança l’adresse de Traumen. La dernière version du forum s’afficha dans un éclat bleuté, qui adoucit Ses traits. Sans même y songer, Il cliqua sur la fonction d’enregistrement. Ses quinze ans approchaient, Sa conscience et Ses éventuels remords disparaissaient, et il était maintenant temps de passer à la suite.
Grâce à Moi, Tu domineras. Mais il Te reste du chemin à parcourir. Et avant toute chose, il Te faut une armée, des hommes pour te soutenir.
« Et Lainé, Blanchot et… »
Ils n’ont pas assez d’imagination. Toi si. Et Je suis sûr qu’ici, Tu pourras trouver des semblables. De la chair à canon.
« De la chair à canon. » répéta-t-Il.
Et Il commença à remplir les données de la création de compte.
Il S’apprêtait à devenir Trauménien.
3 Espion.
Ce qu’Il ignorait, c’est qu’une ombre L’avait vu. Et cette ombre, pendant que le corps du libraire secoué de spasmes se calcinait dans les flammes, avait mis la main à sa poche et en avait sorti un petit appareil argenté, qu’il avait allumé. Une voix nasillarde en était sortie, crachotant une question sans gentillesse.
« Où en est-Il ?
-Il vient de tuer le libraire. Croyez-vous qu’il soit temps d’intervenir ? »
Son interlocuteur avait hésité.
« Non. Pas encore. Pas toi. Le Patron enverra quelqu’un de plus qualifié. Ta mission s’arrête là pour le moment, agent Rhoécos. Rentre.
-Très bien, agent Hélios. »
Et l’agent Rhoécos s’était enfoncé dans les ombres, à nouveau.
2 Enregistrement.
« Voilà, tout est rempli. Tout sauf le pseudo. Selon Toi, que dois-Je mettre ? »
Il bascula en arrière et regarda le plafond, songeur. Au tout début, Il avait songé mettre Fear en tant que pseudo, mais ça n’était plus d’actualité. Mettre Son propre prénom ? Hors de question. Il voulait un pseudo que tous reconnaîtraient, un pseudo qu’Il pourrait utiliser partout, pas trop agressif mais pas amical non plus. Il eut une idée.
« Je pourrais mettre Ank, non ? »
Non, répondit l’autre. Nous créerons un second compte, lorsque Tu seras déjà installé là-bas. Nous leur jouerons une version simplifiée du bon et du méchant flic.
« Plus tard, alors ? »
Plus tard.
« Mais ça ne Me donne pas de pseudo valable. »
J’ai une idée. Pourquoi ne pas célébrer Ta conscience décédée dans ce pseudo ? Leur rendre un dernier hommage, en quelque sorte.
Il se redressa et se pencha sur son clavier.
« Le libraire et Dastein ? À quoi Tu penses ? »
Commençons par le libraire, rue Brouillard. Comment dit-on Brouillard, en anglais ?
« Fog. Ou mist. Ou encore haze. »
Gardon Mist de coté, d’accord ?
« Mist était plutôt pour brume, mais… Tu as déjà Ta petite idée, non ? dit-Il en souriant.
Exact. Ensuite, pour Dastein, prenons simplement le nom de son personnage inventé, puisque de toute façon ils étaient tout deux aussi virtuels l’un que l’autre.
« Roof ? Mist-Roof ? Ça ne fait pas très… »
Attends, il y avait une troisième partie de Ta conscience que Tu as éliminé. Ton personnage. Fear.
Il tourna les noms dans Son esprit, puis Il les inscrit en lieu et place de son pseudo. Ça ne Lui convenait pas exactement, mais Il sentit l’inspiration Lui venir. Il modifia quelques lettres, quelques sonorités, puis se recula.
Mist…
Il eut un sourire joyeux, comme Il n’en avait pas eu depuis longtemps.
…Roof…
Il appuya sur Entrée pour valider son inscription. Sa nouvelle identité était créée.
…Fear…
1 Création.
…Mistrophera.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
- Nombre de messages : 2475
Age : 42
Localisation : Dans les limbes torturées d'un esprit dérangé.
Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
3. …édiction.
9 Rébellion.
La voix de Munoz s’éleva, dans le silence gêné ambiant.
« Nous en avons marre de Tes plans, de Tes ordres et de Tes actions complètement inutiles. Nous ne sommes plus comme avant, plus comme lorsque Lainé était notre Chef. Avec Toi, nous stagnons. Nous ne sommes plus aussi respectés que les années précédentes ! Nous avons tout perdu de notre crédibilité, et en très peu de temps ! C’est pourquoi nous avons décidé de nous séparer de Toi. »
Lainé et Blanchot jetèrent un regard hésitant à Munoz, qui restait debout et tremblait de rage et de peur contenue. Puis il expira bruyamment.
« Ça marchera jamais, dit Lainé en s’allumant une cigarette. Tu fais le malin, là, parce qu’il y a personne en face de toi, mais dès qu’Il sera là…
-Ouais, il a raison, ajouta Blanchot.
-Les gars, les gars ! C’est pas comme ça qu’on risque de s’en sortir, si on part battus ! Il faut avoir le courage de nos opinions ! »
Un silence éloquent lui répondit.
« Il nous réduira en miettes si on lui dit ne serait-ce que le tiers de ça, dit Lainé en soufflant sa fumée par le nez.
-Ouais, il a raison, commenta placidement Blanchot.
-Alors on a qu’à continuer comme ça, voilà tout ! » s’emporta Munoz. Il commença à marcher de long en large. « On baisse les yeux quand Il approche, on obéit comme des bons toutous, et on crèvera un jour ou l’autre à cause de Lui !
-Ouais, il a…
-On sait qu’il a raison, Blanchot ! cria Lainé. De toute façon, avec toi, tout le monde a raison ! Tu fais chier ! »
Blanchot fit ce qu’il savait faire de mieux : Il regarda ses pieds. Lainé s’alluma une autre cigarette, et fronça les sourcils. Munoz, lui, soupira longuement.
« Alors ? Qu’est-ce qu’on décide ? proposa-t-il finalement.
-Qu’est-ce qu’on décide pour quoi, Munoz ? »
La tension monta d’un cran, et Lainé en lâcha sa clope qui roula à ses pieds : Il venait d’entrer dans le local d’entretien où s’étaient réfugiés les trois complices pour un bref instant de repos. Ils évitèrent Son regard, mal à l’aise.
« Vous n’essayeriez pas de Me faire faux bond, par hasard ? »
L’air sembla s’épaissir, et Munoz chercha sa respiration. Il s’avança, et chacun d’eux eut un mouvement de recul instinctif, celui de la victime devant un prédateur invincible. Il les dévisagea tous un à un, lisant dans leurs esprits désordonnés et y découvrant des sentiments de rébellion inavoués.
Il leva les yeux au ciel. « Vous pensiez que Je ne devinerais pas ? C’est mal Me connaître. Je vous croyais plus… …intelligents. »
Il fronça les sourcils, soudainement perplexe.
« Où est Stéphane ? » demanda-t-il. Stéphane était le dernier à être entré dans la nouvelle bande, et il remplaçait sans mal Blanchot dans le rôle du plus incompétent de service. Mais il était fidèle, et Il lui avait trouvé un certain potentiel pour l’imaginaire. Ce qui Lui plaisait. Il répéta Sa question :
« Où est-il ?
-Il n’a pas voulu se joindre à nous pour cette… » Munoz hésita. « …réunion ?
-Il a préféré rester à la cafétéria, à gober ses bonbons. » cracha Lainé d’un air dédaigneux. Il n’aimait pas la nouvelle recrue et le montrait assez bien.
Les trois révolutionnaires matés sursautèrent lorsqu’Il fit demi-tour et posa une main sur la poignée de la porte pour repartir. Il n’avait pas peur d’une éventuelle révolte, Il n’avait pas besoin d’eux. Mais eux avaient peur de Lui, et ça facilitait grandement les choses. Il se contenta d’une menace verbale.
« La prochaine fois qu’il vous prend des idées de changement de cet ordre, Je vous prierais de les oublier illico presto, nous sommes bien d’accord ? »
Acquiescement des trois concernés. C’est alors que la porte s’ouvrit en grand : Il l’évita de peu en s’en écartant rapidement et alla claquer contre le mur à côté de Lui. La Voix d’Ank, en Lui, résonna :
Voilà les problèmes qui arrivent, Mistrophera. Je savais qu’il en aurait après Nous.
Il ne prit pas la peine de Lui répondre et Se jeta hors de la pièce, prêt à utiliser Ses pouvoirs. Mais le couloir était vide. Étrangement vide. Il y régnait un calme trop consistant pour être naturel, ce qui n’arrangea pas Son inquiétude. Il fit quelques pas, la moindre parcelle de son corps tendu à l’extrême.
Plic !
Il Se retourna, et ne vit que Ses trois acolytes qui n’osaient pas sortir du cagibi. Ils jetaient tour à tour des regards apeurés au dehors.
Ploc !
Encore ce bruit. Pourtant, il n’y avait personne, même si la porte ne s’était pas projetée toute seule contre Lui. Un mouvement attira son regard
Plic !
Une goutte tomba à ses pieds. Puis une autre. Et lorsqu’Il leva les yeux au plafond, il vit Stéphane avec un des néons qui lui traversait le ventre. Il le regardait avec des yeux vitreux, sans âme, sans vie.
Presque les mêmes yeux que Lui.
8 Interrogatoire.
Jacques Lainé s’assit et croisa les jambes et les bras, une position de défense tout à fait inconsciente. Il avait pourtant l’habitude des policiers, ce jeune caïd, mais il n’avait encore jamais été dans une salle d’interrogatoire. Lainé maudissait mentalement celui qui avait prévenu la police avant qu’Il n’ait pu S’occuper de cacher le corps. Jacques Lainé n’en était pas sûr, mais il se doutait qu’Il aurait trouvé une solution rapidement.
La police avait récupéré le cadavre ainsi que tous les jeunes gens se trouvant non loin du lieu du crime, pour les interroger, sans suspecter personne. Mais Lainé se doutait que leur implication dans le meurtre de Stéphane ne faisait que débuter : Ils étaient les mieux placés pour faire des suspects idéals.
« Monsieur Jacques Lainé, c’est bien ça ? demanda l’homme qui venait d’entrer et de poser son manteau au mur.
-Ouais. Je peux fumer ?
-Hors de question, répondit aimablement l’homme avec un sourire. Mais je voudrais que les choses soient claires : Vous n’êtes accusé de rien du tout, c’est simplement un recueil de témoignages, pas un interrogatoire.
-Pour moi, ça y ressemble, répondit Lainé en fixant le mur à la droite de l’homme.
-Des connaissances dans le milieu des interrogatoires ? » ironisa l’autre en s’asseyant. Il avait une cinquantaine d’années et semblait en avoir vu de toutes les couleurs. Il laissa un silence s’installer, puis se présenta enfin.
« Bon, je suis commissaire, on m’a fait venir de Lorraine pour ce petit pépin qui a causé la mort de ton camarade, j’ai quelques heures de route dans les dents, et toi quelques heures d’attente ici, alors nous pourrions en finir une bonne fois pour toutes, non ? »
Sa voix s’était quelque peu endurcie, et elle manifestait une impatience non feinte. Lainé regarda sa montre et calcula qu’il était déjà ici depuis plus de cinq heures. Il soupira.
« Mouais, allons-y alors, lâcha-t-il.
-Bien, reprit le commissaire. Que peux-tu me dire sur ce qui s’est passé, ou ce que tu as vu, quelques minutes avant que vous découvriez le corps, toi et tes amis ? »
Et Jacques Lainé lui expliqua ce qu’Il leur avait dit.
« Vous l’avez donc vu accroché là haut, et vous n’avez entendu ni cris, ni bruit de lutte, ni rien qui pourrait nous aider ?
-Non, monsieur le commissaire. » répondit Munoz. Il n’avait pas menti, pour le moment, bien qu’il savait pertinemment qu’il allait devoir le faire, selon Ses directives. Il se replaça sur sa chaise, mal à l’aise, et regarda le commissaire.
« Pourtant, il a fallu une force prodigieuse pour le faire grimper là-haut, et l’empaler sur le néon, non ? Ou alors, il fallait être plusieurs.
-Certainement, acquiesça Munoz.
-Ou bien être un surhomme, comme dans un film ou une Bande Dessinée.
-Ou dans l’imagination, oui ! » dit Munoz, puis il se reprit. Cette tirade n’était pas dans Son ‘script’, mais elle lui avait paru tellement naturelle qu’il l’avait dite avant même l’avoir pensée. Il se rogna la lèvre inférieure.
« Oui, dans l’imagination aussi. » Le commissaire griffonna quelques mots sur un carnet et le referma avant de le poser sur la table. Il se leva et fit quelques pas.
« Donc, vous discutiez tranquillement, et lorsque vous êtes sortis il était déjà là, suspendu et mort ?
-Tout à fait.
-Vous discutiez de quoi ? »
Munoz se concentra.
« De notre prochaine réunion, et qu’il faudrait avoir un autre local, parce que celui-ci n’était pas vraiment le fin du fin. »
Il espérait que les autres, Lainé et Blanchot, se souviendraient bien par cœur de tout, et que tout ceci n’irait pas plus loin que cet interrogatoire. Le commissaire s’assit à coté de lui, sur la table, et se pencha vers Munoz, calmement, lentement.
« Tu ne penses tout de même pas que je vais te croire ? »
« Mais c’est pourtant la vérité, monsieur le commissaire ! geignit Blanchot.
-C’est faux ! C’est un mensonge ! Le plus gros mensonge que tu aies proféré dans ta vie ! Et ce mensonge risque de te coûter cher, à toi et tes potes, alors que si tu me dis la vérité maintenant, je pourrai être clément !
-Il n’y a rien à dire d’autre ! »
Blanchot se mit la tête dans les mains et renifla bruyamment. Sa peur de la mise en scène du commissaire était sincère, et elle apportait un élan de sincérité, de véracité, à son récit. Le commissaire ne savait plus quoi penser. Il avait l’impression que quelque chose clochait, mais il n’arrivait pas à mettre la main dessus. Il renvoya Blanchot et resta quelques instants dans la pièce vide.
Les éléments correspondaient les uns aux autres : Les quatre élèves s’étaient retrouvés dans le local d’entretien du collège, et ils avaient discutés. Et à la fin de leur réunion, ils ont découvert le corps. Ils connaissaient la victime, qui faisait partie de leur groupe, mais sans plus le connaître que ça. Ils ont tous dit qu’il devait être à la cafétéria.
Leurs récits sonnaient juste, mais le commissaire se demandait comment tout ceci pouvait être possible : Comment quatre adolescents avaient pu être si près d’un meurtre sans rien voir, sans rien entendre ni sans y être impliqués. Il se mit à espérer que le dernier membre pourrait lui donner plus de renseignements.
« Désolé commissaire. » dit-Il finalement.
Le commissaire s’avoua vaincu. Il n’avait pas réussi à dénicher le moindre faux pas dans le déroulement de ces quelques heures avant, pendant et après l’heure du crime. Mais il était tenace, et il persévéra.
« Depuis combien de temps le connaissiez-Vous ? »
Le commissaire ne savait pas pourquoi exactement, mais il avait vouvoyé l’adolescent sans s’en rendre compte, et dès le départ. De plus, le comportement de Celui-ci le mettait mal à l’aise, sans qu’il sache pourquoi non plus. Il n’avait qu’une envie : mettre fin à cet entrevue, et rentrer chez lui pour dormir.
De Son coté, Il avait déniché dans les pensées et les souvenirs du commissaire diverses bricoles qui Lui étaient intéressantes, notamment à propos d’un des membres de Traumen. Il farfouillait ardemment dans l’esprit du commissaire, tout en répondant à ses questions d’un air innocent et nonchalant.
« Depuis très peu de temps, en fait. Quelques semaines, tout au plus. Comme Je vous L’ai déjà dit tout à l’heure, il est entré dans notre groupe mais nous ne le voyions que très peu.
-Je vois. Rien d’autre à me dire ? Un petit détail ? »
Le commissaire avait de plus en plus mal à la tête.
« Aucun détail, commissaire Thourn. »
Serge Thourn se leva, Le remercia et sortit de la pièce. Ce n’est qu’en route, dans sa voiture, qu’il se rendit compte qu’il ne se souvenait pas avoir révélé son nom au petit dernier. Mais il oublia bien vite cet incident, après un cachet d’aspirine et quelques heures de sommeil dans un hôtel du coin. Le lendemain, il abandonna l’affaire au profit des autorités locales, car il n’avait pas trouvé d’éléments assez ‘étranges’ pour s’y intéresser plus encore.
7 Annonce.
Il rentra chez Lui plus tard que d’ordinaire, mais comme personne n’était là pour le remarquer, ce chamboulement d’emploi du temps passa inaperçu. Sa mère était en cure pour dépression depuis sa crise d’épilepsie quelques mois auparavant, et Son père était de ce fait obligé de séjourner plus souvent chez lui. Il y passait un minimum de temps, et restait souvent enfermé dans son bureau, seul ou accompagné.
Mais Il S’en contrefichait, et Il Se rendit dans Sa chambre, sans pour autant oublier de Se préparer un goûter/dîner assez stupéfiant. Une fois Sa porte verrouillée, Il S’installa confortablement devant Son ordinateur et alluma l’écran. Son bureau dépouillé d’icônes apparut à Ses yeux, noir comme le jais. Se bataillaient quatre raccourcis : La Corbeille, le Poste de Travail, et deux pages Internet : Eltanin et Traumen.
Il entreprit de commencer Son repas par un sandwich.
Un son répercuté par Ses enceintes placées à six endroits différents de la pièce L’informa qu’Il avait un email. Il l’ouvrit. L’expéditeur était inconnu. Les quelques phrases écrites sur le billet virtuel étaient sans équivoques :
Nous sommes intéressés par votre don, et nous voudrions que vous entriez dans notre société afin d’accroître notre puissance. Notre force de frappe est de plus en plus robuste, et avec vous à nos cotés, nous serions assurés d’avoir allié précieux. Vous obtiendrez, après quelques tests qui ne poseront selon moi aucune difficulté, un poste important dans notre armée, et nos objectifs vous seront révélés si besoin est.
Vous avez certainement remarqué que nous sommes prêts à aller très loin pour vous avoir et, tout en considérant la disparition de votre ami comme n’étant pas une menace, nous ne désirons pas d’autres victimes innocentes.
Un refus serait une réponse très dérangeante.
Dans l’attente de votre réponse, veuillez agréer, monsieur, nos sentiments les plus distingués à votre égard.
Le Patron.
Il Se mit à rire d’une voix forte. Un rire à gorge déployée, qui s’entendit dans toute la maison. Un rire d’étonnement, mais aussi de jubilation. Il était désiré par une organisation. Et on avait tué pour Lui. Et Il trouvait ça à la fois fou et terriblement excitant.
« C’était donc lui, l’assassin de Stéphane. Lui ou ses hommes. »
Sans plus attendre, Il forma une conversation à trois avec deux de ses contacts les plus récents. Deux contacts de Traumen, qu’Il avait rapidement formés et entraînés à devenir des personnes qui existaient plus que les autres. Sa bande virtuelle, comme Il les appelait de temps en temps.
Il recopia Son email et l’envoya aux deux.
IL et Lord FireFly lui demandèrent alors ce qu’ils pouvaient faire pour Lui.
9 Rébellion.
La voix de Munoz s’éleva, dans le silence gêné ambiant.
« Nous en avons marre de Tes plans, de Tes ordres et de Tes actions complètement inutiles. Nous ne sommes plus comme avant, plus comme lorsque Lainé était notre Chef. Avec Toi, nous stagnons. Nous ne sommes plus aussi respectés que les années précédentes ! Nous avons tout perdu de notre crédibilité, et en très peu de temps ! C’est pourquoi nous avons décidé de nous séparer de Toi. »
Lainé et Blanchot jetèrent un regard hésitant à Munoz, qui restait debout et tremblait de rage et de peur contenue. Puis il expira bruyamment.
« Ça marchera jamais, dit Lainé en s’allumant une cigarette. Tu fais le malin, là, parce qu’il y a personne en face de toi, mais dès qu’Il sera là…
-Ouais, il a raison, ajouta Blanchot.
-Les gars, les gars ! C’est pas comme ça qu’on risque de s’en sortir, si on part battus ! Il faut avoir le courage de nos opinions ! »
Un silence éloquent lui répondit.
« Il nous réduira en miettes si on lui dit ne serait-ce que le tiers de ça, dit Lainé en soufflant sa fumée par le nez.
-Ouais, il a raison, commenta placidement Blanchot.
-Alors on a qu’à continuer comme ça, voilà tout ! » s’emporta Munoz. Il commença à marcher de long en large. « On baisse les yeux quand Il approche, on obéit comme des bons toutous, et on crèvera un jour ou l’autre à cause de Lui !
-Ouais, il a…
-On sait qu’il a raison, Blanchot ! cria Lainé. De toute façon, avec toi, tout le monde a raison ! Tu fais chier ! »
Blanchot fit ce qu’il savait faire de mieux : Il regarda ses pieds. Lainé s’alluma une autre cigarette, et fronça les sourcils. Munoz, lui, soupira longuement.
« Alors ? Qu’est-ce qu’on décide ? proposa-t-il finalement.
-Qu’est-ce qu’on décide pour quoi, Munoz ? »
La tension monta d’un cran, et Lainé en lâcha sa clope qui roula à ses pieds : Il venait d’entrer dans le local d’entretien où s’étaient réfugiés les trois complices pour un bref instant de repos. Ils évitèrent Son regard, mal à l’aise.
« Vous n’essayeriez pas de Me faire faux bond, par hasard ? »
L’air sembla s’épaissir, et Munoz chercha sa respiration. Il s’avança, et chacun d’eux eut un mouvement de recul instinctif, celui de la victime devant un prédateur invincible. Il les dévisagea tous un à un, lisant dans leurs esprits désordonnés et y découvrant des sentiments de rébellion inavoués.
Il leva les yeux au ciel. « Vous pensiez que Je ne devinerais pas ? C’est mal Me connaître. Je vous croyais plus… …intelligents. »
Il fronça les sourcils, soudainement perplexe.
« Où est Stéphane ? » demanda-t-il. Stéphane était le dernier à être entré dans la nouvelle bande, et il remplaçait sans mal Blanchot dans le rôle du plus incompétent de service. Mais il était fidèle, et Il lui avait trouvé un certain potentiel pour l’imaginaire. Ce qui Lui plaisait. Il répéta Sa question :
« Où est-il ?
-Il n’a pas voulu se joindre à nous pour cette… » Munoz hésita. « …réunion ?
-Il a préféré rester à la cafétéria, à gober ses bonbons. » cracha Lainé d’un air dédaigneux. Il n’aimait pas la nouvelle recrue et le montrait assez bien.
Les trois révolutionnaires matés sursautèrent lorsqu’Il fit demi-tour et posa une main sur la poignée de la porte pour repartir. Il n’avait pas peur d’une éventuelle révolte, Il n’avait pas besoin d’eux. Mais eux avaient peur de Lui, et ça facilitait grandement les choses. Il se contenta d’une menace verbale.
« La prochaine fois qu’il vous prend des idées de changement de cet ordre, Je vous prierais de les oublier illico presto, nous sommes bien d’accord ? »
Acquiescement des trois concernés. C’est alors que la porte s’ouvrit en grand : Il l’évita de peu en s’en écartant rapidement et alla claquer contre le mur à côté de Lui. La Voix d’Ank, en Lui, résonna :
Voilà les problèmes qui arrivent, Mistrophera. Je savais qu’il en aurait après Nous.
Il ne prit pas la peine de Lui répondre et Se jeta hors de la pièce, prêt à utiliser Ses pouvoirs. Mais le couloir était vide. Étrangement vide. Il y régnait un calme trop consistant pour être naturel, ce qui n’arrangea pas Son inquiétude. Il fit quelques pas, la moindre parcelle de son corps tendu à l’extrême.
Plic !
Il Se retourna, et ne vit que Ses trois acolytes qui n’osaient pas sortir du cagibi. Ils jetaient tour à tour des regards apeurés au dehors.
Ploc !
Encore ce bruit. Pourtant, il n’y avait personne, même si la porte ne s’était pas projetée toute seule contre Lui. Un mouvement attira son regard
Plic !
Une goutte tomba à ses pieds. Puis une autre. Et lorsqu’Il leva les yeux au plafond, il vit Stéphane avec un des néons qui lui traversait le ventre. Il le regardait avec des yeux vitreux, sans âme, sans vie.
Presque les mêmes yeux que Lui.
8 Interrogatoire.
Jacques Lainé s’assit et croisa les jambes et les bras, une position de défense tout à fait inconsciente. Il avait pourtant l’habitude des policiers, ce jeune caïd, mais il n’avait encore jamais été dans une salle d’interrogatoire. Lainé maudissait mentalement celui qui avait prévenu la police avant qu’Il n’ait pu S’occuper de cacher le corps. Jacques Lainé n’en était pas sûr, mais il se doutait qu’Il aurait trouvé une solution rapidement.
La police avait récupéré le cadavre ainsi que tous les jeunes gens se trouvant non loin du lieu du crime, pour les interroger, sans suspecter personne. Mais Lainé se doutait que leur implication dans le meurtre de Stéphane ne faisait que débuter : Ils étaient les mieux placés pour faire des suspects idéals.
« Monsieur Jacques Lainé, c’est bien ça ? demanda l’homme qui venait d’entrer et de poser son manteau au mur.
-Ouais. Je peux fumer ?
-Hors de question, répondit aimablement l’homme avec un sourire. Mais je voudrais que les choses soient claires : Vous n’êtes accusé de rien du tout, c’est simplement un recueil de témoignages, pas un interrogatoire.
-Pour moi, ça y ressemble, répondit Lainé en fixant le mur à la droite de l’homme.
-Des connaissances dans le milieu des interrogatoires ? » ironisa l’autre en s’asseyant. Il avait une cinquantaine d’années et semblait en avoir vu de toutes les couleurs. Il laissa un silence s’installer, puis se présenta enfin.
« Bon, je suis commissaire, on m’a fait venir de Lorraine pour ce petit pépin qui a causé la mort de ton camarade, j’ai quelques heures de route dans les dents, et toi quelques heures d’attente ici, alors nous pourrions en finir une bonne fois pour toutes, non ? »
Sa voix s’était quelque peu endurcie, et elle manifestait une impatience non feinte. Lainé regarda sa montre et calcula qu’il était déjà ici depuis plus de cinq heures. Il soupira.
« Mouais, allons-y alors, lâcha-t-il.
-Bien, reprit le commissaire. Que peux-tu me dire sur ce qui s’est passé, ou ce que tu as vu, quelques minutes avant que vous découvriez le corps, toi et tes amis ? »
Et Jacques Lainé lui expliqua ce qu’Il leur avait dit.
« Vous l’avez donc vu accroché là haut, et vous n’avez entendu ni cris, ni bruit de lutte, ni rien qui pourrait nous aider ?
-Non, monsieur le commissaire. » répondit Munoz. Il n’avait pas menti, pour le moment, bien qu’il savait pertinemment qu’il allait devoir le faire, selon Ses directives. Il se replaça sur sa chaise, mal à l’aise, et regarda le commissaire.
« Pourtant, il a fallu une force prodigieuse pour le faire grimper là-haut, et l’empaler sur le néon, non ? Ou alors, il fallait être plusieurs.
-Certainement, acquiesça Munoz.
-Ou bien être un surhomme, comme dans un film ou une Bande Dessinée.
-Ou dans l’imagination, oui ! » dit Munoz, puis il se reprit. Cette tirade n’était pas dans Son ‘script’, mais elle lui avait paru tellement naturelle qu’il l’avait dite avant même l’avoir pensée. Il se rogna la lèvre inférieure.
« Oui, dans l’imagination aussi. » Le commissaire griffonna quelques mots sur un carnet et le referma avant de le poser sur la table. Il se leva et fit quelques pas.
« Donc, vous discutiez tranquillement, et lorsque vous êtes sortis il était déjà là, suspendu et mort ?
-Tout à fait.
-Vous discutiez de quoi ? »
Munoz se concentra.
« De notre prochaine réunion, et qu’il faudrait avoir un autre local, parce que celui-ci n’était pas vraiment le fin du fin. »
Il espérait que les autres, Lainé et Blanchot, se souviendraient bien par cœur de tout, et que tout ceci n’irait pas plus loin que cet interrogatoire. Le commissaire s’assit à coté de lui, sur la table, et se pencha vers Munoz, calmement, lentement.
« Tu ne penses tout de même pas que je vais te croire ? »
« Mais c’est pourtant la vérité, monsieur le commissaire ! geignit Blanchot.
-C’est faux ! C’est un mensonge ! Le plus gros mensonge que tu aies proféré dans ta vie ! Et ce mensonge risque de te coûter cher, à toi et tes potes, alors que si tu me dis la vérité maintenant, je pourrai être clément !
-Il n’y a rien à dire d’autre ! »
Blanchot se mit la tête dans les mains et renifla bruyamment. Sa peur de la mise en scène du commissaire était sincère, et elle apportait un élan de sincérité, de véracité, à son récit. Le commissaire ne savait plus quoi penser. Il avait l’impression que quelque chose clochait, mais il n’arrivait pas à mettre la main dessus. Il renvoya Blanchot et resta quelques instants dans la pièce vide.
Les éléments correspondaient les uns aux autres : Les quatre élèves s’étaient retrouvés dans le local d’entretien du collège, et ils avaient discutés. Et à la fin de leur réunion, ils ont découvert le corps. Ils connaissaient la victime, qui faisait partie de leur groupe, mais sans plus le connaître que ça. Ils ont tous dit qu’il devait être à la cafétéria.
Leurs récits sonnaient juste, mais le commissaire se demandait comment tout ceci pouvait être possible : Comment quatre adolescents avaient pu être si près d’un meurtre sans rien voir, sans rien entendre ni sans y être impliqués. Il se mit à espérer que le dernier membre pourrait lui donner plus de renseignements.
« Désolé commissaire. » dit-Il finalement.
Le commissaire s’avoua vaincu. Il n’avait pas réussi à dénicher le moindre faux pas dans le déroulement de ces quelques heures avant, pendant et après l’heure du crime. Mais il était tenace, et il persévéra.
« Depuis combien de temps le connaissiez-Vous ? »
Le commissaire ne savait pas pourquoi exactement, mais il avait vouvoyé l’adolescent sans s’en rendre compte, et dès le départ. De plus, le comportement de Celui-ci le mettait mal à l’aise, sans qu’il sache pourquoi non plus. Il n’avait qu’une envie : mettre fin à cet entrevue, et rentrer chez lui pour dormir.
De Son coté, Il avait déniché dans les pensées et les souvenirs du commissaire diverses bricoles qui Lui étaient intéressantes, notamment à propos d’un des membres de Traumen. Il farfouillait ardemment dans l’esprit du commissaire, tout en répondant à ses questions d’un air innocent et nonchalant.
« Depuis très peu de temps, en fait. Quelques semaines, tout au plus. Comme Je vous L’ai déjà dit tout à l’heure, il est entré dans notre groupe mais nous ne le voyions que très peu.
-Je vois. Rien d’autre à me dire ? Un petit détail ? »
Le commissaire avait de plus en plus mal à la tête.
« Aucun détail, commissaire Thourn. »
Serge Thourn se leva, Le remercia et sortit de la pièce. Ce n’est qu’en route, dans sa voiture, qu’il se rendit compte qu’il ne se souvenait pas avoir révélé son nom au petit dernier. Mais il oublia bien vite cet incident, après un cachet d’aspirine et quelques heures de sommeil dans un hôtel du coin. Le lendemain, il abandonna l’affaire au profit des autorités locales, car il n’avait pas trouvé d’éléments assez ‘étranges’ pour s’y intéresser plus encore.
7 Annonce.
Il rentra chez Lui plus tard que d’ordinaire, mais comme personne n’était là pour le remarquer, ce chamboulement d’emploi du temps passa inaperçu. Sa mère était en cure pour dépression depuis sa crise d’épilepsie quelques mois auparavant, et Son père était de ce fait obligé de séjourner plus souvent chez lui. Il y passait un minimum de temps, et restait souvent enfermé dans son bureau, seul ou accompagné.
Mais Il S’en contrefichait, et Il Se rendit dans Sa chambre, sans pour autant oublier de Se préparer un goûter/dîner assez stupéfiant. Une fois Sa porte verrouillée, Il S’installa confortablement devant Son ordinateur et alluma l’écran. Son bureau dépouillé d’icônes apparut à Ses yeux, noir comme le jais. Se bataillaient quatre raccourcis : La Corbeille, le Poste de Travail, et deux pages Internet : Eltanin et Traumen.
Il entreprit de commencer Son repas par un sandwich.
Un son répercuté par Ses enceintes placées à six endroits différents de la pièce L’informa qu’Il avait un email. Il l’ouvrit. L’expéditeur était inconnu. Les quelques phrases écrites sur le billet virtuel étaient sans équivoques :
Nous sommes intéressés par votre don, et nous voudrions que vous entriez dans notre société afin d’accroître notre puissance. Notre force de frappe est de plus en plus robuste, et avec vous à nos cotés, nous serions assurés d’avoir allié précieux. Vous obtiendrez, après quelques tests qui ne poseront selon moi aucune difficulté, un poste important dans notre armée, et nos objectifs vous seront révélés si besoin est.
Vous avez certainement remarqué que nous sommes prêts à aller très loin pour vous avoir et, tout en considérant la disparition de votre ami comme n’étant pas une menace, nous ne désirons pas d’autres victimes innocentes.
Un refus serait une réponse très dérangeante.
Dans l’attente de votre réponse, veuillez agréer, monsieur, nos sentiments les plus distingués à votre égard.
Le Patron.
Il Se mit à rire d’une voix forte. Un rire à gorge déployée, qui s’entendit dans toute la maison. Un rire d’étonnement, mais aussi de jubilation. Il était désiré par une organisation. Et on avait tué pour Lui. Et Il trouvait ça à la fois fou et terriblement excitant.
« C’était donc lui, l’assassin de Stéphane. Lui ou ses hommes. »
Sans plus attendre, Il forma une conversation à trois avec deux de ses contacts les plus récents. Deux contacts de Traumen, qu’Il avait rapidement formés et entraînés à devenir des personnes qui existaient plus que les autres. Sa bande virtuelle, comme Il les appelait de temps en temps.
Il recopia Son email et l’envoya aux deux.
IL et Lord FireFly lui demandèrent alors ce qu’ils pouvaient faire pour Lui.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
6 Réponse.
L’agent se présenta au bureau de son supérieur et lui chuchota quelques mots à l’oreille. Le responsable blêmit et renvoya l’agent d’un signe de tête, qui s’en alla sans demander son reste. Il le regarda partir, l’enviant de n’avoir pas autant de grade que lui, puis reprit son téléphone où il parla d’une voix tremblotante.
« Je dois te laisser, j’ai un coup de fil urgent à passer. »
Il raccrocha et composa le 0. La sonnerie retentit une seule et unique fois, et le Patron répondit sans plus attendre.
« Qu’y a-t-il, agent Dionysos ? »
L’agent supérieur Dionysos ferma les yeux : Il avait en horreur de parler au Patron, car le simple fait d’entendre sa voix le rendait malade à vomir. Il sentit même, après ces quelques mots, les prémices d’une migraine.
« Je viens d’avoir le rapport des deux hommes envoyés au contact de Mistrophera, comme vous l’aviez ordonné, suite à son absence de réponse à votre email.
-Qu’en est-il, alors ? »
C’est là que ça se corse, pensa l’agent Dionysos.
« Et bien, il a manifestement donné sa réponse : Les deux agents sont morts. »
Le silence qui s’en suivit fut plus effroyable encore que la pire des colères. L’agent Dionysos sentit d’ici les ondes de fureur jaillir du combiné, et il s’en écarta. Ses tempes battaient déjà de douleur.
« Envoyez-lui un autre mail. Nous viendrons le chercher, où qu’il se trouve, dans une semaine. Quelles que soient les personnes qui seront avec lui à ce moment là, elles en souffriront. Il nous le faut.
-T… Très bien, Patron. »
La tonalité lui répondit, et l’agent Dionysos se sentit immédiatement beaucoup mieux. Il nota sur un morceau de papier la teneur du message à envoyer, et ouvrit son tiroir pour gober deux cachets d’aspirine.
Mieux vaut prévenir que guérir.
5 Déménagement.
Le camion de déménagement repartit et le chauffeur adressa un signe de main à l’adolescent qui les avait reçu. Celui-ci ne prit même pas la peine de répondre. Le chauffeur baissa la main et accéléra. Il avait trouvé étrange, à son arrivée, qu’un si jeune garçon, qui ne devait avoir qu’une quinzaine d’années, se retrouve à habiter seul dans une maison de campagne aussi isolée. Mais son métier n’impliquait pas de poser des questions, et il oublia rapidement la maison, le déménagement de tout ce matériel hi-fi et informatique, les frigos et autres congélateurs ainsi que le sourire malsain du commanditaire.
Une fois le camion éloigné, Il rentra chez lui et entreprit de tout ranger. Pour ce faire, il s’installa dans un fauteuil du salon et ferma les yeux. Puis il se concentra et les cartons commencèrent à remuer de leur propre chef. Une fois le mouvement lancé, Il n’eut plus qu’à attendre en réfléchissant.
Le deuxième mail du Patron avait été bien clair, et Il avait dû prendre des mesures qu’Il n’avait pas prévu. Mais le déménagement dans la maison de campagne de Son père avait également ses avantages, en plus d’éviter à Son paternel une mort atroce et ainsi Le coincer pour deux ans dans une famille d’accueil : Il avait pour un temps la liberté.
Il tourna la tête à Sa gauche et regarda les champs qui s’étendaient à perte de vue. Ici, Il serait tranquille. Ici, Son père ne risquait rien. Le Patron s’attaquerait à Lui dans ces lieux, pas dans Sa première demeure. Il avait faire venir l’intégralité de sa chambre et l’installation se faisait toute seule, pour le moment. La ligne téléphonique avait été créée en un rien de temps, et Il pourrait accéder au Net dans la soirée, si tout se passait bien.
Et tout se passera bien.
L’échéance tombait dans trois jours, et à ce moment là, Il serait prêt. Il s’était renseigné sur l’organisation de ce Patron, et n’avait pas trouvé grand-chose. Les questions posées à ses sbires étaient restées sans réponses, et Il soupçonnait que sa société était bien plus grande qu’il ne le laissait déjà entrapercevoir. Et Ank Lui en avait parlé.
Je suppose qu’il s’agit d’une agence dont l’étendu des pouvoirs est infinie, ou presque. Un allié de choix et un ennemi dangereux, même pour Nous. Mais si Nous Nous débrouillons bien, il ne devrait pas Nous poser trop de problèmes et au final, il Nous deviendrait même utile pour poursuivre Notre plan, vois-Tu ?
« Je Te fais entièrement confiance. » répondit-Il.
Comme toujours.
4 Force.
La nuit était tombée depuis peu lorsque les hélicoptères débarquèrent. Une petite armée composée d’une vingtaine de ces engins, en plus des commandos terrestres et autres véhicules bondés d’hommes, surgirent en masse des alentours et se regroupèrent en cercle autour de la petite maison de campagne.
L’agent Rhoécos faisait parti du lot, et était même l’un des membres les plus forts de ces centaines d’hommes ‘normaux’. Le Patron lui avait bien recommandé de n’utiliser ses pouvoirs qu’en dernière ressource, et il ne comptait pas lui désobéir. Les sergents des troupes s’alignèrent face à lui.
« Nous sommes parés à l’attaque, agent Rhoécos.
-Envoyez deux unités. Si ça ne suffit pas, envoyez la totalité de vos hommes en même temps. Et n’oubliez pas, il nous le faut en vie.
-Agent Rhoécos ! s’avança un des militaires.
-Quoi ?
-Cet homme est seul, n’est-ce pas ? »
L’agent Rhoécos maudit ces hommes inexpérimentés qui ignoraient complètement contre quoi ils se battaient directement, et faisaient plus confiance à la force pure qu’aux capacités spéciales que certains hommes possédaient. Mais ces hommes étaient néanmoins utiles dans certaines occasions. Comme maintenant.
« Exactement, mais il est dangereux, et deux unités pour commencer, je crains déjà que ça ne soit du gâchis. S’il n’y avait que moi, j’enverrais nos douze bataillons en même temps. Sur ce, sergent, exécution !
-À vos ordres ! » répondirent en chœur les hommes avant de s’éloigner au pas de course. L’agent Rhoécos les regarda partir, puis porta les jumelles à ses yeux. Il trouva les deux escouades d’une trentaine d’hommes qui avançaient prudemment vers la maison, et trouva l’image aussi incongrue qu’inquiétante.
Si le Patron lui avait donné tant de force de frappe, c’est qu’il y avait une raison, et l’agent Rhoécos craignait que cette mission ne se passe pas aussi bien que ce qu’il espérait. Il regarda les militaires enfoncer la porte et en compta six qui entraient.
Les cons. Tous en même temps, et encore, pour avoir une chance.
Des coups de feu, des hurlements, et la cinquantaine de militaires restant en retrait entrèrent à leur tour. Encore des cris. De la douleur. L’agent Rhoécos était à des centaines de mètres de la maison, mais il entendait tout. Il déglutit.
« Cet homme… »
Il s’arrêta de lui-même en voyant des morceaux de membres voler par la porte d’entrée, puis deux hommes en sortir. Ils n’étaient nullement essoufflés et semblaient normaux, mais l’agent Rhoécos sentait dans son for intérieur qu’ils n’avaient rien d’humain. L’un d’eux s’avança et hurla d’une voix anormalement forte :
« La prochaine livraison, je veux des femmes ! Vous m’entendez ? Des femmes !!
-Calme-toi, IL, dit Lord FireFly. Je ne crois pas qu’ils soient là pour assouvir nos fantasmes : Ni les miens, ni les tiens.
-M’en fous ! Les hommes, c’est MAL ! »
L’agent Rhoécos baissa ses jumelles et lança le reste de ses hommes.
3 Doute.
Assit sur son siège, tel un président de multinationale, le Patron examinait les comptes rendus de toutes les filiales qu’il possédait de part le monde. De part les mondes, même. Mais ce qui le préoccupait vraiment, c’était ce qui se déroulait à la maison de campagne de Mistrophera. Il avait longuement hésité à attaquer également la demeure familiale afin de liquider son père, mais au dernier moment, il avait annulé ce second ordre, sans savoir exactement pourquoi.
Et depuis, il attendait les rapports de mission, un coup de téléphone ou autre. Il restait en liaison quasi-constante avec l’agent Rhoécos, le maître sur le terrain, mais depuis peu il n’arrivait pas à entrer en communication avec lui. Et le Patron avait un mauvais pressentiment, le même qu’il avait eu quelques années auparavant avec feu l’agent Hadès.
Le but de son organisation était d’amasser le plus de surhumains que possible : Des humains possédant des capacités spécifiques plus ou moins utiles, des mutants, des monstres même, et bien d’autres créatures qui pouvaient servir à ses desseins. Et seulement deux avaient réussi à vraiment lui résister : L’agent Hadès, et maintenant Mistrophera.
L’agent Hadès avait eu énormément de mal à accepter l’idée de travailler pour quelqu’un, et dès qu’il en avait eu l’occasion, il s’en était sorti, à la faveur d’une mission particulièrement mouvementée. Et il lui avait échappé. Le Patron avait toujours tenté, depuis, de le récupérer, mais il n’avait jamais réellement réussi à le posséder autant qu’à cette époque. Dorénavant, il travaillait en collaboration avec, si le Patron avait besoin de lui.
Mais avec ce Mistrophera, c’était autre chose…
« Et pour cause : Avec Moi, vous avez perdu, pour la première fois. »
Le Patron se retourna et Le vit, adossé à l’immense baie vitrée, et il devina Son sourire satisfait. Il avait été berné depuis le départ, et il s’était fait avoir comme un bleu, pour la première fois de son existence. Le Patron se leva.
« Évitez les gestes brusques, j’ai la gâchette sensible. »
Le Patron baissa les yeux sur l’index tendu qu’Il pointait sur lui. Puis, connaissant le personnage, il s’assit sans un mot. Il Le regarda S’avancer vers lui, fait le tour de son bureau et S’asseoir sur le fauteuil réservé au peu d’invités qui pénétraient dans le bureau du Patron. Il croisa les mains et prit un air soucieux.
« Heureusement que J’étais déjà là lorsque vous vouliez lancer l’attaque contre Mon père, sinon J’aurais été obligé de vous destituer d’une manière plus violente.
-Que voulez-vous exactement de moi ? »
Le Patron avait employé sa voix la plus dure et la plus puissante, dans l’espoir de le faire vaciller ne serait-ce qu’un instant et prendre ainsi le dessus, mais son invité ne manifesta aucune gène à l’écoute de sa voix, contrairement au quidam moyen qui aurait sentit sa cervelle voler en éclat à la première syllabe.
« Si vous l’acceptez, il y aura peu de changement : Je deviendrai simplement votre supérieur et prendrai la tête de votre organisation. Si vous refusez Mon offre, je prendrai simplement votre place.
-Et moi ? demanda le Patron.
-À votre avis ? »
Et le Patron courba l’échine et se leva de son siège.
2 Un début de domination.
Lord FireFly leva la main et banda ses muscles. La petite semaine d’entraînement intensif avec Lui avait porté ses fruits, ce soir. IL et lui avaient décuplé leurs pouvoirs en un rien de temps, et Lord FireFly regrettait que Radamenthe n’ait pas pu être de la partie. Il se serait certainement amusé autant qu’eux.
IL rentra dans le couloir de la maison.
« Je suis dégoûté. Pas une seule femme dans tout ce bordel d’attaquants. Dégoûté.
-Qu’est-ce que tu aurais fait, de toute façon, vu que Ses ordres étaient bien clairs : pas un seul survivant.
-Je l’aurais déshabillé, au moins ? répondit-IL en gloussant béatement.
-Tu es désespérant, tu sais ?
-Je sais, je sais. »
Soudainement, sans prévenir, Sa voix résonna dans leur têtes : Tout s’est bien déroulé, messieurs ? Aucune anicroche ?
« Aucune, répondit Lord FireFly, la main toujours levée. Tout s’est extrêmement bien passé. Nous les avons éliminés très facilement, même. »
Parfait. De mon coté, tout est réglé également. Et nous avons maintenant renforcé notre puissance de quelques centaines de milliers d’hommes. Il ne reste qu’à trier ceux qui sont les plus intéressants, dans le lot.
« Oui, il faudra certainement en éliminer plus d’un, je pense. » dit Lord FireFly en baissant les yeux.
Nous les testerons tous un à un. Ceux qui ne conviennent pas seront renvoyés.
« Renvoyés, oui. »
La communication se coupa, et Lord FireFly sentit qu’on lui tirait la manche. IL lui indiqua la sortie d’un coup de tête.
« Mieux vaut éviter de faire plus de dégâts dans Sa maison, alors autant en finir dehors, n’est-ce pas ?
-Tu as raison. »
Lord FireFly baissa la main et traîna le dernier survivant dehors. Il le souleva d’une main et posa l’autre dans le creux de son cou. Un sourire de dément s’étira sur ses lèvres, tandis que l’agent Rhoécos reprenait conscience et le regardait, hébété.
« Désolé, mais tu es renvoyé. »
1 Futur.
Assit sur Son nouveau siège, tel un président de multinationale, Il examinait les comptes rendus de plusieurs années d’éléments prometteurs, de militaires décorés et autres agents hauts placés de part le monde. De part les mondes, même. Mais ce qui Le préoccupait réellement, c’était ce qui se déroulait sur Traumen. Il avait longuement hésité, une fois les rênes de cette nouvelle puissance obtenues, à laisser tomber les membres intéressants de Traumen et Se concentrer sur cette armée de surhommes qu’Il possédait maintenant.
Mais Lui et Ank avaient déjà leur plan, et ce qu’il Leur manquait était un élément déclencheur pour lancer une attaque dans les règles. Une fois qu’Il possèderait la plupart des Trauméniens dans son camp, de gré ou de force, Il pourrait enfin satisfaire sa vengeance envers le Monde.
Il ouvrit un classeur et en sortit des feuillets qui contenaient des informations sur la plupart des mondes existants, autour de la Terre. Il rectifia à haute voix Sa pensée :
« Ma vengeance sur les mondes. »
Au plus profond de Lui, Ank ricana.
L’agent se présenta au bureau de son supérieur et lui chuchota quelques mots à l’oreille. Le responsable blêmit et renvoya l’agent d’un signe de tête, qui s’en alla sans demander son reste. Il le regarda partir, l’enviant de n’avoir pas autant de grade que lui, puis reprit son téléphone où il parla d’une voix tremblotante.
« Je dois te laisser, j’ai un coup de fil urgent à passer. »
Il raccrocha et composa le 0. La sonnerie retentit une seule et unique fois, et le Patron répondit sans plus attendre.
« Qu’y a-t-il, agent Dionysos ? »
L’agent supérieur Dionysos ferma les yeux : Il avait en horreur de parler au Patron, car le simple fait d’entendre sa voix le rendait malade à vomir. Il sentit même, après ces quelques mots, les prémices d’une migraine.
« Je viens d’avoir le rapport des deux hommes envoyés au contact de Mistrophera, comme vous l’aviez ordonné, suite à son absence de réponse à votre email.
-Qu’en est-il, alors ? »
C’est là que ça se corse, pensa l’agent Dionysos.
« Et bien, il a manifestement donné sa réponse : Les deux agents sont morts. »
Le silence qui s’en suivit fut plus effroyable encore que la pire des colères. L’agent Dionysos sentit d’ici les ondes de fureur jaillir du combiné, et il s’en écarta. Ses tempes battaient déjà de douleur.
« Envoyez-lui un autre mail. Nous viendrons le chercher, où qu’il se trouve, dans une semaine. Quelles que soient les personnes qui seront avec lui à ce moment là, elles en souffriront. Il nous le faut.
-T… Très bien, Patron. »
La tonalité lui répondit, et l’agent Dionysos se sentit immédiatement beaucoup mieux. Il nota sur un morceau de papier la teneur du message à envoyer, et ouvrit son tiroir pour gober deux cachets d’aspirine.
Mieux vaut prévenir que guérir.
5 Déménagement.
Le camion de déménagement repartit et le chauffeur adressa un signe de main à l’adolescent qui les avait reçu. Celui-ci ne prit même pas la peine de répondre. Le chauffeur baissa la main et accéléra. Il avait trouvé étrange, à son arrivée, qu’un si jeune garçon, qui ne devait avoir qu’une quinzaine d’années, se retrouve à habiter seul dans une maison de campagne aussi isolée. Mais son métier n’impliquait pas de poser des questions, et il oublia rapidement la maison, le déménagement de tout ce matériel hi-fi et informatique, les frigos et autres congélateurs ainsi que le sourire malsain du commanditaire.
Une fois le camion éloigné, Il rentra chez lui et entreprit de tout ranger. Pour ce faire, il s’installa dans un fauteuil du salon et ferma les yeux. Puis il se concentra et les cartons commencèrent à remuer de leur propre chef. Une fois le mouvement lancé, Il n’eut plus qu’à attendre en réfléchissant.
Le deuxième mail du Patron avait été bien clair, et Il avait dû prendre des mesures qu’Il n’avait pas prévu. Mais le déménagement dans la maison de campagne de Son père avait également ses avantages, en plus d’éviter à Son paternel une mort atroce et ainsi Le coincer pour deux ans dans une famille d’accueil : Il avait pour un temps la liberté.
Il tourna la tête à Sa gauche et regarda les champs qui s’étendaient à perte de vue. Ici, Il serait tranquille. Ici, Son père ne risquait rien. Le Patron s’attaquerait à Lui dans ces lieux, pas dans Sa première demeure. Il avait faire venir l’intégralité de sa chambre et l’installation se faisait toute seule, pour le moment. La ligne téléphonique avait été créée en un rien de temps, et Il pourrait accéder au Net dans la soirée, si tout se passait bien.
Et tout se passera bien.
L’échéance tombait dans trois jours, et à ce moment là, Il serait prêt. Il s’était renseigné sur l’organisation de ce Patron, et n’avait pas trouvé grand-chose. Les questions posées à ses sbires étaient restées sans réponses, et Il soupçonnait que sa société était bien plus grande qu’il ne le laissait déjà entrapercevoir. Et Ank Lui en avait parlé.
Je suppose qu’il s’agit d’une agence dont l’étendu des pouvoirs est infinie, ou presque. Un allié de choix et un ennemi dangereux, même pour Nous. Mais si Nous Nous débrouillons bien, il ne devrait pas Nous poser trop de problèmes et au final, il Nous deviendrait même utile pour poursuivre Notre plan, vois-Tu ?
« Je Te fais entièrement confiance. » répondit-Il.
Comme toujours.
4 Force.
La nuit était tombée depuis peu lorsque les hélicoptères débarquèrent. Une petite armée composée d’une vingtaine de ces engins, en plus des commandos terrestres et autres véhicules bondés d’hommes, surgirent en masse des alentours et se regroupèrent en cercle autour de la petite maison de campagne.
L’agent Rhoécos faisait parti du lot, et était même l’un des membres les plus forts de ces centaines d’hommes ‘normaux’. Le Patron lui avait bien recommandé de n’utiliser ses pouvoirs qu’en dernière ressource, et il ne comptait pas lui désobéir. Les sergents des troupes s’alignèrent face à lui.
« Nous sommes parés à l’attaque, agent Rhoécos.
-Envoyez deux unités. Si ça ne suffit pas, envoyez la totalité de vos hommes en même temps. Et n’oubliez pas, il nous le faut en vie.
-Agent Rhoécos ! s’avança un des militaires.
-Quoi ?
-Cet homme est seul, n’est-ce pas ? »
L’agent Rhoécos maudit ces hommes inexpérimentés qui ignoraient complètement contre quoi ils se battaient directement, et faisaient plus confiance à la force pure qu’aux capacités spéciales que certains hommes possédaient. Mais ces hommes étaient néanmoins utiles dans certaines occasions. Comme maintenant.
« Exactement, mais il est dangereux, et deux unités pour commencer, je crains déjà que ça ne soit du gâchis. S’il n’y avait que moi, j’enverrais nos douze bataillons en même temps. Sur ce, sergent, exécution !
-À vos ordres ! » répondirent en chœur les hommes avant de s’éloigner au pas de course. L’agent Rhoécos les regarda partir, puis porta les jumelles à ses yeux. Il trouva les deux escouades d’une trentaine d’hommes qui avançaient prudemment vers la maison, et trouva l’image aussi incongrue qu’inquiétante.
Si le Patron lui avait donné tant de force de frappe, c’est qu’il y avait une raison, et l’agent Rhoécos craignait que cette mission ne se passe pas aussi bien que ce qu’il espérait. Il regarda les militaires enfoncer la porte et en compta six qui entraient.
Les cons. Tous en même temps, et encore, pour avoir une chance.
Des coups de feu, des hurlements, et la cinquantaine de militaires restant en retrait entrèrent à leur tour. Encore des cris. De la douleur. L’agent Rhoécos était à des centaines de mètres de la maison, mais il entendait tout. Il déglutit.
« Cet homme… »
Il s’arrêta de lui-même en voyant des morceaux de membres voler par la porte d’entrée, puis deux hommes en sortir. Ils n’étaient nullement essoufflés et semblaient normaux, mais l’agent Rhoécos sentait dans son for intérieur qu’ils n’avaient rien d’humain. L’un d’eux s’avança et hurla d’une voix anormalement forte :
« La prochaine livraison, je veux des femmes ! Vous m’entendez ? Des femmes !!
-Calme-toi, IL, dit Lord FireFly. Je ne crois pas qu’ils soient là pour assouvir nos fantasmes : Ni les miens, ni les tiens.
-M’en fous ! Les hommes, c’est MAL ! »
L’agent Rhoécos baissa ses jumelles et lança le reste de ses hommes.
3 Doute.
Assit sur son siège, tel un président de multinationale, le Patron examinait les comptes rendus de toutes les filiales qu’il possédait de part le monde. De part les mondes, même. Mais ce qui le préoccupait vraiment, c’était ce qui se déroulait à la maison de campagne de Mistrophera. Il avait longuement hésité à attaquer également la demeure familiale afin de liquider son père, mais au dernier moment, il avait annulé ce second ordre, sans savoir exactement pourquoi.
Et depuis, il attendait les rapports de mission, un coup de téléphone ou autre. Il restait en liaison quasi-constante avec l’agent Rhoécos, le maître sur le terrain, mais depuis peu il n’arrivait pas à entrer en communication avec lui. Et le Patron avait un mauvais pressentiment, le même qu’il avait eu quelques années auparavant avec feu l’agent Hadès.
Le but de son organisation était d’amasser le plus de surhumains que possible : Des humains possédant des capacités spécifiques plus ou moins utiles, des mutants, des monstres même, et bien d’autres créatures qui pouvaient servir à ses desseins. Et seulement deux avaient réussi à vraiment lui résister : L’agent Hadès, et maintenant Mistrophera.
L’agent Hadès avait eu énormément de mal à accepter l’idée de travailler pour quelqu’un, et dès qu’il en avait eu l’occasion, il s’en était sorti, à la faveur d’une mission particulièrement mouvementée. Et il lui avait échappé. Le Patron avait toujours tenté, depuis, de le récupérer, mais il n’avait jamais réellement réussi à le posséder autant qu’à cette époque. Dorénavant, il travaillait en collaboration avec, si le Patron avait besoin de lui.
Mais avec ce Mistrophera, c’était autre chose…
« Et pour cause : Avec Moi, vous avez perdu, pour la première fois. »
Le Patron se retourna et Le vit, adossé à l’immense baie vitrée, et il devina Son sourire satisfait. Il avait été berné depuis le départ, et il s’était fait avoir comme un bleu, pour la première fois de son existence. Le Patron se leva.
« Évitez les gestes brusques, j’ai la gâchette sensible. »
Le Patron baissa les yeux sur l’index tendu qu’Il pointait sur lui. Puis, connaissant le personnage, il s’assit sans un mot. Il Le regarda S’avancer vers lui, fait le tour de son bureau et S’asseoir sur le fauteuil réservé au peu d’invités qui pénétraient dans le bureau du Patron. Il croisa les mains et prit un air soucieux.
« Heureusement que J’étais déjà là lorsque vous vouliez lancer l’attaque contre Mon père, sinon J’aurais été obligé de vous destituer d’une manière plus violente.
-Que voulez-vous exactement de moi ? »
Le Patron avait employé sa voix la plus dure et la plus puissante, dans l’espoir de le faire vaciller ne serait-ce qu’un instant et prendre ainsi le dessus, mais son invité ne manifesta aucune gène à l’écoute de sa voix, contrairement au quidam moyen qui aurait sentit sa cervelle voler en éclat à la première syllabe.
« Si vous l’acceptez, il y aura peu de changement : Je deviendrai simplement votre supérieur et prendrai la tête de votre organisation. Si vous refusez Mon offre, je prendrai simplement votre place.
-Et moi ? demanda le Patron.
-À votre avis ? »
Et le Patron courba l’échine et se leva de son siège.
2 Un début de domination.
Lord FireFly leva la main et banda ses muscles. La petite semaine d’entraînement intensif avec Lui avait porté ses fruits, ce soir. IL et lui avaient décuplé leurs pouvoirs en un rien de temps, et Lord FireFly regrettait que Radamenthe n’ait pas pu être de la partie. Il se serait certainement amusé autant qu’eux.
IL rentra dans le couloir de la maison.
« Je suis dégoûté. Pas une seule femme dans tout ce bordel d’attaquants. Dégoûté.
-Qu’est-ce que tu aurais fait, de toute façon, vu que Ses ordres étaient bien clairs : pas un seul survivant.
-Je l’aurais déshabillé, au moins ? répondit-IL en gloussant béatement.
-Tu es désespérant, tu sais ?
-Je sais, je sais. »
Soudainement, sans prévenir, Sa voix résonna dans leur têtes : Tout s’est bien déroulé, messieurs ? Aucune anicroche ?
« Aucune, répondit Lord FireFly, la main toujours levée. Tout s’est extrêmement bien passé. Nous les avons éliminés très facilement, même. »
Parfait. De mon coté, tout est réglé également. Et nous avons maintenant renforcé notre puissance de quelques centaines de milliers d’hommes. Il ne reste qu’à trier ceux qui sont les plus intéressants, dans le lot.
« Oui, il faudra certainement en éliminer plus d’un, je pense. » dit Lord FireFly en baissant les yeux.
Nous les testerons tous un à un. Ceux qui ne conviennent pas seront renvoyés.
« Renvoyés, oui. »
La communication se coupa, et Lord FireFly sentit qu’on lui tirait la manche. IL lui indiqua la sortie d’un coup de tête.
« Mieux vaut éviter de faire plus de dégâts dans Sa maison, alors autant en finir dehors, n’est-ce pas ?
-Tu as raison. »
Lord FireFly baissa la main et traîna le dernier survivant dehors. Il le souleva d’une main et posa l’autre dans le creux de son cou. Un sourire de dément s’étira sur ses lèvres, tandis que l’agent Rhoécos reprenait conscience et le regardait, hébété.
« Désolé, mais tu es renvoyé. »
1 Futur.
Assit sur Son nouveau siège, tel un président de multinationale, Il examinait les comptes rendus de plusieurs années d’éléments prometteurs, de militaires décorés et autres agents hauts placés de part le monde. De part les mondes, même. Mais ce qui Le préoccupait réellement, c’était ce qui se déroulait sur Traumen. Il avait longuement hésité, une fois les rênes de cette nouvelle puissance obtenues, à laisser tomber les membres intéressants de Traumen et Se concentrer sur cette armée de surhommes qu’Il possédait maintenant.
Mais Lui et Ank avaient déjà leur plan, et ce qu’il Leur manquait était un élément déclencheur pour lancer une attaque dans les règles. Une fois qu’Il possèderait la plupart des Trauméniens dans son camp, de gré ou de force, Il pourrait enfin satisfaire sa vengeance envers le Monde.
Il ouvrit un classeur et en sortit des feuillets qui contenaient des informations sur la plupart des mondes existants, autour de la Terre. Il rectifia à haute voix Sa pensée :
« Ma vengeance sur les mondes. »
Au plus profond de Lui, Ank ricana.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
2. …heur.
14 Coup de téléphone.
« Séphy-Roshou est décédée. » dit la voix à l’autre bout du fil. De retour dans Sa maison de campagne, Il reconnut immédiatement la voix d’un de ses nouveaux petits protégés. Il Se leva et, téléphone à l’oreille, écouta patiemment l’homme raconter ce qu’il savait sur le décès d’une des emblèmes de Traumen.
« Est-ce le moment que nous attendions ?
-Je pense, oui, répondit-Il. Je pense que c’est exactement ce qu’il Me fallait pour mettre en route ma petite mascarade. Continue sur cette voie, et reste avec eux. Je t’enverrai du renfort en fonction de leur décision. »
Une fois le téléphone raccroché, Il descendit de Sa chambre et sortit de la maison pour une petite promenade nocturne. Il était dans un état d’excitation intense, car le moment qu’Il attendait depuis des mois arrivait enfin. Séphy-Roshou était morte, pour une raison encore inconnue, mais qu’Il ne tarderait pas à découvrir.
Son pouvoir grésillait dans Son corps, et quiconque l’aurait vu déambuler dans ces chemins de campagne aurait cru apercevoir un fantôme, tant Il irradiait de lumière. Heureusement pour Lui et Sa discrétion, personne ne s’aventurait en pleine nuit à la campagne, car tout le monde se levait tôt.
Le lendemain, certains des agriculteurs découvrirent avec stupéfaction des parcelles de leurs champs qui avaient brûlées, comme si on avait tracé un chemin avec une boule de feu de taille humaine.
13 Fury.
Fury avait les yeux grands ouverts dans son lit.
La voix du lutin ne l’avait pas lâché depuis la fin de la conversation du restaurant avec Mr.Magnum et les autres, et il ne s’était pas retenu de lui seriner sans fin les mêmes âneries :
Elle est morte ! Tu t’en rappelles, hein ? Morte. Tu n’oublieras pas, ne t’en fais pas, je serai là tous les jours, toutes les heures pour te le dire, te le rappeler : morte. Froide. Un cadavre. Tu te souviens comme elle était froide quand tu l’as frôlé ? Son cœur aussi était ainsi, froid, mort, ce cœur qui t’a aimé, qui a battu pour toi.
Fury ne luttait plus contre la voix. Elle l’envahissait, ne résonnant plus simplement à ses oreilles, mais dans sa tête, dans son être, dans son âme toute entière. Le lutin
Morte.
qu’il imaginait dansait sur sa cervelle comme on piétine un tas de fourmis. Et il piétinait effectivement toute pensée rationnelle avec ses
Froide.
pensées horribles et pénétrantes. Le pire, songeait Fury, c’est que ce petit démon avait raison, et c’était là le plus difficile à avaler : il avait raison de A à Z. Séphy-Roshou, la femme qu’il aimait depuis longtemps était morte et enterrée.
La voix changea alors soudainement de forme, et son ton, plus dur et ferme, devint subitement très éloigné du lutin excentrique incarné tout d’abord. Elle faisait maintenant plus songer à une sorte d’ombre noire, une ombre dominatrice et puissante, à la voix enjôleuse mais néfaste, pouvant provoquer la folie à long terme.
Et Fury commença à écouter cette nouvelle voix.
« Magnum a peut-être la bonne solution. Les Trauméniens ont accepté, et ils vont t’aider à la retrouver. Pars avec la première expédition, avec Mr.Magnum pour ne pas qu’il fasse de bêtises avec ta belle une fois retrouvée. Reste avec lui et toute la troupe. Et avec de la chance et de la volonté, tu la retrouveras. »
Le lit grinça, et Fury laissa échapper un petit cri de surprise. Il avait somnolé, et imaginé qu’une voix, une voix noire mais apaisante, lui avait parlé de se joindre à Mr.Magnum lorsqu’ils organiseraient le premier départ. Mais avait-il rêvé ? Avait-il vraiment entendu cette voix ? Il se tourna sur le côté, et tenta de se rendormir.
La nuit porte conseil, songea-t-il.
Il termina son verre de soda et le reposa sur Son bureau, près du clavier. Un courant d’air fit voleter les rideaux, et Il frissonna. L’hiver s’installait lentement, mais sûrement. Mais pour Lui, la chaleur et l’excitation qui Le transportaient depuis quelques temps L’empêchaient littéralement de ressentir la chute récente de la température.
Il vivait sur un petit nuage.
Un petit nuage noir.
12 Les Dames Blanches.
Il raccrocha et posa Son portable près de Son clavier. Devant Ses yeux, Traumen périclitait et vivait même ses derniers jours, et c’était plus ou moins Son œuvre. Il voyait les adeptes d’Ank qui floodaient en Son nom et qui avaient contribué malgré eux à la chute de ce forum. Mais pour Lui, ce décès n’était pas une fin, mais un départ.
La réunion qui avait eu lieu en novembre, pour un autre décès, marquait plutôt un début. Son début, même. Un gigantesque plan se mettait en place dans Son esprit, et les querelles internes qui apparaissaient entre les membres ne pouvaient que Le servir. Mais plus tard. Bien plus tard. Pour le moment, Il Se concentrait sur l’appel qu’Il venait de recevoir.
Le premier groupe allait voir les Dames Blanches.
Il Lui fallait un homme à Lui dans chacun des groupes qui partiraient en expédition. Ce groupe-là était déjà infecté et les autres le seront, Il y veillera. Son espion, Son traître, savait déjà comment les retenir plus longtemps dans le royaume des morts. Il lui devait énormément de choses, à ce traître, et Il devait bien avouer que sans lui, Il n’aurait pas pu faire grand-chose.
Et cet état de fait L’énervait.
Il n’aimait pas être dépendant d’un autre, ce n’était pas dans Sa nature. C’est pourquoi Il avait parlé à Fury. C’est pourquoi Il allait également faire la même chose avec Mathilde, ou Myat’Ala, alias la grande reine des Dames Blanches. Et si jamais il prenait l’envie à ce traître de retourner une nouvelle fois sa veste, Il le devancerait.
Il attrapa la souris et rafraîchit la page internet.
Il attendait qu’Angie sonne le glas.
Et dans ses appartements, Myat’Ala rêva d’une voix sombre et suave. Une voix qui prenait tantôt les accents de son pays natal disparu il y a plus de cinq cents ans, parfois les intonations de ses proches, présents ou passés. Une voix indéfinissable.
La Voix.
Quatre hommes et une femme vont arriver. Ils vont prétendre chercher une personne qui n’existe pas, une femme. Débarrasse-t-en dès que possible. Ils sont dangereux. Envoie les hommes ‘en bas’, dans votre fosse, aussi impuissants que possible. N’hésite pas à employer les grands moyens. Garde la femme et fais-en une puissante Dame Blanche, mais qu’elle ne parte plus jamais de chez toi. Je ne le répèterai pas.
Deux jours plus tard, une voix dans Sa tête le fit Se réveiller en sursaut. C’était la voix de son espion, qui L’appelait. Il Se frotta les yeux, S’assit sur Son lit et lui répondit.
Qu’y a-t-il ?
Nous sommes bien arrivés, dit le traître. Comme tu l’avais dit, ils se sont tous transformés sans problèmes. Nous sommes en route pour le village.
Parfait. Une fois sur place, trouve un moyen de les retenir.
J’ai déjà le meilleur moyen : nous sommes partis sans qu’un moyen de retour ait été décidé. Ha ! Hilde était en train de plancher dessus, mais elle n’avait encore rien mis au point. Nous sommes officiellement perdus.
Tant mieux.
Par contre, il y a un problème avec Fury.
Il ferma les yeux, un sourire sur les lèvres. Il ne pensait pas qu’il le remarquerait si vite. Il l’avait mal jugé.
Un problème ? répéta-t-Il. Quel problème ?
Je crois que quelqu’un tente de l’amadouer, de le posséder. Il semble parfois comme… …perdu dans ses pensées. À l’écoute d’une voix. Comme la Tienne.
Si jamais tu découvres quelque chose, fais-le Moi savoir, c’est compris ? Je ne désire pas qu’un inconnu se mêle de Mes affaires.
Bien.
Il rompit le lien entre Lui et son espion et Se cala plus confortablement dans Son fauteuil. Puis il ajouta à voix haute, à l’attention de son envoyé :
« Je ne veux personne dans mes affaires, pas même toi. »
11 Lord FireFly.
Lord FireFly déposa le dernier corps calciné dans la salle frigorifique et referma la porte. Son compagnon s’alluma une cigarette et en souffla une longue bouffée dans le couloir pour sortir du bâtiment. Lord FireFly aurait préféré avoir eu IL pour faire de boulot, mais on ne discutait pas Ses ordres. IL était pour le moment chez DragonNoir, et lui était là, avec Pasteqman, aussi aimable qu’une porte de prison, en train de trimballer les corps des Trauméniens qu’ils avaient extraits de la carcasse de la Renault cinq de Mr.Magnum.
« Bon, ça, c’est fait ! » dit-il.
Pasteqman ne répondit pas et termina sa clope en refermant la porte à clef. L’entrepôt appartenait avant au Patron, mais il avait été réquisitionné pour garder les corps des morts au frais. En attendant. Lord FireFly se demandait simplement quoi.
« Tu as une idée de Ses intentions ?
-Aucune, répondit Pasteqman.
-J’aime bien quand tu parles longtemps, comme ça. »
Lord FireFly entra dans la camionnette et enclencha sa ceinture. C’est à ce moment précis qu’Il leur parla.
On vient de m’informer que Squall était également parti les rejoindre. Je n’aime pas ça, mais nous allons en profiter. Changement de plan : Pasteqman, tu vas aller chercher le corps de Squall. Il devrait se trouver dans une morgue quelconque, depuis le temps qu’il est parti. Il regrettera sa précipitation.
« Oui. » répondit-il simplement en s’allumant une nouvelle cigarette. Lord FireFly le regarda, puis dit à voix haute :
« Et moi ? Je fais quoi ? »
Toi, tu vas aller rendre une petite visite à Myat’Ala. Elle semble ne pas M’écouter convenablement. Charge-toi de lui faire peur, et évite de trop te faire remarquer auprès du groupe de Trauméniens.
« Ça marche ! » dit-il joyeusement, trop heureux de quitter Pasteqman. « Salut la Pastèque, à la prochaine ! » Puis, sans crier gare, il s’évapora dans un claquement de réalités.
14 Coup de téléphone.
« Séphy-Roshou est décédée. » dit la voix à l’autre bout du fil. De retour dans Sa maison de campagne, Il reconnut immédiatement la voix d’un de ses nouveaux petits protégés. Il Se leva et, téléphone à l’oreille, écouta patiemment l’homme raconter ce qu’il savait sur le décès d’une des emblèmes de Traumen.
« Est-ce le moment que nous attendions ?
-Je pense, oui, répondit-Il. Je pense que c’est exactement ce qu’il Me fallait pour mettre en route ma petite mascarade. Continue sur cette voie, et reste avec eux. Je t’enverrai du renfort en fonction de leur décision. »
Une fois le téléphone raccroché, Il descendit de Sa chambre et sortit de la maison pour une petite promenade nocturne. Il était dans un état d’excitation intense, car le moment qu’Il attendait depuis des mois arrivait enfin. Séphy-Roshou était morte, pour une raison encore inconnue, mais qu’Il ne tarderait pas à découvrir.
Son pouvoir grésillait dans Son corps, et quiconque l’aurait vu déambuler dans ces chemins de campagne aurait cru apercevoir un fantôme, tant Il irradiait de lumière. Heureusement pour Lui et Sa discrétion, personne ne s’aventurait en pleine nuit à la campagne, car tout le monde se levait tôt.
Le lendemain, certains des agriculteurs découvrirent avec stupéfaction des parcelles de leurs champs qui avaient brûlées, comme si on avait tracé un chemin avec une boule de feu de taille humaine.
13 Fury.
Fury avait les yeux grands ouverts dans son lit.
La voix du lutin ne l’avait pas lâché depuis la fin de la conversation du restaurant avec Mr.Magnum et les autres, et il ne s’était pas retenu de lui seriner sans fin les mêmes âneries :
Elle est morte ! Tu t’en rappelles, hein ? Morte. Tu n’oublieras pas, ne t’en fais pas, je serai là tous les jours, toutes les heures pour te le dire, te le rappeler : morte. Froide. Un cadavre. Tu te souviens comme elle était froide quand tu l’as frôlé ? Son cœur aussi était ainsi, froid, mort, ce cœur qui t’a aimé, qui a battu pour toi.
Fury ne luttait plus contre la voix. Elle l’envahissait, ne résonnant plus simplement à ses oreilles, mais dans sa tête, dans son être, dans son âme toute entière. Le lutin
Morte.
qu’il imaginait dansait sur sa cervelle comme on piétine un tas de fourmis. Et il piétinait effectivement toute pensée rationnelle avec ses
Froide.
pensées horribles et pénétrantes. Le pire, songeait Fury, c’est que ce petit démon avait raison, et c’était là le plus difficile à avaler : il avait raison de A à Z. Séphy-Roshou, la femme qu’il aimait depuis longtemps était morte et enterrée.
La voix changea alors soudainement de forme, et son ton, plus dur et ferme, devint subitement très éloigné du lutin excentrique incarné tout d’abord. Elle faisait maintenant plus songer à une sorte d’ombre noire, une ombre dominatrice et puissante, à la voix enjôleuse mais néfaste, pouvant provoquer la folie à long terme.
Et Fury commença à écouter cette nouvelle voix.
« Magnum a peut-être la bonne solution. Les Trauméniens ont accepté, et ils vont t’aider à la retrouver. Pars avec la première expédition, avec Mr.Magnum pour ne pas qu’il fasse de bêtises avec ta belle une fois retrouvée. Reste avec lui et toute la troupe. Et avec de la chance et de la volonté, tu la retrouveras. »
Le lit grinça, et Fury laissa échapper un petit cri de surprise. Il avait somnolé, et imaginé qu’une voix, une voix noire mais apaisante, lui avait parlé de se joindre à Mr.Magnum lorsqu’ils organiseraient le premier départ. Mais avait-il rêvé ? Avait-il vraiment entendu cette voix ? Il se tourna sur le côté, et tenta de se rendormir.
La nuit porte conseil, songea-t-il.
Il termina son verre de soda et le reposa sur Son bureau, près du clavier. Un courant d’air fit voleter les rideaux, et Il frissonna. L’hiver s’installait lentement, mais sûrement. Mais pour Lui, la chaleur et l’excitation qui Le transportaient depuis quelques temps L’empêchaient littéralement de ressentir la chute récente de la température.
Il vivait sur un petit nuage.
Un petit nuage noir.
12 Les Dames Blanches.
Il raccrocha et posa Son portable près de Son clavier. Devant Ses yeux, Traumen périclitait et vivait même ses derniers jours, et c’était plus ou moins Son œuvre. Il voyait les adeptes d’Ank qui floodaient en Son nom et qui avaient contribué malgré eux à la chute de ce forum. Mais pour Lui, ce décès n’était pas une fin, mais un départ.
La réunion qui avait eu lieu en novembre, pour un autre décès, marquait plutôt un début. Son début, même. Un gigantesque plan se mettait en place dans Son esprit, et les querelles internes qui apparaissaient entre les membres ne pouvaient que Le servir. Mais plus tard. Bien plus tard. Pour le moment, Il Se concentrait sur l’appel qu’Il venait de recevoir.
Le premier groupe allait voir les Dames Blanches.
Il Lui fallait un homme à Lui dans chacun des groupes qui partiraient en expédition. Ce groupe-là était déjà infecté et les autres le seront, Il y veillera. Son espion, Son traître, savait déjà comment les retenir plus longtemps dans le royaume des morts. Il lui devait énormément de choses, à ce traître, et Il devait bien avouer que sans lui, Il n’aurait pas pu faire grand-chose.
Et cet état de fait L’énervait.
Il n’aimait pas être dépendant d’un autre, ce n’était pas dans Sa nature. C’est pourquoi Il avait parlé à Fury. C’est pourquoi Il allait également faire la même chose avec Mathilde, ou Myat’Ala, alias la grande reine des Dames Blanches. Et si jamais il prenait l’envie à ce traître de retourner une nouvelle fois sa veste, Il le devancerait.
Il attrapa la souris et rafraîchit la page internet.
Il attendait qu’Angie sonne le glas.
Et dans ses appartements, Myat’Ala rêva d’une voix sombre et suave. Une voix qui prenait tantôt les accents de son pays natal disparu il y a plus de cinq cents ans, parfois les intonations de ses proches, présents ou passés. Une voix indéfinissable.
La Voix.
Quatre hommes et une femme vont arriver. Ils vont prétendre chercher une personne qui n’existe pas, une femme. Débarrasse-t-en dès que possible. Ils sont dangereux. Envoie les hommes ‘en bas’, dans votre fosse, aussi impuissants que possible. N’hésite pas à employer les grands moyens. Garde la femme et fais-en une puissante Dame Blanche, mais qu’elle ne parte plus jamais de chez toi. Je ne le répèterai pas.
Deux jours plus tard, une voix dans Sa tête le fit Se réveiller en sursaut. C’était la voix de son espion, qui L’appelait. Il Se frotta les yeux, S’assit sur Son lit et lui répondit.
Qu’y a-t-il ?
Nous sommes bien arrivés, dit le traître. Comme tu l’avais dit, ils se sont tous transformés sans problèmes. Nous sommes en route pour le village.
Parfait. Une fois sur place, trouve un moyen de les retenir.
J’ai déjà le meilleur moyen : nous sommes partis sans qu’un moyen de retour ait été décidé. Ha ! Hilde était en train de plancher dessus, mais elle n’avait encore rien mis au point. Nous sommes officiellement perdus.
Tant mieux.
Par contre, il y a un problème avec Fury.
Il ferma les yeux, un sourire sur les lèvres. Il ne pensait pas qu’il le remarquerait si vite. Il l’avait mal jugé.
Un problème ? répéta-t-Il. Quel problème ?
Je crois que quelqu’un tente de l’amadouer, de le posséder. Il semble parfois comme… …perdu dans ses pensées. À l’écoute d’une voix. Comme la Tienne.
Si jamais tu découvres quelque chose, fais-le Moi savoir, c’est compris ? Je ne désire pas qu’un inconnu se mêle de Mes affaires.
Bien.
Il rompit le lien entre Lui et son espion et Se cala plus confortablement dans Son fauteuil. Puis il ajouta à voix haute, à l’attention de son envoyé :
« Je ne veux personne dans mes affaires, pas même toi. »
11 Lord FireFly.
Lord FireFly déposa le dernier corps calciné dans la salle frigorifique et referma la porte. Son compagnon s’alluma une cigarette et en souffla une longue bouffée dans le couloir pour sortir du bâtiment. Lord FireFly aurait préféré avoir eu IL pour faire de boulot, mais on ne discutait pas Ses ordres. IL était pour le moment chez DragonNoir, et lui était là, avec Pasteqman, aussi aimable qu’une porte de prison, en train de trimballer les corps des Trauméniens qu’ils avaient extraits de la carcasse de la Renault cinq de Mr.Magnum.
« Bon, ça, c’est fait ! » dit-il.
Pasteqman ne répondit pas et termina sa clope en refermant la porte à clef. L’entrepôt appartenait avant au Patron, mais il avait été réquisitionné pour garder les corps des morts au frais. En attendant. Lord FireFly se demandait simplement quoi.
« Tu as une idée de Ses intentions ?
-Aucune, répondit Pasteqman.
-J’aime bien quand tu parles longtemps, comme ça. »
Lord FireFly entra dans la camionnette et enclencha sa ceinture. C’est à ce moment précis qu’Il leur parla.
On vient de m’informer que Squall était également parti les rejoindre. Je n’aime pas ça, mais nous allons en profiter. Changement de plan : Pasteqman, tu vas aller chercher le corps de Squall. Il devrait se trouver dans une morgue quelconque, depuis le temps qu’il est parti. Il regrettera sa précipitation.
« Oui. » répondit-il simplement en s’allumant une nouvelle cigarette. Lord FireFly le regarda, puis dit à voix haute :
« Et moi ? Je fais quoi ? »
Toi, tu vas aller rendre une petite visite à Myat’Ala. Elle semble ne pas M’écouter convenablement. Charge-toi de lui faire peur, et évite de trop te faire remarquer auprès du groupe de Trauméniens.
« Ça marche ! » dit-il joyeusement, trop heureux de quitter Pasteqman. « Salut la Pastèque, à la prochaine ! » Puis, sans crier gare, il s’évapora dans un claquement de réalités.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
Lord FireFly se matérialisa dans la chambre de Myat’Ala et la regarda se torturer les méninges. Elle se remettait en question, et Il avait raison : Ça n’était pas bon. Il sentit la bévue qu’elle allait faire, à savoir libérer les prisonniers et leur permettre d’en réchapper. Alors il intervint et parla d’une voix empruntée :
« Tu t’es encore laissée bernée, Myat’Ala… »
Lord FireFly la vit lâcher le loquet et rester immobile, face à la porte. Il avait prit Sa voix exprès, pour la faire réagir, et cela avait marché. Il recommença :
« Tu t’es encore laissée avoir par un de ces hommes avec leurs belles paroles, leurs longues phrases enrobées de bons sentiments… »
Lord FireFly sentit qu’elle était troublée. Il força un peu sur son esprit et lut ses pensées. Elle se demandait si elle était bel et bien éveillée. Il s’approcha à sa gauche.
« Oui, tu es réveillée, ajouta-t-il. Et pendant que tu es en train de réfléchir, de penser, là, dans ta chambre, les prisonniers s’évadent, tuent et détruisent ce que tu as bâti. »
Il ignorait si c’était vrai ou non, mais il pouvait entendre des bruits de luttes avec son ouïe surdéveloppée. Il ajouta à ses paroles une onde de douleur qui la fit serrer les dents. Lord FireFly sourit : Il aimait la puissance, il aimait soumettre les autres. Il aimait les voir souffrir, et plus encore sous sa forme Trauménienne.
« Une de tes filles vient de mourir des mains de ton assassin… »
Et là, il se délectait du châtiment qu’il lui infligeait. Il restait, invisible à ses yeux, derrière elle, et fut finalement surpris lorsqu’elle lui fit face sans le voir, les yeux chargés de peur mais également de combativité. Elle se colla à la porte.
« Je sais que vous êtes encore là. »
Lord FireFly attendit juste un instant, pour la faire douter, puis lui répondit : « Tu penses qu’ils t’ont ouvert les yeux sur des fautes, Myat’Ala ? Tu penses sincèrement t’être fourvoyé durant ces années, ces siècles ? Tout ce pourquoi tu t’es battue durant cinq cents ans, tout ce que tu as construit, tu n’y crois plus ? »
Il lui envoya une migraine carabinée, pour la déstabiliser encore plus.
« Je sais que tu as mal, Myat’Ala. Au plus profond de ton être, de ton âme bafouée et violée comme ton corps, tu as mal. Et quelle est la cause de ce mal, de cette douleur lancinante qui te vrille l’esprit ? » Il marqua une pause, comme pour lui laisser le temps de répondre, puis poursuivit : « Les hommes. »
Il lui faisait mal, il le voyait : son visage, rougit par la douleur, était constellé de gouttelettes de sueur et ses doigts laissaient des traînées blanches là où elle appuyait. Elle gémit. Il sourit.
« Ton meurtrier t’a fait souffrir il y a des années, et tu avais réussi à te venger, continua-t-il. Et maintenant, qui vient de te remettre en question ? Cinq hommes venus sciemment de la Terre, cinq hommes venus exprès chercher la mort sur une autoroute dans une voiture, cinq mâles qui n’espéraient qu’une chose en te rencontrant : te soumettre. »
Lord FireFly avait obligeamment insisté sur le dernier mot, et il vit Myat’Ala tomber à genoux, soufflante, haletante, dégoulinante de transpiration. Cette fois-ci, il attendit patiemment une réponse, tout en resserrant sans cesse son emprise sur elle. Elle releva lentement la tête, tremblante, et répondit d’une voix étranglée :
« Je ne… pense pas qu’ils aient totalement tort… »
Lord FireFly fut, pour la seconde fois, surpris. Il ne pensait pas trouver une Myat’Ala si forte, et il relâcha imperceptiblement sa prise. Elle en profita et rouvrit les yeux, fixant le vide devant elle d’un regard implacable : « Je me suis concentrée sur… sur ma vengeance personnelle durant toutes ces années !! Et j’ai tué… Oui, j’ai tué des centaines, des milliers d’innocentes sous ce prétexte !! »
Lord FireFly se dégagea complètement d’elle, stoppant les douleurs qui lui vrillaient le crâne. Il lui fallait changer de méthode. Il recula.
« Il est temps de cesser de remuer le passé et de changer de comportement !! » hurla-t-elle au vide. Un vide qui n’en était plus un : Lord FireFly, ménageant ses effets, apparut quelques pas devant elle. L’aspect de la chambre changea du tout au tout, passant du terne au brillant, et il dû presque mettre sa main devant ses yeux pour ne pas être ébloui. Myat’Ala le regardait comme on regarde un monstre de foire.
Il fit le tour de la pièce des yeux, redécouvrant l’endroit sous un autre jour. La chambre était maintenant bien plus jolie que lorsqu’il était invisible.
« Ah, c’est tout de même plus beau lorsqu’on est matérialisé, s’exclama-t-il.
-Qui êtes-vous ? demanda Myat’Ala, méfiante.
-Vous n’avez pas besoin de le savoir, dit-il d’un air mystérieux. Puis son visage s’éclaira de joie : J’ai toujours rêvé de dire ça, moi !
-Alors dites-moi au moins ce que vous faites dans ma chambre ! Et comment vous y êtes arrivé ! Et aussi…
-Holà, holà, ma belle. On se calme. »
Lord FireFly fit quelques pas et s’assit sur le lit de la femme, qui le regardait avec rage. Il prenait la scène avec désinvolture, mais restait sur ses gardes.
« Là est tout le problème, tu sais, reprit-il. Tu te poses trop de questions. Et ce n’était pas vraiment prévu au programme de mon cher patron. Enfin, je dis patron, ce n’est après tout qu’un titre honorifique, rien de plus. Je ne Lui dois rien. Il a simplement eu besoin de moi, et j’ai accepté. Mais nous nous éloignons du sujet, hein ? »
Mathilde ne répondit rien, attendant la suite.
« Bien, dit Lord FireFly en se relevant et en arpentant la pièce, faisant froufrouter ses vêtements violets à chaque pas. Tu sais ce qu’il avait prévu, mon patron ? Que tu exécutes purement et simplement ces nouveaux venus. C’est pour ça qu’il t’a envoyé ces rêves complètements débiles toutes ces nuits.
-Pourquoi aurais-je dû les…
-Ferme-la !! Ferme-la, ferme-la, FERME-LA !!! »
Lord FireFly sentit son corps prendre le dessus sur sa raison et, en un quart de seconde, se retrouvait avec une envie de tuer cette femme dépassant toute autre désir. Il sentit la puissance couler en lui, vers son bras, où un claquement de ses doigts aurait suffit à faire envoyer valser la moitié de la pièce.
« Tu sais comment je m’appelle ici, dans ce type de Monde ? Littéralement, mon surnom peut se traduire en ‘feu volant’, mais toi, tu peux m’appeler Lord FireFly. C’est bien parce que c’est toi. »
Il esquissa un sourire, et lui fit un clin d’œil. Elle ne bougea pas, inconsciente d’à quel point elle était passée prêt du trépas. Il rangea ses mains dans un des nombreux replis de son vêtement imaginé, autant pour les oublier que pour éviter de faire une autre bêtise.
« Je dis simplement ça parce que je suis capable de bien des choses, ici. Notamment de réduire à néant ta petite armée de femmelettes et toi avec.
-Ça ne risque pas d’arriver. Il te faudra me passer sur le corps avant.
-Bien entendu. » répliqua Lord FireFly. Et il se rua sur elle. Myat’Ala évita le premier coup en tournant sur elle-même, puis elle fit de nouveau face à lui. Il était debout, adossé au mur, comme s’il n’avait pas bougé. Il se curait un ongle avec un air sentencieux.
« Je voudrais simplement que tu comprennes qu’il te faut suivre Ses ordres, et les éliminer. C’est tout ! Je n’ai tout de même pas besoin de te faire un dessin ? »
Myat’Ala sortit ses griffes et sa figure se muta en un masque monstrueux. Sa voix, bien plus lourde qu’avant, le menaça :
« Il est hors de question que j’obéisse à quelqu’un sans en comprendre les motifs. Et ce groupe d’individus m’a l’air plus respectable que le vôtre.
-Ça me chagrine, rétorqua Lord FireFly. Je dois vraiment en venir aux mains pour que tu comprennes ? Lorsque tu seras à mes pieds, rampant pour que j’arrête tes souffrances, tu repenseras à ce que tu viens de dire. »
Il plissa les yeux et envoya une nouvelle onde de douleur dans le crâne de Myat’Ala, qui hurla. Son corps reprit sa forme initiale et elle tomba dos au mur. Lord FireFly regarda la porte, s’attendant à voir débarquer les autres dames blanches. Il pourrait les éradiquer en un simple geste, mais ce n’était pas dans Ses intentions. Il se jeta sur Myat’Ala dans l’intention de la faire taire.
« Cesse de hurler ainsi, espèce de sale garce ! » ordonna Lord FireFly en s’approchant d’elle, les mains en avant. Mais elle continuait d’appeler au secours sans discontinuer. Il sentit les autres rappliquer et grogna, se rendant compte qu’il n’arriverait plus à en tirer quoi que ce soit. Il leva une main et marmonna un charabia incompréhensible, juste au moment où la porte s’ouvrit avec fracas, libérant des dizaines de femmes qui protégèrent toutes Myat’Ala.
Elles encerclèrent rapidement leur reine, lui offrant une protection de leur corps, alors que d’autres prenaient position devant Lord FireFly. Leurs griffes étaient de nouveau longues et effilées, et leurs visages avaient repris cet aspect bestial et affamé découvert lors de l’attaque de l’hôtel.
« Bon, je vois qu’il est grand temps de partir. » dit Lord FireFly, toujours un bras levé tel un grotesque salut militaire. Il avait fini de réciter sa formule, et une mince aura sombre l’entourait maintenant, s’amplifiant de plus en plus. Un sourire narquois barrait son visage, happé peu à peu par les ténèbres qui l'enveloppaient. Sa main s’agita.
« Bye bye… »
Mr.Magnum pénétra le premier sur les lieux et Lord FireFly vit son faciès étonné le reconnaître indistinctement. Il pesta tout en s’enfonçant dans la brèche ouverte entre les Mondes, puis se retrouva de nouveau sur le parking devant lequel il était parti. Il souffla longuement, tout en reprenant ses esprits. Les voyages entre les Mondes lui donnaient toujours ce sentiment de flottement pendant quelques minutes.
Puis il sentit une présence derrière lui. Il se retourna et Lui fit face.
« Comment ça s’est passé, FireFly ? » dit-Il.
10 Albert Fish.
Il leva un regard noir vers Son écran d’ordinateur : Ses hommes de main, Lord FireFly, IL, Radamenthe et Pasteqman en tête, n’avançaient pas plus que les Trauméniens. La seconde expédition allait partir, Youfie voulait aller dans le monde des Dames Blanches, et Séphy-Roshou restait introuvable.
En face de Lui, Pasteqman, immobile, porta la main à sa poche de chemise.
« Je t’arrête tout de suite, on ne fume pas ici. »
Sans un mot, il remit sa main dans sa poche. IL était à ses cotés et se triturait les doigts nerveusement. Sans prévenir, Il Se tourna vers lui.
« Qu’est-ce quez tu peux Me dire sur le monde des Serial killers qu’ils vont visiter sous peu, IL ? Et Je te prierais d’exclure ce qui n’est pas intéressant. »
IL toussota, avança d’un pas et se redressa dans une simulation de salut respectueux. Il n’aimait pas être l’objet de Son attention, et restait d’ordinaire le plus en retrait possible pour éviter les éventuelles représailles et autres punitions de Sa part.
« Hem, alors euh, voilà ce que j’ai comme infos : Séphy-Roshou est bel et bien passée par ce Monde-ci avant de repartir, mais accompagnée.
-Accompagnée ? répéta-t-Il avec incrédulité. Accompagnée de qui ?
-Une certaine Erzébeth Bathory. Une tueuse en série qui prenait des bains de sang de femmes qu’elle avait préalablement…
-Je Me fous de savoir qui elle était, mais Je veux savoir pourquoi ? Pourquoi elle ? »
IL sentit le peu de confiance qu’il avait s’évaporer.
« Je… Je ne sais pas, bégaya-t-IL.
-Des traces de son passage ?
-Oui, des rapports. Les tueurs en série sont très organisés, là-bas. Ils tiennent des fiches d’entrée, de sortie, et ont des archives impressionnantes.
-Qui gère tout ça ?
-Leur chef, ou leur roi, enfin… Leur patron, c’est Jack l’éventreur, bien évidemment. Mais celui qui gère le tout, c’est Albert Fish. Il est relégué au secrétariat des admissions, mais c’est lui qui s’occupe de tout, en arrière plan. »
IL attendit une réaction, et vit qu’Il réfléchissait.
« Tu vas y retourner, dit-Il finalement. Et tu vas modifier les rapports. Non, mieux, je fais engager Fish pour qu’il le fasse. Il n’aura qu’à dissimuler les autres, et les Trauméniens verront les faux. Radamenthe n’aura même pas à les duper très longtemps. Parfait. »
Il se renfonça dans sa chaise et se tourna vers son ordinateur. Pasteqman et IL attendirent quelques minutes, puis Pasteqman marcha d’un pas dégagé vers la porte, suivit de IL. Une fois dehors, il put d’allumer une cigarette.
« Tu penses qu’Il me hait ? »
Pasteqman haussa les épaules.
« C’est pas très bon, hein, le regard qu’Il m’a lancé tout à l’heure. »
Pasteqman eut un sourire narquois et secoua la tête. IL poussa un long soupir.
9 Serge Thourn.
« Tiens tiens, comme c’est intéressant. » dit-Il en cliquant sur un article qui parlait des derniers morts du tueur en série : quatre adolescents.
Quatre Trauméniens, rectifia Ank en Lui. Dont un acquis à ta cause. Tu as déjà envoyé Pasteqman sur place pour récupérer les corps ?
« Oui, répondit-Il d’une voix distante absorbé par Ses pensées. Oui, mais Laekh Traumen est déjà sur place et il ne peut rien faire sans se faire démasquer. » Il fit une pause, parcourant des yeux quelques lignes de l’article. « Ce qui est intéressant, c’est que notre bon ami le commissaire Thourn s’occupe de cette affaire de Trauméniens assassinés. »
Il clôtura la fenêtre de l’Internet Explorer et alla s’allonger sur Son lit. Les yeux fermés, Il se lança à l’assaut des pensées de Thourn. Celles qui concernaient une affaire passée, qu’Il avait remarqué lors de leur courte entrevue quelques mois auparavant. Mais au final, ces quelques souvenirs pourraient Lui être d’une aide précieuse pour ralentir les Trauméniens.
Il attendit alors le moment propice pour s’immiscer dans l’esprit de Serge Thourn, à l’instant où celui-ci, fatigué de cette affaire qui n’avançait pas, plongeait dans un sommeil qui aurait dû être réparateur.
Et Il lui envoya les images de son passé.
Des images d’Autrefois.
« Tu t’es encore laissée bernée, Myat’Ala… »
Lord FireFly la vit lâcher le loquet et rester immobile, face à la porte. Il avait prit Sa voix exprès, pour la faire réagir, et cela avait marché. Il recommença :
« Tu t’es encore laissée avoir par un de ces hommes avec leurs belles paroles, leurs longues phrases enrobées de bons sentiments… »
Lord FireFly sentit qu’elle était troublée. Il força un peu sur son esprit et lut ses pensées. Elle se demandait si elle était bel et bien éveillée. Il s’approcha à sa gauche.
« Oui, tu es réveillée, ajouta-t-il. Et pendant que tu es en train de réfléchir, de penser, là, dans ta chambre, les prisonniers s’évadent, tuent et détruisent ce que tu as bâti. »
Il ignorait si c’était vrai ou non, mais il pouvait entendre des bruits de luttes avec son ouïe surdéveloppée. Il ajouta à ses paroles une onde de douleur qui la fit serrer les dents. Lord FireFly sourit : Il aimait la puissance, il aimait soumettre les autres. Il aimait les voir souffrir, et plus encore sous sa forme Trauménienne.
« Une de tes filles vient de mourir des mains de ton assassin… »
Et là, il se délectait du châtiment qu’il lui infligeait. Il restait, invisible à ses yeux, derrière elle, et fut finalement surpris lorsqu’elle lui fit face sans le voir, les yeux chargés de peur mais également de combativité. Elle se colla à la porte.
« Je sais que vous êtes encore là. »
Lord FireFly attendit juste un instant, pour la faire douter, puis lui répondit : « Tu penses qu’ils t’ont ouvert les yeux sur des fautes, Myat’Ala ? Tu penses sincèrement t’être fourvoyé durant ces années, ces siècles ? Tout ce pourquoi tu t’es battue durant cinq cents ans, tout ce que tu as construit, tu n’y crois plus ? »
Il lui envoya une migraine carabinée, pour la déstabiliser encore plus.
« Je sais que tu as mal, Myat’Ala. Au plus profond de ton être, de ton âme bafouée et violée comme ton corps, tu as mal. Et quelle est la cause de ce mal, de cette douleur lancinante qui te vrille l’esprit ? » Il marqua une pause, comme pour lui laisser le temps de répondre, puis poursuivit : « Les hommes. »
Il lui faisait mal, il le voyait : son visage, rougit par la douleur, était constellé de gouttelettes de sueur et ses doigts laissaient des traînées blanches là où elle appuyait. Elle gémit. Il sourit.
« Ton meurtrier t’a fait souffrir il y a des années, et tu avais réussi à te venger, continua-t-il. Et maintenant, qui vient de te remettre en question ? Cinq hommes venus sciemment de la Terre, cinq hommes venus exprès chercher la mort sur une autoroute dans une voiture, cinq mâles qui n’espéraient qu’une chose en te rencontrant : te soumettre. »
Lord FireFly avait obligeamment insisté sur le dernier mot, et il vit Myat’Ala tomber à genoux, soufflante, haletante, dégoulinante de transpiration. Cette fois-ci, il attendit patiemment une réponse, tout en resserrant sans cesse son emprise sur elle. Elle releva lentement la tête, tremblante, et répondit d’une voix étranglée :
« Je ne… pense pas qu’ils aient totalement tort… »
Lord FireFly fut, pour la seconde fois, surpris. Il ne pensait pas trouver une Myat’Ala si forte, et il relâcha imperceptiblement sa prise. Elle en profita et rouvrit les yeux, fixant le vide devant elle d’un regard implacable : « Je me suis concentrée sur… sur ma vengeance personnelle durant toutes ces années !! Et j’ai tué… Oui, j’ai tué des centaines, des milliers d’innocentes sous ce prétexte !! »
Lord FireFly se dégagea complètement d’elle, stoppant les douleurs qui lui vrillaient le crâne. Il lui fallait changer de méthode. Il recula.
« Il est temps de cesser de remuer le passé et de changer de comportement !! » hurla-t-elle au vide. Un vide qui n’en était plus un : Lord FireFly, ménageant ses effets, apparut quelques pas devant elle. L’aspect de la chambre changea du tout au tout, passant du terne au brillant, et il dû presque mettre sa main devant ses yeux pour ne pas être ébloui. Myat’Ala le regardait comme on regarde un monstre de foire.
Il fit le tour de la pièce des yeux, redécouvrant l’endroit sous un autre jour. La chambre était maintenant bien plus jolie que lorsqu’il était invisible.
« Ah, c’est tout de même plus beau lorsqu’on est matérialisé, s’exclama-t-il.
-Qui êtes-vous ? demanda Myat’Ala, méfiante.
-Vous n’avez pas besoin de le savoir, dit-il d’un air mystérieux. Puis son visage s’éclaira de joie : J’ai toujours rêvé de dire ça, moi !
-Alors dites-moi au moins ce que vous faites dans ma chambre ! Et comment vous y êtes arrivé ! Et aussi…
-Holà, holà, ma belle. On se calme. »
Lord FireFly fit quelques pas et s’assit sur le lit de la femme, qui le regardait avec rage. Il prenait la scène avec désinvolture, mais restait sur ses gardes.
« Là est tout le problème, tu sais, reprit-il. Tu te poses trop de questions. Et ce n’était pas vraiment prévu au programme de mon cher patron. Enfin, je dis patron, ce n’est après tout qu’un titre honorifique, rien de plus. Je ne Lui dois rien. Il a simplement eu besoin de moi, et j’ai accepté. Mais nous nous éloignons du sujet, hein ? »
Mathilde ne répondit rien, attendant la suite.
« Bien, dit Lord FireFly en se relevant et en arpentant la pièce, faisant froufrouter ses vêtements violets à chaque pas. Tu sais ce qu’il avait prévu, mon patron ? Que tu exécutes purement et simplement ces nouveaux venus. C’est pour ça qu’il t’a envoyé ces rêves complètements débiles toutes ces nuits.
-Pourquoi aurais-je dû les…
-Ferme-la !! Ferme-la, ferme-la, FERME-LA !!! »
Lord FireFly sentit son corps prendre le dessus sur sa raison et, en un quart de seconde, se retrouvait avec une envie de tuer cette femme dépassant toute autre désir. Il sentit la puissance couler en lui, vers son bras, où un claquement de ses doigts aurait suffit à faire envoyer valser la moitié de la pièce.
« Tu sais comment je m’appelle ici, dans ce type de Monde ? Littéralement, mon surnom peut se traduire en ‘feu volant’, mais toi, tu peux m’appeler Lord FireFly. C’est bien parce que c’est toi. »
Il esquissa un sourire, et lui fit un clin d’œil. Elle ne bougea pas, inconsciente d’à quel point elle était passée prêt du trépas. Il rangea ses mains dans un des nombreux replis de son vêtement imaginé, autant pour les oublier que pour éviter de faire une autre bêtise.
« Je dis simplement ça parce que je suis capable de bien des choses, ici. Notamment de réduire à néant ta petite armée de femmelettes et toi avec.
-Ça ne risque pas d’arriver. Il te faudra me passer sur le corps avant.
-Bien entendu. » répliqua Lord FireFly. Et il se rua sur elle. Myat’Ala évita le premier coup en tournant sur elle-même, puis elle fit de nouveau face à lui. Il était debout, adossé au mur, comme s’il n’avait pas bougé. Il se curait un ongle avec un air sentencieux.
« Je voudrais simplement que tu comprennes qu’il te faut suivre Ses ordres, et les éliminer. C’est tout ! Je n’ai tout de même pas besoin de te faire un dessin ? »
Myat’Ala sortit ses griffes et sa figure se muta en un masque monstrueux. Sa voix, bien plus lourde qu’avant, le menaça :
« Il est hors de question que j’obéisse à quelqu’un sans en comprendre les motifs. Et ce groupe d’individus m’a l’air plus respectable que le vôtre.
-Ça me chagrine, rétorqua Lord FireFly. Je dois vraiment en venir aux mains pour que tu comprennes ? Lorsque tu seras à mes pieds, rampant pour que j’arrête tes souffrances, tu repenseras à ce que tu viens de dire. »
Il plissa les yeux et envoya une nouvelle onde de douleur dans le crâne de Myat’Ala, qui hurla. Son corps reprit sa forme initiale et elle tomba dos au mur. Lord FireFly regarda la porte, s’attendant à voir débarquer les autres dames blanches. Il pourrait les éradiquer en un simple geste, mais ce n’était pas dans Ses intentions. Il se jeta sur Myat’Ala dans l’intention de la faire taire.
« Cesse de hurler ainsi, espèce de sale garce ! » ordonna Lord FireFly en s’approchant d’elle, les mains en avant. Mais elle continuait d’appeler au secours sans discontinuer. Il sentit les autres rappliquer et grogna, se rendant compte qu’il n’arriverait plus à en tirer quoi que ce soit. Il leva une main et marmonna un charabia incompréhensible, juste au moment où la porte s’ouvrit avec fracas, libérant des dizaines de femmes qui protégèrent toutes Myat’Ala.
Elles encerclèrent rapidement leur reine, lui offrant une protection de leur corps, alors que d’autres prenaient position devant Lord FireFly. Leurs griffes étaient de nouveau longues et effilées, et leurs visages avaient repris cet aspect bestial et affamé découvert lors de l’attaque de l’hôtel.
« Bon, je vois qu’il est grand temps de partir. » dit Lord FireFly, toujours un bras levé tel un grotesque salut militaire. Il avait fini de réciter sa formule, et une mince aura sombre l’entourait maintenant, s’amplifiant de plus en plus. Un sourire narquois barrait son visage, happé peu à peu par les ténèbres qui l'enveloppaient. Sa main s’agita.
« Bye bye… »
Mr.Magnum pénétra le premier sur les lieux et Lord FireFly vit son faciès étonné le reconnaître indistinctement. Il pesta tout en s’enfonçant dans la brèche ouverte entre les Mondes, puis se retrouva de nouveau sur le parking devant lequel il était parti. Il souffla longuement, tout en reprenant ses esprits. Les voyages entre les Mondes lui donnaient toujours ce sentiment de flottement pendant quelques minutes.
Puis il sentit une présence derrière lui. Il se retourna et Lui fit face.
« Comment ça s’est passé, FireFly ? » dit-Il.
10 Albert Fish.
Il leva un regard noir vers Son écran d’ordinateur : Ses hommes de main, Lord FireFly, IL, Radamenthe et Pasteqman en tête, n’avançaient pas plus que les Trauméniens. La seconde expédition allait partir, Youfie voulait aller dans le monde des Dames Blanches, et Séphy-Roshou restait introuvable.
En face de Lui, Pasteqman, immobile, porta la main à sa poche de chemise.
« Je t’arrête tout de suite, on ne fume pas ici. »
Sans un mot, il remit sa main dans sa poche. IL était à ses cotés et se triturait les doigts nerveusement. Sans prévenir, Il Se tourna vers lui.
« Qu’est-ce quez tu peux Me dire sur le monde des Serial killers qu’ils vont visiter sous peu, IL ? Et Je te prierais d’exclure ce qui n’est pas intéressant. »
IL toussota, avança d’un pas et se redressa dans une simulation de salut respectueux. Il n’aimait pas être l’objet de Son attention, et restait d’ordinaire le plus en retrait possible pour éviter les éventuelles représailles et autres punitions de Sa part.
« Hem, alors euh, voilà ce que j’ai comme infos : Séphy-Roshou est bel et bien passée par ce Monde-ci avant de repartir, mais accompagnée.
-Accompagnée ? répéta-t-Il avec incrédulité. Accompagnée de qui ?
-Une certaine Erzébeth Bathory. Une tueuse en série qui prenait des bains de sang de femmes qu’elle avait préalablement…
-Je Me fous de savoir qui elle était, mais Je veux savoir pourquoi ? Pourquoi elle ? »
IL sentit le peu de confiance qu’il avait s’évaporer.
« Je… Je ne sais pas, bégaya-t-IL.
-Des traces de son passage ?
-Oui, des rapports. Les tueurs en série sont très organisés, là-bas. Ils tiennent des fiches d’entrée, de sortie, et ont des archives impressionnantes.
-Qui gère tout ça ?
-Leur chef, ou leur roi, enfin… Leur patron, c’est Jack l’éventreur, bien évidemment. Mais celui qui gère le tout, c’est Albert Fish. Il est relégué au secrétariat des admissions, mais c’est lui qui s’occupe de tout, en arrière plan. »
IL attendit une réaction, et vit qu’Il réfléchissait.
« Tu vas y retourner, dit-Il finalement. Et tu vas modifier les rapports. Non, mieux, je fais engager Fish pour qu’il le fasse. Il n’aura qu’à dissimuler les autres, et les Trauméniens verront les faux. Radamenthe n’aura même pas à les duper très longtemps. Parfait. »
Il se renfonça dans sa chaise et se tourna vers son ordinateur. Pasteqman et IL attendirent quelques minutes, puis Pasteqman marcha d’un pas dégagé vers la porte, suivit de IL. Une fois dehors, il put d’allumer une cigarette.
« Tu penses qu’Il me hait ? »
Pasteqman haussa les épaules.
« C’est pas très bon, hein, le regard qu’Il m’a lancé tout à l’heure. »
Pasteqman eut un sourire narquois et secoua la tête. IL poussa un long soupir.
9 Serge Thourn.
« Tiens tiens, comme c’est intéressant. » dit-Il en cliquant sur un article qui parlait des derniers morts du tueur en série : quatre adolescents.
Quatre Trauméniens, rectifia Ank en Lui. Dont un acquis à ta cause. Tu as déjà envoyé Pasteqman sur place pour récupérer les corps ?
« Oui, répondit-Il d’une voix distante absorbé par Ses pensées. Oui, mais Laekh Traumen est déjà sur place et il ne peut rien faire sans se faire démasquer. » Il fit une pause, parcourant des yeux quelques lignes de l’article. « Ce qui est intéressant, c’est que notre bon ami le commissaire Thourn s’occupe de cette affaire de Trauméniens assassinés. »
Il clôtura la fenêtre de l’Internet Explorer et alla s’allonger sur Son lit. Les yeux fermés, Il se lança à l’assaut des pensées de Thourn. Celles qui concernaient une affaire passée, qu’Il avait remarqué lors de leur courte entrevue quelques mois auparavant. Mais au final, ces quelques souvenirs pourraient Lui être d’une aide précieuse pour ralentir les Trauméniens.
Il attendit alors le moment propice pour s’immiscer dans l’esprit de Serge Thourn, à l’instant où celui-ci, fatigué de cette affaire qui n’avançait pas, plongeait dans un sommeil qui aurait dû être réparateur.
Et Il lui envoya les images de son passé.
Des images d’Autrefois.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Localisation : Dans les limbes torturées d'un esprit dérangé.
Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
8 Youfie.
Il ouvrit la porte de Sa chambre d’un geste de la main. Ce n’était pas comme la chambre qu’Il avait habité en ville, pendant des années, mais la règle était demeurée inchangée : personne n’y entrait et la porte restait verrouillée qu’Il soit ou non dedans. Le verrou cliqueta alors, sans que quiconque ne l’ait actionné, et la porte s’ouvrit silencieusement.
Lord FireFly se tenait là, impressionné et apeuré par le message télépathique qu’Il lui avait adressé. Un message d’une simplicité enfantine, mais chargé de menaces sourdes et violentes en second plan. Une éventuelle deuxième écoute lui aurait permit de préciser son sentiment de malaise, mais Il ne parlait qu’une fois.
Dans dix minutes devant la porte de Ma chambre.
Simple, clair, et on ne peut plus sans appel. Lord FireFly était en train de rêvasser chez DragonNoir, l’esprit occupé par les formes alléchantes de Youfie qu’il avait vu lors de leur entretien privé quelques minutes auparavant, lorsque l’appel l’avait sortit de sa rêverie. Et il s’était exécuté sans demander son reste, prétextant une envie pressante.
Il faut que je me rappelle de revenir dans les toilettes de DragonNoir, et pas repasser par la porte, se dit Lord FireFly, toujours sur le pas de la porte. Quelqu’un de plus malin que les autres pourrait remarquer une étrangeté de la sorte.
« Entre. » dit-Il sans même lui jeter un regard.
Lord FireFly regarda l’encadrement de la porte. Il s’imagina presque des dents y pousser qui le dévoreraient lorsqu’il passerait le cadre de bois. À sa connaissance, personne n’avait jamais pénétré dans Sa chambre. Personne n’en était ressortit pour le raconter, au moins.
Il hésita encore.
« Tu es devenu sourd, Lord FireFly ? »
L’entendre prononcer son nom, son pseudonyme, fut le déclencheur. Il leva sa jambe, la sentit plus lourde qu’à l’ordinaire, puis la reposa sur la moquette de la chambre. Le mouvement était donné, et l’autre pied suivit avec difficulté, mais suivit. Il arrivait presque à marcher normalement lorsqu’Il lui demanda de s’arrêter.
« Sais-tu, commença-t-Il, pourquoi Je t’ai fait venir ? »
Lord FireFly, redevenu élève face au professeur, enfant face aux parents, fidèle face à son Dieu, fit non de la tête.
« Non, hein. C’est normal, après tout, tu n’es pas forcément habitué à ces missions, à leur importance, aux règles qu’il faut suivre et aux erreurs à ne pas faire…
-Je suis désolé si j’ai…
-Silence ! »
La Voix le réduisit au néant. Il baissa de nouveau les yeux sur ses pieds. Le mot, le simple mot, sonnait encore en écho dans son crâne. Il se retenait pour ne pas trembler. Le mot qui lui venait à l’esprit était péteux. Oui, je suis un péteux, un petit péteux.
« Dans les erreurs à ne pas faire, il y en a une qui se nomme Soupçon. Elle peut s’expliquer ainsi, dans les grandes lignes : Ne jamais… »
Lord FireFly sentit un éclair lui déchirer l’estomac.
« …, ô grand jamais… »
La brûlure s’agrandit et lui lacérait le corps du bas ventre au torse. Il gémit.
« …, faire quoi que ce soit… »
Chacun des mots élargissait la plaie béante de la souffrance, et donnait l’impression à Lord FireFly que ses organes se muaient en bouillie putréfiée.
« …qui puisse permettre à l’ennemi… »
Des larmes lui coulèrent sur les joues, et il les regarda s’écraser sur la moquette, immobilisé par une douleur tellement puissante qu’il en aurait préféré mourir. Et il n’osait pas utiliser ses pouvoirs pour la contrer, de peur que les représailles soient pires. Il avait une punition, et il l’acceptait.
« …d’avoir des soupçon sur tes actions ! »
Le dernier mot se répercuta dans la moindre parcelle de sa chair et il tomba à genoux, avant de basculer tête la première sur la moquette. Un filet de salive et de vomissure mélangé lui dégoulina de la bouche et s’étala sur la moquette, qui absorbait lentement mais sûrement le liquide épais et nauséabond.
Du haut de Son siège, Il soupira et daigna enfin Se tourner vers le corps inconscient de Lord FireFly. Il leva une main et exécuta une chorégraphie gracieuse de son index. Le corps de son subordonné se souleva, porté par une force invisible, et quitta la pièce. La porte se referma, à clefs, et on entendit le bruit sourd d’une chute sur le palier.
« J’espère qu’il aura saisi l’importance d’éviter au maximum de se faire remarquer par sa future victime. Sa prochaine mission sera d’aller lui-même chercher le corps de Youfie, après son accident. Il n’aura qu’à être avec elle au moment de l’impact, puisqu’il aime tellement cette jeune fille. »
Il jeta un regard dégoûté sur la tache.
« Il va falloir que Je change de moquette. »
7 Mythologie Nordique.
La tête de Loki émergea des draps avec une grimace de terreur. À ses cotés, une humaine couina en dormant et se colla à lui. Il ne la remarqua même pas. Les yeux grands ouverts, il fixait le plafond, s’attendant à tout. Il n’avait jamais fait de cauchemars, il n’avait même jamais rêvé. Il venait de le faire pour la première fois, et il n’aimait pas ça.
Cette Voix difforme.
Il repoussa sans ménagement la femme qui ne se réveilla même pas, trop épuisée pour ouvrir un œil. Il se glissa hors du lit et gagna la porte-fenêtre dans le plus simple appareil. Une fois sur le balcon, sa nervosité décrut. Il respira longuement au grand air et, une fois quelque peu calmé, rentra dans ses appartements.
Il s’assit sur le bord de son lit, parmi les draps froissés et encore chauds de leurs ébats, et posa une main sur une cuisse qui dépassait. Le gémissement qui survint lui parut rauque. Prit d’un doute, il retira les draps avec violence et découvrit Radamenthe, qui frissonna.
« Voyons, tu pourrais être un peu plus doux ! »
Loki se releva et dévisagea l’inconnu. Radamenthe, en caleçon, se mit en tailleur sur le lit et lui sourit. Loki n’aima pas ce sourire.
« Mon boss a besoin de tes services… » lui dit-il en préambule.
6 IL
Il toussota mentalement.
« Nous avons retrouvé la trace de Séphy-Roshou, FireFly. Tu comprends ce que ça veut dire exactement ?
-Qu’Il sera enfin content de toi ? » répondit Lord FireFly dans un sourire. L’image du visage de IL vacilla.
« Je te parle sérieusement ! On a retrouvé la trace de Séphy-Roshou ! Dans le monde nordique, chez les dieux scandinaves !
-Et je te le répète aussi sérieusement : C’est bien.
-Sauf que je suis avec une troupe Trauménienne. »
Lord FireFly reconsidéra la situation, puis hocha silencieusement la tête. « Je te Le passe, dans ce cas là. Bonne chance !
-Merci. » dit piteusement IL. Il n’avait pas réussit à se débarrasser des éventuels témoins de ses agissements, et maintenant ils se doutaient de quelque chose. Alors, plutôt que d’aggraver les choses, IL s’en était remit à Lui.
« Qu’y a-t-il ? répondit-Il d’une voix impatiente. Tu Me déranges en pleine conférence avec les actionnaires du Patron, si tu veux tout savoir.
-J’ai retrouvé la trace de Séphy-Roshou. »
IL devina qu’Il S’éloignait de ses invités et S’isolait dans Son bureau. Au bout de quelques secondes de silence, IL osa relancer la conversation :
« Vous êtes toujours là ?
-Tu n’en rates pas une, IL. Pas une. »
IL s’abstint de tout commentaire, bien que sa nature de dissipé cherchait à reprendre le dessus. IL se mordit la lèvre inférieure.
« Si encore tu M’avais annoncé ça avant que les Trauméniens n’y soient, J’aurais enfin pu t’adresser des félicitations en bonne et due forme, mais là…
-Mais je peux essayer de…
-Je lis dans tes pensées. Tu as déjà essayé de, IL. Et tu as déjà raté, d’ailleurs. Maintenant, ils ont des soupçons, et c’est extrêmement gênant. Je vais être obligé de me déplacer et d’avancer la séquestration.
-Je suis désolé, dit IL.
-Pas autant que Moi. »
La communication mentale s’estompa puis se rompit entièrement. IL se retrouva seul, de nouveau, et essaya de deviner à quelle sauce il allait être mangé.
5 Préparation.
Le lendemain, Il avait relativisé l’information qu’IL Lui avait transmit. Séphy-Roshou était bel et bien passée par le monde des Dieux Nordiques, et grâce à cette piste Il avait déjà pu remonter le trajet qu’elle avait emprunté. Il Lui fallait la retrouver avant les Trauméniens, afin de la maintenir inaccessible, comme une carotte devant un âne.
IL avait fait une bourde, voire de nombreuses bourdes, mais au final IL n’avait fait qu’avancer l’échéance. Les enlèvements se feraient plus tôt que prévu, et ça n’était pas plus dérangeant que ça. Seulement il Lui fallait Se montrer, c’était irrévocable.
Il ouvrit la fenêtre sur une matinée ensoleillée. L’horizon était dégagé, aucun immeuble ou autre bâtiment ne venait obscurcir Sa vue sur les champs et les prairies alentours. Il adorait la campagne. Au début, Il S’en rappelait encore, c’était plus par nécessité qu’Il avait immigré ici, mais Il S’était acclimaté sans peine à Son nouvel habitat.
Il inspira une immense bouffée d’air frais et vivifiant. Son envie première était de crier, de crier au monde son bonheur. Tout fonctionnait comme Il le désirait, et il y avait bien longtemps qu’Il ne S’était pas sentit aussi bien. De plus, personne ne L’entendrait ici. Seulement les vaches du pré voisin, et encore. Il n’était même pas sûr d’obtenir un meuglement approbateur de leur part.
Il Se retourna et Se dirigea vers Sa chambre où trônait Son ordinateur allumé, dont l’écran scintillait d’innombrables étoiles en mouvement. Il S’assit devant Son bureau et bougea la souris. La veille du moniteur se désactiva, et le fond d’écran noir apparut. Seules deux icônes se présentaient : l’une nommée Traumen, dont le symbole était barré, et l’autre était le « e » d’Internet Explorer.
Le curseur voleta de l’une à l’autre, puis resta en suspension au dessus de l’icône en deuil Traumen. Et Il Se mit à siffloter.
« Il va être temps que j’entre en scène. »
Il ouvrit la porte de Sa chambre d’un geste de la main. Ce n’était pas comme la chambre qu’Il avait habité en ville, pendant des années, mais la règle était demeurée inchangée : personne n’y entrait et la porte restait verrouillée qu’Il soit ou non dedans. Le verrou cliqueta alors, sans que quiconque ne l’ait actionné, et la porte s’ouvrit silencieusement.
Lord FireFly se tenait là, impressionné et apeuré par le message télépathique qu’Il lui avait adressé. Un message d’une simplicité enfantine, mais chargé de menaces sourdes et violentes en second plan. Une éventuelle deuxième écoute lui aurait permit de préciser son sentiment de malaise, mais Il ne parlait qu’une fois.
Dans dix minutes devant la porte de Ma chambre.
Simple, clair, et on ne peut plus sans appel. Lord FireFly était en train de rêvasser chez DragonNoir, l’esprit occupé par les formes alléchantes de Youfie qu’il avait vu lors de leur entretien privé quelques minutes auparavant, lorsque l’appel l’avait sortit de sa rêverie. Et il s’était exécuté sans demander son reste, prétextant une envie pressante.
Il faut que je me rappelle de revenir dans les toilettes de DragonNoir, et pas repasser par la porte, se dit Lord FireFly, toujours sur le pas de la porte. Quelqu’un de plus malin que les autres pourrait remarquer une étrangeté de la sorte.
« Entre. » dit-Il sans même lui jeter un regard.
Lord FireFly regarda l’encadrement de la porte. Il s’imagina presque des dents y pousser qui le dévoreraient lorsqu’il passerait le cadre de bois. À sa connaissance, personne n’avait jamais pénétré dans Sa chambre. Personne n’en était ressortit pour le raconter, au moins.
Il hésita encore.
« Tu es devenu sourd, Lord FireFly ? »
L’entendre prononcer son nom, son pseudonyme, fut le déclencheur. Il leva sa jambe, la sentit plus lourde qu’à l’ordinaire, puis la reposa sur la moquette de la chambre. Le mouvement était donné, et l’autre pied suivit avec difficulté, mais suivit. Il arrivait presque à marcher normalement lorsqu’Il lui demanda de s’arrêter.
« Sais-tu, commença-t-Il, pourquoi Je t’ai fait venir ? »
Lord FireFly, redevenu élève face au professeur, enfant face aux parents, fidèle face à son Dieu, fit non de la tête.
« Non, hein. C’est normal, après tout, tu n’es pas forcément habitué à ces missions, à leur importance, aux règles qu’il faut suivre et aux erreurs à ne pas faire…
-Je suis désolé si j’ai…
-Silence ! »
La Voix le réduisit au néant. Il baissa de nouveau les yeux sur ses pieds. Le mot, le simple mot, sonnait encore en écho dans son crâne. Il se retenait pour ne pas trembler. Le mot qui lui venait à l’esprit était péteux. Oui, je suis un péteux, un petit péteux.
« Dans les erreurs à ne pas faire, il y en a une qui se nomme Soupçon. Elle peut s’expliquer ainsi, dans les grandes lignes : Ne jamais… »
Lord FireFly sentit un éclair lui déchirer l’estomac.
« …, ô grand jamais… »
La brûlure s’agrandit et lui lacérait le corps du bas ventre au torse. Il gémit.
« …, faire quoi que ce soit… »
Chacun des mots élargissait la plaie béante de la souffrance, et donnait l’impression à Lord FireFly que ses organes se muaient en bouillie putréfiée.
« …qui puisse permettre à l’ennemi… »
Des larmes lui coulèrent sur les joues, et il les regarda s’écraser sur la moquette, immobilisé par une douleur tellement puissante qu’il en aurait préféré mourir. Et il n’osait pas utiliser ses pouvoirs pour la contrer, de peur que les représailles soient pires. Il avait une punition, et il l’acceptait.
« …d’avoir des soupçon sur tes actions ! »
Le dernier mot se répercuta dans la moindre parcelle de sa chair et il tomba à genoux, avant de basculer tête la première sur la moquette. Un filet de salive et de vomissure mélangé lui dégoulina de la bouche et s’étala sur la moquette, qui absorbait lentement mais sûrement le liquide épais et nauséabond.
Du haut de Son siège, Il soupira et daigna enfin Se tourner vers le corps inconscient de Lord FireFly. Il leva une main et exécuta une chorégraphie gracieuse de son index. Le corps de son subordonné se souleva, porté par une force invisible, et quitta la pièce. La porte se referma, à clefs, et on entendit le bruit sourd d’une chute sur le palier.
« J’espère qu’il aura saisi l’importance d’éviter au maximum de se faire remarquer par sa future victime. Sa prochaine mission sera d’aller lui-même chercher le corps de Youfie, après son accident. Il n’aura qu’à être avec elle au moment de l’impact, puisqu’il aime tellement cette jeune fille. »
Il jeta un regard dégoûté sur la tache.
« Il va falloir que Je change de moquette. »
7 Mythologie Nordique.
La tête de Loki émergea des draps avec une grimace de terreur. À ses cotés, une humaine couina en dormant et se colla à lui. Il ne la remarqua même pas. Les yeux grands ouverts, il fixait le plafond, s’attendant à tout. Il n’avait jamais fait de cauchemars, il n’avait même jamais rêvé. Il venait de le faire pour la première fois, et il n’aimait pas ça.
Cette Voix difforme.
Il repoussa sans ménagement la femme qui ne se réveilla même pas, trop épuisée pour ouvrir un œil. Il se glissa hors du lit et gagna la porte-fenêtre dans le plus simple appareil. Une fois sur le balcon, sa nervosité décrut. Il respira longuement au grand air et, une fois quelque peu calmé, rentra dans ses appartements.
Il s’assit sur le bord de son lit, parmi les draps froissés et encore chauds de leurs ébats, et posa une main sur une cuisse qui dépassait. Le gémissement qui survint lui parut rauque. Prit d’un doute, il retira les draps avec violence et découvrit Radamenthe, qui frissonna.
« Voyons, tu pourrais être un peu plus doux ! »
Loki se releva et dévisagea l’inconnu. Radamenthe, en caleçon, se mit en tailleur sur le lit et lui sourit. Loki n’aima pas ce sourire.
« Mon boss a besoin de tes services… » lui dit-il en préambule.
6 IL
Il toussota mentalement.
« Nous avons retrouvé la trace de Séphy-Roshou, FireFly. Tu comprends ce que ça veut dire exactement ?
-Qu’Il sera enfin content de toi ? » répondit Lord FireFly dans un sourire. L’image du visage de IL vacilla.
« Je te parle sérieusement ! On a retrouvé la trace de Séphy-Roshou ! Dans le monde nordique, chez les dieux scandinaves !
-Et je te le répète aussi sérieusement : C’est bien.
-Sauf que je suis avec une troupe Trauménienne. »
Lord FireFly reconsidéra la situation, puis hocha silencieusement la tête. « Je te Le passe, dans ce cas là. Bonne chance !
-Merci. » dit piteusement IL. Il n’avait pas réussit à se débarrasser des éventuels témoins de ses agissements, et maintenant ils se doutaient de quelque chose. Alors, plutôt que d’aggraver les choses, IL s’en était remit à Lui.
« Qu’y a-t-il ? répondit-Il d’une voix impatiente. Tu Me déranges en pleine conférence avec les actionnaires du Patron, si tu veux tout savoir.
-J’ai retrouvé la trace de Séphy-Roshou. »
IL devina qu’Il S’éloignait de ses invités et S’isolait dans Son bureau. Au bout de quelques secondes de silence, IL osa relancer la conversation :
« Vous êtes toujours là ?
-Tu n’en rates pas une, IL. Pas une. »
IL s’abstint de tout commentaire, bien que sa nature de dissipé cherchait à reprendre le dessus. IL se mordit la lèvre inférieure.
« Si encore tu M’avais annoncé ça avant que les Trauméniens n’y soient, J’aurais enfin pu t’adresser des félicitations en bonne et due forme, mais là…
-Mais je peux essayer de…
-Je lis dans tes pensées. Tu as déjà essayé de, IL. Et tu as déjà raté, d’ailleurs. Maintenant, ils ont des soupçons, et c’est extrêmement gênant. Je vais être obligé de me déplacer et d’avancer la séquestration.
-Je suis désolé, dit IL.
-Pas autant que Moi. »
La communication mentale s’estompa puis se rompit entièrement. IL se retrouva seul, de nouveau, et essaya de deviner à quelle sauce il allait être mangé.
5 Préparation.
Le lendemain, Il avait relativisé l’information qu’IL Lui avait transmit. Séphy-Roshou était bel et bien passée par le monde des Dieux Nordiques, et grâce à cette piste Il avait déjà pu remonter le trajet qu’elle avait emprunté. Il Lui fallait la retrouver avant les Trauméniens, afin de la maintenir inaccessible, comme une carotte devant un âne.
IL avait fait une bourde, voire de nombreuses bourdes, mais au final IL n’avait fait qu’avancer l’échéance. Les enlèvements se feraient plus tôt que prévu, et ça n’était pas plus dérangeant que ça. Seulement il Lui fallait Se montrer, c’était irrévocable.
Il ouvrit la fenêtre sur une matinée ensoleillée. L’horizon était dégagé, aucun immeuble ou autre bâtiment ne venait obscurcir Sa vue sur les champs et les prairies alentours. Il adorait la campagne. Au début, Il S’en rappelait encore, c’était plus par nécessité qu’Il avait immigré ici, mais Il S’était acclimaté sans peine à Son nouvel habitat.
Il inspira une immense bouffée d’air frais et vivifiant. Son envie première était de crier, de crier au monde son bonheur. Tout fonctionnait comme Il le désirait, et il y avait bien longtemps qu’Il ne S’était pas sentit aussi bien. De plus, personne ne L’entendrait ici. Seulement les vaches du pré voisin, et encore. Il n’était même pas sûr d’obtenir un meuglement approbateur de leur part.
Il Se retourna et Se dirigea vers Sa chambre où trônait Son ordinateur allumé, dont l’écran scintillait d’innombrables étoiles en mouvement. Il S’assit devant Son bureau et bougea la souris. La veille du moniteur se désactiva, et le fond d’écran noir apparut. Seules deux icônes se présentaient : l’une nommée Traumen, dont le symbole était barré, et l’autre était le « e » d’Internet Explorer.
Le curseur voleta de l’une à l’autre, puis resta en suspension au dessus de l’icône en deuil Traumen. Et Il Se mit à siffloter.
« Il va être temps que j’entre en scène. »
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Age : 42
Localisation : Dans les limbes torturées d'un esprit dérangé.
Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
4 Voyage
Il referma soigneusement la porte de sa demeure et fit quelques pas en arrière, la contemplant. Il Se demanda s’Il reviendrait ici une fois le rapt effectué. Puis il se tourna vers la voiture qui ronronnait. Il s’agissait de faire vite, et bien. La route risquait d’être longue, et il voulait à tout prix arriver juste au bon moment.
« À point nommé, je vais arriver. Tel un surhomme tranchant l’adversité pour sauver la plèbe fort ennuyée. » Il sourit, puis se yeux changèrent, rien qu’un instant. Quelques secondes où il articula d’une voix noire : « Ou tel un balayeur éradiquant ces vulgaires mouches à merde de la surface du globe. »
Le temps sembla s’arrêter, il vit les arbres et la voiture devant lui se dédoubler, puis se détripler. Puis le vertige cessa, et il se remit en route. Il se cala confortablement à l’arrière et dit à son chauffeur :
« Allons-y. Direction Paris. »
3 Discussion.
Alors qu’Il entrait sur l’autoroute, Il sentit IL qui tentait de le joindre, à nouveau. Il ferma Ses yeux et lui répondit.
« Qu’y a-t-il ?
-Rien ne se passe comme prévu… Je ne comprends pas où tout s’est retourné contre moi, mais je ne peux plus rien faire… Je ne sais pas ce que…
-Laisse tomber les explications foireuses, IL. Je me charge du reste. Fais-les tous rentrer, dès que possible.
-Hein ? Quoi ? Rentrer, tous ? Vous voulez dire… …maintenant ? Mais il reste encore la carte Loki, et…
-On ne discute pas Mes ordres, ordonna-t-Il sèchement. Lorsque Je dis de rentrer, c’est que Je sais déjà comment procéder pour rattraper tes multiples erreurs.
-…oui, je comprends. Excusez-moi de Vous avoir déçu, je… Je vais les faire revenir.
-Hâte-toi, je suis en route pour le quartier général des Trauméniens.
-Comment ? Vous êtes en route ? Vous arrivez chez DragonNoir ? Ah, eh bien je… Oui. Oui… Nous serons rentrés, d’accord. Erzébeth se fera maîtriser, je pense, par Thor, Heimdall ou Njörd, si besoin est. »
Il parlait d’une voix mal assurée.
« Donc Séphy-Roshou a laissé tomber sa tueuse en série ici ?
-Oui.
-Ça m’arrange. Nous demanderons à Loki de la faire taire. Quant à toi, fais les décoller avant qu’elle ne dise quoi que ce soit d’important. Tu en as déjà fait assez.
-Oui oui. Je ne pense pas que… »
Il choisit cet endroit, cet instant de la conversation, pour lui envoyer une onde de douleur dans le crâne. IL ne s’y était pas attendu le moins du monde.
« Gnnh… Non, pas ça… Rrrhhh… Arrêtez je… Gnnnh… Khhh… »
Sans le moindre sourire, Il força légèrement la dose.
« Je ne… Gnnnnhhh…
-Tu n’échapperas tout de même pas au châtiment, IL.
-…oui, je saurai apprécier ma punition, je la mérite… » répondit-il, soumis. IL sentit la communication se couper, et le lien télépathique s’envola. La douleur également, et il put rouvrir les yeux. Personne ne l’avait vu. IL essuya d’un revers de manche les larmes qui avaient coulé sur ses joues, puis renifla. La douleur de l’humiliation était plus forte encore que la souffrance physique.
Dans la voiture, Il rouvrit les yeux, satisfait.
2 Pasteqman.
« Chauffeur ! Pourrions-nous nous arrêter un instant ? »
La voiture enclencha le clignotant et se rangea sur la voie de droite, puis sortit sur une aire de repos. Les autoroutes avaient ceci de pratique : On y trouvait de nombreux endroits où se reposer, se délasser, ou téléphoner.
Il sortit du véhicule et s’étira. La chaleur n’était heureusement pas encore excessive, mais il sentait déjà ses vêtements coller à lui. Sa peau pâle était moite, et il s’essuya le front avant de sortir son portable, tout en s’éloignant de la voiture. Le chauffeur, adossé à la portière, le suivait des yeux.
Il s’installa devant une table de pique-nique, chassa une mouche qui voletait innocemment autour de lui, regarda les alentours puis ferma les yeux. Lorsqu’il les rouvrit, ses pupilles avaient disparu sous d’immenses iris de jais. Un sourire mauvais vint enlaidir son visage. Une autre mouche, ou la même, revint tourner autour de lui.
Le téléphone avait ceci de pratique face à la communication mentale, lorsque son interlocuteur était proche d’autres ‘récepteurs’ possibles : il permettait de ne pas se tromper d’esprit avec lequel s’entretenir. Et là où se trouvait Lord FireFly et Radamenthe, les esprits réceptifs ne manquaient pas.
Il composa donc un numéro de tête sur son téléphone et le mit à son oreille. Au bout de trois sonneries, on décrocha.
« C’est Moi, tonna la Voix. J’ai donné l’ordre à IL de rentrer. Préparez-vous à passer à la phase deux, Je vous rejoins d’ici quelques heures également.
-La Phase deux ? répéta Radamenthe. Nous embarquerons tous les corps présents alors ? À nous trois ?
-Vous serez cinq pour emmener les corps.
-Qui d’autre ?
-Je vais contacter Pasteqman. »
Il raccrocha et envoya un simple message mental à Pasteqman pour lui dire de se tenir prêt. Pasteqman était toujours prêt, et toujours seul, loin des autres. C’est pour ça qu’Il affectionnait tout particulièrement travailler avec lui : Ils se ressemblaient, autant que sur le défunt forum Traumen où Pasteqman avait utilisé le même style de prose que Lui.
« Aucun problème, je serais sur place à temps. » répondit-il.
En dernier lieu, Il contacta le Patron pour obtenir des véhicules pour transporter les corps, et des hommes pour assurer un minimum de sécurité. Les militaires du Patron feraient peur, suffisamment pour que les Trauméniens évitent toute action ridicule. Et si jamais ils résistaient tout de même, alors…
L’excitation lui donna à nouveau la voix d’Ank.
« …alors ils Me sentiront passer. »
1 Arrivée chez DragonNoir.
Le chauffeur bifurqua avenue de Wagram et fit se garer la voiture non loin de la résidence de DragonNoir. Il sortit et vérifia l’adresse. Il était bien arrivé, sans encombre. Personne n’était dans la rue, personne qui pouvait Le reconnaître, aucun Trauménien. À première vue. Seul un homme habillé entièrement en jeans, marchait sur le trottoir. Cet homme Le dévisageait. Pasteqman.
Il détourna le regard et leva les yeux sur l’immeuble. Son humeur s’était quelque peu assombrie depuis son arrêt improvisé sur l’autoroute. Il ne Se rappelait plus vraiment de ce qu’il y avait fait. Son chauffeur lui avait dit qu’il avait passé un coup de téléphone, mais Il ne se rappelait plus à qui, ni pourquoi.
Ce n’était pas la première fois que ce genre d’amnésie passagère Lui arrivait, et cela avait le don de L’énerver passablement. Les meilleurs médecins s’étaient penchés sur son cas, mais sans succès. Il en était venu à l’accepter, mais chacune de Ses absences était pour Lui synonyme de torture : qu’avait-Il fait ? Qu’avait-Il dit ? Qu’avait-Il pensé ?
L’homme vêtu de jeans ralentit à son approche.
Mais Il se voilait la face. Au plus profond de Lui, Il savait pertinemment qu’Ank tirait les commandes lors de ses absences momentanées. Certaines pouvaient durer seulement quelques secondes, d’autres des heures. Et à chaque fois, Il ne Se sentait pas partir. Il Se retrouvait dans divers endroits, diverses situations, parfois compromettantes, et souffrait de vertiges et de nausées. Puis tout ceci passait, et la vie reprenait son cours normal.
Et Ank avait fait des siennes.
Pourtant, Il était sûr d’avoir le dessus sur Lui, et non l’inverse. Il contrôlait l’être qui Se faisait appeler Ank, et, même s’il n’était qu’une autre partie de Lui-même avec des réactions propres, Il Lui faisait néanmoins confiance. Sauf lorsque Ank prenait le contrôle et qu’Il ne savait plus exactement ce qu’Il avait fait.
Il regarda sa montre, et Son cœur accéléra. Pour la première fois, alors qu’Il Se dirigeait vers l’appartement de DragonNoir afin de les aider, Il Se sentit partir. Réellement partir. Il sentit des doigts froids Lui serrer le cœur et l’âme, et presser comme un simple fruit. Et Il S’entendit parler à cet inconnu en jeans, juste avant que tout bascule.
« Tu es prêt ? dit la Voix. Allons-y. »
Ils grimpèrent les deux étages sans se presser. Il Se changea le temps de monter les escaliers qui L’auraient essoufflé. Une fois en face de la porte, il envoya son poing trois fois. Trois grands coups qui couvrirent le brouhaha derrière les battants de bois. Un jeune homme ouvrit la porte et Lui demanda ce qu’Il désirait.
« Je voudrais voir DragonNoir. » répondit-Il dans un sourire. Arkh Le dévisagea une seconde ou deux, interloqué. Quelque chose clochait chez cet individu, mais il n’arrivait pas à savoir quoi exactement. Il referma la porte et se dirigea vers le bureau du père de DragonNoir où il s’était réfugié en compagnie de Q-Po et Lord Satana.
Arkh passa simplement la tête et ne prononça que le strict nécessaire. Il ne fit pas part de ses inquiétudes vis-à-vis de cet inconnu, songeant qu’il s’agissait certainement d’un nouveau Trauménien en retard.
« Quelqu’un pour toi, à la porte. »
DragonNoir s’excusa auprès de Q-Po et Lord Satana, puis retrouva le bruit et le mouvement en émergeant du bureau. Il traversa la foule et rejoignit tumultueusement la porte, tout en songeant également que les derniers arrivants devaient être d’autres Trauméniens enrôlés par téléphone pour venir s’amuser.
Il ouvrit la porte sur un petit adolescent replet à la face rubiconde et transpirante, accompagné d’un autre jeune homme habillé entièrement en jeans. L’adolescent exhiba un sourire carnassier.
DragonNoir le reconnut immédiatement.
« T… Toi ?
-C’est exact, DragonNoir. Dis bonjour à Mistrophera ! »
Il referma soigneusement la porte de sa demeure et fit quelques pas en arrière, la contemplant. Il Se demanda s’Il reviendrait ici une fois le rapt effectué. Puis il se tourna vers la voiture qui ronronnait. Il s’agissait de faire vite, et bien. La route risquait d’être longue, et il voulait à tout prix arriver juste au bon moment.
« À point nommé, je vais arriver. Tel un surhomme tranchant l’adversité pour sauver la plèbe fort ennuyée. » Il sourit, puis se yeux changèrent, rien qu’un instant. Quelques secondes où il articula d’une voix noire : « Ou tel un balayeur éradiquant ces vulgaires mouches à merde de la surface du globe. »
Le temps sembla s’arrêter, il vit les arbres et la voiture devant lui se dédoubler, puis se détripler. Puis le vertige cessa, et il se remit en route. Il se cala confortablement à l’arrière et dit à son chauffeur :
« Allons-y. Direction Paris. »
3 Discussion.
Alors qu’Il entrait sur l’autoroute, Il sentit IL qui tentait de le joindre, à nouveau. Il ferma Ses yeux et lui répondit.
« Qu’y a-t-il ?
-Rien ne se passe comme prévu… Je ne comprends pas où tout s’est retourné contre moi, mais je ne peux plus rien faire… Je ne sais pas ce que…
-Laisse tomber les explications foireuses, IL. Je me charge du reste. Fais-les tous rentrer, dès que possible.
-Hein ? Quoi ? Rentrer, tous ? Vous voulez dire… …maintenant ? Mais il reste encore la carte Loki, et…
-On ne discute pas Mes ordres, ordonna-t-Il sèchement. Lorsque Je dis de rentrer, c’est que Je sais déjà comment procéder pour rattraper tes multiples erreurs.
-…oui, je comprends. Excusez-moi de Vous avoir déçu, je… Je vais les faire revenir.
-Hâte-toi, je suis en route pour le quartier général des Trauméniens.
-Comment ? Vous êtes en route ? Vous arrivez chez DragonNoir ? Ah, eh bien je… Oui. Oui… Nous serons rentrés, d’accord. Erzébeth se fera maîtriser, je pense, par Thor, Heimdall ou Njörd, si besoin est. »
Il parlait d’une voix mal assurée.
« Donc Séphy-Roshou a laissé tomber sa tueuse en série ici ?
-Oui.
-Ça m’arrange. Nous demanderons à Loki de la faire taire. Quant à toi, fais les décoller avant qu’elle ne dise quoi que ce soit d’important. Tu en as déjà fait assez.
-Oui oui. Je ne pense pas que… »
Il choisit cet endroit, cet instant de la conversation, pour lui envoyer une onde de douleur dans le crâne. IL ne s’y était pas attendu le moins du monde.
« Gnnh… Non, pas ça… Rrrhhh… Arrêtez je… Gnnnh… Khhh… »
Sans le moindre sourire, Il força légèrement la dose.
« Je ne… Gnnnnhhh…
-Tu n’échapperas tout de même pas au châtiment, IL.
-…oui, je saurai apprécier ma punition, je la mérite… » répondit-il, soumis. IL sentit la communication se couper, et le lien télépathique s’envola. La douleur également, et il put rouvrir les yeux. Personne ne l’avait vu. IL essuya d’un revers de manche les larmes qui avaient coulé sur ses joues, puis renifla. La douleur de l’humiliation était plus forte encore que la souffrance physique.
Dans la voiture, Il rouvrit les yeux, satisfait.
2 Pasteqman.
« Chauffeur ! Pourrions-nous nous arrêter un instant ? »
La voiture enclencha le clignotant et se rangea sur la voie de droite, puis sortit sur une aire de repos. Les autoroutes avaient ceci de pratique : On y trouvait de nombreux endroits où se reposer, se délasser, ou téléphoner.
Il sortit du véhicule et s’étira. La chaleur n’était heureusement pas encore excessive, mais il sentait déjà ses vêtements coller à lui. Sa peau pâle était moite, et il s’essuya le front avant de sortir son portable, tout en s’éloignant de la voiture. Le chauffeur, adossé à la portière, le suivait des yeux.
Il s’installa devant une table de pique-nique, chassa une mouche qui voletait innocemment autour de lui, regarda les alentours puis ferma les yeux. Lorsqu’il les rouvrit, ses pupilles avaient disparu sous d’immenses iris de jais. Un sourire mauvais vint enlaidir son visage. Une autre mouche, ou la même, revint tourner autour de lui.
Le téléphone avait ceci de pratique face à la communication mentale, lorsque son interlocuteur était proche d’autres ‘récepteurs’ possibles : il permettait de ne pas se tromper d’esprit avec lequel s’entretenir. Et là où se trouvait Lord FireFly et Radamenthe, les esprits réceptifs ne manquaient pas.
Il composa donc un numéro de tête sur son téléphone et le mit à son oreille. Au bout de trois sonneries, on décrocha.
« C’est Moi, tonna la Voix. J’ai donné l’ordre à IL de rentrer. Préparez-vous à passer à la phase deux, Je vous rejoins d’ici quelques heures également.
-La Phase deux ? répéta Radamenthe. Nous embarquerons tous les corps présents alors ? À nous trois ?
-Vous serez cinq pour emmener les corps.
-Qui d’autre ?
-Je vais contacter Pasteqman. »
Il raccrocha et envoya un simple message mental à Pasteqman pour lui dire de se tenir prêt. Pasteqman était toujours prêt, et toujours seul, loin des autres. C’est pour ça qu’Il affectionnait tout particulièrement travailler avec lui : Ils se ressemblaient, autant que sur le défunt forum Traumen où Pasteqman avait utilisé le même style de prose que Lui.
« Aucun problème, je serais sur place à temps. » répondit-il.
En dernier lieu, Il contacta le Patron pour obtenir des véhicules pour transporter les corps, et des hommes pour assurer un minimum de sécurité. Les militaires du Patron feraient peur, suffisamment pour que les Trauméniens évitent toute action ridicule. Et si jamais ils résistaient tout de même, alors…
L’excitation lui donna à nouveau la voix d’Ank.
« …alors ils Me sentiront passer. »
1 Arrivée chez DragonNoir.
Le chauffeur bifurqua avenue de Wagram et fit se garer la voiture non loin de la résidence de DragonNoir. Il sortit et vérifia l’adresse. Il était bien arrivé, sans encombre. Personne n’était dans la rue, personne qui pouvait Le reconnaître, aucun Trauménien. À première vue. Seul un homme habillé entièrement en jeans, marchait sur le trottoir. Cet homme Le dévisageait. Pasteqman.
Il détourna le regard et leva les yeux sur l’immeuble. Son humeur s’était quelque peu assombrie depuis son arrêt improvisé sur l’autoroute. Il ne Se rappelait plus vraiment de ce qu’il y avait fait. Son chauffeur lui avait dit qu’il avait passé un coup de téléphone, mais Il ne se rappelait plus à qui, ni pourquoi.
Ce n’était pas la première fois que ce genre d’amnésie passagère Lui arrivait, et cela avait le don de L’énerver passablement. Les meilleurs médecins s’étaient penchés sur son cas, mais sans succès. Il en était venu à l’accepter, mais chacune de Ses absences était pour Lui synonyme de torture : qu’avait-Il fait ? Qu’avait-Il dit ? Qu’avait-Il pensé ?
L’homme vêtu de jeans ralentit à son approche.
Mais Il se voilait la face. Au plus profond de Lui, Il savait pertinemment qu’Ank tirait les commandes lors de ses absences momentanées. Certaines pouvaient durer seulement quelques secondes, d’autres des heures. Et à chaque fois, Il ne Se sentait pas partir. Il Se retrouvait dans divers endroits, diverses situations, parfois compromettantes, et souffrait de vertiges et de nausées. Puis tout ceci passait, et la vie reprenait son cours normal.
Et Ank avait fait des siennes.
Pourtant, Il était sûr d’avoir le dessus sur Lui, et non l’inverse. Il contrôlait l’être qui Se faisait appeler Ank, et, même s’il n’était qu’une autre partie de Lui-même avec des réactions propres, Il Lui faisait néanmoins confiance. Sauf lorsque Ank prenait le contrôle et qu’Il ne savait plus exactement ce qu’Il avait fait.
Il regarda sa montre, et Son cœur accéléra. Pour la première fois, alors qu’Il Se dirigeait vers l’appartement de DragonNoir afin de les aider, Il Se sentit partir. Réellement partir. Il sentit des doigts froids Lui serrer le cœur et l’âme, et presser comme un simple fruit. Et Il S’entendit parler à cet inconnu en jeans, juste avant que tout bascule.
« Tu es prêt ? dit la Voix. Allons-y. »
Ils grimpèrent les deux étages sans se presser. Il Se changea le temps de monter les escaliers qui L’auraient essoufflé. Une fois en face de la porte, il envoya son poing trois fois. Trois grands coups qui couvrirent le brouhaha derrière les battants de bois. Un jeune homme ouvrit la porte et Lui demanda ce qu’Il désirait.
« Je voudrais voir DragonNoir. » répondit-Il dans un sourire. Arkh Le dévisagea une seconde ou deux, interloqué. Quelque chose clochait chez cet individu, mais il n’arrivait pas à savoir quoi exactement. Il referma la porte et se dirigea vers le bureau du père de DragonNoir où il s’était réfugié en compagnie de Q-Po et Lord Satana.
Arkh passa simplement la tête et ne prononça que le strict nécessaire. Il ne fit pas part de ses inquiétudes vis-à-vis de cet inconnu, songeant qu’il s’agissait certainement d’un nouveau Trauménien en retard.
« Quelqu’un pour toi, à la porte. »
DragonNoir s’excusa auprès de Q-Po et Lord Satana, puis retrouva le bruit et le mouvement en émergeant du bureau. Il traversa la foule et rejoignit tumultueusement la porte, tout en songeant également que les derniers arrivants devaient être d’autres Trauméniens enrôlés par téléphone pour venir s’amuser.
Il ouvrit la porte sur un petit adolescent replet à la face rubiconde et transpirante, accompagné d’un autre jeune homme habillé entièrement en jeans. L’adolescent exhiba un sourire carnassier.
DragonNoir le reconnut immédiatement.
« T… Toi ?
-C’est exact, DragonNoir. Dis bonjour à Mistrophera ! »
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
1. …aise.
19 Doubles visions.
DragonNoir recula, plus par surprise que par réelle peur. Il ne L’avait jamais vu de ses yeux, ni même rencontré où que ce soit, pourtant il savait exactement qui était ce jeune homme au pas de sa porte, qui clamait haut et fort Se nommer Mistrophera. Il détailla les vêtements, le visage souillé de transpiration et l’air hautain qu’Il gardait sur Son visage replet. Et Ses yeux débordants d’une fureur contenue.
Des images lui vinrent à l’esprit, des images abjectes, teintées d’un ressentiment palpable et cinglant : des murs qui s’effondraient, des charniers, des oiseaux morts, une immense tour qui tombait, une fourmilière réduite à néant par des enfants, une avalanche, un lépreux au stade terminal, des traces de sang sur le sol, une main coupée qui tombait sur le sol, un chien battu à mort par son maître, ainsi que des milliers d’autres.
Lorsque DragonNoir ouvrit les yeux, rien n’avait changé, pas même le temps. Il avait cru se retrouver des années en arrière, tellement ce cauchemar d’images kaléidoscopiques lui avait semblé s’éterniser. Mais il n’avait duré qu’un clignement de paupière. DragonNoir se sentit chanceler sur ses jambes.
« Toi… » répéta-t-il, comme s’il n’arrivait plus qu’à dire ce mot.
En face de lui, Mistrophera pencha la tête sur le coté dans une parodie d’attendrissement, arrondissant les sourcils et les lèvres. Ses mots résonnèrent dans la tête de DragonNoir comme des boulets chauffés au rouge.
Alors alors, on n’invite même pas son vieil ennemi|
|ami à entrer ? On a peur que celui-ci fasse des ravages, ou autre ? On se méfie ? C’est très mal, ça, DragonNoir, Moi qui t’aimais|
|te hais depuis des lustres, et qui Me méprise tout en M’admirant secrètement. C’est curieux que tu ne manifestes pas plus de cordialité|
|mépris à Mon égard. Je suis cruellement atteint par ta surprise, plus encore que par ton rejet de Mes principes. Je pensais être accueilli à bras ouverts, et non par ce hoquet de stupéfaction non feint.
La Voix se tut, et DragonNoir reprit sa respiration. L’aparté auquel il avait été soumis lui avait retourné l’esprit et certains mots
(ennemi/ami)
lui restaient en travers du crâne comme autant d’hameçons qu’Il lui aurait accroché. Il soupçonnait même que ce discours n’avait été mis là que pour l’obliger à
(t’aimais/te hais)
s’embrouiller encore plus, à la suite de l’étonnement provoqué par Sa venue en ces lieux. Personne ne semblait se rendre compte de Sa présence ici, devant lui, sur le pas de la porte donnant sur le quartier général
(cordialité/mépris)
des Trauméniens. Personne ne semblait même le…
« …le voir, termina DragonNoir à voix haute.
-Exact, dit-Il. Ils refusent ma présence, comme beaucoup. Ils m’ignorent. Je suis seul depuis si longtemps que cet état de fait ne me chagrine même plus. Mais tu es sans conteste l’un de ceux qui a le plus conscience de Ma présence, tout comme certains autres… »
Son regard dériva à la gauche de DragonNoir, où Arkh venait d’apparaître, accompagné de Q-Po et Lord Satana. Tous les trois avaient les yeux cloués sur Mistrophera et, bien qu’ils ne possédaient pas l’intuition innée de DragonNoir, se doutaient férocement de l’identité du nouvel arrivant. Ils ne souriaient donc pas.
18 Réveil difficile.
Halvorc émergea avec un sentiment de malaise oppressant. Il n’avait pas dormi beaucoup, mais cette courte sieste lui aura au moins permis de s’éclaircir les idées. Il était de retour chez DragonNoir, sur Terre, et vivant. Son regard passa sur le désordre ambiant, dont un store Evangelion, et il reconnu sans peine la pièce om il se trouvait.
« Ils m’ont foutu dans la chambre de DragonNoir. Moi. »
Tout en ronchonnant, il se leva et se dégourdit les jambes. La chaleur s’était de nouveau insinuée en lui, son cœur battait, ses jambes arquaient et son cerveau fonctionnait. Tout était bon signe, en quelque sorte. Il se rappelait encore du retour, des questions insistantes des autres Trauméniens, des paroles qui
(ennemi/ami)
fusaient… Il interrompit le cours de ses pensées et fixa un point invisible. Ne venait-il pas d’entendre une voix, une double voix aussi acérée que des morceaux de verre ? Il s’assit sur le lit et fit le silence. Au bout de quelques secondes, il entendit de nouveau
(t’aimais/te hais)
la voix. Il se reprit : il avait entendu la Voix, avec la majuscule qu’il sied à ce type de voix. Le mauvais pressentiment qui l’avait réveillé lui revint avec violence. Il enfila ses vêtements encore humides et sortit de la chambre.
Les rires et la joie étaient encore de mise, dans le reste de l’appartement de DragonNoir. Il remarqua les Trauméniens agglutinés dans l’autre partie de la maison, bien loin de là où il se reposait, ainsi que Soulblighter et IL certainement. Un souvenir lui revint en mémoire.
Séphira Strife, à terre, qui avalait de force un des cachets.
Halvorc hoqueta. Il ne se souvenait pas d’avoir vu le retour de Séphira Strife avec eux, ni de la voir sortir du congélateur comme les autres. Il voulu se mettre à courir pour demander à l’un des Trauméniens qui faisait la fête si oui ou non elle s’était éveillée, mais c’est là qu’il reçut le troisième coup de massue
(cordialité/mépris)
et qu’il tomba à terre. Son ventre grogna. Sa tête résonna de ces deux derniers mots emmêlés, et il perdit connaissance.
17 Ne pas s’en faire, rien d’anormal.
« Qui est-ce, DragonNoir ? » demanda Arkh.
Lord Satana et Q-Po gardaient le silence. Derrière eux, l’exultation se poursuivait, inexorablement. Personne ne s’était rendu compte du duel mental qui se déroulait dans l’entrée. Les autres Trauméniens, en regardant vers eux, ne voyaient que DragonNoir et un jeune garçon discuter normalement.
Ne pas s’en faire.
Rien d’anormal.
Arkh répéta sa question, et DragonNoir ne parvint toujours pas à leur répondre. À leur confirmer ce dont ils se doutaient depuis Son arrivée ici. Alors, toujours escorté par un Pasteqman qui signalait son impatience avec une seconde cigarette, Mistrophera prit la parole, en utilisant ses lèvres et sa langue, et non ses capacités mentales.
« Qui pensez-vous que Je sois ? Vous avez bien une idée, non ? Vous n’êtes pas si bêtes, Je le sais. Je vous observe depuis tellement longtemps. Cela Me réconforte de vous voir en chair et en os, pas vous ?
-Serait-il possible d’avoir une réponse simple ? » dit Q-Po, nullement impressionné ni troublé. Il n’entendait pas les doublons mentaux générés par Mistrophera, ni même les autres relents d’apaisement qu’il prodiguait aux insouciants.
Ne pas s’en faire.
Rien d’anormal.
« Une réponse simple, répéta-t-il. Comme un nom, un prénom, ou même un pseudonyme si besoin est. »
Mistrophera sourit, de Son sourire énigmatique qui effrayait plus encore que d’éventuelles menaces. En face de Lui, DragonNoir cherchait toujours sa respiration et son équilibre, incapable de bouger – de même de songer à bouger – sans risquer de sombrer dans les ténèbres de l’inconscience, tel Halvorc qui gisait toujours dans le couloir.
« Quel serait l’intérêt de vous donner Mon nom, alors qu’aucun d’entre vous ne le connaît ? Et, de même façon, quelle serait l’utilité de vous fournir Mon pseudonyme, alors que ceux qui sont présents ici l’ont sur le bout de leur langue ? Ça ne serait qu’un vulgaire gâchis de salive, aussi futile que les derniers mois de votre vie. »
DragonNoir se sentit envahi d’une vague de désespoir. Une vague immense, ravageant les dernières bonnes nouvelles comme des fétus de paille par grand vent, réduisant les feux de joie en flammèches sur le point d’être soufflées, annihilant l’Espoir, celui avec un grand E, de retrouver Séphy-Roshou où qu’elle soit. Il se tourna tant bien que mal vers Lors Satana, Arkh et Q-Po, toujours derrière lui, et vit que leurs visages reflétaient la même lueur de lassitude que le sien, s’il avait pu se voir.
En un instant, Mistrophera avait gagné. Il lui avait suffi d’apparaître pour qu’on lui ouvre la porte, qu’on lui déroule le tapis rouge, qu’on lui donne les clefs du coffre et qu’on appelle un taxi pour le retour. Il n’y avait pas eu de combat, il n’y avait pas eu de morts, il n’y avait pas eu de révolte, même pas un semblant d’émeute. Rien.
Ne pas s’en faire.
Rien d’anormal.
Mistrophera entra dans l’appartement de DragonNoir.
16 Engueulade décisive.
Viper Dragoon relâcha Pythagore en ricanant. Ce dernier lui envoya une bourrade dans le bras, plus par réflexe que par méchanceté. Ces deux-là étaient toujours à se chamailler pour un oui ou un non, et aujourd’hui, jour de fête s’il en est, ne devait pas échapper à une habitude aussi ancestrale que cette bataille rangée.
« Puisque je te dis qu’on ne va pas tarder à partir, tu verras !
-Pythagore, c’est maître Arkh qui dirige tout ici, et personne à part lui ne peut savoir qui sera le prochain départ. Surtout que les révélations d’Halvorc et des autres vont sûrement tout chambouler dans ses plans. »
Viper Dragoon eut un sourire radieux, de celui qui acquiert la victoire avec une facilité déconcertante, puis tapota fièrement l’épaule de Pythagore.
« Me touche pas, toi. Et je te ferais remarquer que ce n’est pas chez Arkh, qu’on est ! Mais chez DragonNoir, parce que c’est lui le véritable responsable.
-N’importe quoi, répliqua Viper Dragoon au comble de la mauvaise foi. Il prête simplement ses appartements à maître Arkh, rien de plus. Tu veux parier ?
-Pari tenu ! » lança Pythagore.
Viper Dragoon lui lança un regard mi-méprisant, mi amusé, puis se dirigea vers l’entrée où se trouvait, ô joie des joies, Arkh et d’autres Trauméniens qu’il ne prit même pas la peine de regarder, tant seul Arkh comptait pour lui. Il remarqua tout de même, au passage, le corps d’Halvorc couché au travers du couloir, mais ne s’en inquiéta pas outre mesure.
« Rien d’anormal. Je ne m’en fais pas, dit-il à voix haute. Arkh ! Je peux te demander un renseignement, idole de mon cœur ? »
15 Récupération.
En arrière de toute foule, dans une des salles reconverties en chambre, le silence n’était brisé que par quelques exclamations provenant du salon, ou par quelques ronflements provenant d’IL. À peine avait-IL été allongé sur ce lit provisoire (un simple matelas), le sommeil l’avait gagné. Sa dernière pensée avant de basculer avait été pour Lui. Lui qui l’attendait, à son retour, pour lui infliger une punition pour toutes ses conneries.
IL n’avait pas eu le temps de plus regretter ses actes, avant de s’endormir. IL n’avait pas eu le temps de se morfondre comme IL l’aurait fait, ni de se poser des questions sur son – éventuel ? – futur. IL put simplement regretter que son séjour au royaume des Dieux Nordique ait été si court, tellement IL aimait ses pouvoirs Trauméniens.
Trois coups furent donnés sur la porte. IL ne s’éveilla pas. IL baignait dans un bonheur artificiel forgé par son subconscient, un bonheur artificiel généré par lui-même, donc parfaitement naturel, bien loin de toutes substances illicites qui font voyager les âmes faibles. Pour faire bref : IL rêvait.
De l’autre coté de la porte, Radamenthe s’impatienta.
« IL dort peut-être ? hasarda Lord FireFly.
-IL dort sûrement, oui ! cracha Radamenthe. Et Il est là, je te le rappelle. Il va avoir besoin de nous d’ici peu, IL compris. De plus, si ce que je crains est exact, IL a été démasqué, et sera soumis à la question dès son réveil.
-On entre, alors ?
-On entre. »
La porte s’ouvrit, deux silhouettes entrèrent à la hâte, puis le noir reprit sa place. Un ronflement caverneux résonna dans leurs oreilles. Lord FireFly se pencha vers Radamenthe et lui chuchota à l’oreille.
« Hm. Pourquoi est-ce que nous devons être si silencieux ? »
La question fit réfléchir Radamenthe, qui ne dénicha pas de réponse. Il alluma la lumière et fila un coup de pied dans le matelas, qui sursauta ainsi que son occupant.
« Debout, IL. On va avoir besoin de nous sous peu. »
IL, arraché à ses femmes de rêves (ou à ses rêves de femmes), sortit le haut de sa tête des draps. Il regarda d’un œil plissé Radamenthe, Lord FireFly, et préféra retourner avec celles qui devaient s’appeler Tabhita, Pamela ou Cindy. Un second coup de pied l’obligea à sortir de nouveau sa tête.
« Désolé, les gars, mais on m’attend, bredouilla-t-IL d’une voix ensommeillée.
-Ouais, répondit Lord FireFly. On vient justement te chercher pour te mener à Lui. »
Ainsi, IL fut parfaitement réveillé.
14 Une victoire facile.
Les Trauméniens cédaient, et c’était ce qu’Il désirait. En réalité, Il aurait préféré obtenir un peu plus de résistance vis-à-vis de ces quelques figures, mais ils avaient prit un retard monumental par rapport à Ses pouvoirs, à Ses capacités. Et ils ne le rattraperaient pas en une heure, pas maintenant. Plus maintenant.
Il n’avait plus qu’à les cueillir, avec Pasteqman et les quelques autres, récupérer les corps des défunts et partir. Et le tout, dans l’indifférence générale. Ses ondes de calme qu’Il dégageait sur la totalité de la population Trauménienne présente Le rendait plus invisible que tout autre solution : Il devenait insignifiant. Personne ne Le remarquerait, ni Lui, ni ses acolytes, en train de récupérer les corps de Hilde et de Séphira Strife.
Il avait tout d’abord songé à laisser IL avec les autres Trauméniens, afin de S’accaparer des corps d’Halvorc et de Soulblighter. Mais en réalité, seules Hilde et Séphira Strife L’intéressaient. Les autres n’étaient que du menu fretin. Et avec ces deux femmes, Il pourrait avoir les importants. Ceux qui compte pour Lui.
À ses cotés, Pasteqman s’agita, Lui faisant comprendre avec le plus de tact possible qu’il désirait passer à l’action. Il Se tourna vers son fidèle lieutenant, bien plus indispensable à ses yeux que les autres sous-fifres qu’Il employait, et lui indiqua l’entrée d’un léger mouvement de tête.
« C’est à toi de jouer. Récupère IL, FireFly et Radamenthe. Ensuite, tous les quatre, vous prendrez les deux congélateurs où se trouvent Hilde et Séphira Strife. »
Pasteqman acquiesça et partit au pas, slalomant entre DragonNoir et Q-Po qui n’avaient même plus la force de s’opposer à quoi que ce soit. Pour eux, tout était terminé. Les messages télépathiques envoyés par Mistrophera
Ne pas s’en faire.
Rien d’anormal.
tournaient en boucle dans tous les esprits.
Mais à eux, à ceux qui comptaient, Il leur rajoutait un supplément d’anéantissement, qui réduisait leur courage à une vague énergie tremblotante. À rien, pour ainsi dire. Et le fait est qu’aucun d’entre eux n’avait bougé pour s’interposer devant Pasteqman. Mistrophera était déçu : ils étaient plus faibles qu’Il ne L’avait pensé.
13 Chasse et croisé.
Pasteqman bouscula un des adolescents qui accourrait à sa rencontre. Viper Dragoon le regarda d’un œil torve s’éloigner à travers les autres Trauméniens qui s’amusaient encore. Il ne se souvint pas l’avoir déjà vu, mais ça ne lui importait guère. Il se retourna et fila voir Arkh, pour clouer le bec à Pythagore.
19 Doubles visions.
DragonNoir recula, plus par surprise que par réelle peur. Il ne L’avait jamais vu de ses yeux, ni même rencontré où que ce soit, pourtant il savait exactement qui était ce jeune homme au pas de sa porte, qui clamait haut et fort Se nommer Mistrophera. Il détailla les vêtements, le visage souillé de transpiration et l’air hautain qu’Il gardait sur Son visage replet. Et Ses yeux débordants d’une fureur contenue.
Des images lui vinrent à l’esprit, des images abjectes, teintées d’un ressentiment palpable et cinglant : des murs qui s’effondraient, des charniers, des oiseaux morts, une immense tour qui tombait, une fourmilière réduite à néant par des enfants, une avalanche, un lépreux au stade terminal, des traces de sang sur le sol, une main coupée qui tombait sur le sol, un chien battu à mort par son maître, ainsi que des milliers d’autres.
Lorsque DragonNoir ouvrit les yeux, rien n’avait changé, pas même le temps. Il avait cru se retrouver des années en arrière, tellement ce cauchemar d’images kaléidoscopiques lui avait semblé s’éterniser. Mais il n’avait duré qu’un clignement de paupière. DragonNoir se sentit chanceler sur ses jambes.
« Toi… » répéta-t-il, comme s’il n’arrivait plus qu’à dire ce mot.
En face de lui, Mistrophera pencha la tête sur le coté dans une parodie d’attendrissement, arrondissant les sourcils et les lèvres. Ses mots résonnèrent dans la tête de DragonNoir comme des boulets chauffés au rouge.
Alors alors, on n’invite même pas son vieil ennemi|
|ami à entrer ? On a peur que celui-ci fasse des ravages, ou autre ? On se méfie ? C’est très mal, ça, DragonNoir, Moi qui t’aimais|
|te hais depuis des lustres, et qui Me méprise tout en M’admirant secrètement. C’est curieux que tu ne manifestes pas plus de cordialité|
|mépris à Mon égard. Je suis cruellement atteint par ta surprise, plus encore que par ton rejet de Mes principes. Je pensais être accueilli à bras ouverts, et non par ce hoquet de stupéfaction non feint.
La Voix se tut, et DragonNoir reprit sa respiration. L’aparté auquel il avait été soumis lui avait retourné l’esprit et certains mots
(ennemi/ami)
lui restaient en travers du crâne comme autant d’hameçons qu’Il lui aurait accroché. Il soupçonnait même que ce discours n’avait été mis là que pour l’obliger à
(t’aimais/te hais)
s’embrouiller encore plus, à la suite de l’étonnement provoqué par Sa venue en ces lieux. Personne ne semblait se rendre compte de Sa présence ici, devant lui, sur le pas de la porte donnant sur le quartier général
(cordialité/mépris)
des Trauméniens. Personne ne semblait même le…
« …le voir, termina DragonNoir à voix haute.
-Exact, dit-Il. Ils refusent ma présence, comme beaucoup. Ils m’ignorent. Je suis seul depuis si longtemps que cet état de fait ne me chagrine même plus. Mais tu es sans conteste l’un de ceux qui a le plus conscience de Ma présence, tout comme certains autres… »
Son regard dériva à la gauche de DragonNoir, où Arkh venait d’apparaître, accompagné de Q-Po et Lord Satana. Tous les trois avaient les yeux cloués sur Mistrophera et, bien qu’ils ne possédaient pas l’intuition innée de DragonNoir, se doutaient férocement de l’identité du nouvel arrivant. Ils ne souriaient donc pas.
18 Réveil difficile.
Halvorc émergea avec un sentiment de malaise oppressant. Il n’avait pas dormi beaucoup, mais cette courte sieste lui aura au moins permis de s’éclaircir les idées. Il était de retour chez DragonNoir, sur Terre, et vivant. Son regard passa sur le désordre ambiant, dont un store Evangelion, et il reconnu sans peine la pièce om il se trouvait.
« Ils m’ont foutu dans la chambre de DragonNoir. Moi. »
Tout en ronchonnant, il se leva et se dégourdit les jambes. La chaleur s’était de nouveau insinuée en lui, son cœur battait, ses jambes arquaient et son cerveau fonctionnait. Tout était bon signe, en quelque sorte. Il se rappelait encore du retour, des questions insistantes des autres Trauméniens, des paroles qui
(ennemi/ami)
fusaient… Il interrompit le cours de ses pensées et fixa un point invisible. Ne venait-il pas d’entendre une voix, une double voix aussi acérée que des morceaux de verre ? Il s’assit sur le lit et fit le silence. Au bout de quelques secondes, il entendit de nouveau
(t’aimais/te hais)
la voix. Il se reprit : il avait entendu la Voix, avec la majuscule qu’il sied à ce type de voix. Le mauvais pressentiment qui l’avait réveillé lui revint avec violence. Il enfila ses vêtements encore humides et sortit de la chambre.
Les rires et la joie étaient encore de mise, dans le reste de l’appartement de DragonNoir. Il remarqua les Trauméniens agglutinés dans l’autre partie de la maison, bien loin de là où il se reposait, ainsi que Soulblighter et IL certainement. Un souvenir lui revint en mémoire.
Séphira Strife, à terre, qui avalait de force un des cachets.
Halvorc hoqueta. Il ne se souvenait pas d’avoir vu le retour de Séphira Strife avec eux, ni de la voir sortir du congélateur comme les autres. Il voulu se mettre à courir pour demander à l’un des Trauméniens qui faisait la fête si oui ou non elle s’était éveillée, mais c’est là qu’il reçut le troisième coup de massue
(cordialité/mépris)
et qu’il tomba à terre. Son ventre grogna. Sa tête résonna de ces deux derniers mots emmêlés, et il perdit connaissance.
17 Ne pas s’en faire, rien d’anormal.
« Qui est-ce, DragonNoir ? » demanda Arkh.
Lord Satana et Q-Po gardaient le silence. Derrière eux, l’exultation se poursuivait, inexorablement. Personne ne s’était rendu compte du duel mental qui se déroulait dans l’entrée. Les autres Trauméniens, en regardant vers eux, ne voyaient que DragonNoir et un jeune garçon discuter normalement.
Ne pas s’en faire.
Rien d’anormal.
Arkh répéta sa question, et DragonNoir ne parvint toujours pas à leur répondre. À leur confirmer ce dont ils se doutaient depuis Son arrivée ici. Alors, toujours escorté par un Pasteqman qui signalait son impatience avec une seconde cigarette, Mistrophera prit la parole, en utilisant ses lèvres et sa langue, et non ses capacités mentales.
« Qui pensez-vous que Je sois ? Vous avez bien une idée, non ? Vous n’êtes pas si bêtes, Je le sais. Je vous observe depuis tellement longtemps. Cela Me réconforte de vous voir en chair et en os, pas vous ?
-Serait-il possible d’avoir une réponse simple ? » dit Q-Po, nullement impressionné ni troublé. Il n’entendait pas les doublons mentaux générés par Mistrophera, ni même les autres relents d’apaisement qu’il prodiguait aux insouciants.
Ne pas s’en faire.
Rien d’anormal.
« Une réponse simple, répéta-t-il. Comme un nom, un prénom, ou même un pseudonyme si besoin est. »
Mistrophera sourit, de Son sourire énigmatique qui effrayait plus encore que d’éventuelles menaces. En face de Lui, DragonNoir cherchait toujours sa respiration et son équilibre, incapable de bouger – de même de songer à bouger – sans risquer de sombrer dans les ténèbres de l’inconscience, tel Halvorc qui gisait toujours dans le couloir.
« Quel serait l’intérêt de vous donner Mon nom, alors qu’aucun d’entre vous ne le connaît ? Et, de même façon, quelle serait l’utilité de vous fournir Mon pseudonyme, alors que ceux qui sont présents ici l’ont sur le bout de leur langue ? Ça ne serait qu’un vulgaire gâchis de salive, aussi futile que les derniers mois de votre vie. »
DragonNoir se sentit envahi d’une vague de désespoir. Une vague immense, ravageant les dernières bonnes nouvelles comme des fétus de paille par grand vent, réduisant les feux de joie en flammèches sur le point d’être soufflées, annihilant l’Espoir, celui avec un grand E, de retrouver Séphy-Roshou où qu’elle soit. Il se tourna tant bien que mal vers Lors Satana, Arkh et Q-Po, toujours derrière lui, et vit que leurs visages reflétaient la même lueur de lassitude que le sien, s’il avait pu se voir.
En un instant, Mistrophera avait gagné. Il lui avait suffi d’apparaître pour qu’on lui ouvre la porte, qu’on lui déroule le tapis rouge, qu’on lui donne les clefs du coffre et qu’on appelle un taxi pour le retour. Il n’y avait pas eu de combat, il n’y avait pas eu de morts, il n’y avait pas eu de révolte, même pas un semblant d’émeute. Rien.
Ne pas s’en faire.
Rien d’anormal.
Mistrophera entra dans l’appartement de DragonNoir.
16 Engueulade décisive.
Viper Dragoon relâcha Pythagore en ricanant. Ce dernier lui envoya une bourrade dans le bras, plus par réflexe que par méchanceté. Ces deux-là étaient toujours à se chamailler pour un oui ou un non, et aujourd’hui, jour de fête s’il en est, ne devait pas échapper à une habitude aussi ancestrale que cette bataille rangée.
« Puisque je te dis qu’on ne va pas tarder à partir, tu verras !
-Pythagore, c’est maître Arkh qui dirige tout ici, et personne à part lui ne peut savoir qui sera le prochain départ. Surtout que les révélations d’Halvorc et des autres vont sûrement tout chambouler dans ses plans. »
Viper Dragoon eut un sourire radieux, de celui qui acquiert la victoire avec une facilité déconcertante, puis tapota fièrement l’épaule de Pythagore.
« Me touche pas, toi. Et je te ferais remarquer que ce n’est pas chez Arkh, qu’on est ! Mais chez DragonNoir, parce que c’est lui le véritable responsable.
-N’importe quoi, répliqua Viper Dragoon au comble de la mauvaise foi. Il prête simplement ses appartements à maître Arkh, rien de plus. Tu veux parier ?
-Pari tenu ! » lança Pythagore.
Viper Dragoon lui lança un regard mi-méprisant, mi amusé, puis se dirigea vers l’entrée où se trouvait, ô joie des joies, Arkh et d’autres Trauméniens qu’il ne prit même pas la peine de regarder, tant seul Arkh comptait pour lui. Il remarqua tout de même, au passage, le corps d’Halvorc couché au travers du couloir, mais ne s’en inquiéta pas outre mesure.
« Rien d’anormal. Je ne m’en fais pas, dit-il à voix haute. Arkh ! Je peux te demander un renseignement, idole de mon cœur ? »
15 Récupération.
En arrière de toute foule, dans une des salles reconverties en chambre, le silence n’était brisé que par quelques exclamations provenant du salon, ou par quelques ronflements provenant d’IL. À peine avait-IL été allongé sur ce lit provisoire (un simple matelas), le sommeil l’avait gagné. Sa dernière pensée avant de basculer avait été pour Lui. Lui qui l’attendait, à son retour, pour lui infliger une punition pour toutes ses conneries.
IL n’avait pas eu le temps de plus regretter ses actes, avant de s’endormir. IL n’avait pas eu le temps de se morfondre comme IL l’aurait fait, ni de se poser des questions sur son – éventuel ? – futur. IL put simplement regretter que son séjour au royaume des Dieux Nordique ait été si court, tellement IL aimait ses pouvoirs Trauméniens.
Trois coups furent donnés sur la porte. IL ne s’éveilla pas. IL baignait dans un bonheur artificiel forgé par son subconscient, un bonheur artificiel généré par lui-même, donc parfaitement naturel, bien loin de toutes substances illicites qui font voyager les âmes faibles. Pour faire bref : IL rêvait.
De l’autre coté de la porte, Radamenthe s’impatienta.
« IL dort peut-être ? hasarda Lord FireFly.
-IL dort sûrement, oui ! cracha Radamenthe. Et Il est là, je te le rappelle. Il va avoir besoin de nous d’ici peu, IL compris. De plus, si ce que je crains est exact, IL a été démasqué, et sera soumis à la question dès son réveil.
-On entre, alors ?
-On entre. »
La porte s’ouvrit, deux silhouettes entrèrent à la hâte, puis le noir reprit sa place. Un ronflement caverneux résonna dans leurs oreilles. Lord FireFly se pencha vers Radamenthe et lui chuchota à l’oreille.
« Hm. Pourquoi est-ce que nous devons être si silencieux ? »
La question fit réfléchir Radamenthe, qui ne dénicha pas de réponse. Il alluma la lumière et fila un coup de pied dans le matelas, qui sursauta ainsi que son occupant.
« Debout, IL. On va avoir besoin de nous sous peu. »
IL, arraché à ses femmes de rêves (ou à ses rêves de femmes), sortit le haut de sa tête des draps. Il regarda d’un œil plissé Radamenthe, Lord FireFly, et préféra retourner avec celles qui devaient s’appeler Tabhita, Pamela ou Cindy. Un second coup de pied l’obligea à sortir de nouveau sa tête.
« Désolé, les gars, mais on m’attend, bredouilla-t-IL d’une voix ensommeillée.
-Ouais, répondit Lord FireFly. On vient justement te chercher pour te mener à Lui. »
Ainsi, IL fut parfaitement réveillé.
14 Une victoire facile.
Les Trauméniens cédaient, et c’était ce qu’Il désirait. En réalité, Il aurait préféré obtenir un peu plus de résistance vis-à-vis de ces quelques figures, mais ils avaient prit un retard monumental par rapport à Ses pouvoirs, à Ses capacités. Et ils ne le rattraperaient pas en une heure, pas maintenant. Plus maintenant.
Il n’avait plus qu’à les cueillir, avec Pasteqman et les quelques autres, récupérer les corps des défunts et partir. Et le tout, dans l’indifférence générale. Ses ondes de calme qu’Il dégageait sur la totalité de la population Trauménienne présente Le rendait plus invisible que tout autre solution : Il devenait insignifiant. Personne ne Le remarquerait, ni Lui, ni ses acolytes, en train de récupérer les corps de Hilde et de Séphira Strife.
Il avait tout d’abord songé à laisser IL avec les autres Trauméniens, afin de S’accaparer des corps d’Halvorc et de Soulblighter. Mais en réalité, seules Hilde et Séphira Strife L’intéressaient. Les autres n’étaient que du menu fretin. Et avec ces deux femmes, Il pourrait avoir les importants. Ceux qui compte pour Lui.
À ses cotés, Pasteqman s’agita, Lui faisant comprendre avec le plus de tact possible qu’il désirait passer à l’action. Il Se tourna vers son fidèle lieutenant, bien plus indispensable à ses yeux que les autres sous-fifres qu’Il employait, et lui indiqua l’entrée d’un léger mouvement de tête.
« C’est à toi de jouer. Récupère IL, FireFly et Radamenthe. Ensuite, tous les quatre, vous prendrez les deux congélateurs où se trouvent Hilde et Séphira Strife. »
Pasteqman acquiesça et partit au pas, slalomant entre DragonNoir et Q-Po qui n’avaient même plus la force de s’opposer à quoi que ce soit. Pour eux, tout était terminé. Les messages télépathiques envoyés par Mistrophera
Ne pas s’en faire.
Rien d’anormal.
tournaient en boucle dans tous les esprits.
Mais à eux, à ceux qui comptaient, Il leur rajoutait un supplément d’anéantissement, qui réduisait leur courage à une vague énergie tremblotante. À rien, pour ainsi dire. Et le fait est qu’aucun d’entre eux n’avait bougé pour s’interposer devant Pasteqman. Mistrophera était déçu : ils étaient plus faibles qu’Il ne L’avait pensé.
13 Chasse et croisé.
Pasteqman bouscula un des adolescents qui accourrait à sa rencontre. Viper Dragoon le regarda d’un œil torve s’éloigner à travers les autres Trauméniens qui s’amusaient encore. Il ne se souvint pas l’avoir déjà vu, mais ça ne lui importait guère. Il se retourna et fila voir Arkh, pour clouer le bec à Pythagore.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
12 DarKenshin.
Halvorc sentit une main se poser sur sa joue, une main froide, glacée même, dont l’apposition lui faisait l’effet d’un électrochoc et le sortit de sa rêverie. Dans ce songe, il était retourné dans l’au-delà des Dieux Nordiques, et réussissait à intercepter la flèche destinée à Thor à la place de Séphira Strife.
Halvorc ouvrit les yeux, et regretta que ça ne soit pas là la vérité.
« Est-ce que ça va ? demanda DarKenshin.
-J’ai connu mieux. » Le contact glacé se mua en une tiédeur apaisante, et Halvorc se demanda un moment comment il avait pu sentir ce froid si étrange et engourdissant en lieu et place des doigts de la Trauménienne. Il classa ces questions dans un coin de son esprit, et se redressa sur un coude.
« Est-ce que quelqu’un est arrivé ? »
La Voix lui résonnait toujours dans les oreilles, lui disant de se rallonger, de sombrer de nouveau, de rejoindre son rêve, de ne pas s’en faire, que tout allait bien. Il lutta contre les inflexions hypnotisantes de cette voix en s’accrochant à l’image de Séphira Strife.
« Qu’est-ce que tu veux dire ? dit DarKenshin en se penchant en avant.
-Est-ce que quelqu’un est à la porte, en ce moment ? »
DarKenshin, prise au dépourvu, tenta de réfléchir. Mais son cerveau était étrangement embué et elle n’arrivait pas à visualiser ce qu’elle avait pourtant aperçu à la porte quelques secondes avant qu’elle ne découvre Halvorc.
« Je ne sais p… commença-t-elle.
-Aide-moi à me relever. » lui dit-il.
11 Elle.
Dans le salon, elle vit entrer à sa droite Pasteqman, et à gauche le trio IL Lord FireFly Radamenthe. Ils ne firent même pas attention à elle, leur attention concentrée sur les congélateurs qui contenaient leur but.
Elle se tint prête.
10 Le Sauveur.
Viper Dragoon inspira une grande bouffée d’air et se planta devant Arkh.
9 Abandon.
Les yeux dans le vide, DragonNoir sentit toutes ses forces l’abandonner. Il en était de même pour les trois autres Trauméniens qui se tenaient devant Lui. Leur vitalité s’échappait d’eux, tout comme leur courage et leur volonté.
8 Une seconde.
C’est à ce moment précis que les ondes cessèrent.
7 Imprévisible.
Tout se déroulait pourtant bien, mais Il n’avait pas prévu qu’un esprit plus fort – plus fort que la masse, en tout cas – lui coupe tout pouvoir, ne serait-ce qu’un instant. Un instant assez long pour risquer de faire tout basculer. Et Il n’aimait pas ce qu’Il n’avait pas prévu.
Ses mains, paumes tournées vers les Trauméniens, semblaient palper le vide. En réalité, Il ressemblait à un marionnettiste dirigeant les fils invisibles de l’ensemble des consciences présentes en ces lieux, ses doigts se tendant, se pliant et se mouvant dans l’air.
Puis quelqu’un coupa ces fils, et les consciences s’éveillèrent.
Elles sentirent immédiatement le danger.
6 Premier échec.
« Arkh, mon doux prince ! » beugla Viper Dragoon, rompant le maléfice sans même le vouloir. Arkh eut un éclair de lucidité lui traverser les yeux, et il se tourna immédiatement vers Q-Po, qui acquiesça.
« J’ai besoin de savoir qui est le véritable responsable de tout ce…
-Pas maintenant. » trancha Arkh avec un laconisme inhabituel. DragonNoir reprenait peu à peu ses esprits, près de lui, ainsi que Lord Satana.
Les Trauméniens firent rapidement silence, et toutes les têtes se retrouvèrent bientôt tournées vers Lui. Et ils Le dévisagèrent, ils L’observèrent comme on observe une bête, un individu hors du commun, un exclu. Il n’aima pas ce regard, et Se demanda comment un être tel que Viper Dragoon avait pu venir à bout si facilement de Ses facultés.
Le calme qui succédait à la gaieté paraissait encore plus gênant que le brouhaha précédent. Les Trauméniens, qui regardaient maintenant tous la petite scène qui se déroulait à l’entrée de l’appartement de DragonNoir, n’osaient pas parler mais se demandaient tous qui était ce nouvel arrivant. En eux, ils le savaient.
Sans plus attendre, Il fit un nouveau pas, S’avançant presque à toucher DragonNoir, et leur lança un sourire étonnamment poupin. Presque gracieux.
« Bien, je vois que vous avez tous remarqué Mon arrivée, Mon intrusion, finalement. Soit. Ce n’est pas plus mal, après tout. On ne fait pas une guerre sans connaître son ennemi, et il serait grand temps que vous vous rendiez compte que vous n’êtes pas les seuls à marcher sur les pas de Séphy-Roshou.
-Qu’est-ce que tu veux de nous, exactement, Mistrophera ? » lâcha Q-Po. L’énonciation claire de Son nom en fit sursauter plus d’un, et donna la confirmation aux autres de ce qu’ils croyaient. Un début de rumeur, de chuchoteries, s’amorça.
« De vous tous, ici, réunis pour cette cause aussi abjecte que futile ? Rien. »
Les rumeurs s’amplifièrent.
« Seulement, après mûres réflexions et moult délibérations avec Moi-même, J’ai décidé qu’il était enfin temps de passer aux choses sérieuses avec ce qu’il reste de ce forum que l’on nommait Traumen. »
5 Discours.
Halvorc, soutenu par DarKenshin, croisa le regard de Mistrophera. Il sut instantanément, au même titre que DragonNoir, Arkh, Q-Po ou Lord Satana, qui était cet individu et qu’Il n’était certainement pas là pour rien. Par contre, il fut le seul à remarquer l’absence de Pasteqman à Ses cotés, bien qu’il n’ait pas assisté à leur arrivée.
« Il manque quelqu’un, quelqu’un qui était avec Lui, tout à l’heure.
-Qui ça ? demanda DarKenshin.
-Je ne sais pas. Mais… »
Tandis qu’Halvorc tentait, en vain, de comprendre pourquoi il était persuadé que cette supposition était une certitude, Lui continuait Son discours d’introduction.
« Vous avez certainement remarqué que des faits restaient inexpliqués, notamment la disparition de corps de vos camarades suicidés, ou les divers échecs des missions engagés.
-C’est Toi qui est derrière ces fiascos ? demanda Q-Po.
-À ton avis, Moogle ? Serais-Je là si Je ne vous avais pas infiltré depuis le départ ? Depuis même avant le départ, si on y songe. »
Dans la foule des Trauméniens abasourdis, Soulblighter repensait à IL et à ses actions pour le moins douteuses, envers Shannia ou Halvorc. De son coté, Halvorc pensait la même chose, justement. Et ils en vinrent à la même conclusion : Son apparition et Son discours n’avaient de raison d’être que pour détourner l’attention.
« Les corps… » murmura Halvorc.
DarKenshin tendit l’oreille, mais un bruit assourdissant l’arrêta avant qu’elle n’ait pu lui demander de répéter ce qu’il avait dit.
Les vitres et les portes du salon venaient de voler en éclats.
4 Surprise !
C’est DragonNoir qui vit le premier le corps de Pasteqman dans les débris, grognant de douleur et de surprise. De frustration, aussi ? Peut-être bien, car Pasteqman n’avait pas l’habitude de se faire mettre à mal, surtout par une femme. Il jeta un regard noir aux trois autres qui n’avaient pas bougé. IL, Radamenthe et Lord FireFly n’osaient pas remuer d’un pouce, face à elle.
Elle, justement, se dressait dans les restes de l’embrasure de la porte. Fièrement, avec une once d’arrogance non dissimulée, même, elle s’avança au milieu des morceaux de verre cassés et des échardes de bois grandes comme des pieds de tables. Elle attrapa Pasteqman par le col, et le souleva comme s’il s’agissait d’un simple mannequin en chiffon. Puis elle se tourna vers Lui, qui arborait un masque d’hébétude inaccoutumé.
« Tiens, c’est à Toi. » cracha-t-elle dédaigneusement en balançant le corps suspendu de Pasteqman à travers la salle. Tous s’écartèrent, suivant Pasteqman des yeux. Seul un œil acéré aurait pu voir l’aura bleutée qui entourait de temps en temps les bras de la jeune femme que personne ne connaissait. Ou presque.
Pasteqman se concentra et atterrit en douceur, à Ses cotés. Il Se tourna vers lui et lui adressa un regard de désapprobation aussi inquiétant que menaçant.
Ank avait prit le dessus.
« Qu’est-ce que c’est que cette sale petite garce ? tonna-t-Il. Et qu’est-ce qu’elle t’a fait pour que tu te retrouves à traverser le salon ! Je t’avais dit de faire ça le plus discrètement possible !
-Je n’ai pas eu trop le choix, répondit Pasteqman, les yeux rivés sur son adversaire. Elle m’a prit par surprise. »
Mistrophera se tourna vers elle et la dévisagea. Il ne la reconnut pas immédiatement, mais lorsque la lumière se fit, chacune des personnes présentes dans la pièce entendirent distinctement un crépitement mental suraigu. Ils se mirent les mains sur les oreilles, par réflexe, sans penser que le son provenait de l’intérieur de leur crâne et non d’ailleurs.
Une vieille connaissance, datant d’il y a si peu de temps, et pourtant. Le temps était malléable, et Il le savait. Le temps, et les réalités. Pourtant, ce n’était pas une autre elle, c’était vraiment la fille qu’Il avait rencontré et qu’Il avait perdu. Une menteuse, une traîtresse, une vendue. Et encore aujourd’hui, elle le trahissait.
Une ultime fois.
« Julie… » croassa-t-Il en fronçant les sourcils.
Halvorc sentit une main se poser sur sa joue, une main froide, glacée même, dont l’apposition lui faisait l’effet d’un électrochoc et le sortit de sa rêverie. Dans ce songe, il était retourné dans l’au-delà des Dieux Nordiques, et réussissait à intercepter la flèche destinée à Thor à la place de Séphira Strife.
Halvorc ouvrit les yeux, et regretta que ça ne soit pas là la vérité.
« Est-ce que ça va ? demanda DarKenshin.
-J’ai connu mieux. » Le contact glacé se mua en une tiédeur apaisante, et Halvorc se demanda un moment comment il avait pu sentir ce froid si étrange et engourdissant en lieu et place des doigts de la Trauménienne. Il classa ces questions dans un coin de son esprit, et se redressa sur un coude.
« Est-ce que quelqu’un est arrivé ? »
La Voix lui résonnait toujours dans les oreilles, lui disant de se rallonger, de sombrer de nouveau, de rejoindre son rêve, de ne pas s’en faire, que tout allait bien. Il lutta contre les inflexions hypnotisantes de cette voix en s’accrochant à l’image de Séphira Strife.
« Qu’est-ce que tu veux dire ? dit DarKenshin en se penchant en avant.
-Est-ce que quelqu’un est à la porte, en ce moment ? »
DarKenshin, prise au dépourvu, tenta de réfléchir. Mais son cerveau était étrangement embué et elle n’arrivait pas à visualiser ce qu’elle avait pourtant aperçu à la porte quelques secondes avant qu’elle ne découvre Halvorc.
« Je ne sais p… commença-t-elle.
-Aide-moi à me relever. » lui dit-il.
11 Elle.
Dans le salon, elle vit entrer à sa droite Pasteqman, et à gauche le trio IL Lord FireFly Radamenthe. Ils ne firent même pas attention à elle, leur attention concentrée sur les congélateurs qui contenaient leur but.
Elle se tint prête.
10 Le Sauveur.
Viper Dragoon inspira une grande bouffée d’air et se planta devant Arkh.
9 Abandon.
Les yeux dans le vide, DragonNoir sentit toutes ses forces l’abandonner. Il en était de même pour les trois autres Trauméniens qui se tenaient devant Lui. Leur vitalité s’échappait d’eux, tout comme leur courage et leur volonté.
8 Une seconde.
C’est à ce moment précis que les ondes cessèrent.
7 Imprévisible.
Tout se déroulait pourtant bien, mais Il n’avait pas prévu qu’un esprit plus fort – plus fort que la masse, en tout cas – lui coupe tout pouvoir, ne serait-ce qu’un instant. Un instant assez long pour risquer de faire tout basculer. Et Il n’aimait pas ce qu’Il n’avait pas prévu.
Ses mains, paumes tournées vers les Trauméniens, semblaient palper le vide. En réalité, Il ressemblait à un marionnettiste dirigeant les fils invisibles de l’ensemble des consciences présentes en ces lieux, ses doigts se tendant, se pliant et se mouvant dans l’air.
Puis quelqu’un coupa ces fils, et les consciences s’éveillèrent.
Elles sentirent immédiatement le danger.
6 Premier échec.
« Arkh, mon doux prince ! » beugla Viper Dragoon, rompant le maléfice sans même le vouloir. Arkh eut un éclair de lucidité lui traverser les yeux, et il se tourna immédiatement vers Q-Po, qui acquiesça.
« J’ai besoin de savoir qui est le véritable responsable de tout ce…
-Pas maintenant. » trancha Arkh avec un laconisme inhabituel. DragonNoir reprenait peu à peu ses esprits, près de lui, ainsi que Lord Satana.
Les Trauméniens firent rapidement silence, et toutes les têtes se retrouvèrent bientôt tournées vers Lui. Et ils Le dévisagèrent, ils L’observèrent comme on observe une bête, un individu hors du commun, un exclu. Il n’aima pas ce regard, et Se demanda comment un être tel que Viper Dragoon avait pu venir à bout si facilement de Ses facultés.
Le calme qui succédait à la gaieté paraissait encore plus gênant que le brouhaha précédent. Les Trauméniens, qui regardaient maintenant tous la petite scène qui se déroulait à l’entrée de l’appartement de DragonNoir, n’osaient pas parler mais se demandaient tous qui était ce nouvel arrivant. En eux, ils le savaient.
Sans plus attendre, Il fit un nouveau pas, S’avançant presque à toucher DragonNoir, et leur lança un sourire étonnamment poupin. Presque gracieux.
« Bien, je vois que vous avez tous remarqué Mon arrivée, Mon intrusion, finalement. Soit. Ce n’est pas plus mal, après tout. On ne fait pas une guerre sans connaître son ennemi, et il serait grand temps que vous vous rendiez compte que vous n’êtes pas les seuls à marcher sur les pas de Séphy-Roshou.
-Qu’est-ce que tu veux de nous, exactement, Mistrophera ? » lâcha Q-Po. L’énonciation claire de Son nom en fit sursauter plus d’un, et donna la confirmation aux autres de ce qu’ils croyaient. Un début de rumeur, de chuchoteries, s’amorça.
« De vous tous, ici, réunis pour cette cause aussi abjecte que futile ? Rien. »
Les rumeurs s’amplifièrent.
« Seulement, après mûres réflexions et moult délibérations avec Moi-même, J’ai décidé qu’il était enfin temps de passer aux choses sérieuses avec ce qu’il reste de ce forum que l’on nommait Traumen. »
5 Discours.
Halvorc, soutenu par DarKenshin, croisa le regard de Mistrophera. Il sut instantanément, au même titre que DragonNoir, Arkh, Q-Po ou Lord Satana, qui était cet individu et qu’Il n’était certainement pas là pour rien. Par contre, il fut le seul à remarquer l’absence de Pasteqman à Ses cotés, bien qu’il n’ait pas assisté à leur arrivée.
« Il manque quelqu’un, quelqu’un qui était avec Lui, tout à l’heure.
-Qui ça ? demanda DarKenshin.
-Je ne sais pas. Mais… »
Tandis qu’Halvorc tentait, en vain, de comprendre pourquoi il était persuadé que cette supposition était une certitude, Lui continuait Son discours d’introduction.
« Vous avez certainement remarqué que des faits restaient inexpliqués, notamment la disparition de corps de vos camarades suicidés, ou les divers échecs des missions engagés.
-C’est Toi qui est derrière ces fiascos ? demanda Q-Po.
-À ton avis, Moogle ? Serais-Je là si Je ne vous avais pas infiltré depuis le départ ? Depuis même avant le départ, si on y songe. »
Dans la foule des Trauméniens abasourdis, Soulblighter repensait à IL et à ses actions pour le moins douteuses, envers Shannia ou Halvorc. De son coté, Halvorc pensait la même chose, justement. Et ils en vinrent à la même conclusion : Son apparition et Son discours n’avaient de raison d’être que pour détourner l’attention.
« Les corps… » murmura Halvorc.
DarKenshin tendit l’oreille, mais un bruit assourdissant l’arrêta avant qu’elle n’ait pu lui demander de répéter ce qu’il avait dit.
Les vitres et les portes du salon venaient de voler en éclats.
4 Surprise !
C’est DragonNoir qui vit le premier le corps de Pasteqman dans les débris, grognant de douleur et de surprise. De frustration, aussi ? Peut-être bien, car Pasteqman n’avait pas l’habitude de se faire mettre à mal, surtout par une femme. Il jeta un regard noir aux trois autres qui n’avaient pas bougé. IL, Radamenthe et Lord FireFly n’osaient pas remuer d’un pouce, face à elle.
Elle, justement, se dressait dans les restes de l’embrasure de la porte. Fièrement, avec une once d’arrogance non dissimulée, même, elle s’avança au milieu des morceaux de verre cassés et des échardes de bois grandes comme des pieds de tables. Elle attrapa Pasteqman par le col, et le souleva comme s’il s’agissait d’un simple mannequin en chiffon. Puis elle se tourna vers Lui, qui arborait un masque d’hébétude inaccoutumé.
« Tiens, c’est à Toi. » cracha-t-elle dédaigneusement en balançant le corps suspendu de Pasteqman à travers la salle. Tous s’écartèrent, suivant Pasteqman des yeux. Seul un œil acéré aurait pu voir l’aura bleutée qui entourait de temps en temps les bras de la jeune femme que personne ne connaissait. Ou presque.
Pasteqman se concentra et atterrit en douceur, à Ses cotés. Il Se tourna vers lui et lui adressa un regard de désapprobation aussi inquiétant que menaçant.
Ank avait prit le dessus.
« Qu’est-ce que c’est que cette sale petite garce ? tonna-t-Il. Et qu’est-ce qu’elle t’a fait pour que tu te retrouves à traverser le salon ! Je t’avais dit de faire ça le plus discrètement possible !
-Je n’ai pas eu trop le choix, répondit Pasteqman, les yeux rivés sur son adversaire. Elle m’a prit par surprise. »
Mistrophera se tourna vers elle et la dévisagea. Il ne la reconnut pas immédiatement, mais lorsque la lumière se fit, chacune des personnes présentes dans la pièce entendirent distinctement un crépitement mental suraigu. Ils se mirent les mains sur les oreilles, par réflexe, sans penser que le son provenait de l’intérieur de leur crâne et non d’ailleurs.
Une vieille connaissance, datant d’il y a si peu de temps, et pourtant. Le temps était malléable, et Il le savait. Le temps, et les réalités. Pourtant, ce n’était pas une autre elle, c’était vraiment la fille qu’Il avait rencontré et qu’Il avait perdu. Une menteuse, une traîtresse, une vendue. Et encore aujourd’hui, elle le trahissait.
Une ultime fois.
« Julie… » croassa-t-Il en fronçant les sourcils.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
3 Hitomi.
TheMaker, qui avait à la fois tout saisi de la situation, et à la fois rien compris à ce qu’il s’était passé, s’approcha de son amie et lui glissa deux mots à l’oreille.
« Tu Le connais, Hitomi ? »
Hitomi, ou Julie pour ceux qui connaissaient son véritable prénom, hocha la tête en silence. Elle n’avait vécu que pour ce moment, depuis qu’Il avait rejeté Lainé, Munoz et Blanchot avec pour objectif de S’entourer des plus puissants. Hitomi se remémora les dernières années, depuis leur rejet après l’affaire de Stéphane.
L’ensemble de la bande l’avait très bien vécu, et ils étaient tous retournés à des affaires plus normales après que les tests les aient relégués en bas de l’échelle. Julie/Hitomi était au courant pour la panoplie d’expérimentations qu’Il avait effectué sur eux, et sur l’ensemble des soldats du Patron. Elle savait pratiquement tout, parce qu’elle était restée proche de Lui malgré Son changement, malgré Son état d’esprit.
Elle ne l’aimait pas. C’était Lainé, Jacques Lainé, la grosse brute qui Le martyrisait dans un quand pas si ancien. C’était lui qu’elle aimait, et leur relation durait toujours aujourd’hui. Et ça grâce à elle. Ils avaient tout les trois été perçus comme négatifs aux stimuli mentaux pratiqués sur leur imagination. Incapable de concevoir un autre monde par l’esprit, avaient dit les scientifiques. Ils n’avaient pas jugés bon de s’entraîner pour essayer de s’incorporer à nouveau à Ses troupes.
Mais elle, Julie/Hitomi, avait dû cacher ses pouvoirs pour être libre de ses faits et gestes. Pour rester avec Jacques Lainé, son Jacques Lainé qui était chez elle en ce moment même, certainement en train de dormir paisiblement tandis qu’elle s’évertuait à protéger un pan entier de réalité d’un monstre aussi cruel qu’un amant éconduit.
Elle avait échappé au confinement de Son armée, nouvelle à l’époque, et elle avait simplement monté ses pouvoirs, ses capacités, par elle-même. Seule, comme Lui avait été seul des années durant. Elle n’éprouvait pourtant pas de peine envers Lui, seulement de la pitié. Lorsqu’elle fut enfin prête, enfin décidée, et sûre qu’Il allait passer à l’action elle avait cessé sa surveillance rapprochée (quelle coïncidence que son ami TheMaker ait été sur le même forum que Lui) et avait patiemment attendu Sa venue.
Ce moment précis.
Maintenant.
2 Tension.
« Tu ne mèneras pas ton plan à terme. Pas avec moi. »
Hitomi s’avança, et tous reculèrent. Ils n’avaient pas peur d’elle, car ils l’avaient vu rire et parler, même quelques minutes auparavant. Pourtant, la jeune fille qui avançait vers Lui, maintenant, n’avait plus rien à voir avec celle qu’ils avaient côtoyé ces dernières heures. Elle resplendissait. Elle semblait plus… moins…
(existante)
…que les autres. Qu’eux. Elle fit un nouveau pas.
« Je ne pensais pas te revoir, pas après que les tests t’aient annoncé comme étant non réceptrice à ces capacités mentales. »
Il S’était calmé, et avait enfoui Ank en Lui pour un moment. Il n’aimait pas Sa façon de reprendre le dessus alors qu’Il ne s’y attendait pas.
Hitomi ignora la remarque et marcha vers Lui.
« Comme Toi, je me suis entraînée.
-Oh, ça M’étonnerait. »
Sans un mot, Il croisa les bras et les Trauméniens se retrouvèrent soufflés par une puissance invisible, qui en envoya plus d’un à terre. Au plus près de la force, DragonNoir et Arkh se retrouvèrent plaqués au mur, écrasant Lord Satana et Q-Po sans le vouloir. Mistrophera leva un sourcil.
« Alors ? Mis à part M’obliger à étaler inutilement Mes pouvoirs aux yeux de tous, est-ce que cet aperçu t’a convaincu que tu n’as définitivement pas de capacités assez développées pour Me contrer ? »
Hitomi se releva et toisa Mistrophera. Les Trauméniens autour d’elle sentirent un appel d’air, et Ses cheveux semblèrent soufflés par un vent que personne ne sentait. Il ne fit que plisser les yeux, et attendit que ça se calme. Voyant que c’était inutile, Hitomi cessa.
« Bien ! S’exclama-t-Il. Tu veux savoir ce que tu as gagné, avec cette pâle imitation de force mentale ? Déjà, tu as perdu ton effet de surprise en te dévoilant à Moi aussi impudiquement. Et de deux, tu M’obliges à gérer cette affaire plus violemment que ce qui était prévu initialement. »
Les Trauméniens assistaient à la discussion sans oser y prendre part. Dès que l’un d’eux se sentait assez en confiance pour intervenir, une vague de froid et de doute le submergeait. Et derrière Lui, Pasteqman souriait.
« J’avais simplement prévu de M’emparer des corps de Séphira Strife et de Hilde, sans faire de coup d’éclats, sans même faire de blessés, alors qu’il est manifeste que Je pourrais tous vous balayer d’un revers distrait de la main. »
Il agita la main, pour illustrer son propos, et certains des Trauméniens les plus proches rentrèrent inconsciemment la tête dans leurs épaules.
« Mais ce n’est pas ce que je veux. J’ai… » Il hésita. « …un plan. Mais pour le réaliser, je crains avoir besoin de nombre d’entre-vous. Enfin, pour être plus précis, de certains d’entre vous. Vous ne Me serez pas tous utiles, loin de là, mais toute vocation volontaire est acceptée. S’il y en a que ça intéresse…
-Hors de question ! »
Les regards convergèrent vers DragonNoir, qui avait on ne sait comment réussit à passer au-delà du ligotage mental pratiqué par Pasteqman. Celui-ci défaillit, et certains qui trouvaient l’idée séduisante se sentirent moins attirés, soudainement. Mistrophera ferma les yeux, et expira lentement, comme une exaspération contenue.
« Alors si c’est le cas, Je n’ai plus rien à faire ici. Vous saurez où Me trouver ! »
Il fit demi tour et ressortit de l’appartement, sous les yeux hébété de toutes les personnes présentes. Sur le pas de la porte, dos à tous, Il lança deux derniers mots, autant mentaux que oraux.
« Allons-y ! »
Allons-y !
Allons-y !
1 Écha(r)ppée belle.
IL, Lord FireFly et Radamenthe entendirent en même temps l’ordre mental, et s’élancèrent. Ils n’avaient finalement pas pu prendre les congélateurs, préférant porter les corps sur leurs épaules au lieu de devoir réduire à néant la moitié du bâtiment pour s’échapper. Tandis que tout le monde se concentrait sur le face à face Hitomi/Mistrophera, ils avaient eu le temps de concevoir un plan d’évasion.
Lord FireFly mit le sac qui contenait les restes d’Hilde sur son dos, et Radamenthe cala Séphira Strife sur son épaule. Puis IL se mit à courir, les mains en avant. IL se concentra quelques secondes, et une bulle d’énergie émergea de ses paumes en un bouclier solide, qui heurta et envoya à terre ceux qui se dressaient devant lui et son groupe.
TheMaker s’écarta avant qu’IL ne le renverse, et tenta d’attraper la main de Séphira Strife qui ballottait sur les fesses de Radamenthe, mais celui-ci s’en rendit compte et envoya un éclair fulgurant. TheMaker roula à terre en se tenant la main, et une odeur de brûlé se répandit rapidement dans la pièce.
Face à eux, Hitomi se retourna et lança ses mains en avant, tandis que l’inertie des Trauméniens s’estompait. Elle ferma les yeux, mais une douleur sourde lui arracha un hurlement de douleur, et elle tomba face contre terre. Sans prendre la peine de l’éviter, IL la piétina en poursuivant sa course, renversant au passage Viper Dragoon qui tentait lui aussi de s’interposer, en vain.
Une lampe atterrit sur le crâne de Lord FireFly, qui vacilla un instant. Il laissa tomber le sac avec un bruit mou et regarda Halvorc, qui lui avait balancé le bibelot.
« Il faut les arrêter ! hurla-t-il. Tous sur eux ! »
La main de FireFly saisit le sac et il le tira sur son épaule, mais il résista. À l’autre bout, Gorgon_Roo le maintenait en place en lançant au Trauménien renégat un regard de fureur pure. Lord FireFly hésita un quart de seconde entre affronter le courroux de Gorgon_Roo et celui de Mistrophera, puis lâcha le sac. Gorgon_Roo le tira à lui, et quelque chose lui perfora la cuisse. Lord FireFly fermait les yeux.
« Il me faut les deux mains, pour ça. »
Il reprit le sac et laissa là Gorgon_Roo et sa jambe empalée par un balais qui traînait non loin. Le chaos était total. Arkh et Q-Po s’élancèrent à la poursuite des traîtres dans l’escalier, mais ils furent rapidement arrêtés par une demi douzaine de militaires qui surgirent de nulle part, et leur intimèrent sans un mot de rester cloîtrés ici, chez DragonNoir.
Les cris de douleur se mêlaient à la chaleur de l’attaque qu’ils venaient de subir. DragonNoir regarda le désastre à ses pieds, les blessés, le sang, et se demanda pourquoi tout tournait ainsi, si soudainement, alors que quelques heures auparavant tout semblait enfin s’arranger contre toute attente.
Sa Voix Se déversa à nouveau dans leurs têtes, sans prévenir :
N’oubliez pas, je suis pour le volontariat !
Une Voix douce, calme, avec des sursauts jubilatoires. Une Voix de victoire, de vainqueur. Une Voix de domination.
Alors DragonNoir s’autorisa à laisser dévaler ses larmes.
TheMaker, qui avait à la fois tout saisi de la situation, et à la fois rien compris à ce qu’il s’était passé, s’approcha de son amie et lui glissa deux mots à l’oreille.
« Tu Le connais, Hitomi ? »
Hitomi, ou Julie pour ceux qui connaissaient son véritable prénom, hocha la tête en silence. Elle n’avait vécu que pour ce moment, depuis qu’Il avait rejeté Lainé, Munoz et Blanchot avec pour objectif de S’entourer des plus puissants. Hitomi se remémora les dernières années, depuis leur rejet après l’affaire de Stéphane.
L’ensemble de la bande l’avait très bien vécu, et ils étaient tous retournés à des affaires plus normales après que les tests les aient relégués en bas de l’échelle. Julie/Hitomi était au courant pour la panoplie d’expérimentations qu’Il avait effectué sur eux, et sur l’ensemble des soldats du Patron. Elle savait pratiquement tout, parce qu’elle était restée proche de Lui malgré Son changement, malgré Son état d’esprit.
Elle ne l’aimait pas. C’était Lainé, Jacques Lainé, la grosse brute qui Le martyrisait dans un quand pas si ancien. C’était lui qu’elle aimait, et leur relation durait toujours aujourd’hui. Et ça grâce à elle. Ils avaient tout les trois été perçus comme négatifs aux stimuli mentaux pratiqués sur leur imagination. Incapable de concevoir un autre monde par l’esprit, avaient dit les scientifiques. Ils n’avaient pas jugés bon de s’entraîner pour essayer de s’incorporer à nouveau à Ses troupes.
Mais elle, Julie/Hitomi, avait dû cacher ses pouvoirs pour être libre de ses faits et gestes. Pour rester avec Jacques Lainé, son Jacques Lainé qui était chez elle en ce moment même, certainement en train de dormir paisiblement tandis qu’elle s’évertuait à protéger un pan entier de réalité d’un monstre aussi cruel qu’un amant éconduit.
Elle avait échappé au confinement de Son armée, nouvelle à l’époque, et elle avait simplement monté ses pouvoirs, ses capacités, par elle-même. Seule, comme Lui avait été seul des années durant. Elle n’éprouvait pourtant pas de peine envers Lui, seulement de la pitié. Lorsqu’elle fut enfin prête, enfin décidée, et sûre qu’Il allait passer à l’action elle avait cessé sa surveillance rapprochée (quelle coïncidence que son ami TheMaker ait été sur le même forum que Lui) et avait patiemment attendu Sa venue.
Ce moment précis.
Maintenant.
2 Tension.
« Tu ne mèneras pas ton plan à terme. Pas avec moi. »
Hitomi s’avança, et tous reculèrent. Ils n’avaient pas peur d’elle, car ils l’avaient vu rire et parler, même quelques minutes auparavant. Pourtant, la jeune fille qui avançait vers Lui, maintenant, n’avait plus rien à voir avec celle qu’ils avaient côtoyé ces dernières heures. Elle resplendissait. Elle semblait plus… moins…
(existante)
…que les autres. Qu’eux. Elle fit un nouveau pas.
« Je ne pensais pas te revoir, pas après que les tests t’aient annoncé comme étant non réceptrice à ces capacités mentales. »
Il S’était calmé, et avait enfoui Ank en Lui pour un moment. Il n’aimait pas Sa façon de reprendre le dessus alors qu’Il ne s’y attendait pas.
Hitomi ignora la remarque et marcha vers Lui.
« Comme Toi, je me suis entraînée.
-Oh, ça M’étonnerait. »
Sans un mot, Il croisa les bras et les Trauméniens se retrouvèrent soufflés par une puissance invisible, qui en envoya plus d’un à terre. Au plus près de la force, DragonNoir et Arkh se retrouvèrent plaqués au mur, écrasant Lord Satana et Q-Po sans le vouloir. Mistrophera leva un sourcil.
« Alors ? Mis à part M’obliger à étaler inutilement Mes pouvoirs aux yeux de tous, est-ce que cet aperçu t’a convaincu que tu n’as définitivement pas de capacités assez développées pour Me contrer ? »
Hitomi se releva et toisa Mistrophera. Les Trauméniens autour d’elle sentirent un appel d’air, et Ses cheveux semblèrent soufflés par un vent que personne ne sentait. Il ne fit que plisser les yeux, et attendit que ça se calme. Voyant que c’était inutile, Hitomi cessa.
« Bien ! S’exclama-t-Il. Tu veux savoir ce que tu as gagné, avec cette pâle imitation de force mentale ? Déjà, tu as perdu ton effet de surprise en te dévoilant à Moi aussi impudiquement. Et de deux, tu M’obliges à gérer cette affaire plus violemment que ce qui était prévu initialement. »
Les Trauméniens assistaient à la discussion sans oser y prendre part. Dès que l’un d’eux se sentait assez en confiance pour intervenir, une vague de froid et de doute le submergeait. Et derrière Lui, Pasteqman souriait.
« J’avais simplement prévu de M’emparer des corps de Séphira Strife et de Hilde, sans faire de coup d’éclats, sans même faire de blessés, alors qu’il est manifeste que Je pourrais tous vous balayer d’un revers distrait de la main. »
Il agita la main, pour illustrer son propos, et certains des Trauméniens les plus proches rentrèrent inconsciemment la tête dans leurs épaules.
« Mais ce n’est pas ce que je veux. J’ai… » Il hésita. « …un plan. Mais pour le réaliser, je crains avoir besoin de nombre d’entre-vous. Enfin, pour être plus précis, de certains d’entre vous. Vous ne Me serez pas tous utiles, loin de là, mais toute vocation volontaire est acceptée. S’il y en a que ça intéresse…
-Hors de question ! »
Les regards convergèrent vers DragonNoir, qui avait on ne sait comment réussit à passer au-delà du ligotage mental pratiqué par Pasteqman. Celui-ci défaillit, et certains qui trouvaient l’idée séduisante se sentirent moins attirés, soudainement. Mistrophera ferma les yeux, et expira lentement, comme une exaspération contenue.
« Alors si c’est le cas, Je n’ai plus rien à faire ici. Vous saurez où Me trouver ! »
Il fit demi tour et ressortit de l’appartement, sous les yeux hébété de toutes les personnes présentes. Sur le pas de la porte, dos à tous, Il lança deux derniers mots, autant mentaux que oraux.
« Allons-y ! »
Allons-y !
Allons-y !
1 Écha(r)ppée belle.
IL, Lord FireFly et Radamenthe entendirent en même temps l’ordre mental, et s’élancèrent. Ils n’avaient finalement pas pu prendre les congélateurs, préférant porter les corps sur leurs épaules au lieu de devoir réduire à néant la moitié du bâtiment pour s’échapper. Tandis que tout le monde se concentrait sur le face à face Hitomi/Mistrophera, ils avaient eu le temps de concevoir un plan d’évasion.
Lord FireFly mit le sac qui contenait les restes d’Hilde sur son dos, et Radamenthe cala Séphira Strife sur son épaule. Puis IL se mit à courir, les mains en avant. IL se concentra quelques secondes, et une bulle d’énergie émergea de ses paumes en un bouclier solide, qui heurta et envoya à terre ceux qui se dressaient devant lui et son groupe.
TheMaker s’écarta avant qu’IL ne le renverse, et tenta d’attraper la main de Séphira Strife qui ballottait sur les fesses de Radamenthe, mais celui-ci s’en rendit compte et envoya un éclair fulgurant. TheMaker roula à terre en se tenant la main, et une odeur de brûlé se répandit rapidement dans la pièce.
Face à eux, Hitomi se retourna et lança ses mains en avant, tandis que l’inertie des Trauméniens s’estompait. Elle ferma les yeux, mais une douleur sourde lui arracha un hurlement de douleur, et elle tomba face contre terre. Sans prendre la peine de l’éviter, IL la piétina en poursuivant sa course, renversant au passage Viper Dragoon qui tentait lui aussi de s’interposer, en vain.
Une lampe atterrit sur le crâne de Lord FireFly, qui vacilla un instant. Il laissa tomber le sac avec un bruit mou et regarda Halvorc, qui lui avait balancé le bibelot.
« Il faut les arrêter ! hurla-t-il. Tous sur eux ! »
La main de FireFly saisit le sac et il le tira sur son épaule, mais il résista. À l’autre bout, Gorgon_Roo le maintenait en place en lançant au Trauménien renégat un regard de fureur pure. Lord FireFly hésita un quart de seconde entre affronter le courroux de Gorgon_Roo et celui de Mistrophera, puis lâcha le sac. Gorgon_Roo le tira à lui, et quelque chose lui perfora la cuisse. Lord FireFly fermait les yeux.
« Il me faut les deux mains, pour ça. »
Il reprit le sac et laissa là Gorgon_Roo et sa jambe empalée par un balais qui traînait non loin. Le chaos était total. Arkh et Q-Po s’élancèrent à la poursuite des traîtres dans l’escalier, mais ils furent rapidement arrêtés par une demi douzaine de militaires qui surgirent de nulle part, et leur intimèrent sans un mot de rester cloîtrés ici, chez DragonNoir.
Les cris de douleur se mêlaient à la chaleur de l’attaque qu’ils venaient de subir. DragonNoir regarda le désastre à ses pieds, les blessés, le sang, et se demanda pourquoi tout tournait ainsi, si soudainement, alors que quelques heures auparavant tout semblait enfin s’arranger contre toute attente.
Sa Voix Se déversa à nouveau dans leurs têtes, sans prévenir :
N’oubliez pas, je suis pour le volontariat !
Une Voix douce, calme, avec des sursauts jubilatoires. Une Voix de victoire, de vainqueur. Une Voix de domination.
Alors DragonNoir s’autorisa à laisser dévaler ses larmes.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
- Nombre de messages : 2475
Age : 42
Localisation : Dans les limbes torturées d'un esprit dérangé.
Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
0. …-en-point.
1 Dans la caverne.
Des jours et des jours de marche s’étaient écoulés pour les pionniers des voyages post-mortem. Ils avaient eut un accident, ils avaient eu des combats, ils avaient eu des révélations, ils avaient eu deux membres à ajouter dans leur groupe, ils avaient eu de nouveaux alliés et de nouveaux ennemis, et ils avaient eu un nouvel endroit à aller.
Sauf que cet endroit commençait à taper sur les nerfs des plus endurcis.
« On est coincé ici pour l’éternité ! couina Haschatan.
-L’éternité n’en sera que plus longue, si tu continues à te plaindre. »
Haschatan regarda Erwan avec de grands yeux emplis de larmes, puis, voyant que ça ne suffisait pas à dérider son compagnon, reprit sa marche silencieusement en regardant ses pieds. Erwan Linvorge soupira, se décala pour se mettre à coté de Squall.
« Combien de temps allons-nous marcher ainsi ?
-Aucune idée, Calisto. Vraiment aucune. »
Erwan ne releva pas l’erreur. Une voix dans son dos le fit sursauter.
« De toute façon, dit Mr.Magnum, il serait ridicule de faire demi-tour maintenant, tu ne penses pas ?
-Vu le chemin qu’on a parcouru, ajouta Fury, c’est sûr. »
Squall plissa les yeux mais n’aperçut toujours pas le bout du tunnel. Depuis leur départ du pays des Dames Blanches, ils n’avaient rencontré personne, et cette solitude, même à six, devenait pesante.
« Lâche-moi !! »
Tout le monde se retourna vers Kefka, qui titubait sous les coups d’éperons de K-Ro. Elle lui était monté sur le dos et tentait de le faire avancer comme un canasson. Le pauvre demi-Dieu se débattait furieusement.
« Mais tu es lourde !
-J’en ai marre de marcher. Tu peux bien me porter, tout de même ! Tu ne ressens pas la fatigue, en tant que créature issue de mon imagination !
-Mais alors toi non plus tu ne la ressens pas ! répliqua Kefka en se secouant.
-J’ai pas dit que j’étais fatiguée, juste que j’en avais marre de marcher. »
Kefka regarda sa maîtresse vénérée, puis abandonna. Il la cala le plus confortablement possible sur ses épaules et se remit à avancer. Les autres le regardèrent passer avec un petit sourire. Ce sourire signifiait autant leur amusement que leur solidarité avec cet éternel souffre-douleur.
« Et si ce couloir était infini ? proposa Erwan. S’il ne menait nulle part ?
-J’aime ton optimisme, railla Squall.
-A force de descendre, nous tomberons forcément sur quelque chose ! les rassura Mr.Magnum. Forcément.
-J’espère qu’ils auront du chocolat, en bas.
-Tu en as plein ton sac, K-Ro ! dit gentiment Erwan.
-C’est du chocolat virtuel, il a pas le même goût. »
Un bruit résonna derrière eux. Immédiatement, Squall se retourna, arme au poing, imité peu après par Fury, Erwan et Mr.Magnum. Ils scrutèrent les ténèbres au-delà de la lumière des torches, mais n’entendirent rien d’autre que leurs propres respirations.
« On a dû rêver. »
Mr.Magnum resta en arrière pour éviter de se faire prendre par surprise, puis ils reprirent leur route. Le groupe passa sur un des nombreux paliers qui jalonnaient la route, mais préférèrent ne pas s’y attarder.
« Nous nous arrêterons au prochain, pour une pause.
-Tant mieux ! » approuva Kefka.
Un coup de feu retentit, puis un piaillement humide. Les Trauméniens se retournèrent à nouveau, les nerfs à vifs. Mr.Magnum abaissa son arme, alors que des frottements sirupeux leur parvenaient aux oreilles. Les ténèbres se firent plus oppressantes.
« C… C’était quoi, ce truc ? bafouilla Kefka.
-Je pense que c’était une sorte d’immense ver des sables géant, style Dune, que Magnum vient de repousser en l’attaquant judicieusement en tirant entre ses centaines de dents effilés, perforant la gencive. Mais je ne pense pas qu’il l’ait tué. »
Ils regardèrent K-Ro, perplexes.
« Oh, mais ne soyez pas jaloux ! Il va bien revenir, et vous aussi vous le verrez ! »
Comme pour confirmer les paroles de K-Ro, un glougloutement de mauvais augure retentit dans la caverne, suivit d’un vagissement affamé. Sans plus réfléchir, ils se mirent à dévaler la pente de la caverne. Squall jubilait.
« Enfin de l’action ! »
Un immense bruit d’avalanche s’enclencha à leur suite, signe que le ver géant avait décidé d’entamer son casse-croûte. La scène rappela à Mr.Magnum un des derniers chapitres du cycle de la Tour Sombre, de Stephen King : Les deux héros étaient poursuivit par une créature abominable dans des tunnels souterrain. Il espéra en réchapper, comme eux.
Des balles fusèrent près de lui, et il vit Squall faire feu sur le ver qui ondulait, de plus en plus proche. Comme l’avait dit K-Ro, ses dents étaient nombreuses et effilées. Un système compliqué de rotation permettait à ce qu’il ingurgitait d’être suffisamment lacéré, écorché, réduit en purée pour qu’il ne risque pas de s’étrangler.
Il aurait tout de même pu éviter de nous lancer ça, merde ! songea Mr.Magnum en vidant à son tour son chargeur dans les gencives du monstre. Ce dernier rugit et du sang gicla de partout. Mais il poursuivait sa chasse.
Des images revinrent à l’esprit de Squall, en tête de la troupe : Ils avaient parfois dû passer des orifices géants qu’ils avaient rencontrés durant leur long périple. Parfois, ils avaient eu la place de passer sur le coté du trou, parfois l'ouverture était pratiquée dans le mur, ou au plafond. Et ils avaient toujours préféré suivre le chemin principal plutôt que de s’aventurer dans une de ces ouvertures.
Il était soudainement content de cette décision. Il remarqua Kefka qui peinait et qui perdait du terrain, à coté de lui.
« K-Ro ! Tu ne voudrais pas courir un peu, non ?
-Ouais, pas une… pfuu… mauvaise idée… pfuu…
-Non ! répondit-elle en croquant un morceau de chocolat.
-Mais K-Ro… commença Squall.
-Oh, c’est bon, d’accord! »
Elle sauta à terre et se mit à courir également, mais Squall remarqua que ses jambes ne remuaient pas. Il hausa un sourcil. K-Ro termina sa tablette et le regarda, tout sourire.
« Les contrats n’ont pas de bouche pour protester. » dit-elle sentencieusement. En dessous de sa semelle gauche, une pancarte « Au secours ! » apparu furtivement. Squall préféra détourner les yeux, et étouffa un rire.
C’est à cet instant qu’il entraperçut de la lumière, devant lui.
« Terre ! Terre ! brailla Haschatan à ses cotés, qui l’avait vu en même temps.
-Je dirais plutôt : Lumière, lumière, dit Squall.
-Et moi, j’ai plutôt envie de dire : Ver ! Ver !! »
Mr.Magnum, toujours entrain de tirer sur l’immense monstruosité qui avançait toujours plus vite, eut un instant de flottement : il venait de trébucher sur une pierre un peu plus grosse que les autres, et était maintenant en vol. Il regarda le ver qui roulait des dents, puis son champ de vision bascula, comme au ralenti, sur Erwan, de dos, qui courait au plafond.
Mais c’était lui qui avait la tête en bas. Il ouvrit la bouche pour leur crier de aire attention à lui, qu’il allait leur tomber dessus, mais il n’en eut pas le temps. Erwan se sentit propulsé en avant par une masse indéterminée, et il cru un instant que le Ver l’avait rattrapé. Ensuite, ce fut Kefka qui fut envoyé au tapis, roulant sur lui-même comme les autres, et donc continuant d’échapper aux dents de la terre.
Squall s’arrêta sur le promontoire, ainsi que K-Ro et Haschatan, et regarda l’immense salle qui se déployait à ses pieds. Une lumière bleutée était diffusée par d’immenses projecteurs, et le grand bâtiment du centre lui semblait familier. Il leur semblait à tous familier. Squall resta sans voix en comprenant ce qui se dressait devant lui, des dizaines de mètres en contrebas.
« Oh, merde, nous voilà devant la … »
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que Mr.Magnum le percuta, laissant Kefka à K-Ro et Erwan à Haschatan. Les six Trauméniens chutèrent en hurlant, en ayant au moins un problème de résolu : ils n’avaient plus à se creuser la tête pour descendre. Le ver émergea à son tour, puis tata le vide, à tout hasard, et rentra sa tête dans l’orifice. Il y avait d’autres tunnels, et avec un peu de chance, il retrouverait une proie plus facile.
1 Dans la caverne.
Des jours et des jours de marche s’étaient écoulés pour les pionniers des voyages post-mortem. Ils avaient eut un accident, ils avaient eu des combats, ils avaient eu des révélations, ils avaient eu deux membres à ajouter dans leur groupe, ils avaient eu de nouveaux alliés et de nouveaux ennemis, et ils avaient eu un nouvel endroit à aller.
Sauf que cet endroit commençait à taper sur les nerfs des plus endurcis.
« On est coincé ici pour l’éternité ! couina Haschatan.
-L’éternité n’en sera que plus longue, si tu continues à te plaindre. »
Haschatan regarda Erwan avec de grands yeux emplis de larmes, puis, voyant que ça ne suffisait pas à dérider son compagnon, reprit sa marche silencieusement en regardant ses pieds. Erwan Linvorge soupira, se décala pour se mettre à coté de Squall.
« Combien de temps allons-nous marcher ainsi ?
-Aucune idée, Calisto. Vraiment aucune. »
Erwan ne releva pas l’erreur. Une voix dans son dos le fit sursauter.
« De toute façon, dit Mr.Magnum, il serait ridicule de faire demi-tour maintenant, tu ne penses pas ?
-Vu le chemin qu’on a parcouru, ajouta Fury, c’est sûr. »
Squall plissa les yeux mais n’aperçut toujours pas le bout du tunnel. Depuis leur départ du pays des Dames Blanches, ils n’avaient rencontré personne, et cette solitude, même à six, devenait pesante.
« Lâche-moi !! »
Tout le monde se retourna vers Kefka, qui titubait sous les coups d’éperons de K-Ro. Elle lui était monté sur le dos et tentait de le faire avancer comme un canasson. Le pauvre demi-Dieu se débattait furieusement.
« Mais tu es lourde !
-J’en ai marre de marcher. Tu peux bien me porter, tout de même ! Tu ne ressens pas la fatigue, en tant que créature issue de mon imagination !
-Mais alors toi non plus tu ne la ressens pas ! répliqua Kefka en se secouant.
-J’ai pas dit que j’étais fatiguée, juste que j’en avais marre de marcher. »
Kefka regarda sa maîtresse vénérée, puis abandonna. Il la cala le plus confortablement possible sur ses épaules et se remit à avancer. Les autres le regardèrent passer avec un petit sourire. Ce sourire signifiait autant leur amusement que leur solidarité avec cet éternel souffre-douleur.
« Et si ce couloir était infini ? proposa Erwan. S’il ne menait nulle part ?
-J’aime ton optimisme, railla Squall.
-A force de descendre, nous tomberons forcément sur quelque chose ! les rassura Mr.Magnum. Forcément.
-J’espère qu’ils auront du chocolat, en bas.
-Tu en as plein ton sac, K-Ro ! dit gentiment Erwan.
-C’est du chocolat virtuel, il a pas le même goût. »
Un bruit résonna derrière eux. Immédiatement, Squall se retourna, arme au poing, imité peu après par Fury, Erwan et Mr.Magnum. Ils scrutèrent les ténèbres au-delà de la lumière des torches, mais n’entendirent rien d’autre que leurs propres respirations.
« On a dû rêver. »
Mr.Magnum resta en arrière pour éviter de se faire prendre par surprise, puis ils reprirent leur route. Le groupe passa sur un des nombreux paliers qui jalonnaient la route, mais préférèrent ne pas s’y attarder.
« Nous nous arrêterons au prochain, pour une pause.
-Tant mieux ! » approuva Kefka.
Un coup de feu retentit, puis un piaillement humide. Les Trauméniens se retournèrent à nouveau, les nerfs à vifs. Mr.Magnum abaissa son arme, alors que des frottements sirupeux leur parvenaient aux oreilles. Les ténèbres se firent plus oppressantes.
« C… C’était quoi, ce truc ? bafouilla Kefka.
-Je pense que c’était une sorte d’immense ver des sables géant, style Dune, que Magnum vient de repousser en l’attaquant judicieusement en tirant entre ses centaines de dents effilés, perforant la gencive. Mais je ne pense pas qu’il l’ait tué. »
Ils regardèrent K-Ro, perplexes.
« Oh, mais ne soyez pas jaloux ! Il va bien revenir, et vous aussi vous le verrez ! »
Comme pour confirmer les paroles de K-Ro, un glougloutement de mauvais augure retentit dans la caverne, suivit d’un vagissement affamé. Sans plus réfléchir, ils se mirent à dévaler la pente de la caverne. Squall jubilait.
« Enfin de l’action ! »
Un immense bruit d’avalanche s’enclencha à leur suite, signe que le ver géant avait décidé d’entamer son casse-croûte. La scène rappela à Mr.Magnum un des derniers chapitres du cycle de la Tour Sombre, de Stephen King : Les deux héros étaient poursuivit par une créature abominable dans des tunnels souterrain. Il espéra en réchapper, comme eux.
Des balles fusèrent près de lui, et il vit Squall faire feu sur le ver qui ondulait, de plus en plus proche. Comme l’avait dit K-Ro, ses dents étaient nombreuses et effilées. Un système compliqué de rotation permettait à ce qu’il ingurgitait d’être suffisamment lacéré, écorché, réduit en purée pour qu’il ne risque pas de s’étrangler.
Il aurait tout de même pu éviter de nous lancer ça, merde ! songea Mr.Magnum en vidant à son tour son chargeur dans les gencives du monstre. Ce dernier rugit et du sang gicla de partout. Mais il poursuivait sa chasse.
Des images revinrent à l’esprit de Squall, en tête de la troupe : Ils avaient parfois dû passer des orifices géants qu’ils avaient rencontrés durant leur long périple. Parfois, ils avaient eu la place de passer sur le coté du trou, parfois l'ouverture était pratiquée dans le mur, ou au plafond. Et ils avaient toujours préféré suivre le chemin principal plutôt que de s’aventurer dans une de ces ouvertures.
Il était soudainement content de cette décision. Il remarqua Kefka qui peinait et qui perdait du terrain, à coté de lui.
« K-Ro ! Tu ne voudrais pas courir un peu, non ?
-Ouais, pas une… pfuu… mauvaise idée… pfuu…
-Non ! répondit-elle en croquant un morceau de chocolat.
-Mais K-Ro… commença Squall.
-Oh, c’est bon, d’accord! »
Elle sauta à terre et se mit à courir également, mais Squall remarqua que ses jambes ne remuaient pas. Il hausa un sourcil. K-Ro termina sa tablette et le regarda, tout sourire.
« Les contrats n’ont pas de bouche pour protester. » dit-elle sentencieusement. En dessous de sa semelle gauche, une pancarte « Au secours ! » apparu furtivement. Squall préféra détourner les yeux, et étouffa un rire.
C’est à cet instant qu’il entraperçut de la lumière, devant lui.
« Terre ! Terre ! brailla Haschatan à ses cotés, qui l’avait vu en même temps.
-Je dirais plutôt : Lumière, lumière, dit Squall.
-Et moi, j’ai plutôt envie de dire : Ver ! Ver !! »
Mr.Magnum, toujours entrain de tirer sur l’immense monstruosité qui avançait toujours plus vite, eut un instant de flottement : il venait de trébucher sur une pierre un peu plus grosse que les autres, et était maintenant en vol. Il regarda le ver qui roulait des dents, puis son champ de vision bascula, comme au ralenti, sur Erwan, de dos, qui courait au plafond.
Mais c’était lui qui avait la tête en bas. Il ouvrit la bouche pour leur crier de aire attention à lui, qu’il allait leur tomber dessus, mais il n’en eut pas le temps. Erwan se sentit propulsé en avant par une masse indéterminée, et il cru un instant que le Ver l’avait rattrapé. Ensuite, ce fut Kefka qui fut envoyé au tapis, roulant sur lui-même comme les autres, et donc continuant d’échapper aux dents de la terre.
Squall s’arrêta sur le promontoire, ainsi que K-Ro et Haschatan, et regarda l’immense salle qui se déployait à ses pieds. Une lumière bleutée était diffusée par d’immenses projecteurs, et le grand bâtiment du centre lui semblait familier. Il leur semblait à tous familier. Squall resta sans voix en comprenant ce qui se dressait devant lui, des dizaines de mètres en contrebas.
« Oh, merde, nous voilà devant la … »
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que Mr.Magnum le percuta, laissant Kefka à K-Ro et Erwan à Haschatan. Les six Trauméniens chutèrent en hurlant, en ayant au moins un problème de résolu : ils n’avaient plus à se creuser la tête pour descendre. Le ver émergea à son tour, puis tata le vide, à tout hasard, et rentra sa tête dans l’orifice. Il y avait d’autres tunnels, et avec un peu de chance, il retrouverait une proie plus facile.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Localisation : Dans les limbes torturées d'un esprit dérangé.
Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
2 Dans la hutte.
La pénombre régnait toujours en maître, et seuls quelques échos étouffés lui parvenaient de sa cachette. Elle sourit à sa pensée.
« Cachette, marmonna Youfie. C’est plutôt ma prison, oui. »
Elle avait crié, au début, mais elle s’était fait assommer en contrepartie.
Elle s’était débattue, mais on la battait en guise de réponse.
Elle avait alors cessé de s’opposer et avait accepté la nourriture sans cracher à la figure de ses ravisseurs (des gifles en contrepartie), elle avait arrêter de leur demander de sorties pour des besoins et au final de rien faire (des coups de bâton dans les mollets) et elle ne s’était plus enfuie (des heures plongée dans de l’eau en compagnies de créatures plus ou moins orthodoxes, et plus ou moins venimeuses.).
Depuis qu’elle s’était assagie, sa mort était devenue plus vivable.
Mais elle ne s’était pas résignée, et ce soir, après des jours et des jours d’attente, elle retentera sa chance. Le village d’homme dans lequel elle était séquestrée fonctionnait selon un système de rondes, toutes les trois heures. Youfie ignorait le laps de temps exact entre chaque changement, mais elle avait comprit qu’il était régulier, et elle avait apprit à deviner à quel moment la sécurité était moindre.
Elle se redressa, sous l’œil amorphe de son garde qui ne leva même pas les yeux. Il était manifestement en train de confectionner une arme en pierre taillée, pour se défendre. Elle ne se posa même pas la question de se défendre de quoi : l’homme était occupé, c’était l’essentiel. Elle plia le poignet et tira d’un coup sec sur la corde tressée qui maintenait ses bras dans son dos. Elle céda.
L’évasion avait été mûrement préméditée : Prétextant une fausse manœuvre, elle avait brisé une assiette et récupéré un éclat pour cisailler la corde. Elle avait également fabriquée un coutelas avec un autre de ces éclats associé avec un morceau de bois déniché pendant un de ses excursions dans la forêt alentour. Elle ne voulait pas s’en servir, mais au cas où elle n’aurait pas le choix, il serait présent. Et prêt.
La lueur du feu de camp entra dans la hutte quand la relève du garde releva le rideau qui faisait office de porte. Ce rideau arrangeait Youfie : pas de porte, pas de serrure, pas de clef. Elle sourit, puis s’élança. Un pas de coté, puis un autre, et son pied se retrouva dans la gamelle, qu’elle envoya dans la tête du premier garde avec aisance. La gamelle se brisa en deux sous l’impact, comme le nez et la conscience de l’homme, qui s’effondra.
Deux autres pas, de l’autre côté.
La relève n’avait pas eu le temps de bouger, ni de tirer sa dague, que Youfie était déjà sur lui. Elle lui passa les bras autour du cou, comme pour accolade, et en fit prestement le tour. Puis elle serra ses liens défaits à la gorge du pauvre homme, qui tomba à genoux. Ses mains battirent l’air, comme pour y rechercher un air inexistant, puis se portèrent à sa gorge. D’immondes gargouillements parvinrent aux oreilles de Youfie.
Non, je ne veux pas tuer.
Elle relâcha les liens, et l’homme inspira un grand coup. Il retrouva rapidement son souffle, et ses esprits, et se retourna, au moment même où une jarre s’abattait sur le haut de son crâne, le réduisant de nouveau à l’impuissance. Il s’écroula sur son comparse.
« Bonne nuit les petits. » murmura Youfie, contente d’elle-même.
Elle sortit de la hutte à pas feutrés, puis en fit le tour. Les habitants de ce village n’osaient pas s’aventurer trop loin dans la forêt. Ils craignaient certainement les superstitions que d’autres leur avaient inculqués. Elle repensa à Lord FireFly. Oui, c’était bien lui que j’avais vu juste avant de passer de l’autre côté. Il m’avait sourit dans le rétroviseur, et là j’avais eu mon accident. Je ne risquais pas de retrouver Squall et les autres, s’il m’a emmené dans un autre au-delà. Elle soupira.
Grâce aux marques qu’elle avait laissée lors d’une de ses trop courtes escapades, elle retrouva facilement l’orifice qui plongeait dans la terre. Sans savoir exactement pourquoi, Youfie avait le pressentiment que la suite de son parcours devait passer par ces tunnels peu rassurant. Un rugissement bestial résonna dans son dos, et elle perçut également des vociférations des hommes dont elle avait faussé compagnie.
Elle sauta dans le trou béant.
Sa marche à pied ne dura pas aussi longtemps que celle de Squall et ses compagnons, tout au plus trois jours. Mais l’état d’esprit de Youfie était tel qu’elle se retrouva dans le même abattement qu’eux après ces quelques dizaines d’heures de marche. Elle avait viré, tourné, s’était perdue dans le labyrinthe de grottes qui s’enchevêtrait. Sans le savoir, elle était passée de nombreuse fois au même endroit. Elle était même tombée dans une des cavités creusées dans le sol.
« Peut-être que je n’aurais pas dû me fier à mon intuition, justement ? » se dit-elle pour la cent vingt-troisième fois alors qu’elle dépassait une motte de terre qui lui en rappelait fortement une autre des heures auparavant.
« Déjà que je suis partit sur un coup de tête pour aller chercher Squall et les autres, sur une intuition, justement. La seule bonne nouvelle, c’est que personne ne m’a volé les pilules qui nous permettrons de revenir à la vie. Mais maintenant je suis coincée dans ce labyrinthe, sans savoir où je vais ni s’il existe une sortie ! J’en ai maaaarre !!! »
Son hurlement se répercuta en échos sur les parois de la caverne, et un beuglement sourd lui répondit. Youfie s’immobilisa, scrutant les ténèbres. Elle n’avait pas de torche, et n’y voyait pas grand-chose. Elle se retourna en poussant un petit cri, certaine qu’une créature immonde était derrière elle. Elle ne vit rien. Au loin retentit un nouveau beuglement.
« Merde, manquait plus que ça. »
Elle hésita entre se mettre à courir dans tous les sens en criant, et s’asseoir à même le seul pour pleurer. Mais lorsqu’elle entendit un nouveau vagissement, plus proche que les autres, sa décision fut prise : courir serait l’option la plus salvatrice. Elle se mit donc à parcourir le terrain accidenté, n’y voyant rien, mais en évitant de crier pour attirer les choses qui peuplaient cet endroit.
Au détour d’un tunnel, elle se cogna contre un amas humide et tiède, et tomba sur les fesses. Elle se releva en se frottant le nez et en râlant, inconsciente qu’elle se trouvait devant la queue d’un ver géant dont la tête était à sa poursuite, derrière elle. Elle posa sa main sur la surface, à la recherche d’une faille pour passer.
« Beuark… Dégueulasse… C’est mou, c’est chaud et c’est poisseux. J’ai l’impression de tripoter une bestiole qui… » Elle s’interrompit. Son esprit venait de faire le lien : Parois humides/créatures/rugissements/elle-pour-le-dîner. Elle recula et repassa le coin du tunnel, tremblante de peur, et elle sentit un souffle chaud dans son cou.
La tête était là.
Elle vit les dents tournoyer sur elles-mêmes, elle vit le fond de la gorge battre furieusement, comme incapable d’attendre que son corps soir déchiqueté, elle vit les gencives suintantes de bave et de divers liquides nauséabonds. Elle vit sa mort prochaine, son autre mort. Pas un instant elle ne songea à prendre une pilule, hypnotisée par cette bouche/mixer géante qui n’avait d’yeux (ou de dents) que pour elle.
La suite de déroula extrêmement rapidement. Un éclair, aveuglant dans cette obscurité, déchira la bouche du ver, réduisant une bonne moitié de ses dents et de ses gencives en une bouillie rosâtre d’où s’échappait d’immenses filets de sang noir. La créature émit un mugissement de protestation et de douleur, et cogna son immense tête sur le plafond de la grotte. Youfie restait immobile, à recevoir des éclats de pierre sur elle.
Un autre éclair, accompagné d’un cri humain, perfora à nouveau la chose, qui recula. Elle perdait énormément de sang, et laissait un véritable ruisseau de fluide poisseux et sombre sur le sol. Le ver grogna, ce qui ressemblait plus encore à un gargouillis écoeurant, puis s’élança à nouveau sur Youfie, affamé. Il avait déjà raté des proies faciles quelques jours auparavant, il n’allait pas laissée celle-ci s’échapper.
« Tant pis pour toi ! » cria la voix humaine, et un troisième éclair immaculé trancha l’extrémité du ver, qui s’écrasa dans ses propres flaques de sang, éclaboussant Youfie, avant de s’arrêter à ses pieds justement. Youfie, les joues baignées de larmes de peur, tremblante de la tête aux pieds, baissa les yeux sur la tête de la créature, dont les dents tournaient encore. L’épais sang lui dégoulinait sur les pieds. La puanteur de l’agonie de cette bête parvint à ses narines, et elle ne put retenir sa nausée.
Qu’est-ce qu’un mort peut vomir, alors qu’il est mort ? se dit-elle alors que son estomac faisait des saltos, et que son ventre était secoué de spasmes. Elle tomba à genoux, hoquetant, et une main se posa sur son épaule. Elle reconnu son contact, malgré son œsophage en feu et son esprit congestionné de souffrance.
Lord FireFly.
« On va dire que j’arrive à temps, hein ? dit-il. Si je ne t’avais pas retrouvé dans ce dédale de caverne, ce gros machin se serait fait un plaisir de te bouffer. »
Youfie trouva la force de se dégager de son étreinte, et se releva pour se mettre face à lui, chancelante mais déterminée. Elle essuya ses lèvres du revers de sa manche.
« Qu’est-ce que tu es sexy, même quand tu gerbes, lâcha Lord FireFly.
-Très romantique. Qu’est-ce que tu fais là ? »
Sa voix était chargée de menace, mais elle ne tremblait pas. Youfie se demanda même comment elle arrivait à parler alors que tout son corps protestait contre la puanteur et la fatigue. Un goût horrible persistait dans sa bouche, et elle cracha.
« Ce que je fais là ? répéta Lord FireFly. Mais ça ne se voit pas, peut-être ? Je te sauve la vie, petite idiote ! Au lieu de rester bien sagement chez le peuple d’hommes, là-haut, il a fallu que tu te barres. Je n’ose penser à Sa réaction si je Lui avais raconté que je t’avais perdu.
-Je dois retrouver Squall et les autres, répondit-elle fermement.
-Oh, mais ne t’inquiète pas pour ça. Justement, j’allais t’y emmener. »
Lord FireFly leva une main, et Youfie eut le malheur de la suivre des yeux. Sa concentration flancha rien qu’une seconde, ce qui permit à Lord FireFly de foncer sur elle et de lui enfoncer son poing dans le ventre.
« Désolé, chérie, mais après ce qu’il s’est passé chez DragonNoir, je ne prends plus de risques. Bonne nuit, amour ! »
3 Dans un enfer.
Le démon jaugea son adversaire, puis pouffa. Dans l’arène, le public de démons criait, hurlait, vociférait, leva des bras, des jambes, des queues, des cornes et d’autres appendices en direction du combat qui se déroulait – ou pour le moment qui ne se déroulait pas – en contrebas. Les occasions de se distraire dans cet enfer n’étaient pas légions.
Assit sur un trône surplombant les tribunes et le spectacle, un démon majeur scrutait avec impatience les deux gladiateurs qui s’opposaient à ses pieds. Il avait sonné le début de l’affrontement de longues minutes auparavant, mais aucun des deux ne semblait vouloir lancer la première attaque. Bientôt, songea le démon majeur, le public ne sera plus en train de crier d’excitation, mais de colère. Il se frotta une de ses cornes velues.
Sur le sable chaud – mais ici, tout était chaud – au milieu de l’arène, l’immense démon continuait de scruter son adversaire. Son nom était Malckiar, et il restait depuis des années, des siècles même, invaincu. Le seul problème se trouvait en face de lui, car son ennemie restait elle aussi invaincue depuis son arrivée dans les limbes quelques semaines auparavant.
Le démon fouetta l’air de ses deux queues, sous une nouvelle série d’ovation d’un public déchaîné.
« Tu ne préfères pas abandonner tout de suite ? dit-il. Tu risques de ne pas t’en tirer indemne, tu sais. »
Le jeune femme en face de lui, une humaine, modifia ses traits et lui accorda un sourire. Malckiar recula, à la fois subjugué par ce sourire et effrayé par l’assurance qui émanait de cette humaine dressée face à lui. Elle ajusta une mèche de ses longs cheveux et, toujours en souriant, déploya ses ailes.
« Sourire numéro quarante-trois : Ne-me-sous-estime-pas. »
Hilde s’élança d’un coup d’aile et fondit entre les jambes de son ennemi. Acclamations du public. Elle attrapa une des queues de Malckiar et se redressa rapidement. El quelques instants, elle virevolta autours de la tête du démon, l’immobilisant avec son propre appendice, puis lâcha le tout avant de se reposer gracieusement devant lui. Malckiar ne pouvait plus bouger, ligoté par sa queue.
Elle se tint face à lui, puis se détourna. Le démon tomba au sol, vaincu. La foule poussa un hurlement collectif de satisfaction, faisant trembler les fondations de l’arène. Une partie des gradins s’effondrèrent, et les applaudissements redoublèrent. Hilde leva les yeux sur le démon majeur, qui applaudissait plus pudiquement que les autres. Elle hésita.
Était-ce le moment ?
« Pour ce que j’ai à perdre… » dit-elle d’une voix rauque. Elle déploya à nouveau ses ailes et s’envola vers le démon. En deux brassées d’air, elle fut à son niveau, et il la dévisagea avec tout l’intérêt d’un enfant face à un merveilleux jouet. Hilde le détailla : il était de taille humaine, deux cornes sur le haut du crâne, une longue queue, un teint rougeâtre comme la plupart des démons qu’elle avait vu/rencontré/combattu depuis son arrivée. Mais son statut devait être plus élevé que les autres, vu sa place haut perchée.
« Vous avez bien combattu, à nouveau, dit-il avec un accent d’admiration dans la voix. Vous m’impressionnez de bataille en bataille.
-On ne peut pas dire que ça soit réciproque, répliqua-t-elle, cassante.
-Qu’il est regrettable que vous meniez votre dernier combat sous peu. »
Hilde resta interdite. Elle aurait voulu articuler un Comment ça mon dernier combat ? mais elle ne put que continuer à fixer le démon majeur d’un regard interrogateur. Celui-ci parut presque gêné en lui répondant :
« J’ai reçu des ordres. Des ordre d’en haut. Oh, pas de tout en haut non plus, mais de mon… » Il hésita sur le terme à employer. Hilde trouva soudainement cette conversation surréaliste. « …de mon supérieur, conclu-t-il. C’est le problème, avec l’autorité : dès qu’on commence à s’amuser, ou à trouver un occupation intéressante, elle vous l’occulte. »
Le démon se mit à rire, dévoilant deux rangées d’incisives jaunies.
« Occulte, ha ! gloussa-t-il. En tout cas, vous me manquerez. »
Il claqua des doigts, et un immense filet s’étendit au-dessus de Hilde, qui n’eut pas le temps de s’échapper. Elle tomba lourdement sur le sol, incapable de s’enfuir. Trois démons horriblement laids achevèrent de refermer la nasse et se tinrent prêt. Mais ce n’est pas un autre démon qui apparu pour emmener Hilde.
« Radamenthe ! s’écria-t-elle. Comment tu as fait pour venir me sauver ?
-J’ai des amis… » dit-il simplement. Puis il jeta un regard complice au grand démon qui se grattait distraitement une corne velue, et ajouta : « …des amis haut placés. »
Hilde comprit alors de nombreuses choses, lors de ce regard, et se jura qu’elle se vengerait elle-même de tout ce qu’avait fait Radamenthe. Alors qu’elle se retrouvait portée par les trois horribles démons, à suivre le Trauménien renégat, elle afficha le sourire « Tu-me-le-payeras », mais personne ne le vit.
La pénombre régnait toujours en maître, et seuls quelques échos étouffés lui parvenaient de sa cachette. Elle sourit à sa pensée.
« Cachette, marmonna Youfie. C’est plutôt ma prison, oui. »
Elle avait crié, au début, mais elle s’était fait assommer en contrepartie.
Elle s’était débattue, mais on la battait en guise de réponse.
Elle avait alors cessé de s’opposer et avait accepté la nourriture sans cracher à la figure de ses ravisseurs (des gifles en contrepartie), elle avait arrêter de leur demander de sorties pour des besoins et au final de rien faire (des coups de bâton dans les mollets) et elle ne s’était plus enfuie (des heures plongée dans de l’eau en compagnies de créatures plus ou moins orthodoxes, et plus ou moins venimeuses.).
Depuis qu’elle s’était assagie, sa mort était devenue plus vivable.
Mais elle ne s’était pas résignée, et ce soir, après des jours et des jours d’attente, elle retentera sa chance. Le village d’homme dans lequel elle était séquestrée fonctionnait selon un système de rondes, toutes les trois heures. Youfie ignorait le laps de temps exact entre chaque changement, mais elle avait comprit qu’il était régulier, et elle avait apprit à deviner à quel moment la sécurité était moindre.
Elle se redressa, sous l’œil amorphe de son garde qui ne leva même pas les yeux. Il était manifestement en train de confectionner une arme en pierre taillée, pour se défendre. Elle ne se posa même pas la question de se défendre de quoi : l’homme était occupé, c’était l’essentiel. Elle plia le poignet et tira d’un coup sec sur la corde tressée qui maintenait ses bras dans son dos. Elle céda.
L’évasion avait été mûrement préméditée : Prétextant une fausse manœuvre, elle avait brisé une assiette et récupéré un éclat pour cisailler la corde. Elle avait également fabriquée un coutelas avec un autre de ces éclats associé avec un morceau de bois déniché pendant un de ses excursions dans la forêt alentour. Elle ne voulait pas s’en servir, mais au cas où elle n’aurait pas le choix, il serait présent. Et prêt.
La lueur du feu de camp entra dans la hutte quand la relève du garde releva le rideau qui faisait office de porte. Ce rideau arrangeait Youfie : pas de porte, pas de serrure, pas de clef. Elle sourit, puis s’élança. Un pas de coté, puis un autre, et son pied se retrouva dans la gamelle, qu’elle envoya dans la tête du premier garde avec aisance. La gamelle se brisa en deux sous l’impact, comme le nez et la conscience de l’homme, qui s’effondra.
Deux autres pas, de l’autre côté.
La relève n’avait pas eu le temps de bouger, ni de tirer sa dague, que Youfie était déjà sur lui. Elle lui passa les bras autour du cou, comme pour accolade, et en fit prestement le tour. Puis elle serra ses liens défaits à la gorge du pauvre homme, qui tomba à genoux. Ses mains battirent l’air, comme pour y rechercher un air inexistant, puis se portèrent à sa gorge. D’immondes gargouillements parvinrent aux oreilles de Youfie.
Non, je ne veux pas tuer.
Elle relâcha les liens, et l’homme inspira un grand coup. Il retrouva rapidement son souffle, et ses esprits, et se retourna, au moment même où une jarre s’abattait sur le haut de son crâne, le réduisant de nouveau à l’impuissance. Il s’écroula sur son comparse.
« Bonne nuit les petits. » murmura Youfie, contente d’elle-même.
Elle sortit de la hutte à pas feutrés, puis en fit le tour. Les habitants de ce village n’osaient pas s’aventurer trop loin dans la forêt. Ils craignaient certainement les superstitions que d’autres leur avaient inculqués. Elle repensa à Lord FireFly. Oui, c’était bien lui que j’avais vu juste avant de passer de l’autre côté. Il m’avait sourit dans le rétroviseur, et là j’avais eu mon accident. Je ne risquais pas de retrouver Squall et les autres, s’il m’a emmené dans un autre au-delà. Elle soupira.
Grâce aux marques qu’elle avait laissée lors d’une de ses trop courtes escapades, elle retrouva facilement l’orifice qui plongeait dans la terre. Sans savoir exactement pourquoi, Youfie avait le pressentiment que la suite de son parcours devait passer par ces tunnels peu rassurant. Un rugissement bestial résonna dans son dos, et elle perçut également des vociférations des hommes dont elle avait faussé compagnie.
Elle sauta dans le trou béant.
Sa marche à pied ne dura pas aussi longtemps que celle de Squall et ses compagnons, tout au plus trois jours. Mais l’état d’esprit de Youfie était tel qu’elle se retrouva dans le même abattement qu’eux après ces quelques dizaines d’heures de marche. Elle avait viré, tourné, s’était perdue dans le labyrinthe de grottes qui s’enchevêtrait. Sans le savoir, elle était passée de nombreuse fois au même endroit. Elle était même tombée dans une des cavités creusées dans le sol.
« Peut-être que je n’aurais pas dû me fier à mon intuition, justement ? » se dit-elle pour la cent vingt-troisième fois alors qu’elle dépassait une motte de terre qui lui en rappelait fortement une autre des heures auparavant.
« Déjà que je suis partit sur un coup de tête pour aller chercher Squall et les autres, sur une intuition, justement. La seule bonne nouvelle, c’est que personne ne m’a volé les pilules qui nous permettrons de revenir à la vie. Mais maintenant je suis coincée dans ce labyrinthe, sans savoir où je vais ni s’il existe une sortie ! J’en ai maaaarre !!! »
Son hurlement se répercuta en échos sur les parois de la caverne, et un beuglement sourd lui répondit. Youfie s’immobilisa, scrutant les ténèbres. Elle n’avait pas de torche, et n’y voyait pas grand-chose. Elle se retourna en poussant un petit cri, certaine qu’une créature immonde était derrière elle. Elle ne vit rien. Au loin retentit un nouveau beuglement.
« Merde, manquait plus que ça. »
Elle hésita entre se mettre à courir dans tous les sens en criant, et s’asseoir à même le seul pour pleurer. Mais lorsqu’elle entendit un nouveau vagissement, plus proche que les autres, sa décision fut prise : courir serait l’option la plus salvatrice. Elle se mit donc à parcourir le terrain accidenté, n’y voyant rien, mais en évitant de crier pour attirer les choses qui peuplaient cet endroit.
Au détour d’un tunnel, elle se cogna contre un amas humide et tiède, et tomba sur les fesses. Elle se releva en se frottant le nez et en râlant, inconsciente qu’elle se trouvait devant la queue d’un ver géant dont la tête était à sa poursuite, derrière elle. Elle posa sa main sur la surface, à la recherche d’une faille pour passer.
« Beuark… Dégueulasse… C’est mou, c’est chaud et c’est poisseux. J’ai l’impression de tripoter une bestiole qui… » Elle s’interrompit. Son esprit venait de faire le lien : Parois humides/créatures/rugissements/elle-pour-le-dîner. Elle recula et repassa le coin du tunnel, tremblante de peur, et elle sentit un souffle chaud dans son cou.
La tête était là.
Elle vit les dents tournoyer sur elles-mêmes, elle vit le fond de la gorge battre furieusement, comme incapable d’attendre que son corps soir déchiqueté, elle vit les gencives suintantes de bave et de divers liquides nauséabonds. Elle vit sa mort prochaine, son autre mort. Pas un instant elle ne songea à prendre une pilule, hypnotisée par cette bouche/mixer géante qui n’avait d’yeux (ou de dents) que pour elle.
La suite de déroula extrêmement rapidement. Un éclair, aveuglant dans cette obscurité, déchira la bouche du ver, réduisant une bonne moitié de ses dents et de ses gencives en une bouillie rosâtre d’où s’échappait d’immenses filets de sang noir. La créature émit un mugissement de protestation et de douleur, et cogna son immense tête sur le plafond de la grotte. Youfie restait immobile, à recevoir des éclats de pierre sur elle.
Un autre éclair, accompagné d’un cri humain, perfora à nouveau la chose, qui recula. Elle perdait énormément de sang, et laissait un véritable ruisseau de fluide poisseux et sombre sur le sol. Le ver grogna, ce qui ressemblait plus encore à un gargouillis écoeurant, puis s’élança à nouveau sur Youfie, affamé. Il avait déjà raté des proies faciles quelques jours auparavant, il n’allait pas laissée celle-ci s’échapper.
« Tant pis pour toi ! » cria la voix humaine, et un troisième éclair immaculé trancha l’extrémité du ver, qui s’écrasa dans ses propres flaques de sang, éclaboussant Youfie, avant de s’arrêter à ses pieds justement. Youfie, les joues baignées de larmes de peur, tremblante de la tête aux pieds, baissa les yeux sur la tête de la créature, dont les dents tournaient encore. L’épais sang lui dégoulinait sur les pieds. La puanteur de l’agonie de cette bête parvint à ses narines, et elle ne put retenir sa nausée.
Qu’est-ce qu’un mort peut vomir, alors qu’il est mort ? se dit-elle alors que son estomac faisait des saltos, et que son ventre était secoué de spasmes. Elle tomba à genoux, hoquetant, et une main se posa sur son épaule. Elle reconnu son contact, malgré son œsophage en feu et son esprit congestionné de souffrance.
Lord FireFly.
« On va dire que j’arrive à temps, hein ? dit-il. Si je ne t’avais pas retrouvé dans ce dédale de caverne, ce gros machin se serait fait un plaisir de te bouffer. »
Youfie trouva la force de se dégager de son étreinte, et se releva pour se mettre face à lui, chancelante mais déterminée. Elle essuya ses lèvres du revers de sa manche.
« Qu’est-ce que tu es sexy, même quand tu gerbes, lâcha Lord FireFly.
-Très romantique. Qu’est-ce que tu fais là ? »
Sa voix était chargée de menace, mais elle ne tremblait pas. Youfie se demanda même comment elle arrivait à parler alors que tout son corps protestait contre la puanteur et la fatigue. Un goût horrible persistait dans sa bouche, et elle cracha.
« Ce que je fais là ? répéta Lord FireFly. Mais ça ne se voit pas, peut-être ? Je te sauve la vie, petite idiote ! Au lieu de rester bien sagement chez le peuple d’hommes, là-haut, il a fallu que tu te barres. Je n’ose penser à Sa réaction si je Lui avais raconté que je t’avais perdu.
-Je dois retrouver Squall et les autres, répondit-elle fermement.
-Oh, mais ne t’inquiète pas pour ça. Justement, j’allais t’y emmener. »
Lord FireFly leva une main, et Youfie eut le malheur de la suivre des yeux. Sa concentration flancha rien qu’une seconde, ce qui permit à Lord FireFly de foncer sur elle et de lui enfoncer son poing dans le ventre.
« Désolé, chérie, mais après ce qu’il s’est passé chez DragonNoir, je ne prends plus de risques. Bonne nuit, amour ! »
3 Dans un enfer.
Le démon jaugea son adversaire, puis pouffa. Dans l’arène, le public de démons criait, hurlait, vociférait, leva des bras, des jambes, des queues, des cornes et d’autres appendices en direction du combat qui se déroulait – ou pour le moment qui ne se déroulait pas – en contrebas. Les occasions de se distraire dans cet enfer n’étaient pas légions.
Assit sur un trône surplombant les tribunes et le spectacle, un démon majeur scrutait avec impatience les deux gladiateurs qui s’opposaient à ses pieds. Il avait sonné le début de l’affrontement de longues minutes auparavant, mais aucun des deux ne semblait vouloir lancer la première attaque. Bientôt, songea le démon majeur, le public ne sera plus en train de crier d’excitation, mais de colère. Il se frotta une de ses cornes velues.
Sur le sable chaud – mais ici, tout était chaud – au milieu de l’arène, l’immense démon continuait de scruter son adversaire. Son nom était Malckiar, et il restait depuis des années, des siècles même, invaincu. Le seul problème se trouvait en face de lui, car son ennemie restait elle aussi invaincue depuis son arrivée dans les limbes quelques semaines auparavant.
Le démon fouetta l’air de ses deux queues, sous une nouvelle série d’ovation d’un public déchaîné.
« Tu ne préfères pas abandonner tout de suite ? dit-il. Tu risques de ne pas t’en tirer indemne, tu sais. »
Le jeune femme en face de lui, une humaine, modifia ses traits et lui accorda un sourire. Malckiar recula, à la fois subjugué par ce sourire et effrayé par l’assurance qui émanait de cette humaine dressée face à lui. Elle ajusta une mèche de ses longs cheveux et, toujours en souriant, déploya ses ailes.
« Sourire numéro quarante-trois : Ne-me-sous-estime-pas. »
Hilde s’élança d’un coup d’aile et fondit entre les jambes de son ennemi. Acclamations du public. Elle attrapa une des queues de Malckiar et se redressa rapidement. El quelques instants, elle virevolta autours de la tête du démon, l’immobilisant avec son propre appendice, puis lâcha le tout avant de se reposer gracieusement devant lui. Malckiar ne pouvait plus bouger, ligoté par sa queue.
Elle se tint face à lui, puis se détourna. Le démon tomba au sol, vaincu. La foule poussa un hurlement collectif de satisfaction, faisant trembler les fondations de l’arène. Une partie des gradins s’effondrèrent, et les applaudissements redoublèrent. Hilde leva les yeux sur le démon majeur, qui applaudissait plus pudiquement que les autres. Elle hésita.
Était-ce le moment ?
« Pour ce que j’ai à perdre… » dit-elle d’une voix rauque. Elle déploya à nouveau ses ailes et s’envola vers le démon. En deux brassées d’air, elle fut à son niveau, et il la dévisagea avec tout l’intérêt d’un enfant face à un merveilleux jouet. Hilde le détailla : il était de taille humaine, deux cornes sur le haut du crâne, une longue queue, un teint rougeâtre comme la plupart des démons qu’elle avait vu/rencontré/combattu depuis son arrivée. Mais son statut devait être plus élevé que les autres, vu sa place haut perchée.
« Vous avez bien combattu, à nouveau, dit-il avec un accent d’admiration dans la voix. Vous m’impressionnez de bataille en bataille.
-On ne peut pas dire que ça soit réciproque, répliqua-t-elle, cassante.
-Qu’il est regrettable que vous meniez votre dernier combat sous peu. »
Hilde resta interdite. Elle aurait voulu articuler un Comment ça mon dernier combat ? mais elle ne put que continuer à fixer le démon majeur d’un regard interrogateur. Celui-ci parut presque gêné en lui répondant :
« J’ai reçu des ordres. Des ordre d’en haut. Oh, pas de tout en haut non plus, mais de mon… » Il hésita sur le terme à employer. Hilde trouva soudainement cette conversation surréaliste. « …de mon supérieur, conclu-t-il. C’est le problème, avec l’autorité : dès qu’on commence à s’amuser, ou à trouver un occupation intéressante, elle vous l’occulte. »
Le démon se mit à rire, dévoilant deux rangées d’incisives jaunies.
« Occulte, ha ! gloussa-t-il. En tout cas, vous me manquerez. »
Il claqua des doigts, et un immense filet s’étendit au-dessus de Hilde, qui n’eut pas le temps de s’échapper. Elle tomba lourdement sur le sol, incapable de s’enfuir. Trois démons horriblement laids achevèrent de refermer la nasse et se tinrent prêt. Mais ce n’est pas un autre démon qui apparu pour emmener Hilde.
« Radamenthe ! s’écria-t-elle. Comment tu as fait pour venir me sauver ?
-J’ai des amis… » dit-il simplement. Puis il jeta un regard complice au grand démon qui se grattait distraitement une corne velue, et ajouta : « …des amis haut placés. »
Hilde comprit alors de nombreuses choses, lors de ce regard, et se jura qu’elle se vengerait elle-même de tout ce qu’avait fait Radamenthe. Alors qu’elle se retrouvait portée par les trois horribles démons, à suivre le Trauménien renégat, elle afficha le sourire « Tu-me-le-payeras », mais personne ne le vit.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
4 Dans un groupe.
Paolo Carne bouscula les personnes qui se trouvaient devant lui et qui se pressaient inexorablement vers la lumière. Mais personne ne haussait jamais le ton, lorsqu’il écrasait les orteils et poussait les corps. La fille était immense. Paolo se retourna vers son petit groupe d’explorateurs, comme ils s’étaient baptisés, et leur fit signe d’avancer.
Dan Sofres émergea le premier de la fille, suivit de Séphira Strife. Ce fut ensuite le tour de Hideo Nataka, le chauffeur de bus asiatique, le représentant/philosophe Clyde Barrow, la jeune suédoise muette surnommée Isabelle accompagnée de sa nouvelle nourrice qui répondait au doux nom de Yvonne Soignies. Les six autres rejoignirent l’ancien acteur italien, qui bougonnait, comme à son habitude.
« Il y a des vigiles.
-Comment ça, des vigiles ? s’étonna Sofres.
-Des mecs qui trient ceux qui rentrent et ceux qui ne rentrent pas dans les boîtes de nuit. » expliqua Yvonne. Dan lui lança un regard moqueur.
« Je sais encore ce qu’est un vigile. Ce qui m’étonne c’est : Qu’est-ce qu’ils font là. »
Personne n’avait d’explication plausible.
La lumière orangée provenait d’une porte qui semblait ouverte sur du vide. Au-delà de cette entrée, le désert du décor qui s’étendait autour d’eux se prolongeait, indéfiniment. Pourtant, en regardant par cet accès, on devinait un autre horizon.
Un autre monde, se dit Séphira Strife. Un autre au-delà.
« Vous avez dit quelque chose ? demanda Barrow, le vieux représentant, en s’approchant d’elle.
-Non. » Ils avancèrent dans la foule, se frayant un passage parmi les centaines de personnes qui continuaient d’affluer de toute part. Néanmoins, et Sofres l’avait remarqué, ils ne semblaient pas de plus en plus nombreux : personne n’avait débarqué de nulle part depuis l’arrivée de Séphira Strife.
« Je crois que j’ai compris, dit-elle. Vous tous avez été tué par la folle avec son arc, dans le Wyrd, voilà ce qu’il s’est passé. Elle a tiré au hasard, et le hasard, c’était vous tous. »
Les six autres la regardèrent, interloqués. Ils ne semblaient pas convaincus, mais l’explication – pour ceux qui connaissaient un peu la mythologie nordique – en valait une autre. Hideo Nataka s’avança.
« Serions-nous en enfer, alors ?
-Une sorte de purgatoire, corrigea Dan Sofres.
-Drôle de Saint Pierre alors. » marmonna Carne en regardant les deux immenses sentinelles qui gardaient la porte. Il se demanda même à quoi ils servaient exactement, car tous ceux qui se présentaient à eux passaient la porte, sans distinctions. Il s’apprêtait à poser la question lorsque Séphira Strife passa à coté de lui, d’un pas assuré.
« Qu’est-ce vous faites ? demanda dan en lui courant après.
-Je ne compte pas rester ainsi les bras ballant. Si vous ne vous décidez pas à y aller, je le fais à votre place. »
Le groupe chemina donc vers les deux gardes, qui se trouvaient être en fin de compte deux immense statues de bronze. Néanmoins, les regards que jetaient ces deux statues semblaient plus vivants que leurs corps rigides. Isabelle fourra sa tête dans la jupe d’Yvonne et celle-ci la prit dans ses bras pour la rassurer.
Lorsqu’ils atteignirent, en doublant la majorité des autres personnes qui faisaient la queue, la source de la lumière orangée, ils découvrirent avec stupéfaction une seconde porte, close celle-ci, près de l’autre. Le groupe se présenta devant les deux statues, et celles-ci se mirent à bouger.
Et à parler.
« VOUS VOILÀ ENFIN. » grondèrent-ils en même temps. Leurs deux voix mêlées se propagèrent aux alentours et la foule recula indiciblement. Les deux géants de bronze regardaient Séphira Strife avec intérêt.
« VOUS IREZ DE CE CÔTÉ. VOUS ÊTES ATTENDUE. »
Ils montrèrent avec une synchronisation parfaite l’autre porte, fermée, qui elle aussi semblait s’ouvrir sur du vide. Séphira Strife prit la main de Dan Sofres et celle de Clyde Barrow, et déclara qu’elle n’irait nulle part sans ses compagnons de route.
« CE N’ÉTAIT PAS UNE QUESTION MAIS UN ORDRE, JEUNE HUMAINE. ET VOUS N’AVEZ PAS LE CHOIX.
-Laissez tomber, lui dit Dan à l’oreille. Après tout, nous ne savons pas laquelle de ces deux portes est la pire à passer.
-Et qui te dit que j’ai envie de venir avec toi ? râla Paolo Carne.
-J’ai un mauvais pressentiment, voilà tout. »
Et plus elle regardait par l’orifice orangé et le monde sur lequel il s’ouvrit, plus ce pressentiment lui tiraillait le ventre. Elle n’imaginait que souffrances et châtiments au-delà de ce passage, alors que, si son raisonnement se tenait, les deux statues ne l’avaient pas attendue elle pour la réduire en charpie une fois la porte passée. Elle serra les mains de ses compagnons, avec une pensée pour Halvorc et Soulblighter.
Et, bien sûr, pour DragonNoir.
Les deux statues firent un geste vague vers la seconde porte, et celle-ci s’ouvrit lentement. Une lumière bien plus douce et bien plus engageante que la lueur orangée déferla sur les visages ébahis des sept aventuriers. Une lumière bleutée, émanant de l’autre monde derrière cette porte, émanant d’un bâtiment immense qui se dressait.
Séphira Strife se baissa, émerveillée, puis ne put réfréner un frisson d’horreur en découvrant la nature exacte de la tour, qu’elle reconnu immédiatement.
« Impossible… » dit-elle dans un souffle, avant d’entendre quelque chose s’abattre derrière elle. La main d’un des colosses la séparait de ses nouveaux amis. Elle avait lâché leurs mains, fascinée par la lumière bleutée. C’était une erreur. Elle tenta de faire le tour de l’immense main, mais le géant de bronze l’en empêcha.
Elle entendit la voix de Sofres.
« Nous nous retrouverons ! Ne vous en faite pas ! »
Puis celle, horrifiée, d’Yvonne Soignies.
« Isabelle !! »
Un autre bruit de main qui s’abat succéda à ce cri, et Séphira se mordit la lèvre. Elle ne pouvait rien voir, à cause de cette main qui lui interdisait tout mouvement. De nouveaux cris lui parvinrent, ceux de Carne, et de Nataka. Et d’autres claquements de mains sur le sol, des chocs sourds. Encore des cris.
Le cœur de Séphira battait à sent à l’heure. Elle ne savait plus quoi faire. Elle hésitait entre sauver ses amis, ou aller à la rencontre de son destin dans la jungle bleutée derrière la porte. Un mouvement à sa droite lui fit tourner la tête.
« Partez avec elle, nous nous débrouillerons ! »
Isabelle sauta dans ses bras et Séphira Strife leva les yeux sur le géant de bronze qui la regardait à nouveau. Elle décela des étincelles de meurtres dans ces yeux métalliques, et partit en courant par la porte, la petite fille dans les bras.
5 Dans la bretagne.
La voiture se gara dans une petite rue en côte, et Serge Thourn en descendit. Il s’ébroua. C’est plus de mon âge de faire tant de route d’un coup, sans s’arrêter. Il attrapa une bouteille d’eau et en but deux longues rasades en regardant la boutique. Il s’assit à la place conducteur, les jambes en dehors du véhicule, et ressortit la carte qu’il avait dérobée au cimetière.
« À ma très chère Séphy-Roshou, nous te retrouverons. » lit-il à voix haute. L’adresse au dos de la carte correspondait bien à ce fleuriste qu’il avait devant les yeux. Il rangea le bout de papier et resta un instant à examiner les lieux.
Rien de bien particulier, une boutique semblable à toutes les boutiques de fleurs qu’il avait visité durant sa vie : Des fleurs, des fleurs et encore des fleurs. La caissière était jolie. Serge se demanda si c’était elle qui avait envoyé ces fleurs sur cette tombe, où si elle était venue elle-même les déposer. Il secoua la tête.
« C’est tout de même débile d’avoir acheté des fleurs à quatre cents bornes de l’endroit où on veut les déposer. Si je devais me ramener avec un bouquet, je les aurais acheté sur place, coupon fidélité ou non. »
Il s’apprêtait à entrer dans le magasin quand son téléphone portable sonna. Grommelant, il décrocha avec un Allô brutal.
« Commissaire ? dit la voix de Sylvain Detroit. Commissaire, c’est vous ?
-Non, c’est le Père Noël ! rétorqua Thourn avec irritation. Évidemment que c’est moi, tu m’appelles sur mon portable, triple idiot !
-Désolé. J’ai des mauvaises nouvelles, commissaire. »
Pour changer, songea Serge.
« Qu’est-ce qui se passe ? Le commissariat est en feu ? Ta copine t’a plaqué ? Tu t’es découvert des tendances zoophiles ? » Puis, devant le silence incrédule de son assistant, ce qui l’agaçait encore plus que ses paroles, il ajouta : « Alors, qu’est-ce qu’il y a ?!
-Les corps des adolescents ne sont plus à la morgue.
-Comment ça, ils ne sont plus là ?
-Et bien, ils ont disparus, euh…
-Detroit, ils ne sont tout de même pas sortit, se sont tous recousu mutuellement pour aller se faire un ciné, hein ?
-Non, bien sûr ! répondit Sylvain Detroit. On pense que ça serait un kidnapping.
-Pardon ? »
La patience du commissaire commençait à s’émousser. Il inspira longuement, puis reprit d’une voix calme.
« Est-ce que tu peux me répéter lentement ce que tu viens de me dire ?
-Il s’agirait d’un kidnapping. Les corps ont été dérobés à la morgue, et un des assistants engagés récemment reste introuvable. Ça doit être un des complices des ravisseurs.
-Bon, mets-moi ça de coté, je verrais ce que je peux en faire, je suis sur autre chose, là.
-Commissaire ? »
Serge Thourn ferma les yeux et retira son doigt du bouton pour raccrocher.
« Oui ? dit-il en serrant les dents.
-Est-ce que vous reviendrez bientôt au commissariat ? J’ai peur de devoir rendre des comptes à votre supérieur, si jamais votre absence devait se prolonger. »
Serge raccrocha. Puis il éteignit son portable et le fourra dans sa poche, avant d’ouvrir la porte de la fleuriste et faire tinter la sonnette d’entrée.
6 Dans la jungle, terrible jungle.
Les écrans de contrôle diffusaient diverses images devant Lui. Cet étage avait été aménagé après l’éviction du Patron, et il Lui servait dorénavant telle une immense salle regorgeant de panoramas sur le monde. Sur les mondes, même.
L’un des écrans montrait un monde noyé sous une peste mondiale, décimé de la majeure partie des humains.
Un autre avait une vue sur les cavernes remplies de Ver géants, où Il venait d’apercevoir Lord FireFly sauver Youfie d’une seconde mort atroce.
Un des moniteurs était centré sur un village perdu, embrumé, peuplé de créatures aussi incongrues qu’effrayantes, dans lequel s’échouaient de temps à autre des voyageurs égarés au passé complexe.
Le dernier, parmi les dizaines d’autres allumés, était placé en plein cœur d’une jungle profonde. C’était celui-ci qu’Il regardait avec autant d’attention. Il actionna une manette et la caméra, à des lieux de là, bougea. L’angle de vue changea, se tourna et le champ de vision s’élargit, délaissant les profondeurs de la jungle pour les cimes des arbres.
Et une tour.
Une immense tour qui baignait dans une lumière bleutée.
Il la contempla longuement, béatement, presque subjugué par ce monument qu’Il avait reconstruit dans cet endroit, dans cette jungle. Mistrophera se mit à fredonner.
« Dans la jungle, terrible jungle, Traumen est mort ce soir… »
Et Il Se laissa choir dans son fauteuil et Se mit à rire.
À n’en plus pouvoir.
Paolo Carne bouscula les personnes qui se trouvaient devant lui et qui se pressaient inexorablement vers la lumière. Mais personne ne haussait jamais le ton, lorsqu’il écrasait les orteils et poussait les corps. La fille était immense. Paolo se retourna vers son petit groupe d’explorateurs, comme ils s’étaient baptisés, et leur fit signe d’avancer.
Dan Sofres émergea le premier de la fille, suivit de Séphira Strife. Ce fut ensuite le tour de Hideo Nataka, le chauffeur de bus asiatique, le représentant/philosophe Clyde Barrow, la jeune suédoise muette surnommée Isabelle accompagnée de sa nouvelle nourrice qui répondait au doux nom de Yvonne Soignies. Les six autres rejoignirent l’ancien acteur italien, qui bougonnait, comme à son habitude.
« Il y a des vigiles.
-Comment ça, des vigiles ? s’étonna Sofres.
-Des mecs qui trient ceux qui rentrent et ceux qui ne rentrent pas dans les boîtes de nuit. » expliqua Yvonne. Dan lui lança un regard moqueur.
« Je sais encore ce qu’est un vigile. Ce qui m’étonne c’est : Qu’est-ce qu’ils font là. »
Personne n’avait d’explication plausible.
La lumière orangée provenait d’une porte qui semblait ouverte sur du vide. Au-delà de cette entrée, le désert du décor qui s’étendait autour d’eux se prolongeait, indéfiniment. Pourtant, en regardant par cet accès, on devinait un autre horizon.
Un autre monde, se dit Séphira Strife. Un autre au-delà.
« Vous avez dit quelque chose ? demanda Barrow, le vieux représentant, en s’approchant d’elle.
-Non. » Ils avancèrent dans la foule, se frayant un passage parmi les centaines de personnes qui continuaient d’affluer de toute part. Néanmoins, et Sofres l’avait remarqué, ils ne semblaient pas de plus en plus nombreux : personne n’avait débarqué de nulle part depuis l’arrivée de Séphira Strife.
« Je crois que j’ai compris, dit-elle. Vous tous avez été tué par la folle avec son arc, dans le Wyrd, voilà ce qu’il s’est passé. Elle a tiré au hasard, et le hasard, c’était vous tous. »
Les six autres la regardèrent, interloqués. Ils ne semblaient pas convaincus, mais l’explication – pour ceux qui connaissaient un peu la mythologie nordique – en valait une autre. Hideo Nataka s’avança.
« Serions-nous en enfer, alors ?
-Une sorte de purgatoire, corrigea Dan Sofres.
-Drôle de Saint Pierre alors. » marmonna Carne en regardant les deux immenses sentinelles qui gardaient la porte. Il se demanda même à quoi ils servaient exactement, car tous ceux qui se présentaient à eux passaient la porte, sans distinctions. Il s’apprêtait à poser la question lorsque Séphira Strife passa à coté de lui, d’un pas assuré.
« Qu’est-ce vous faites ? demanda dan en lui courant après.
-Je ne compte pas rester ainsi les bras ballant. Si vous ne vous décidez pas à y aller, je le fais à votre place. »
Le groupe chemina donc vers les deux gardes, qui se trouvaient être en fin de compte deux immense statues de bronze. Néanmoins, les regards que jetaient ces deux statues semblaient plus vivants que leurs corps rigides. Isabelle fourra sa tête dans la jupe d’Yvonne et celle-ci la prit dans ses bras pour la rassurer.
Lorsqu’ils atteignirent, en doublant la majorité des autres personnes qui faisaient la queue, la source de la lumière orangée, ils découvrirent avec stupéfaction une seconde porte, close celle-ci, près de l’autre. Le groupe se présenta devant les deux statues, et celles-ci se mirent à bouger.
Et à parler.
« VOUS VOILÀ ENFIN. » grondèrent-ils en même temps. Leurs deux voix mêlées se propagèrent aux alentours et la foule recula indiciblement. Les deux géants de bronze regardaient Séphira Strife avec intérêt.
« VOUS IREZ DE CE CÔTÉ. VOUS ÊTES ATTENDUE. »
Ils montrèrent avec une synchronisation parfaite l’autre porte, fermée, qui elle aussi semblait s’ouvrir sur du vide. Séphira Strife prit la main de Dan Sofres et celle de Clyde Barrow, et déclara qu’elle n’irait nulle part sans ses compagnons de route.
« CE N’ÉTAIT PAS UNE QUESTION MAIS UN ORDRE, JEUNE HUMAINE. ET VOUS N’AVEZ PAS LE CHOIX.
-Laissez tomber, lui dit Dan à l’oreille. Après tout, nous ne savons pas laquelle de ces deux portes est la pire à passer.
-Et qui te dit que j’ai envie de venir avec toi ? râla Paolo Carne.
-J’ai un mauvais pressentiment, voilà tout. »
Et plus elle regardait par l’orifice orangé et le monde sur lequel il s’ouvrit, plus ce pressentiment lui tiraillait le ventre. Elle n’imaginait que souffrances et châtiments au-delà de ce passage, alors que, si son raisonnement se tenait, les deux statues ne l’avaient pas attendue elle pour la réduire en charpie une fois la porte passée. Elle serra les mains de ses compagnons, avec une pensée pour Halvorc et Soulblighter.
Et, bien sûr, pour DragonNoir.
Les deux statues firent un geste vague vers la seconde porte, et celle-ci s’ouvrit lentement. Une lumière bien plus douce et bien plus engageante que la lueur orangée déferla sur les visages ébahis des sept aventuriers. Une lumière bleutée, émanant de l’autre monde derrière cette porte, émanant d’un bâtiment immense qui se dressait.
Séphira Strife se baissa, émerveillée, puis ne put réfréner un frisson d’horreur en découvrant la nature exacte de la tour, qu’elle reconnu immédiatement.
« Impossible… » dit-elle dans un souffle, avant d’entendre quelque chose s’abattre derrière elle. La main d’un des colosses la séparait de ses nouveaux amis. Elle avait lâché leurs mains, fascinée par la lumière bleutée. C’était une erreur. Elle tenta de faire le tour de l’immense main, mais le géant de bronze l’en empêcha.
Elle entendit la voix de Sofres.
« Nous nous retrouverons ! Ne vous en faite pas ! »
Puis celle, horrifiée, d’Yvonne Soignies.
« Isabelle !! »
Un autre bruit de main qui s’abat succéda à ce cri, et Séphira se mordit la lèvre. Elle ne pouvait rien voir, à cause de cette main qui lui interdisait tout mouvement. De nouveaux cris lui parvinrent, ceux de Carne, et de Nataka. Et d’autres claquements de mains sur le sol, des chocs sourds. Encore des cris.
Le cœur de Séphira battait à sent à l’heure. Elle ne savait plus quoi faire. Elle hésitait entre sauver ses amis, ou aller à la rencontre de son destin dans la jungle bleutée derrière la porte. Un mouvement à sa droite lui fit tourner la tête.
« Partez avec elle, nous nous débrouillerons ! »
Isabelle sauta dans ses bras et Séphira Strife leva les yeux sur le géant de bronze qui la regardait à nouveau. Elle décela des étincelles de meurtres dans ces yeux métalliques, et partit en courant par la porte, la petite fille dans les bras.
5 Dans la bretagne.
La voiture se gara dans une petite rue en côte, et Serge Thourn en descendit. Il s’ébroua. C’est plus de mon âge de faire tant de route d’un coup, sans s’arrêter. Il attrapa une bouteille d’eau et en but deux longues rasades en regardant la boutique. Il s’assit à la place conducteur, les jambes en dehors du véhicule, et ressortit la carte qu’il avait dérobée au cimetière.
« À ma très chère Séphy-Roshou, nous te retrouverons. » lit-il à voix haute. L’adresse au dos de la carte correspondait bien à ce fleuriste qu’il avait devant les yeux. Il rangea le bout de papier et resta un instant à examiner les lieux.
Rien de bien particulier, une boutique semblable à toutes les boutiques de fleurs qu’il avait visité durant sa vie : Des fleurs, des fleurs et encore des fleurs. La caissière était jolie. Serge se demanda si c’était elle qui avait envoyé ces fleurs sur cette tombe, où si elle était venue elle-même les déposer. Il secoua la tête.
« C’est tout de même débile d’avoir acheté des fleurs à quatre cents bornes de l’endroit où on veut les déposer. Si je devais me ramener avec un bouquet, je les aurais acheté sur place, coupon fidélité ou non. »
Il s’apprêtait à entrer dans le magasin quand son téléphone portable sonna. Grommelant, il décrocha avec un Allô brutal.
« Commissaire ? dit la voix de Sylvain Detroit. Commissaire, c’est vous ?
-Non, c’est le Père Noël ! rétorqua Thourn avec irritation. Évidemment que c’est moi, tu m’appelles sur mon portable, triple idiot !
-Désolé. J’ai des mauvaises nouvelles, commissaire. »
Pour changer, songea Serge.
« Qu’est-ce qui se passe ? Le commissariat est en feu ? Ta copine t’a plaqué ? Tu t’es découvert des tendances zoophiles ? » Puis, devant le silence incrédule de son assistant, ce qui l’agaçait encore plus que ses paroles, il ajouta : « Alors, qu’est-ce qu’il y a ?!
-Les corps des adolescents ne sont plus à la morgue.
-Comment ça, ils ne sont plus là ?
-Et bien, ils ont disparus, euh…
-Detroit, ils ne sont tout de même pas sortit, se sont tous recousu mutuellement pour aller se faire un ciné, hein ?
-Non, bien sûr ! répondit Sylvain Detroit. On pense que ça serait un kidnapping.
-Pardon ? »
La patience du commissaire commençait à s’émousser. Il inspira longuement, puis reprit d’une voix calme.
« Est-ce que tu peux me répéter lentement ce que tu viens de me dire ?
-Il s’agirait d’un kidnapping. Les corps ont été dérobés à la morgue, et un des assistants engagés récemment reste introuvable. Ça doit être un des complices des ravisseurs.
-Bon, mets-moi ça de coté, je verrais ce que je peux en faire, je suis sur autre chose, là.
-Commissaire ? »
Serge Thourn ferma les yeux et retira son doigt du bouton pour raccrocher.
« Oui ? dit-il en serrant les dents.
-Est-ce que vous reviendrez bientôt au commissariat ? J’ai peur de devoir rendre des comptes à votre supérieur, si jamais votre absence devait se prolonger. »
Serge raccrocha. Puis il éteignit son portable et le fourra dans sa poche, avant d’ouvrir la porte de la fleuriste et faire tinter la sonnette d’entrée.
6 Dans la jungle, terrible jungle.
Les écrans de contrôle diffusaient diverses images devant Lui. Cet étage avait été aménagé après l’éviction du Patron, et il Lui servait dorénavant telle une immense salle regorgeant de panoramas sur le monde. Sur les mondes, même.
L’un des écrans montrait un monde noyé sous une peste mondiale, décimé de la majeure partie des humains.
Un autre avait une vue sur les cavernes remplies de Ver géants, où Il venait d’apercevoir Lord FireFly sauver Youfie d’une seconde mort atroce.
Un des moniteurs était centré sur un village perdu, embrumé, peuplé de créatures aussi incongrues qu’effrayantes, dans lequel s’échouaient de temps à autre des voyageurs égarés au passé complexe.
Le dernier, parmi les dizaines d’autres allumés, était placé en plein cœur d’une jungle profonde. C’était celui-ci qu’Il regardait avec autant d’attention. Il actionna une manette et la caméra, à des lieux de là, bougea. L’angle de vue changea, se tourna et le champ de vision s’élargit, délaissant les profondeurs de la jungle pour les cimes des arbres.
Et une tour.
Une immense tour qui baignait dans une lumière bleutée.
Il la contempla longuement, béatement, presque subjugué par ce monument qu’Il avait reconstruit dans cet endroit, dans cette jungle. Mistrophera se mit à fredonner.
« Dans la jungle, terrible jungle, Traumen est mort ce soir… »
Et Il Se laissa choir dans son fauteuil et Se mit à rire.
À n’en plus pouvoir.
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Re: Traumenschar
7 Dans la mort.
Une goutte de sueur atterrit sur le tapis, près d’une myriade de ses congénères. Mais les autres étaient faites de sang. Gorgon_Roo, le teint pâle, les yeux cernés, haletait bruyamment pendant que DarKenshin lui faisait un garrot improvisé en haut de la cuisse.
« Ça fait un mal de chien ! grogna-t-il les dents serrées.
-Désolé. » répondit la jeune femme en tirant de toutes ses forces sur le morceau d’étoffe, régulant un minimum l’afflux sanguin dans la jambe du malheureux. Arkh et Q-Po étaient revenu bredouilles de leur poursuite avec Mistrophera, et étaient au chevet d’Hitomi avec DragonNoir. La jeune femme avait demandé expressément à leur parler, à eux trois.
« Comment tout ça a-t-il pu se passer si vite ? » dit TheMaker, la main bandée. Les brûlures infligées par Radamenthe n’étaient que superficielles, et il s’en tirait avec quelques jours de bandages gras, tout au plus. Il se pencha sur la blessure à la jambe de Gorgon_Roo.
« Il faut l’emmener à l’hôpital.
-On n’a pas le choix, répondit DarKenshin.
-On n’a plus le choix. » rectifia TheMaker. Il revit en images Mistrophera qui arrivait, la débandade, les blessures, Hitomi à terre, les pleurs. La douleur. Ses yeux se posèrent sur le tapis maculé de sang, le sang d’une jeune fille qu’il avait cru connaître, jusqu’à tout à l’heure. Puis il regarda vers la chambre de DragonNoir où se tenait un conciliabule extraordinaire.
« On a plus le choix. »
Dans la pénombre de la chambre, personne n’osait parler. Un sifflement maladif provenait du lit autour duquel trois silhouettes se tenaient agenouillés, comme en train de prier. De temps à autre, un horrible borborygme sortait de la poitrine de la jeune femme alitée, puis elle se mettait à tousser. À cracher de petits caillots de sang.
Ensuite, la respiration poussive, sifflante, reprenait cours.
« On devrait l’emmener à l’hôpital, dit Q-Po. Elle a peut-être encore une chance de…
-Avec ce trou au milieu de la poitrine ? » rétorqua DragonNoir, plus sèchement qu’il ne l’aurait voulu en relevant le draps baigné de sang. Le petit corps d’Hitomi se levait au rythme de sa respiration, de plus en plus faible. Une odeur de mort régnait dans la pièce.
Le silence reprit sa place.
« J’aurais dû le voir venir, j’aurais dû le sentir… Tout ça n’aurait pas dû arriver.
-Ça n’est… pas ta faute, DragonNoir… » Hitomi se mit à tousser, une toux qu’ils entendaient jaillir de sa bouche et du trou béant qui déchirait son torse. La toux se calma, et Arkh essuya religieusement un mince filet de sang qui coulait de sa narine.
« Ne parle pas, Hitomi, nous allons t’emmener à l’hôpital et ils vont te soigner. Tu vas t’en sortir. » Mais même ses paroles semblaient plus faite pour le convaincre lui-même que pour la rassurer, et Q-Po n’ajouta plus rien.
« Impossible, articula-t-elle faiblement. C’est… C’est trop tard…
-Il n’est jamais trop ta… »
Chut !
Les trois Trauméniens, au pied du lit, ouvrirent des yeux grands comme des soucoupes. Avaient-ils entendus ce qu’ils avaient entendus ? La voix d’Hitomi résonna à nouveau dans leurs esprits, faible mais plus vivace que celle entrecoupée de toux.
La mort n’est pas une fin en soi. Et vous, vous êtes en vie, et vous avec maintenant une charge de plus sur vos épaules…
« Hitomi, nous ne… »
Tais-toi, DragonNoir. Laisse-moi parler, je n’en ai plus pour longtemps, même avec mes compétences hors normes. Et il reste tant à vous dire.
Et Hitomi se mit à leur raconter l’histoire d’un adolescent mal dans sa peau, un adolescent victime de mauvaises blagues, d’énormément de mauvaises blagues. Un adolescent qui avait trouvé un moyen de se venger des autres, d’une manière peu commune. Un adolescent qu’elle avait côtoyée, à qui elle avait parlé, avec qui elle avait ri et pleuré. Un adolescent qui s’était fait prendre à un jeu dont les envergures le dépassaient.
Elle leur expliqua ses relations avec Lui, la trahison de Sa confiance, un soir, dans un parc, et les conséquences qui en avaient découlés. Encore maintenant, dit-elle en pensées. Ce qui s’est passé aujourd’hui n’est peut-être qu’un ultime reflet de mon inconscience de l’époque, et ce trou dans mon abdomen n’est qu’une justice à ses yeux.
« Qu’est-ce que tu attends de nous ? » lâcha finalement Arkh.
Les respirations d’Hitomi étaient de plus en plus espacées, et du sang s’écoulait maintenant continuellement de son nez et de la commissure de ses lèvres. Malgré cela, la voix astrale d’Hitomi se fit plus forte que jamais, dans leurs esprits.
Vous avez ce qu’Il recherche, à savoir des capacités latentes. Les vôtres sont encore dissimulés par ce que vous croyez être la vérité, et il y a maint et maint moyens pour vous d’acquérir ces pouvoirs. Il vous faut…
Une quinte de toux l’interrompit, et DragonNoir cru un instant qu’elle ne s’arrêterait jamais. Au bout de longues minutes insoutenables, où la souffrance d’Hitomi ne faisait qu’empirer, son corps imbibé de sang coagulé cessa ses soubresauts et devint immobile. Plus de respiration. Arkh, Q-Po et DragonNoir restèrent, interdits, à contempler la mort, mais Hitomi n’avait pas interrompu son combat contre sa plus farouche ennemie.
« Il vous faut développer vos aptitudes à dominer ces facultés, dit-elle d’une voix étonnamment claire. Ainsi, vous aurez une chance… »
La respiration saccadée d’Hitomi reprit à nouveau son mouvement chaotique et les jeunes hommes attendirent patiemment son dernier souffle. Hitomi entrouvrit un œil, et leur parla dans leurs esprits.
Maintenant, j’aimerai partir avec quelqu’un…
DragonNoir sortit le premier, suivit de Q-Po et de Arkh, qui fermait la marche. Leurs visages étaient sombres, et ils ne décrochèrent pas un mot, sous les regards des autres. Seul Arkh, s’approcha de TheMaker pour lui glisser un mot à l’oreille. Ce dernier, s’étreignant toujours la main douloureuse, sentit ses yeux s’emplirent de larmes, et il se dirigea d’un pas digne vers la chambre de son amie.
Les derniers mots qu’ils entendirent d’Hitomi furent : « …Désolée… »
Et la porte se referma.
FIN DE L’ÉPISODE 6 : MAL…
Une goutte de sueur atterrit sur le tapis, près d’une myriade de ses congénères. Mais les autres étaient faites de sang. Gorgon_Roo, le teint pâle, les yeux cernés, haletait bruyamment pendant que DarKenshin lui faisait un garrot improvisé en haut de la cuisse.
« Ça fait un mal de chien ! grogna-t-il les dents serrées.
-Désolé. » répondit la jeune femme en tirant de toutes ses forces sur le morceau d’étoffe, régulant un minimum l’afflux sanguin dans la jambe du malheureux. Arkh et Q-Po étaient revenu bredouilles de leur poursuite avec Mistrophera, et étaient au chevet d’Hitomi avec DragonNoir. La jeune femme avait demandé expressément à leur parler, à eux trois.
« Comment tout ça a-t-il pu se passer si vite ? » dit TheMaker, la main bandée. Les brûlures infligées par Radamenthe n’étaient que superficielles, et il s’en tirait avec quelques jours de bandages gras, tout au plus. Il se pencha sur la blessure à la jambe de Gorgon_Roo.
« Il faut l’emmener à l’hôpital.
-On n’a pas le choix, répondit DarKenshin.
-On n’a plus le choix. » rectifia TheMaker. Il revit en images Mistrophera qui arrivait, la débandade, les blessures, Hitomi à terre, les pleurs. La douleur. Ses yeux se posèrent sur le tapis maculé de sang, le sang d’une jeune fille qu’il avait cru connaître, jusqu’à tout à l’heure. Puis il regarda vers la chambre de DragonNoir où se tenait un conciliabule extraordinaire.
« On a plus le choix. »
Dans la pénombre de la chambre, personne n’osait parler. Un sifflement maladif provenait du lit autour duquel trois silhouettes se tenaient agenouillés, comme en train de prier. De temps à autre, un horrible borborygme sortait de la poitrine de la jeune femme alitée, puis elle se mettait à tousser. À cracher de petits caillots de sang.
Ensuite, la respiration poussive, sifflante, reprenait cours.
« On devrait l’emmener à l’hôpital, dit Q-Po. Elle a peut-être encore une chance de…
-Avec ce trou au milieu de la poitrine ? » rétorqua DragonNoir, plus sèchement qu’il ne l’aurait voulu en relevant le draps baigné de sang. Le petit corps d’Hitomi se levait au rythme de sa respiration, de plus en plus faible. Une odeur de mort régnait dans la pièce.
Le silence reprit sa place.
« J’aurais dû le voir venir, j’aurais dû le sentir… Tout ça n’aurait pas dû arriver.
-Ça n’est… pas ta faute, DragonNoir… » Hitomi se mit à tousser, une toux qu’ils entendaient jaillir de sa bouche et du trou béant qui déchirait son torse. La toux se calma, et Arkh essuya religieusement un mince filet de sang qui coulait de sa narine.
« Ne parle pas, Hitomi, nous allons t’emmener à l’hôpital et ils vont te soigner. Tu vas t’en sortir. » Mais même ses paroles semblaient plus faite pour le convaincre lui-même que pour la rassurer, et Q-Po n’ajouta plus rien.
« Impossible, articula-t-elle faiblement. C’est… C’est trop tard…
-Il n’est jamais trop ta… »
Chut !
Les trois Trauméniens, au pied du lit, ouvrirent des yeux grands comme des soucoupes. Avaient-ils entendus ce qu’ils avaient entendus ? La voix d’Hitomi résonna à nouveau dans leurs esprits, faible mais plus vivace que celle entrecoupée de toux.
La mort n’est pas une fin en soi. Et vous, vous êtes en vie, et vous avec maintenant une charge de plus sur vos épaules…
« Hitomi, nous ne… »
Tais-toi, DragonNoir. Laisse-moi parler, je n’en ai plus pour longtemps, même avec mes compétences hors normes. Et il reste tant à vous dire.
Et Hitomi se mit à leur raconter l’histoire d’un adolescent mal dans sa peau, un adolescent victime de mauvaises blagues, d’énormément de mauvaises blagues. Un adolescent qui avait trouvé un moyen de se venger des autres, d’une manière peu commune. Un adolescent qu’elle avait côtoyée, à qui elle avait parlé, avec qui elle avait ri et pleuré. Un adolescent qui s’était fait prendre à un jeu dont les envergures le dépassaient.
Elle leur expliqua ses relations avec Lui, la trahison de Sa confiance, un soir, dans un parc, et les conséquences qui en avaient découlés. Encore maintenant, dit-elle en pensées. Ce qui s’est passé aujourd’hui n’est peut-être qu’un ultime reflet de mon inconscience de l’époque, et ce trou dans mon abdomen n’est qu’une justice à ses yeux.
« Qu’est-ce que tu attends de nous ? » lâcha finalement Arkh.
Les respirations d’Hitomi étaient de plus en plus espacées, et du sang s’écoulait maintenant continuellement de son nez et de la commissure de ses lèvres. Malgré cela, la voix astrale d’Hitomi se fit plus forte que jamais, dans leurs esprits.
Vous avez ce qu’Il recherche, à savoir des capacités latentes. Les vôtres sont encore dissimulés par ce que vous croyez être la vérité, et il y a maint et maint moyens pour vous d’acquérir ces pouvoirs. Il vous faut…
Une quinte de toux l’interrompit, et DragonNoir cru un instant qu’elle ne s’arrêterait jamais. Au bout de longues minutes insoutenables, où la souffrance d’Hitomi ne faisait qu’empirer, son corps imbibé de sang coagulé cessa ses soubresauts et devint immobile. Plus de respiration. Arkh, Q-Po et DragonNoir restèrent, interdits, à contempler la mort, mais Hitomi n’avait pas interrompu son combat contre sa plus farouche ennemie.
« Il vous faut développer vos aptitudes à dominer ces facultés, dit-elle d’une voix étonnamment claire. Ainsi, vous aurez une chance… »
La respiration saccadée d’Hitomi reprit à nouveau son mouvement chaotique et les jeunes hommes attendirent patiemment son dernier souffle. Hitomi entrouvrit un œil, et leur parla dans leurs esprits.
Maintenant, j’aimerai partir avec quelqu’un…
DragonNoir sortit le premier, suivit de Q-Po et de Arkh, qui fermait la marche. Leurs visages étaient sombres, et ils ne décrochèrent pas un mot, sous les regards des autres. Seul Arkh, s’approcha de TheMaker pour lui glisser un mot à l’oreille. Ce dernier, s’étreignant toujours la main douloureuse, sentit ses yeux s’emplirent de larmes, et il se dirigea d’un pas digne vers la chambre de son amie.
Les derniers mots qu’ils entendirent d’Hitomi furent : « …Désolée… »
Et la porte se referma.
FIN DE L’ÉPISODE 6 : MAL…
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
TRAUMENSCHAR
ÉPISODE 7 : NOYADES EN EAUX TROUBLES
1. Juste une question de point de vue.
Le boulevard était bondé. Tout le monde semblait s’être donné rendez-vous au même endroit, au même moment, et la foule se dirigeait inexorablement vers le centre de l’immense cité, où se dressait majestueusement un temple haut de plusieurs étages, reluisant, argenté, bien que vieux de plusieurs millénaire. Mais dans cette cité, le temps n’avait plus d’emprise, et on ne le comptait que dans les grandes occasions.
Guillaume Spelvis déboucha au coin d’une ruelle, avec l’œil hagard de celui qui avait dormi plus longtemps que prévu. Lui qui d’ordinaire était bien habillé et propre sur lui – malgré sa condition sociale oscillant entre pauvre et très pauvre – il affichait ce matin-là une coiffure saut-du-lit de toute beauté, avait attaché le mardi avec le mercredi pour ses boutons de chemises, et ne portait manifestement pas deux chaussettes d’une même couleur.
Il entra dans l’immense procession en bafouillant des excuses à ceux qu’il percutait, et remonta le boulevard en slalomant entre ses contemporains.
Quelle poisse de ne pas s’être réveiller à temps ! J’aurais tellement voulu arriver avant tout le monde pour avoir la meilleure place ! J’aurais pu le voir de près, comme ça !
Tout en s’admonestant soi-même pour son manque d’assiduité au réveil, il arriva au grand carrefour, où le boulevard croisait l’avenue principale, qui elle-même remontait jusqu’au temple. Le temple était facile d’accès, lorsqu’on empruntait les grandes voies. Comme on disait dans son autre vie : Tous les chemins mènent à Rome. Ici, tous les chemins menaient au temple d’Ydja.
Ce culte d’Ydja, implanté bien avant son arrivée, et qui se perpétuerait à jamais, était bel et bien le centre d’intérêt de cette journée. Le peuple de la cité, Guillaume compris, avait attendu des années ce jour. Le jour où Ydja lui-même apparaîtrait en haut du temple et apporterait la paix et la stabilité de la cité.
Guillaume attendait bel et bien ce jour faste, mais pas pour les même raisons : Il avait apprit à être méfiant, et il se demandait pourquoi une divinité s’embêterait à diriger une population aussi décédée que la leur. Alors il voulait le voir, de ses yeux, et comprendre le pourquoi du comment. Il était ainsi, Guillaume : Il aimait dénicher la faille.
Mais là, il était surtout occupé à observer dans un état proche de l’émerveillement tout ce qui l’entourait. Il n’allait jamais dans les beaux quartiers de la ville, et les bâtiments qui jouxtaient l’avenue principale étaient des plus beaux qu’il n’avait jamais vu. Il admira les sculptures de marbre bleu, qu’on trouvait seulement dans les régions extérieures de la cité, il admira les hautes habitations richement décorés, les balcons qui donnaient sur les diverses places où Guillaume passait, les yeux levés.
Au bout d’une longue heure de marche, de bousculades, de contacts rapprochés et autres glissades entre ses condisciples, il aperçut la police de la cité qui régulait la foule. Les hommes et les femmes ne laissaient passer qu’un mince filet de populace, retenant ainsi les éventuels débordements de masse.
Très bien, songea Guillaume. On arrive donc bientôt au temple. Maintenant, il va falloir la jouer fine.
Il s’approcha d’une famille et se tint juste derrière elle. Il arrangea sa chemise, se coiffa rapidement et prit un visage aussi hautain que le père qu’il suivait. Une femme Les héla.
« Bien, dit-elle en les comptant. Allez-y, vous cinq. Passez.
-Mais madame, se renfrogna le père. Nous ne sommes qua qua…
-Allez, papa ! dit Guillaume en poussant l’inconnu à avancer. Ne fait pas attendre ceux qui sont derrière ! J’ai tellement hâte de le voir arriver ! Nous allons être en retard ! »
Une fois le barrage de police passé, le père se tourna vers Guillaume, ainsi que sa femme et ses deux filles. Guillaume leur sourit, envoya un clin d’œil charmeur à l’aînée, puis les laissa en plan et avança d’un pas rapide vers le temple d’Ydja.
Dommage, elle était mignonne, celle-ci. Si elle n’avait pas fait partie de la haute, j’aurais tenté de la revoir.
Le jeune homme s’était dicté une ligne de conduite, qui visait à ne pas aller chercher de plaisirs parmi les nobles de la cité. Et il suivait à la lettre cette règle. Il l’avait instauré après avoir échappé à un rapt, quelques années plus tôt, visant à élever des esclaves – sexuels ou non – destinés à la bourgeoisie locale. Depuis, il s’était juré de ne plus jamais avoir affaire à eux. Parfois, il regrettait, surtout dans des cas comme celui-ci.
Guillaume poussa un soupir de soulagement lorsqu’il vit que la foule amassée devant le temple, aux premières places, n’était pas si conséquente qu’il ne l’avait cru au départ. Il avait eu de la chance. Il reprit son avancée tortueuse, obtint quelques invectives de colère – ou de jalousie – à cause de son audace, et il finit par arriver au premier rang, radieux.
Son regard parcouru les centaines de têtes ravies, qui fixaient toutes avec un ébahissement profond la cime du temple. Le grand prêtre d’Ydja s’y trouvait déjà. La foule s’amassa calmement, après l’arrivée de Guillaume, et bientôt tout le parvis devant le temple, et tout autour, fut rempli par la population.
Le grand prêtre leva les bras au ciel, et la foule se tut. Guillaume regarda les balcons également pleins, mais pas par les mêmes gens qu’en bas. « Les aristos, grommela-t-il en détaillant les personnalités bien habillés. Encore et toujours les aristos. » Son regard tomba sur une jeune fille, penchée en avant. Un sourire étira son visage lorsqu’il plongea son regard dans le décolleté généreux qu’elle affichait.
« Waoh… »
Puis elle se releva et elle le regarda dans les yeux. Droit dans les yeux. Il se sentit devenir écarlate, et détourna son visage. Il voulu siffloter pour se donner une constance, mais ne parvint qu’à un faible son tremblotante. Ses joues étaient en feu. Heureusement pour lui, le prêtre commença son discours, avec sa voix grave qui portait loin.
« Concitoyens, peuple Atlante, nous voici tous réunis pour célébrer l’arr… »
Un murmure d’étonnement se souleva tout autours de Guillaume. Il entendit le prêtre s’arrêter de parler, mais ses yeux ne le virent pas se retourner vers la source de lumière qui s’était déclenchée non loin de lui. Il n’avait d’yeux, comme tout le monde, que pour cette lumière éclatante qui s’était allumée. Le prêtre recula.
Un bras émergea de la lumière, puis un visage. Guillaume vit le jeune homme, plus jeune que lui, sortir de la source lumineuse. Sa coiffure était assez étrange, mais il n’en tint pas compte. Après tout, se dit-il, c’est censé être un Dieu, et les Dieux ne doivent pas se coiffer comme tout le monde. Un détail le chiffonnait, tout de même : Pourquoi ce Dieu était-il tourné de nouveau vers la lumière ? Qu’est-ce qu’il…
« Ah ! »
Un autre bras apparu, tenant une lance, et un deuxième adolescent apparu, sous l’œil effaré du prêtre. Guillaume, lui, jubilait. Le premier avait fait un croc-en-jambe au second, qui s’était affalé en hurlant. Pendant ce temps, une grande femme de couleur était sortie elle aussi de la lumière. Puis ce fut le tour d’un troisième adolescent aux cheveux roux dans un peignoir blanc. La foule était silencieuse, abasourdie.
Guillaume éclata de rire.
Frédéric Barberousse toqua à la porte de sa fille.
« Encore deux minutes, papa !
-Ça fait vingt minutes qu’il te faut encore deux minutes, Judith. »
Aucune réponse de sa fille. Il soupira et se rendit au salon d’où on entendait déjà la foule qui se regroupait, sur le parvis du temple. Il jeta un coup d’œil par la fenêtre, et vit que la police de la cité commençait à lâcher les citoyens petit à petit. Mais leur nombre, devant le temple, ne cessait d’augmenter.
« Qu’est-ce que tu regardes ? Ça a déjà commencé ? »
La jeune fille dépassa son père et se plaqua contre la fenêtre, en poussant des cris de surprise. Frédéric Barberousse la regarda faire, et sourit.
« Et il en arrive encore, regarde !
-J’ai vu, chérie. Mais c’est loin d’être terminé. » Il marqua un arrêt, et ajouta : « Tu es resplendissante, ce matin.
-Merci papa, dit-elle en se retournant. Je l’ai mise exprès pour l’arrivée de Ydja. »
Barberousse la prit par le bras et l’entraîna au salon.
« Tu veux bien déjeuner avec ton vieux père, ce matin ?
-Arrête de dire des choses aussi idiotes ! » répondit-elle en riant. Ils s’assirent et leur majordome leurs servit un petit déjeuner copieux. Ils mangèrent en silence durant de longues minutes, alors que Frédéric regardait sa fille avec une admiration éperdue.
« Judith ?
-Qu’est-ce qu’il y a ?
-Beaucoup de choses vont changer avec l’arrivée de Ydja. »
Judith regarda son père avec un mélange d’inquiétude et de réelle peur.
« Oui, dit-elle incertaine. Il doit nous apporter la prospérité, la paix et…
-…la stabilité à la cité, termina Frédéric. Tu sais que je serais peut-être sollicité pour être aux cotés du roi, aux cotés d’Ydja, lorsqu’il sera là ? »
La jeune fille avala le reste de son bol et le reposa doucement. Elle leva des yeux calmes sur son père, des yeux sereins. Frédéric se sentit rempli d’une bouffée de fierté pour sa fille.
« Je suis certaine que tu seras à la hauteur, le rassura-t-elle. Notre Roi se fait vieux, et il est grand tant que la prophétie d’Ydja se mette en route.
-Seulement, je ne serais peut-être plus aussi souvent à tes cotés. Depuis que tu es arrivée dans ma vie, je ne t’ai jamais laissé longtemps sans assistance, et…
-Tu sais, papa, je suis grande. Je saurais me débrouiller. »
Frédéric ne croyait pas que c’était le cas. Il laissa le silence s’installer, touilla son café qui refroidissait peu à peu, et reprit la parole.
« Une fois que la fête aura cessé, je voudrais te parler. J’ai des choses très importantes à te dire, avant que je ne… » Il s’interrompit, conscient qu’il avait failli se trahir. « Avant qu’il ne soit trop tard.
-Trop tard pour quoi ? »
Frédéric Barberousse vida son bol, avala la dernière bouchée de sa tartine et retira sa serviette de ses genoux. Une fois debout, il invita sa fille à venir voir l’arrivée d’Ydja.
« Il ne va pas tarder, maintenant. Allons sur le balcon. »
Judith préféra ne pas poser plus de question, et rejoignit son père dehors, après s’être regarder une ultime fois dans le miroir.
Frédéric inspira une grande bouffée d’air frais. La matinée était déjà bien avancée, et le peuple était maintenant bien présent – et bien bruyant – devant le temple d’Ydja. La foule s’étendait devant eux : Des pauvres, des moins pauvre, des nouveaux riches. Des familles, des célibataires, des enfants. Des hommes, des femmes. Tout le monde était présent.
Des mains s’enroulèrent autour de son bras, et l’étreignirent. Il se sentit réconforté par le contact avec sa fille. Je te raconterai tout, après ça. Je te raconterai tout.
« Zut, ma robe ! »
Elle se pencha en avant, par-dessus le balcon, pour décoincer un ruban qui s’était enroulé autour d’une des tiges en fer qui soutenait les pots de fleurs accroché au balcon. Frédéric Barberousse la regarda, son dos nu, ses cheveux voletant au vent, sensible à sa beauté. Elle se releva, et il attendit quelques secondes avant de lui poser une main sur l’épaule.
Leurs regards se tournèrent vers le haut du temple, où le grand prêtre d’Ydja se tenait déjà. Il avait fait taire la foule d’un signe et entamait son discours. Mais Frédéric Barberousse n’en entendit pas le début, car sa fille le tirait par la manche.
« Papa, regarde ! La lumière ! Ça commence ! Ydja arrive ! »
Il plissa les yeux en regardant la lumière, et le bras qui en sortait, lentement. Tout le monde retenait sa respiration. Le jeune homme en sortit, et Frédéric lui trouva une coiffure étrange. Il regarda le prêtre, qui semblait aussi consterné que lui, et se dit qu’il devait y avoir quelque chose qui clochait.
« Il fait jeune, dis donc ! » dit Judith, ne détachant pas son regard de l’adolescent. Son père regarda de nouveau la lumière, et ce qui suivit confirma ses doutes. Quelque chose n’a pas fonctionné. Ça n’aurait pas dû se passer ainsi. Il ne devait y en avoir qu’un, et pas quatre. Je ne comprends pas…
Et il resta là, hébété, à regarder les quatre arrivants se chamailler devant des milliers de personnes. L’une d’elles se mit à rire, et la foule l’imita. Le grand prêtre ne savait plus où donner de la tête.
L’avènement d’Ydja était un fiasco total.
ÉPISODE 7 : NOYADES EN EAUX TROUBLES
1. Juste une question de point de vue.
Le boulevard était bondé. Tout le monde semblait s’être donné rendez-vous au même endroit, au même moment, et la foule se dirigeait inexorablement vers le centre de l’immense cité, où se dressait majestueusement un temple haut de plusieurs étages, reluisant, argenté, bien que vieux de plusieurs millénaire. Mais dans cette cité, le temps n’avait plus d’emprise, et on ne le comptait que dans les grandes occasions.
Guillaume Spelvis déboucha au coin d’une ruelle, avec l’œil hagard de celui qui avait dormi plus longtemps que prévu. Lui qui d’ordinaire était bien habillé et propre sur lui – malgré sa condition sociale oscillant entre pauvre et très pauvre – il affichait ce matin-là une coiffure saut-du-lit de toute beauté, avait attaché le mardi avec le mercredi pour ses boutons de chemises, et ne portait manifestement pas deux chaussettes d’une même couleur.
Il entra dans l’immense procession en bafouillant des excuses à ceux qu’il percutait, et remonta le boulevard en slalomant entre ses contemporains.
Quelle poisse de ne pas s’être réveiller à temps ! J’aurais tellement voulu arriver avant tout le monde pour avoir la meilleure place ! J’aurais pu le voir de près, comme ça !
Tout en s’admonestant soi-même pour son manque d’assiduité au réveil, il arriva au grand carrefour, où le boulevard croisait l’avenue principale, qui elle-même remontait jusqu’au temple. Le temple était facile d’accès, lorsqu’on empruntait les grandes voies. Comme on disait dans son autre vie : Tous les chemins mènent à Rome. Ici, tous les chemins menaient au temple d’Ydja.
Ce culte d’Ydja, implanté bien avant son arrivée, et qui se perpétuerait à jamais, était bel et bien le centre d’intérêt de cette journée. Le peuple de la cité, Guillaume compris, avait attendu des années ce jour. Le jour où Ydja lui-même apparaîtrait en haut du temple et apporterait la paix et la stabilité de la cité.
Guillaume attendait bel et bien ce jour faste, mais pas pour les même raisons : Il avait apprit à être méfiant, et il se demandait pourquoi une divinité s’embêterait à diriger une population aussi décédée que la leur. Alors il voulait le voir, de ses yeux, et comprendre le pourquoi du comment. Il était ainsi, Guillaume : Il aimait dénicher la faille.
Mais là, il était surtout occupé à observer dans un état proche de l’émerveillement tout ce qui l’entourait. Il n’allait jamais dans les beaux quartiers de la ville, et les bâtiments qui jouxtaient l’avenue principale étaient des plus beaux qu’il n’avait jamais vu. Il admira les sculptures de marbre bleu, qu’on trouvait seulement dans les régions extérieures de la cité, il admira les hautes habitations richement décorés, les balcons qui donnaient sur les diverses places où Guillaume passait, les yeux levés.
Au bout d’une longue heure de marche, de bousculades, de contacts rapprochés et autres glissades entre ses condisciples, il aperçut la police de la cité qui régulait la foule. Les hommes et les femmes ne laissaient passer qu’un mince filet de populace, retenant ainsi les éventuels débordements de masse.
Très bien, songea Guillaume. On arrive donc bientôt au temple. Maintenant, il va falloir la jouer fine.
Il s’approcha d’une famille et se tint juste derrière elle. Il arrangea sa chemise, se coiffa rapidement et prit un visage aussi hautain que le père qu’il suivait. Une femme Les héla.
« Bien, dit-elle en les comptant. Allez-y, vous cinq. Passez.
-Mais madame, se renfrogna le père. Nous ne sommes qua qua…
-Allez, papa ! dit Guillaume en poussant l’inconnu à avancer. Ne fait pas attendre ceux qui sont derrière ! J’ai tellement hâte de le voir arriver ! Nous allons être en retard ! »
Une fois le barrage de police passé, le père se tourna vers Guillaume, ainsi que sa femme et ses deux filles. Guillaume leur sourit, envoya un clin d’œil charmeur à l’aînée, puis les laissa en plan et avança d’un pas rapide vers le temple d’Ydja.
Dommage, elle était mignonne, celle-ci. Si elle n’avait pas fait partie de la haute, j’aurais tenté de la revoir.
Le jeune homme s’était dicté une ligne de conduite, qui visait à ne pas aller chercher de plaisirs parmi les nobles de la cité. Et il suivait à la lettre cette règle. Il l’avait instauré après avoir échappé à un rapt, quelques années plus tôt, visant à élever des esclaves – sexuels ou non – destinés à la bourgeoisie locale. Depuis, il s’était juré de ne plus jamais avoir affaire à eux. Parfois, il regrettait, surtout dans des cas comme celui-ci.
Guillaume poussa un soupir de soulagement lorsqu’il vit que la foule amassée devant le temple, aux premières places, n’était pas si conséquente qu’il ne l’avait cru au départ. Il avait eu de la chance. Il reprit son avancée tortueuse, obtint quelques invectives de colère – ou de jalousie – à cause de son audace, et il finit par arriver au premier rang, radieux.
Son regard parcouru les centaines de têtes ravies, qui fixaient toutes avec un ébahissement profond la cime du temple. Le grand prêtre d’Ydja s’y trouvait déjà. La foule s’amassa calmement, après l’arrivée de Guillaume, et bientôt tout le parvis devant le temple, et tout autour, fut rempli par la population.
Le grand prêtre leva les bras au ciel, et la foule se tut. Guillaume regarda les balcons également pleins, mais pas par les mêmes gens qu’en bas. « Les aristos, grommela-t-il en détaillant les personnalités bien habillés. Encore et toujours les aristos. » Son regard tomba sur une jeune fille, penchée en avant. Un sourire étira son visage lorsqu’il plongea son regard dans le décolleté généreux qu’elle affichait.
« Waoh… »
Puis elle se releva et elle le regarda dans les yeux. Droit dans les yeux. Il se sentit devenir écarlate, et détourna son visage. Il voulu siffloter pour se donner une constance, mais ne parvint qu’à un faible son tremblotante. Ses joues étaient en feu. Heureusement pour lui, le prêtre commença son discours, avec sa voix grave qui portait loin.
« Concitoyens, peuple Atlante, nous voici tous réunis pour célébrer l’arr… »
Un murmure d’étonnement se souleva tout autours de Guillaume. Il entendit le prêtre s’arrêter de parler, mais ses yeux ne le virent pas se retourner vers la source de lumière qui s’était déclenchée non loin de lui. Il n’avait d’yeux, comme tout le monde, que pour cette lumière éclatante qui s’était allumée. Le prêtre recula.
Un bras émergea de la lumière, puis un visage. Guillaume vit le jeune homme, plus jeune que lui, sortir de la source lumineuse. Sa coiffure était assez étrange, mais il n’en tint pas compte. Après tout, se dit-il, c’est censé être un Dieu, et les Dieux ne doivent pas se coiffer comme tout le monde. Un détail le chiffonnait, tout de même : Pourquoi ce Dieu était-il tourné de nouveau vers la lumière ? Qu’est-ce qu’il…
« Ah ! »
Un autre bras apparu, tenant une lance, et un deuxième adolescent apparu, sous l’œil effaré du prêtre. Guillaume, lui, jubilait. Le premier avait fait un croc-en-jambe au second, qui s’était affalé en hurlant. Pendant ce temps, une grande femme de couleur était sortie elle aussi de la lumière. Puis ce fut le tour d’un troisième adolescent aux cheveux roux dans un peignoir blanc. La foule était silencieuse, abasourdie.
Guillaume éclata de rire.
*
* *
* *
Frédéric Barberousse toqua à la porte de sa fille.
« Encore deux minutes, papa !
-Ça fait vingt minutes qu’il te faut encore deux minutes, Judith. »
Aucune réponse de sa fille. Il soupira et se rendit au salon d’où on entendait déjà la foule qui se regroupait, sur le parvis du temple. Il jeta un coup d’œil par la fenêtre, et vit que la police de la cité commençait à lâcher les citoyens petit à petit. Mais leur nombre, devant le temple, ne cessait d’augmenter.
« Qu’est-ce que tu regardes ? Ça a déjà commencé ? »
La jeune fille dépassa son père et se plaqua contre la fenêtre, en poussant des cris de surprise. Frédéric Barberousse la regarda faire, et sourit.
« Et il en arrive encore, regarde !
-J’ai vu, chérie. Mais c’est loin d’être terminé. » Il marqua un arrêt, et ajouta : « Tu es resplendissante, ce matin.
-Merci papa, dit-elle en se retournant. Je l’ai mise exprès pour l’arrivée de Ydja. »
Barberousse la prit par le bras et l’entraîna au salon.
« Tu veux bien déjeuner avec ton vieux père, ce matin ?
-Arrête de dire des choses aussi idiotes ! » répondit-elle en riant. Ils s’assirent et leur majordome leurs servit un petit déjeuner copieux. Ils mangèrent en silence durant de longues minutes, alors que Frédéric regardait sa fille avec une admiration éperdue.
« Judith ?
-Qu’est-ce qu’il y a ?
-Beaucoup de choses vont changer avec l’arrivée de Ydja. »
Judith regarda son père avec un mélange d’inquiétude et de réelle peur.
« Oui, dit-elle incertaine. Il doit nous apporter la prospérité, la paix et…
-…la stabilité à la cité, termina Frédéric. Tu sais que je serais peut-être sollicité pour être aux cotés du roi, aux cotés d’Ydja, lorsqu’il sera là ? »
La jeune fille avala le reste de son bol et le reposa doucement. Elle leva des yeux calmes sur son père, des yeux sereins. Frédéric se sentit rempli d’une bouffée de fierté pour sa fille.
« Je suis certaine que tu seras à la hauteur, le rassura-t-elle. Notre Roi se fait vieux, et il est grand tant que la prophétie d’Ydja se mette en route.
-Seulement, je ne serais peut-être plus aussi souvent à tes cotés. Depuis que tu es arrivée dans ma vie, je ne t’ai jamais laissé longtemps sans assistance, et…
-Tu sais, papa, je suis grande. Je saurais me débrouiller. »
Frédéric ne croyait pas que c’était le cas. Il laissa le silence s’installer, touilla son café qui refroidissait peu à peu, et reprit la parole.
« Une fois que la fête aura cessé, je voudrais te parler. J’ai des choses très importantes à te dire, avant que je ne… » Il s’interrompit, conscient qu’il avait failli se trahir. « Avant qu’il ne soit trop tard.
-Trop tard pour quoi ? »
Frédéric Barberousse vida son bol, avala la dernière bouchée de sa tartine et retira sa serviette de ses genoux. Une fois debout, il invita sa fille à venir voir l’arrivée d’Ydja.
« Il ne va pas tarder, maintenant. Allons sur le balcon. »
Judith préféra ne pas poser plus de question, et rejoignit son père dehors, après s’être regarder une ultime fois dans le miroir.
Frédéric inspira une grande bouffée d’air frais. La matinée était déjà bien avancée, et le peuple était maintenant bien présent – et bien bruyant – devant le temple d’Ydja. La foule s’étendait devant eux : Des pauvres, des moins pauvre, des nouveaux riches. Des familles, des célibataires, des enfants. Des hommes, des femmes. Tout le monde était présent.
Des mains s’enroulèrent autour de son bras, et l’étreignirent. Il se sentit réconforté par le contact avec sa fille. Je te raconterai tout, après ça. Je te raconterai tout.
« Zut, ma robe ! »
Elle se pencha en avant, par-dessus le balcon, pour décoincer un ruban qui s’était enroulé autour d’une des tiges en fer qui soutenait les pots de fleurs accroché au balcon. Frédéric Barberousse la regarda, son dos nu, ses cheveux voletant au vent, sensible à sa beauté. Elle se releva, et il attendit quelques secondes avant de lui poser une main sur l’épaule.
Leurs regards se tournèrent vers le haut du temple, où le grand prêtre d’Ydja se tenait déjà. Il avait fait taire la foule d’un signe et entamait son discours. Mais Frédéric Barberousse n’en entendit pas le début, car sa fille le tirait par la manche.
« Papa, regarde ! La lumière ! Ça commence ! Ydja arrive ! »
Il plissa les yeux en regardant la lumière, et le bras qui en sortait, lentement. Tout le monde retenait sa respiration. Le jeune homme en sortit, et Frédéric lui trouva une coiffure étrange. Il regarda le prêtre, qui semblait aussi consterné que lui, et se dit qu’il devait y avoir quelque chose qui clochait.
« Il fait jeune, dis donc ! » dit Judith, ne détachant pas son regard de l’adolescent. Son père regarda de nouveau la lumière, et ce qui suivit confirma ses doutes. Quelque chose n’a pas fonctionné. Ça n’aurait pas dû se passer ainsi. Il ne devait y en avoir qu’un, et pas quatre. Je ne comprends pas…
Et il resta là, hébété, à regarder les quatre arrivants se chamailler devant des milliers de personnes. L’une d’elles se mit à rire, et la foule l’imita. Le grand prêtre ne savait plus où donner de la tête.
L’avènement d’Ydja était un fiasco total.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
Le grand prêtre d’Ydja tira le rideau et admira son œuvre : La foule arrivait par vague entière, complètement obnubilée par l'apparition d’un Dieu. Ils couraient, presque, simplement parce que lui, Kevin Jolios, leur avait dit de le faire. Il se souvenait encore de ses paroles, pas plus tard que la veille au soir :
J’ai reçu des rêves d’Ydja en personne. Il m’a indiqué que sa venue se fait proche, très proche. Son règne commencera dès son arrivée sur le temple dédié à son nom, dès demain. La prophétie va enfin d’accomplir, après des années d’attente insoutenable. Rendez-vous tous devant le temple de Ydja, pour célébrer sa venue et son triomphe !
« Après des années d’attente insoutenable, surtout pour moi, grommela-t-il en scrutant la foule ravie. Vous n’avez fait que suivre la masse et les écrits, mais c’est moi qui en suit l’instigateur, et pas vous. »
Il s’arrêta, préférant éviter de se faire démasquer à la dernière minute. La foule avait suivit, et c’était ce qui comptait. Ils n’étaient que des pantins. Il sourit en voyant un jeune homme complètement débraillé remonter le flot en doublant tout le monde. Ils ont vraiment mordus sur toute la ligne, se dit-il en retournant dans les appartements royaux.
Les passages privés étaient monnaie courante dans la cité, et Kevin Jolios les empruntait souvent, pour ne pas dire tout le temps. C’était d’ailleurs le seul à en connaître l’existence, avec quelques gardes du palais, la police de la Cité, et quelques uns de ses amis hauts placés. Il descendit un petit escalier et se retrouva dans un couloir éclairé à la bougie.
Chacun de ses passages en ces lieux sombres lui donner l’impression d’entrer dans un conte, où le méchant passe son temps dans des galeries souterraines complexe pour y piéger son adversaire, le héros. Mais il n’était pas méchant, et si piège il y avait, il ne concernait que le peuple. Et il n’y avait pas de héros, dans le peuple.
Il bifurqua de nombreuses fois, ne rencontrant personne, se dirigeant avec son esprit pour seule carte. Puis il ouvrit une porte, et la lumière du jour revint lui éclairer la figure. Une fois le passage scellé à nouveau, et ses habits changés pour éviter toute odeur incommodantes (ils n’avaient pas trouvé comment éviter aux rats de prendre ce chemin, malgré toutes ces années à y songer), il s’annonça au roi en parlant d’une voix forte.
« Entre, grand prêtre. » répondit une voix faible, mais incontestablement autoritaire. Et incontestablement en colère. Jolios pria intérieurement pour qu’on en arrive rapidement au moment où le vieux roi mourrait, pour qu’Ydja prenne sa place au plus vite.
Il entra.
« Tu tombes bien. Je ne sais pas quel est le bougre d’abruti qui a donné congé à tout mes serviteurs, mais personne n’a songé un seul instant à m’approcher de la fenêtre pour le spectacle qui va se produire !
-C’est moi, seigneur. J’ai pris la liberté de…
-Et bien filez-moi un coup de main, nigaud ! cracha le vieillard. On va amener la chaise devant la fenêtre, pour que je puisse assister à tout ça tranquillement.
-Bien, seigneur. »
Le roi ne bougea pas, et le grand prêtre attendit patiemment. Au bout d’un moment, le roi tourna sa tête vers lui et lui fit comprendre qu’en guise d’aide, il voulait simplement que le grand prêtre le fasse. Seul. Kevin Jolios résista à l’envie de l’étrangler et passa sa rage sur le fauteuil, qu’il poussa jusqu’à la fenêtre.
« Eh bien, eh bien, dit le roi en ricanant. Si j’avais cru que le grand prêtre d’Ydja était aussi fort, je l’aurais engagé dans ma garde rapproché.
-Merci, seigneur. » souffla Jolios, avant de reprendre les rennes de la conversation. « Je vais devoir vous laisser, seigneur. Mon devoir m’appelle. Dois-je vous rappeler que…
-Inutile ! Je sais pertinemment qu’il viendra me voir pour me destituer, et que c’est le moment que vous attendez depuis si longtemps. Tout cela est si classique, grand prêtre, que ça en devient ennuyeux. J’ai hâte de voir ce que ma prochaine vie va faire de moi. »
Le grand prêtre ne fut pas surpris, car il connaissait les intuitions souvent juste du vieux roi. Il se contenta donc d’une courbette et le laissa seul.
Une fois à l’intérieur du temple d’Ydja, et tandis qu’il grimpait quatre à quatre les escaliers en maudissant une fois de plus le roi, quelqu’un l’interpella. Sans cesser d’avancer, il lui dit de le suivre.
« Ça y est, c’est l’heure ? répondit un jeune homme en rattrapant le grand prêtre.
-Bientôt. »
Arrivés en haut, Kevin Jolios ouvrit une porte et empoigna l’inconnu par le col avant de le pousser à l’intérieur.
« Je t’avais dit de rester ici, enragea-t-il. Qu’est-ce que tu foutais en bas ?
-Mais j’avais envie de me dégourdir les jambes ! J’en avais marre de rester coincé là-dedans, c’est étroit !
-Et bien retournes-y et attends mon signal. Ensuite, joue ton rôle. »
Jolios claqua la porte brutalement, et ferma les yeux. Il expira longuement, comme un acteur avant d’entrer en scène, puis grimpa les dernières marches.
En haut du temple, il vit la foule amassée sur l’esplanade en contrebas. Et sa tension s’envola doucement. Tout allait fonctionner. Le peuple de la cité serait bientôt là, les bourgeois et autres nobles assistaient également au spectacle, et bientôt tout le monde n’aurait d’yeux que pour lui. Il écarta les mains.
La foule devint silencieuse, comme par enchantement.
Il commença son discours, dont la fin marquerait le signal pour son complice. Il sortirait alors du sol, grâce à une astucieuse trappe, et se proclamerait Ydja. Il se proclamerait Dieu. Et lui, Kevin Jolios, resterait le grand prêtre. Mais un grand prêtre spécial.
« Concitoyens, peuple Atlante, nous voici tous réunis pour célébrer l’arr… »
Il s’interrompit de lui-même. Cette lumière, qui provenait de derrière lui, n’était pas prévue. Était-ce le faux Dieu qui l’avait rajouté, pour donner plus de crédit à son apparition ? Il se retourna, et fit face à un bras. Un bras qui sortait du vide, ou plutôt non : Qui sortait de la lumière éclatante qu’il avait devant les yeux.
Le grand prêtre recula.
Les trois adolescents et la jeune femme apparurent sous les yeux de la population. Le grand prêtre ne comprenait plus rien. Il se demanda même, un instant, rien qu’un instant, si ce n’étaient pas de vrais Dieux qui descendaient du ciel pour eux. Mais il chassa bien vite cette idée : si on commence à avoir la foi, tout est perdu.
Ce fut lorsque le premier arrivé avait fait chuter le second par pure sournoiserie qu’il avait comprit que ce n’étaient pas des Dieux. Et alors, il avait mis son esprit en marche, non pas pour contourner l’obstacle, mais pour s’en faire une monture plus stable.
DarKenshin ouvrit les yeux sur un blanc éclatant. Si blanc, qu’elle préféra même les refermer. Elle était en chute libre. Ou en apesanteur. Enfin, au moins, elle volait, elle en était sûre : elle ne sentait de sol nulle part. Elle tenta d’ouvrir à nouveau les yeux.
« Ça fait mal, hein ? » fit Pythagore auprès d’elle. Elle ne l’aperçut qu’un tout petit peu, juste avant de cacher sa rétine à la lumière aveuglante.
« C’est horriblement blanc, reprit le jeune homme. C’est aussi horriblement étrange, tu ne trouves pas ? »
DarKenshin ne répondit pas. Bien sûr, que c’était étrange : ils venaient de sauter d’une falaise dans l’eau et de se laisser mourir. Une mort effroyable. Elle n’avait pas pu résister à l’envie de se débattre, à la toute fin, lorsque l’eau lui remplissait les poumons et qu’elle mourrait. Elle espéra soudainement que leurs corps furent récupérés, pour ne pas avoir à revivre ça une seconde fois.
« Je me demande où sont les autres.
-On est là, blaireau ! » cria une voix dans leur dos. Par réflexe, DarKenshin se retourna pour regarder celui qui arrivait, mais elle se brûla à nouveau les yeux. Viper Dragoon et Dalisc flottaient vers eux. Ils avaient dû se repérer à la voix de Pythagore. Tout le contraire de son écriture chaotique et truffée de faute, sa voix était agréable à entendre.
« Pythagore, regarde tes cheveux ! Ils sont comme sur ton avatar de Yu-Gi-Oh, avec des pics et tout ! Tu es trop laid !
-Et toi, tu ressembles à rien avec tes cheveux mi-longs et tes vêtements flashies !
-Tu vas voir ce que tu vas voir ! Lance Dragoon ! »
Une lance apparue dans les mains de Viper Dragoon et il s’élança sur Pythagore. Ce dernier déploya ses ailes et…
« Arrêtez, vous deux ! » tonna DarKenshin d’une voix ferme. Les deux cessèrent tout mouvements. Ils n’avaient rien à gagner à mettre la maîtresse des DragSlaves en rogne et ils se calmèrent aussitôt. Elle gardait encore les yeux fermés, mais sa curiosité était plus forte, et elle finit par se forcer à les ouvrir.
Une fois la douleur passée, et ses yeux habitués à l’immensité blanche qui l’entourait, DarKenshin arriva à distinguer les trois adolescents qui l’accompagnaient. Puis un détail attira son attention. La jeune femme leur indiqua alors un point éloigné, une sorte d’alvéole de néant qui sinuait à leur rencontre.
« Qu’est ce que c’est ? demanda Pythagore.
-Certainement le passage vers l’au-delà des noyés, répondit Viper Dragoon. Pour l’instant, tout se passe comme ce que racontaient Gorgon_Roo et Halvorc : La mort, puis le passage dans le décor blanc et enfin celui dans l’au-delà. »
Le trou enflait en ondulant, grossissait – ou se rapprochait – et on distinguait des formes de l’autre coté du voile qui séparait ce monde-ci de l’autre. Viper Dragoon sautillait sur place, si tant est que sautiller en volant était possible.
« Je suis si excité ! couina-t-il. On y va ? On y va ?
-Et si c’était dangereux ? »
Ils se penchèrent vers le passage, où on distinguait des formes humaines, floues, qui s’agitaient. Une masse importante. Une autre silhouette, plus proche mais pas plus identifiable pour autant, leva les bras, et il sembla qu’un bruit de fond cessait. DarKenshin regarda les autres avec un sourcil arqué.
« Bon, je me lance alors, annonça Pythagore. Puisque de toute façon, il faudra le faire, autant y aller le premier. »
Et il passa le portail entre les réalités. Viper Dragoon hésita, puis le suivit. DarKenshin regarda Dalisc, qui lui laissa galamment sa place. Elle traversa et se retrouva face à Viper Dragoon qui criait sur Pythagore. Elle passa en revue, rapidement, le décor aux alentour. Ils se trouvaient en plein rassemblement religieux.
Pour une arrivée discrète, c’est raté, se dit-elle.
Un homme en toge la regardait, hébété. Elle pensa qu’il devait être le grand prêtre, ou quelque chose comme ça. Elle entendit un rire strident démarrer de la foule, bientôt reprit en chœur par le reste du public, qui se moquait des pitreries de Pythagore et de Viper Dragoon. Le grand prêtre semblait bien moins s’amuser. Il semblait même réfléchir.
« On a dû se planter de monde, c’est pas possible, dit Pythagore en se relevant. On ne peut pas être dans l’au-delà des noyé, on est ailleurs…
-Non. » dit Dalisc, parlant ainsi pour la première fois. Et il leva les yeux sur le ciel qui était bien proche d’eux.
Un ciel qui ondoyait doucement, calmement.
Un ciel fait d’eau.
J’ai reçu des rêves d’Ydja en personne. Il m’a indiqué que sa venue se fait proche, très proche. Son règne commencera dès son arrivée sur le temple dédié à son nom, dès demain. La prophétie va enfin d’accomplir, après des années d’attente insoutenable. Rendez-vous tous devant le temple de Ydja, pour célébrer sa venue et son triomphe !
« Après des années d’attente insoutenable, surtout pour moi, grommela-t-il en scrutant la foule ravie. Vous n’avez fait que suivre la masse et les écrits, mais c’est moi qui en suit l’instigateur, et pas vous. »
Il s’arrêta, préférant éviter de se faire démasquer à la dernière minute. La foule avait suivit, et c’était ce qui comptait. Ils n’étaient que des pantins. Il sourit en voyant un jeune homme complètement débraillé remonter le flot en doublant tout le monde. Ils ont vraiment mordus sur toute la ligne, se dit-il en retournant dans les appartements royaux.
Les passages privés étaient monnaie courante dans la cité, et Kevin Jolios les empruntait souvent, pour ne pas dire tout le temps. C’était d’ailleurs le seul à en connaître l’existence, avec quelques gardes du palais, la police de la Cité, et quelques uns de ses amis hauts placés. Il descendit un petit escalier et se retrouva dans un couloir éclairé à la bougie.
Chacun de ses passages en ces lieux sombres lui donner l’impression d’entrer dans un conte, où le méchant passe son temps dans des galeries souterraines complexe pour y piéger son adversaire, le héros. Mais il n’était pas méchant, et si piège il y avait, il ne concernait que le peuple. Et il n’y avait pas de héros, dans le peuple.
Il bifurqua de nombreuses fois, ne rencontrant personne, se dirigeant avec son esprit pour seule carte. Puis il ouvrit une porte, et la lumière du jour revint lui éclairer la figure. Une fois le passage scellé à nouveau, et ses habits changés pour éviter toute odeur incommodantes (ils n’avaient pas trouvé comment éviter aux rats de prendre ce chemin, malgré toutes ces années à y songer), il s’annonça au roi en parlant d’une voix forte.
« Entre, grand prêtre. » répondit une voix faible, mais incontestablement autoritaire. Et incontestablement en colère. Jolios pria intérieurement pour qu’on en arrive rapidement au moment où le vieux roi mourrait, pour qu’Ydja prenne sa place au plus vite.
Il entra.
« Tu tombes bien. Je ne sais pas quel est le bougre d’abruti qui a donné congé à tout mes serviteurs, mais personne n’a songé un seul instant à m’approcher de la fenêtre pour le spectacle qui va se produire !
-C’est moi, seigneur. J’ai pris la liberté de…
-Et bien filez-moi un coup de main, nigaud ! cracha le vieillard. On va amener la chaise devant la fenêtre, pour que je puisse assister à tout ça tranquillement.
-Bien, seigneur. »
Le roi ne bougea pas, et le grand prêtre attendit patiemment. Au bout d’un moment, le roi tourna sa tête vers lui et lui fit comprendre qu’en guise d’aide, il voulait simplement que le grand prêtre le fasse. Seul. Kevin Jolios résista à l’envie de l’étrangler et passa sa rage sur le fauteuil, qu’il poussa jusqu’à la fenêtre.
« Eh bien, eh bien, dit le roi en ricanant. Si j’avais cru que le grand prêtre d’Ydja était aussi fort, je l’aurais engagé dans ma garde rapproché.
-Merci, seigneur. » souffla Jolios, avant de reprendre les rennes de la conversation. « Je vais devoir vous laisser, seigneur. Mon devoir m’appelle. Dois-je vous rappeler que…
-Inutile ! Je sais pertinemment qu’il viendra me voir pour me destituer, et que c’est le moment que vous attendez depuis si longtemps. Tout cela est si classique, grand prêtre, que ça en devient ennuyeux. J’ai hâte de voir ce que ma prochaine vie va faire de moi. »
Le grand prêtre ne fut pas surpris, car il connaissait les intuitions souvent juste du vieux roi. Il se contenta donc d’une courbette et le laissa seul.
Une fois à l’intérieur du temple d’Ydja, et tandis qu’il grimpait quatre à quatre les escaliers en maudissant une fois de plus le roi, quelqu’un l’interpella. Sans cesser d’avancer, il lui dit de le suivre.
« Ça y est, c’est l’heure ? répondit un jeune homme en rattrapant le grand prêtre.
-Bientôt. »
Arrivés en haut, Kevin Jolios ouvrit une porte et empoigna l’inconnu par le col avant de le pousser à l’intérieur.
« Je t’avais dit de rester ici, enragea-t-il. Qu’est-ce que tu foutais en bas ?
-Mais j’avais envie de me dégourdir les jambes ! J’en avais marre de rester coincé là-dedans, c’est étroit !
-Et bien retournes-y et attends mon signal. Ensuite, joue ton rôle. »
Jolios claqua la porte brutalement, et ferma les yeux. Il expira longuement, comme un acteur avant d’entrer en scène, puis grimpa les dernières marches.
En haut du temple, il vit la foule amassée sur l’esplanade en contrebas. Et sa tension s’envola doucement. Tout allait fonctionner. Le peuple de la cité serait bientôt là, les bourgeois et autres nobles assistaient également au spectacle, et bientôt tout le monde n’aurait d’yeux que pour lui. Il écarta les mains.
La foule devint silencieuse, comme par enchantement.
Il commença son discours, dont la fin marquerait le signal pour son complice. Il sortirait alors du sol, grâce à une astucieuse trappe, et se proclamerait Ydja. Il se proclamerait Dieu. Et lui, Kevin Jolios, resterait le grand prêtre. Mais un grand prêtre spécial.
« Concitoyens, peuple Atlante, nous voici tous réunis pour célébrer l’arr… »
Il s’interrompit de lui-même. Cette lumière, qui provenait de derrière lui, n’était pas prévue. Était-ce le faux Dieu qui l’avait rajouté, pour donner plus de crédit à son apparition ? Il se retourna, et fit face à un bras. Un bras qui sortait du vide, ou plutôt non : Qui sortait de la lumière éclatante qu’il avait devant les yeux.
Le grand prêtre recula.
Les trois adolescents et la jeune femme apparurent sous les yeux de la population. Le grand prêtre ne comprenait plus rien. Il se demanda même, un instant, rien qu’un instant, si ce n’étaient pas de vrais Dieux qui descendaient du ciel pour eux. Mais il chassa bien vite cette idée : si on commence à avoir la foi, tout est perdu.
Ce fut lorsque le premier arrivé avait fait chuter le second par pure sournoiserie qu’il avait comprit que ce n’étaient pas des Dieux. Et alors, il avait mis son esprit en marche, non pas pour contourner l’obstacle, mais pour s’en faire une monture plus stable.
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DarKenshin ouvrit les yeux sur un blanc éclatant. Si blanc, qu’elle préféra même les refermer. Elle était en chute libre. Ou en apesanteur. Enfin, au moins, elle volait, elle en était sûre : elle ne sentait de sol nulle part. Elle tenta d’ouvrir à nouveau les yeux.
« Ça fait mal, hein ? » fit Pythagore auprès d’elle. Elle ne l’aperçut qu’un tout petit peu, juste avant de cacher sa rétine à la lumière aveuglante.
« C’est horriblement blanc, reprit le jeune homme. C’est aussi horriblement étrange, tu ne trouves pas ? »
DarKenshin ne répondit pas. Bien sûr, que c’était étrange : ils venaient de sauter d’une falaise dans l’eau et de se laisser mourir. Une mort effroyable. Elle n’avait pas pu résister à l’envie de se débattre, à la toute fin, lorsque l’eau lui remplissait les poumons et qu’elle mourrait. Elle espéra soudainement que leurs corps furent récupérés, pour ne pas avoir à revivre ça une seconde fois.
« Je me demande où sont les autres.
-On est là, blaireau ! » cria une voix dans leur dos. Par réflexe, DarKenshin se retourna pour regarder celui qui arrivait, mais elle se brûla à nouveau les yeux. Viper Dragoon et Dalisc flottaient vers eux. Ils avaient dû se repérer à la voix de Pythagore. Tout le contraire de son écriture chaotique et truffée de faute, sa voix était agréable à entendre.
« Pythagore, regarde tes cheveux ! Ils sont comme sur ton avatar de Yu-Gi-Oh, avec des pics et tout ! Tu es trop laid !
-Et toi, tu ressembles à rien avec tes cheveux mi-longs et tes vêtements flashies !
-Tu vas voir ce que tu vas voir ! Lance Dragoon ! »
Une lance apparue dans les mains de Viper Dragoon et il s’élança sur Pythagore. Ce dernier déploya ses ailes et…
« Arrêtez, vous deux ! » tonna DarKenshin d’une voix ferme. Les deux cessèrent tout mouvements. Ils n’avaient rien à gagner à mettre la maîtresse des DragSlaves en rogne et ils se calmèrent aussitôt. Elle gardait encore les yeux fermés, mais sa curiosité était plus forte, et elle finit par se forcer à les ouvrir.
Une fois la douleur passée, et ses yeux habitués à l’immensité blanche qui l’entourait, DarKenshin arriva à distinguer les trois adolescents qui l’accompagnaient. Puis un détail attira son attention. La jeune femme leur indiqua alors un point éloigné, une sorte d’alvéole de néant qui sinuait à leur rencontre.
« Qu’est ce que c’est ? demanda Pythagore.
-Certainement le passage vers l’au-delà des noyés, répondit Viper Dragoon. Pour l’instant, tout se passe comme ce que racontaient Gorgon_Roo et Halvorc : La mort, puis le passage dans le décor blanc et enfin celui dans l’au-delà. »
Le trou enflait en ondulant, grossissait – ou se rapprochait – et on distinguait des formes de l’autre coté du voile qui séparait ce monde-ci de l’autre. Viper Dragoon sautillait sur place, si tant est que sautiller en volant était possible.
« Je suis si excité ! couina-t-il. On y va ? On y va ?
-Et si c’était dangereux ? »
Ils se penchèrent vers le passage, où on distinguait des formes humaines, floues, qui s’agitaient. Une masse importante. Une autre silhouette, plus proche mais pas plus identifiable pour autant, leva les bras, et il sembla qu’un bruit de fond cessait. DarKenshin regarda les autres avec un sourcil arqué.
« Bon, je me lance alors, annonça Pythagore. Puisque de toute façon, il faudra le faire, autant y aller le premier. »
Et il passa le portail entre les réalités. Viper Dragoon hésita, puis le suivit. DarKenshin regarda Dalisc, qui lui laissa galamment sa place. Elle traversa et se retrouva face à Viper Dragoon qui criait sur Pythagore. Elle passa en revue, rapidement, le décor aux alentour. Ils se trouvaient en plein rassemblement religieux.
Pour une arrivée discrète, c’est raté, se dit-elle.
Un homme en toge la regardait, hébété. Elle pensa qu’il devait être le grand prêtre, ou quelque chose comme ça. Elle entendit un rire strident démarrer de la foule, bientôt reprit en chœur par le reste du public, qui se moquait des pitreries de Pythagore et de Viper Dragoon. Le grand prêtre semblait bien moins s’amuser. Il semblait même réfléchir.
« On a dû se planter de monde, c’est pas possible, dit Pythagore en se relevant. On ne peut pas être dans l’au-delà des noyé, on est ailleurs…
-Non. » dit Dalisc, parlant ainsi pour la première fois. Et il leva les yeux sur le ciel qui était bien proche d’eux.
Un ciel qui ondoyait doucement, calmement.
Un ciel fait d’eau.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
2. Atlantide.
DragonNoir se pencha une énième fois au dessus du précipice. Les vagues s’écrasaient sur les falaises d’Etretat, et il dut fermer les yeux pour éviter le vertige. Au bout de quelques secondes, il les rouvrit et resta un instant à contempler l’horizon, évitant au maximum de baisser les yeux.
« On ne va pas rester plus longtemps ici, DragonNoir ! ragea Q-Po derrière lui. Il est grand temps de rentrer, maintenant. De plus, on ne sait même pas si Mistrophera ne profitera pas de cette échappée Normande pour s’en prendre à nous. »
DragonNoir se retourna vers Q-Po, songeur, puis lui posa la question qui lui brûlait les lèvres depuis le saut des quatre Trauméniens : « Est-ce que la mort de ton propre frère ne t’attriste pas ?
-Pas le moins du monde. » répondit immédiatement Q-Po, en fixant son compagnon dans les yeux. DragonNoir décela un soupçon de vérité, mais il doutait de la sincérité des paroles de Q-Po.
« Séphira me manque, pourtant, dit-il finalement en tournant son regard vers la mer. J’espère qu’elle n’a pas de problèmes, où qu’elle soit.
-Je doute que Séphira se laisse faire, si tel est le cas, répondit Q-Po. DragonNoir ?
-Oui ? marmonna-t-il.
-Nous irons la chercher, comme nous le faisons pour Séphy-Roshou. Puisque la technique de Magnum est applicable, nous irons la chercher. »
DragonNoir observa Q-Po, absorbé par des pensées qu’il n’aurait pas dû avoir. Il détourna les yeux, fixant l’herbe haute qui poussait sur les bords de la falaise. Un brusque coup de vent lui coupa la respiration.
« Je commence à douter de tout cette comédie. Nous n’avons eu que des problèmes depuis le début des envols, nous avons perdu un groupe entier par précipitation, nous avons perdu Hilde, nous avons perdu Séphira, nous avons perdu Hitomi, et maintenant, qui allons-nous perdre ? Qui ?
-Personne. Ils ne sont pas perdus, juste égarés, apaisa Q-Po.
-Mais dis-moi quel est l’intérêt d’envoyer à la mort des dizaines de personnes pour en sauver une autre ? »
Q-Po ne répondit pas. Le silence s’interposa entre eux, un silence épais, palpable. Seules les vagues et leur sonorité mousseuse osaient le briser. Une nouvelle rafale de vent vit voleter le trench-coat de Q-Po. DragonNoir finit par s’excuser.
« Nous sommes fatigués, répondit Q-Po.
-Ce n’était pas une raison suffisante pour douter de notre entreprise. Si on commence à mettre en doute les raisons de notre engagement, autant tout laisser tomber immédiatement. »
Mais au fond de lui, DragonNoir n’était effectivement plus sûr de rien. Un nouvel univers s’écroulait autours de lui, et il voyait tour à tour ses camarades disparaître, sans qu’il puisse y faire quoi que ce soit. Il lui tardait de retrouver Séphy-Roshou, pour en finir au plus vite et aller chercher Séphira. Il irait lui-même.
Mais pour le moment, il devait déjà préparer le prochain voyage. Ensuite, lorsque les préparatifs seront terminés et les Trauméniens briefés, il tentera sa chance. Il fit demi-tour, dos à la falaise, et annonça :
« Appelle Aran Valentine pour la prochaine mission. Ensuite, nous irons récupérer les corps. J’espère que les équipements de plongés sont prêts. »
Sans attendre, le grand prêtre se posta entre la foule, qui hésitait entre rire et étonnement, et leva de nouveau les bras, comme pour les protéger. Mais pour protéger qui ? se demanda DarKenshin. Nous, ou eux ? Elle n’eut pas le temps pour chercher la réponse : le prêtre commença à parler d’une voix forte.
« Ydja soit loué ! Ydja, notre Dieu !
-Loué soit Ydja, répondit la foule d’une seule voix. Déon ä Adja !
-Vous tous ici réunis avez assistez à sa venue. À leurs venues. Voici les quatre élus envoyés par Ydja pour l’accueillir. Leurs corps serviront de réceptacle pour notre Dieu, et Ydja sera ainsi avec nous, incarné dans notre Cité, maintenant et à jamais !
-Loué soit Ydja ! » hurla la foule, ivre de joie et buvant les paroles du grand prêtre avec avidité. Ils venaient de trébucher, le grand prêtre leur avait tendu la main avec ses mensonges, et ils s’y raccrochaient avec ferveur. Guillaume, lui, songea avec pertinence que quelque chose ne tournait pas rond.
« Malheureusement, l’attente n’est pas terminée pour nous, humbles mortels. Ydja, afin d’être certain d’obtenir un organisme sain et apte à contenir sa toute puissance, doit soumettre ces quatre individus à une ultime épreuve ! »
Le prêtre se retourna vers les quatre Trauméniens, les bras écartés. Il en imposait, dans son immense toge qui amplifiait sa stature et le moindre de ses mouvements. Il laissa planer le silence, pour accroître l’intensité dramatique de la scène, puis acheva son discours d’une voix rauque mais forte.
« La sphère. »
Un murmure d’étonnement parcouru la foule, la calmant de son effervescence précédente. Le grand prêtre sourit intérieurement.
La sphère était une des épreuves qu’endurait le citoyen lambda qui voulait accéder au statut de prêtre, grand prêtre ou qui se désignait comme nouveau prophète d’Ydja. Il était alors conduit dans une immense salle close où flottait une sphère d’un liquide inconnu, probablement de l’eau, et devait plonger entièrement dans cette sphère ondoyante. Une fois à l’intérieur, il ne pouvait en sortir que six jours plus tard.
Mort ou vivant.
Les rares personnes qui ressortaient vivantes de cette épreuve étaient alors considérés comme des représentants d’Ydja et adulés jusqu’à leur mort. Depuis l’arrivée de Kevin Jolios au poste de grand prêtre, personne n’avait réussit à vaincre la sphère. Il s’assurait que les gagnants ne sortent pas de la pièce vivants.
« Euh, excusez-moi, mais je crois qu’il y a méprise… » commença Viper Dragoon. Le grand prêtre le foudroya des yeux. Il venait tant bien que mal de se tirer d’un problème inattendu, et voilà maintenant que ces fauteurs de troubles voulaient contrecarrer ses explications dûment improvisées.
« Qu’y a-t-il, illustre élu de Ydja ? réussit-il à dire sans laisser transparaître sa rage.
-Nous ne sommes pas…
-…à l’aise, devant tout ce public. » termina DarKenshin en haussant la voix pour couvrir celle de Viper Dragoon. Ses trois compagnons, ainsi que Jolios, la regardèrent. Sans se démonter, elle poursuivit d’un ton las :
« Ce voyage jusqu’à vous nous as éreintés. Nous désirerions nous reposer un peu avant de passer à l’épreuve de notre Dieu Ydja. Nous aimerions partir avec toutes les chances de notre coté lorsque viendra l’heure de l’épreuve de la Sphère. »
La foule poussa une ovation d'approbation, et DarKenshin lança un sourire ravi à l’assemblée. Le grand prêtre, fulminant intérieurement, mais soulagé de ne pas avoir été démasqué publiquement, exécuta un nouveau demi-tour et leva les bras.
« Les quatre élus d’Ydja désirent se reposer ! Je vais les conduire en personne dans leurs appartements. Dès ce soir, l’un d’eux entrera dans la sphère pour y passer l’épreuve. Prosternez-vous une dernière fois devant leur grandeur !! »
Et le peuple se courba obligeamment.
« Commissaire ? C’est moi ! »
Serge avait regretté d’avoir allumé son portable dès l’instant où il l’avait fait. Néanmoins, il ne pouvait pas se permettre de passer à coté d’une info que lui donnerait l’appareil. Même s’il avait longtemps été réfractaire à l’idée de ce téléphone de poche, mouchard de poche selon ses dires, il s’y était tout de même habitué.
« Qu’est-ce qu’il y a, encore ? soupira-t-il en reconnaissant la voix de Détroit.
-C’est au sujet du kidnapping à la morgue, euh…
-Je me doute bien que tu ne vas pas me parler du temps qu’il fait ! Vous avez chopé le type qui a volé les corps ?
-Non, mais nous avons un portrait robot. »
L’accent de fierté qui dégoulinait de cette phrase donna la nausée à Thourn, et il se força à retirer son doigt de la touche raccrocher. Après tout, si le portrait robot était celui d’un homme aux longs cheveux, habillé en noir et un air froid et détaché, ça pourrait l’intéresser.
« Des détails ?
-Un grand type, chevelure châtain, yeux bleus ou verts, mais clairs. Sociable et…
-Oui, donc rien à voir, pensa Serge à voix haute.
-Rien à voir avec quoi, commissaire ?
-Avec rien ! »
Il roula des yeux en regardant autours de lui, s’énervant tout seul pour avoir crier au téléphone dans un endroit public. Il avait en horreur tout ceux qui parlaient fort à leurs portables, dans la rue, dans le métro, au restaurant, au supermarché, et il ne voulait pas faire la même chose. Il ferma les yeux.
« Commissaire ?
-Quoi ? dit-il toujours les yeux clos.
-Vous enquêtez sur quoi exactement ? Toujours sur Larbaud ou bien sur autre chose ? Vous êtes partis sans rien dire, et…
-C’est une ancienne affaire. Une affaire qui pourrait avoir un rapport avec Larbaud, avec les corps volés et bien d’autres choses. Mais moins tu en sauras, mieux ça vaudra. »
La vérité, c’est qu’il n’avançait pas. La conversation avec la fleuriste n’avait rien donné, et elle ne se souvenait évidemment pas de la personne qui avait été cherché les fleurs. Et Brest était une grande ville. Serge se voyait mal faire le tour de toutes les habitations du quartier pour demander si, par hasard, un membre de la famille était allé à Nantes pour un enterrement.
« Un cul de sac…
-Pardon commissaire ?
-Écoute, je serais encore absent quelques temps. Je suis relativement loin, pour le moment, et je n’ai encore rien trouvé de probant. Tout tourne bien au commissariat ?
-Oui, on se débrouille, mais…
-Au poil, impec.
-Je peux vous aider, commissaire ? »
Serge réfléchit un moment. Il n’était pas utile, vraiment pas utile d’utiliser ce gamin pour cette enquête. C’était son enquête à lui, et le douloureux souvenir de son ancien équipier assassiné au tout début de cette immense affaire lui revint en mémoire.
« Non, il vaut mieux pas. »
Puis, soudainement, une idée lui vint. Il avait lâché prise dès qu’il avait obtenu des informations intéressantes à Nantes, mais il y avait certainement d’autres pistes qui sortiraient de cette ville. Il n’avait pas tout vu, là-bas.
« Détroit ?
-Oui commissaire ?
-Finalement, j’ai peut-être un boulot pour toi… »
DragonNoir se pencha une énième fois au dessus du précipice. Les vagues s’écrasaient sur les falaises d’Etretat, et il dut fermer les yeux pour éviter le vertige. Au bout de quelques secondes, il les rouvrit et resta un instant à contempler l’horizon, évitant au maximum de baisser les yeux.
« On ne va pas rester plus longtemps ici, DragonNoir ! ragea Q-Po derrière lui. Il est grand temps de rentrer, maintenant. De plus, on ne sait même pas si Mistrophera ne profitera pas de cette échappée Normande pour s’en prendre à nous. »
DragonNoir se retourna vers Q-Po, songeur, puis lui posa la question qui lui brûlait les lèvres depuis le saut des quatre Trauméniens : « Est-ce que la mort de ton propre frère ne t’attriste pas ?
-Pas le moins du monde. » répondit immédiatement Q-Po, en fixant son compagnon dans les yeux. DragonNoir décela un soupçon de vérité, mais il doutait de la sincérité des paroles de Q-Po.
« Séphira me manque, pourtant, dit-il finalement en tournant son regard vers la mer. J’espère qu’elle n’a pas de problèmes, où qu’elle soit.
-Je doute que Séphira se laisse faire, si tel est le cas, répondit Q-Po. DragonNoir ?
-Oui ? marmonna-t-il.
-Nous irons la chercher, comme nous le faisons pour Séphy-Roshou. Puisque la technique de Magnum est applicable, nous irons la chercher. »
DragonNoir observa Q-Po, absorbé par des pensées qu’il n’aurait pas dû avoir. Il détourna les yeux, fixant l’herbe haute qui poussait sur les bords de la falaise. Un brusque coup de vent lui coupa la respiration.
« Je commence à douter de tout cette comédie. Nous n’avons eu que des problèmes depuis le début des envols, nous avons perdu un groupe entier par précipitation, nous avons perdu Hilde, nous avons perdu Séphira, nous avons perdu Hitomi, et maintenant, qui allons-nous perdre ? Qui ?
-Personne. Ils ne sont pas perdus, juste égarés, apaisa Q-Po.
-Mais dis-moi quel est l’intérêt d’envoyer à la mort des dizaines de personnes pour en sauver une autre ? »
Q-Po ne répondit pas. Le silence s’interposa entre eux, un silence épais, palpable. Seules les vagues et leur sonorité mousseuse osaient le briser. Une nouvelle rafale de vent vit voleter le trench-coat de Q-Po. DragonNoir finit par s’excuser.
« Nous sommes fatigués, répondit Q-Po.
-Ce n’était pas une raison suffisante pour douter de notre entreprise. Si on commence à mettre en doute les raisons de notre engagement, autant tout laisser tomber immédiatement. »
Mais au fond de lui, DragonNoir n’était effectivement plus sûr de rien. Un nouvel univers s’écroulait autours de lui, et il voyait tour à tour ses camarades disparaître, sans qu’il puisse y faire quoi que ce soit. Il lui tardait de retrouver Séphy-Roshou, pour en finir au plus vite et aller chercher Séphira. Il irait lui-même.
Mais pour le moment, il devait déjà préparer le prochain voyage. Ensuite, lorsque les préparatifs seront terminés et les Trauméniens briefés, il tentera sa chance. Il fit demi-tour, dos à la falaise, et annonça :
« Appelle Aran Valentine pour la prochaine mission. Ensuite, nous irons récupérer les corps. J’espère que les équipements de plongés sont prêts. »
*
* *
* *
Sans attendre, le grand prêtre se posta entre la foule, qui hésitait entre rire et étonnement, et leva de nouveau les bras, comme pour les protéger. Mais pour protéger qui ? se demanda DarKenshin. Nous, ou eux ? Elle n’eut pas le temps pour chercher la réponse : le prêtre commença à parler d’une voix forte.
« Ydja soit loué ! Ydja, notre Dieu !
-Loué soit Ydja, répondit la foule d’une seule voix. Déon ä Adja !
-Vous tous ici réunis avez assistez à sa venue. À leurs venues. Voici les quatre élus envoyés par Ydja pour l’accueillir. Leurs corps serviront de réceptacle pour notre Dieu, et Ydja sera ainsi avec nous, incarné dans notre Cité, maintenant et à jamais !
-Loué soit Ydja ! » hurla la foule, ivre de joie et buvant les paroles du grand prêtre avec avidité. Ils venaient de trébucher, le grand prêtre leur avait tendu la main avec ses mensonges, et ils s’y raccrochaient avec ferveur. Guillaume, lui, songea avec pertinence que quelque chose ne tournait pas rond.
« Malheureusement, l’attente n’est pas terminée pour nous, humbles mortels. Ydja, afin d’être certain d’obtenir un organisme sain et apte à contenir sa toute puissance, doit soumettre ces quatre individus à une ultime épreuve ! »
Le prêtre se retourna vers les quatre Trauméniens, les bras écartés. Il en imposait, dans son immense toge qui amplifiait sa stature et le moindre de ses mouvements. Il laissa planer le silence, pour accroître l’intensité dramatique de la scène, puis acheva son discours d’une voix rauque mais forte.
« La sphère. »
Un murmure d’étonnement parcouru la foule, la calmant de son effervescence précédente. Le grand prêtre sourit intérieurement.
La sphère était une des épreuves qu’endurait le citoyen lambda qui voulait accéder au statut de prêtre, grand prêtre ou qui se désignait comme nouveau prophète d’Ydja. Il était alors conduit dans une immense salle close où flottait une sphère d’un liquide inconnu, probablement de l’eau, et devait plonger entièrement dans cette sphère ondoyante. Une fois à l’intérieur, il ne pouvait en sortir que six jours plus tard.
Mort ou vivant.
Les rares personnes qui ressortaient vivantes de cette épreuve étaient alors considérés comme des représentants d’Ydja et adulés jusqu’à leur mort. Depuis l’arrivée de Kevin Jolios au poste de grand prêtre, personne n’avait réussit à vaincre la sphère. Il s’assurait que les gagnants ne sortent pas de la pièce vivants.
« Euh, excusez-moi, mais je crois qu’il y a méprise… » commença Viper Dragoon. Le grand prêtre le foudroya des yeux. Il venait tant bien que mal de se tirer d’un problème inattendu, et voilà maintenant que ces fauteurs de troubles voulaient contrecarrer ses explications dûment improvisées.
« Qu’y a-t-il, illustre élu de Ydja ? réussit-il à dire sans laisser transparaître sa rage.
-Nous ne sommes pas…
-…à l’aise, devant tout ce public. » termina DarKenshin en haussant la voix pour couvrir celle de Viper Dragoon. Ses trois compagnons, ainsi que Jolios, la regardèrent. Sans se démonter, elle poursuivit d’un ton las :
« Ce voyage jusqu’à vous nous as éreintés. Nous désirerions nous reposer un peu avant de passer à l’épreuve de notre Dieu Ydja. Nous aimerions partir avec toutes les chances de notre coté lorsque viendra l’heure de l’épreuve de la Sphère. »
La foule poussa une ovation d'approbation, et DarKenshin lança un sourire ravi à l’assemblée. Le grand prêtre, fulminant intérieurement, mais soulagé de ne pas avoir été démasqué publiquement, exécuta un nouveau demi-tour et leva les bras.
« Les quatre élus d’Ydja désirent se reposer ! Je vais les conduire en personne dans leurs appartements. Dès ce soir, l’un d’eux entrera dans la sphère pour y passer l’épreuve. Prosternez-vous une dernière fois devant leur grandeur !! »
Et le peuple se courba obligeamment.
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« Commissaire ? C’est moi ! »
Serge avait regretté d’avoir allumé son portable dès l’instant où il l’avait fait. Néanmoins, il ne pouvait pas se permettre de passer à coté d’une info que lui donnerait l’appareil. Même s’il avait longtemps été réfractaire à l’idée de ce téléphone de poche, mouchard de poche selon ses dires, il s’y était tout de même habitué.
« Qu’est-ce qu’il y a, encore ? soupira-t-il en reconnaissant la voix de Détroit.
-C’est au sujet du kidnapping à la morgue, euh…
-Je me doute bien que tu ne vas pas me parler du temps qu’il fait ! Vous avez chopé le type qui a volé les corps ?
-Non, mais nous avons un portrait robot. »
L’accent de fierté qui dégoulinait de cette phrase donna la nausée à Thourn, et il se força à retirer son doigt de la touche raccrocher. Après tout, si le portrait robot était celui d’un homme aux longs cheveux, habillé en noir et un air froid et détaché, ça pourrait l’intéresser.
« Des détails ?
-Un grand type, chevelure châtain, yeux bleus ou verts, mais clairs. Sociable et…
-Oui, donc rien à voir, pensa Serge à voix haute.
-Rien à voir avec quoi, commissaire ?
-Avec rien ! »
Il roula des yeux en regardant autours de lui, s’énervant tout seul pour avoir crier au téléphone dans un endroit public. Il avait en horreur tout ceux qui parlaient fort à leurs portables, dans la rue, dans le métro, au restaurant, au supermarché, et il ne voulait pas faire la même chose. Il ferma les yeux.
« Commissaire ?
-Quoi ? dit-il toujours les yeux clos.
-Vous enquêtez sur quoi exactement ? Toujours sur Larbaud ou bien sur autre chose ? Vous êtes partis sans rien dire, et…
-C’est une ancienne affaire. Une affaire qui pourrait avoir un rapport avec Larbaud, avec les corps volés et bien d’autres choses. Mais moins tu en sauras, mieux ça vaudra. »
La vérité, c’est qu’il n’avançait pas. La conversation avec la fleuriste n’avait rien donné, et elle ne se souvenait évidemment pas de la personne qui avait été cherché les fleurs. Et Brest était une grande ville. Serge se voyait mal faire le tour de toutes les habitations du quartier pour demander si, par hasard, un membre de la famille était allé à Nantes pour un enterrement.
« Un cul de sac…
-Pardon commissaire ?
-Écoute, je serais encore absent quelques temps. Je suis relativement loin, pour le moment, et je n’ai encore rien trouvé de probant. Tout tourne bien au commissariat ?
-Oui, on se débrouille, mais…
-Au poil, impec.
-Je peux vous aider, commissaire ? »
Serge réfléchit un moment. Il n’était pas utile, vraiment pas utile d’utiliser ce gamin pour cette enquête. C’était son enquête à lui, et le douloureux souvenir de son ancien équipier assassiné au tout début de cette immense affaire lui revint en mémoire.
« Non, il vaut mieux pas. »
Puis, soudainement, une idée lui vint. Il avait lâché prise dès qu’il avait obtenu des informations intéressantes à Nantes, mais il y avait certainement d’autres pistes qui sortiraient de cette ville. Il n’avait pas tout vu, là-bas.
« Détroit ?
-Oui commissaire ?
-Finalement, j’ai peut-être un boulot pour toi… »
Dernière édition par le Mar 22 Nov - 22:51, édité 1 fois
Mr.Magnum- Enorme floodeur
- Nombre de messages : 2475
Age : 42
Localisation : Dans les limbes torturées d'un esprit dérangé.
Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
La porte se referma sur le visage écarlate de la jeune fille qui venait de leur servir un véritable banquet. Mais malgré ce semblant d’opulence, leur liberté s’avérait limité : La salle, aussi belle soit-elle, n’était rien de plus qu’une prison dorée. Comme pour confirmer, un cliquetis de serrure les informa qu’ils étaient maintenant en sécurité.
Coincés.
Viper Dragoon s’approcha d’une table abondamment envahie de mets tous plus appétissants les uns que les autres, attrapa un petit four et le goba sans attendre.
« Mmmmmhh ! ‘achement bon !
-Nous sommes coincé dans un monde qui nous est inconnu, et tout ce à quoi tu penses, c’est manger ? s'irrita Pythagore en lui retirant un autre amuse-gueule des mains.
-Quitte à être en prison, autant se goinfrer.
-Bel état d’esprit… »
DarKenshin, assise dans un des luxueux fauteuils qui parsemaient la salle, avait le regard perdu dans le vide. Elle réfléchissait à cet endroit, à ce qu’elle avait vu, et à la machination à laquelle ils venaient de prendre part malgré eux. Et toute cette histoire ne lui plaisait pas beaucoup.
Lorsque l’équipe avait été formée, tout d’abord, elle s’était engagée aux cotés de Pythagore et Viper Dragoon de mauvaise grâce. Non qu’elle avait rechigné à mourir, bien au contraire : Mistrophera et son attaque l’avait décidé à se rendre plus utile encore au sein des troupes de Traumen.
Mais elle avait compris immédiatement que ce nouveau voyage, cette nouvelle mission dans un pays des morts, n’allait pas être de tout repos avec les engueulades incessantes entre deux de ses équipiers : Pythagore et Viper Dragoon, encore eux, ne cessaient de s’asticoter mutuellement, multipliant les coups vaches et les insultes.
Dalisc avait été désigné d’office comme quatrième membre, par Q-Po lui-même, parce qu’il ne s’impliquait pas assez dans la tache qu’on leur avait confié. Comme il était d’humeur maussade et renfermée, il n’ajoutait pas à l’ambiance particulièrement bruyante de ce nouveau groupe, mais semblait conférer à DarKenshin un statut de nourrice pour adolescents à problèmes. Et Les problèmes ne faisaient que commencer.
« Allez, Dalisc, prends-en un peu ! C’est gratuit !
-Non.
-Tu vois, s’avança Pythagore. Il est du même avis que moi.
-Non.
-Je crois qu’il se contente de répondre non à tout ce qu’on lui dit, résuma Viper Dragoon en continuant de s’empiffrer. Et bien reste dans ton coin.
-Oui. »
Dalisc s’accroupit sur ses talons et resta immobile. DarKenshin jugea bon de recentrer la situation, et elle prit la parole à son tour.
« Et si nous faisions quelque chose de plus constructif que de nous chamailler et manger ? Ça pourrait être une bonne idée, non ?
-Je suis d’accord, répondit Pythagore en jetant un regard en coin à Viper Dragoon. Il faut trouver un moyen de sortir d’ici.
-Pas forcément, répliqua l’autre en s’arrêtant enfin de manger. Pourquoi ne pas suivre ce que disait ce mec qui nous a accueilli ? »
Le problème, songea DarKenshin, c’est que nous ne connaissons pas ses véritables intentions. Elle secoua la tête et expliqua son point de vue aux autres.
« Il doit être une sorte de prêtre, ou de grand pontife religieux, dans ce monde. Et à voir sa tête lorsque nous sommes apparus, je pense que ce n’était pas nous qui étions attendus en haut du temple.
-Mais il a dit que… commença Viper Dragoon.
-Il est évident qu’il a brodé autour de notre arrivée à une vitesse fulgurante, pour ne pas perdre la face devant la foule qui nous avait vu débarquer. Ce qui m’inquiète le plus, c’est cette histoire de sphère, d’épreuve. »
Un silence gêné s’installa, seulement perturbé par la mastication intensive d’un Viper Dragoon qui avait trouvé des ailes de poulets esseulées. DarKenshin prit une longue inspiration et résuma à voix haute la situation, pour tenter d’y voir plus clair.
« Bon, nous sommes tous morts, nous sommes tous dans une cité où les gens se sont noyés…
-…et où le ciel est fait d’eau ! ajouta Pythagore en regardant Dalisc qui ne s’offusqua pas de s’être fait voler la découverte.
-Donc une citée engloutie, oui, rectifia DarKenshin.
-Peut-être est-ce là la fabuleuse Atlantide ? Vous savez, la civilisation engloutie ? Celle dont on n’a jamais retrouvé la trace, et tout !
-C’est possible, Viper. »
Viper releva le menton, souriant, content de lui.
« Et nous voilà maintenant prit pour des élus d’un Dieu étrange d’ici, poursuivit DarKenshin, et soumis à une épreuve qui peut nous donner la mort. Une autre mort. Et donc nous entraîner dans un autre pan de réalité, comme Séphira Strife ou Hilde. »
La disparition des deux Trauméniennes avait longuement fait hésité DarKenshin lors du départ de cette nouvelle mission. Serait-elle la prochaine ? Se retrouverait-elle projetée dans un autre au-delà ? Les rejoindrait-elle ? Mais ce qui l’inquiétait le plus, c’était de tomber dans un de Ses pièges.
« Nous sommes maintenant coincés dans une pièce où nous devons attendre qu’on vienne nous chercher pour passer l’épreuve, sans possibilité de visiter la ville ni de chercher des informations sur Séphy-Roshou. De plus, rien ne nous interdit de penser que nous ne sommes pas tombé tout droit dans les bras d’un des hommes de Mistrophera. »
Elle se tut un instant.
« Je crains que nous ne soyons pas très bien partit, conclut-elle.
-Oui.
-En gros, on est dans la panade. » commenta Viper Dragoon en jetant une pique de brochette par-dessus son épaule. Puis une idée lui vint.
« Mais si jamais cette épreuve nous donnait les connaissances d’Ydja ? Et que nous devenions réellement les réincarnations de ce Dieu ? Avec ça en poche, nous pourrions savoir si oui ou non Séphy-Roshou est passée par ici !
-C’est… » DarKenshin tourna et retourna l’idée dans sa tête durant de longues minutes. « C’est possible, finit-elle par dire. Mais c’est aussi risqué : Cette épreuve peut-être mortelle.
-Et nous pouvons toujours utiliser nos pilules si le besoin s’en fait sentir ! dit Pythagore.
-Mais nous ne savons pas ce qu’il y a à l’intérieur… » soupira DarKenshin en se passant une main sur le visage. Mais il faut bien faire quelque chose, de toute façon. Nous n’allons pas rester ainsi, les bras croisés, à attendre que le temps file. Je vais me porter volontaire la première, en espérant que ces trois là puissent se débrouiller sans moi le temps de l’épreuve. Elle releva la tête, décidée, mais Pythagore la devança.
« Je suis volontaire pour la sphère. »
Elle n’en cru pas ses oreilles. Viper Dragoon, la mâchoire tombante, était tout aussi abasourdi. Il en lâcha une tranche de jambon.
« C… Comment ? bégaya-t-il.
-Je veux bien y aller. Après tout, mon personnage Trauménien est un ange…
-…avec la coiffure de Yu-Gi-Oh… marmonna Viper Dragoon.
-…et j’étais tellement immortel sur le forum, avec mes claquements de doigts, que je devrais pouvoir m’en sortir sans trop de bobos. »
Devant le manque de réaction de ses compagnons, il éclata de rire et compléta sa pensée d’une voix tellement sincère que DarKenshin en fut toute retournée.
« Et puis, nous sommes aussi là pour prendre des risques, non ? C’est ça être un Trauménien dans l’âme ! »
Un instant, un tout petit instant, DarKenshin s’autorisa un élan d’admiration devant ce gamin qui se lançait sans réfléchir vers l’inconnu. Un instant, elle se sentit fière d’être avec lui, dans ce groupe. Un instant, elle le respecta. Elle aima ce groupe.
Et l’instant plus tard, où Viper hurla qu’il était le seul homme à pouvoir se mettre une banane dans le nez – et en faisant la démonstration de son talent – DarKenshin reprit son avis initial sur l’état mental de ce groupe.
Coincés.
Viper Dragoon s’approcha d’une table abondamment envahie de mets tous plus appétissants les uns que les autres, attrapa un petit four et le goba sans attendre.
« Mmmmmhh ! ‘achement bon !
-Nous sommes coincé dans un monde qui nous est inconnu, et tout ce à quoi tu penses, c’est manger ? s'irrita Pythagore en lui retirant un autre amuse-gueule des mains.
-Quitte à être en prison, autant se goinfrer.
-Bel état d’esprit… »
DarKenshin, assise dans un des luxueux fauteuils qui parsemaient la salle, avait le regard perdu dans le vide. Elle réfléchissait à cet endroit, à ce qu’elle avait vu, et à la machination à laquelle ils venaient de prendre part malgré eux. Et toute cette histoire ne lui plaisait pas beaucoup.
Lorsque l’équipe avait été formée, tout d’abord, elle s’était engagée aux cotés de Pythagore et Viper Dragoon de mauvaise grâce. Non qu’elle avait rechigné à mourir, bien au contraire : Mistrophera et son attaque l’avait décidé à se rendre plus utile encore au sein des troupes de Traumen.
Mais elle avait compris immédiatement que ce nouveau voyage, cette nouvelle mission dans un pays des morts, n’allait pas être de tout repos avec les engueulades incessantes entre deux de ses équipiers : Pythagore et Viper Dragoon, encore eux, ne cessaient de s’asticoter mutuellement, multipliant les coups vaches et les insultes.
Dalisc avait été désigné d’office comme quatrième membre, par Q-Po lui-même, parce qu’il ne s’impliquait pas assez dans la tache qu’on leur avait confié. Comme il était d’humeur maussade et renfermée, il n’ajoutait pas à l’ambiance particulièrement bruyante de ce nouveau groupe, mais semblait conférer à DarKenshin un statut de nourrice pour adolescents à problèmes. Et Les problèmes ne faisaient que commencer.
« Allez, Dalisc, prends-en un peu ! C’est gratuit !
-Non.
-Tu vois, s’avança Pythagore. Il est du même avis que moi.
-Non.
-Je crois qu’il se contente de répondre non à tout ce qu’on lui dit, résuma Viper Dragoon en continuant de s’empiffrer. Et bien reste dans ton coin.
-Oui. »
Dalisc s’accroupit sur ses talons et resta immobile. DarKenshin jugea bon de recentrer la situation, et elle prit la parole à son tour.
« Et si nous faisions quelque chose de plus constructif que de nous chamailler et manger ? Ça pourrait être une bonne idée, non ?
-Je suis d’accord, répondit Pythagore en jetant un regard en coin à Viper Dragoon. Il faut trouver un moyen de sortir d’ici.
-Pas forcément, répliqua l’autre en s’arrêtant enfin de manger. Pourquoi ne pas suivre ce que disait ce mec qui nous a accueilli ? »
Le problème, songea DarKenshin, c’est que nous ne connaissons pas ses véritables intentions. Elle secoua la tête et expliqua son point de vue aux autres.
« Il doit être une sorte de prêtre, ou de grand pontife religieux, dans ce monde. Et à voir sa tête lorsque nous sommes apparus, je pense que ce n’était pas nous qui étions attendus en haut du temple.
-Mais il a dit que… commença Viper Dragoon.
-Il est évident qu’il a brodé autour de notre arrivée à une vitesse fulgurante, pour ne pas perdre la face devant la foule qui nous avait vu débarquer. Ce qui m’inquiète le plus, c’est cette histoire de sphère, d’épreuve. »
Un silence gêné s’installa, seulement perturbé par la mastication intensive d’un Viper Dragoon qui avait trouvé des ailes de poulets esseulées. DarKenshin prit une longue inspiration et résuma à voix haute la situation, pour tenter d’y voir plus clair.
« Bon, nous sommes tous morts, nous sommes tous dans une cité où les gens se sont noyés…
-…et où le ciel est fait d’eau ! ajouta Pythagore en regardant Dalisc qui ne s’offusqua pas de s’être fait voler la découverte.
-Donc une citée engloutie, oui, rectifia DarKenshin.
-Peut-être est-ce là la fabuleuse Atlantide ? Vous savez, la civilisation engloutie ? Celle dont on n’a jamais retrouvé la trace, et tout !
-C’est possible, Viper. »
Viper releva le menton, souriant, content de lui.
« Et nous voilà maintenant prit pour des élus d’un Dieu étrange d’ici, poursuivit DarKenshin, et soumis à une épreuve qui peut nous donner la mort. Une autre mort. Et donc nous entraîner dans un autre pan de réalité, comme Séphira Strife ou Hilde. »
La disparition des deux Trauméniennes avait longuement fait hésité DarKenshin lors du départ de cette nouvelle mission. Serait-elle la prochaine ? Se retrouverait-elle projetée dans un autre au-delà ? Les rejoindrait-elle ? Mais ce qui l’inquiétait le plus, c’était de tomber dans un de Ses pièges.
« Nous sommes maintenant coincés dans une pièce où nous devons attendre qu’on vienne nous chercher pour passer l’épreuve, sans possibilité de visiter la ville ni de chercher des informations sur Séphy-Roshou. De plus, rien ne nous interdit de penser que nous ne sommes pas tombé tout droit dans les bras d’un des hommes de Mistrophera. »
Elle se tut un instant.
« Je crains que nous ne soyons pas très bien partit, conclut-elle.
-Oui.
-En gros, on est dans la panade. » commenta Viper Dragoon en jetant une pique de brochette par-dessus son épaule. Puis une idée lui vint.
« Mais si jamais cette épreuve nous donnait les connaissances d’Ydja ? Et que nous devenions réellement les réincarnations de ce Dieu ? Avec ça en poche, nous pourrions savoir si oui ou non Séphy-Roshou est passée par ici !
-C’est… » DarKenshin tourna et retourna l’idée dans sa tête durant de longues minutes. « C’est possible, finit-elle par dire. Mais c’est aussi risqué : Cette épreuve peut-être mortelle.
-Et nous pouvons toujours utiliser nos pilules si le besoin s’en fait sentir ! dit Pythagore.
-Mais nous ne savons pas ce qu’il y a à l’intérieur… » soupira DarKenshin en se passant une main sur le visage. Mais il faut bien faire quelque chose, de toute façon. Nous n’allons pas rester ainsi, les bras croisés, à attendre que le temps file. Je vais me porter volontaire la première, en espérant que ces trois là puissent se débrouiller sans moi le temps de l’épreuve. Elle releva la tête, décidée, mais Pythagore la devança.
« Je suis volontaire pour la sphère. »
Elle n’en cru pas ses oreilles. Viper Dragoon, la mâchoire tombante, était tout aussi abasourdi. Il en lâcha une tranche de jambon.
« C… Comment ? bégaya-t-il.
-Je veux bien y aller. Après tout, mon personnage Trauménien est un ange…
-…avec la coiffure de Yu-Gi-Oh… marmonna Viper Dragoon.
-…et j’étais tellement immortel sur le forum, avec mes claquements de doigts, que je devrais pouvoir m’en sortir sans trop de bobos. »
Devant le manque de réaction de ses compagnons, il éclata de rire et compléta sa pensée d’une voix tellement sincère que DarKenshin en fut toute retournée.
« Et puis, nous sommes aussi là pour prendre des risques, non ? C’est ça être un Trauménien dans l’âme ! »
Un instant, un tout petit instant, DarKenshin s’autorisa un élan d’admiration devant ce gamin qui se lançait sans réfléchir vers l’inconnu. Un instant, elle se sentit fière d’être avec lui, dans ce groupe. Un instant, elle le respecta. Elle aima ce groupe.
Et l’instant plus tard, où Viper hurla qu’il était le seul homme à pouvoir se mettre une banane dans le nez – et en faisant la démonstration de son talent – DarKenshin reprit son avis initial sur l’état mental de ce groupe.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
3. Épreuve.
Toujours aux aguets, Sylvain Detroit se pencha aussi discrètement qu’il l’espérait et s’assura que les deux personnes qu’il filait étaient toujours assises. Ceci fait, il se renfonça dans son siège en morigénant. Est-ce qu’ils allaient s’évaporer ? Sauter par la fenêtre du train ou s’enfuir en volant ? Ils ne se doutent même pas de ma présence.
Allez, une dernière fois, au cas où…
Il s’inclina sur le coté et vit une place vide à l’endroit où devait être l’homme. Il se redressa, prit de panique. Un frisson glacé lui mordit la nuque. Avec un air de rien affecté, et peu naturel, il se leva pour aller aux toilettes – qui se situaient à l’opposé de la direction qu’il prenait – et passa à côté de ses cibles.
Le jeune homme reprit sa place après avoir rangé un livre dans son sac, à coté de lui. Il regarda passer Sylvain Detroit, qui lui adressa un sourire forcé et se mit presque à courir pour rejoindre sa place.
Aran Valentine regarda Nina et haussa les épaules.
« Il y a des fous, parfois.
-Et bien plus près qu’on ne le croit, ajouta Nina en souriant. Je te rappelle que nous sommes des voyageurs de l’au-delà !
-Chut ! Pas si fort ! »
Nina lui tira la langue.
« Tu penses que quelqu’un me prendrait au sérieux, si je disais que nous nous dirigions vers Paris pour aller mourir et retrouver une amie, selon toi ? »
Aran admit sa défaite et se gratta la tête. Ils étaient partis dès le coup de fil de DragonNoir, car il ne voulait pas que ce policier revienne poser des questions embarrassantes. Ils seraient dans la capitale quelques temps, puis repartiraient sur Dijon une fois la mission achevée, si Nantes était toujours risqué.
« À quoi tu penses ? demanda Nina en lui prenant la main.
-Oh, à rien de particulier.
-Tu mens mal.
-Je sais. »
Il garda tout de même le silence. Elle n’insista pas. Aran leva les yeux rapidement et croisa le regard de l’individu qui ne cessait de les surveiller depuis le début. Les yeux disparurent derrière un dossier.
« Le moins qu’on puisse dire, ricana Aran, c’est qu’il n’est pas très discret.
-Qui donc ?
-Le mec qui n’arrête pas de nous surveiller. »
Cette fois-ci, Nina prit un air affolé, et jeta des regards alarmés autours d’elle. Aran lui attrapa le bras et lui intima silencieusement de se calmer. Elle s’exécuta, à contrecœur. Le souvenir de cet inquiétant commissaire lui revint à l’esprit.
« Qui est-ce ? demanda-t-elle.
-Certainement pas le flic qui est venu chez toi. Mais c’est peut-être un de ses collègues, qui doit nous suivre. » Aran resta un instant plongé dans ses pensées, puis déclara, sincèrement déçu : « Et le pire, c’est qu’il a mis un bleu pour nous suivre ! Il nous prend pour des personnes insignifiantes ou quoi ?
-On ne peut pas aller chez DragonNoir alors ?
-On n’a pas trop le choix tout de même, répondit Aran. Si on va chez moi, le résultat sera pareil : Le commissaire viendra nous voir là-bas.
-Mais nous aurons protégé le reste des Trauméniens. »
Aran plongea son regard dans celui de Nina, puis acquiesça.
« En attendant, on va tout faire pour le semer. Tu connais le métro parisien ?
-Un peu, oui, répondit Nina.
-Tu saurais t’en sortir, seule ?
-J'arrive à changer de gare entre gare de Lyon, Montparnasse et Austerlitz, quoi.
-Bon, en conclut Aran. Il faudra que tu apprennes sur le tas alors. Il ne pourra pas nous suivre tout les deux, surtout si nous prenons des chemins différents. Tu t’en crois capable ?
-Je saurai m’en sortir seule, si je sais où je vais. » dit-elle sans attendre.
Aran, impressionné par la détermination de sa partenaire, ne put réprimer un élan de fierté. Un sourire naquit sur son visage, et il ajouta.
« Tant mieux, parce que je n’y connais pas grand-chose non plus. »
DarKenshin dévisagea longuement le grand prêtre. Celui-ci soutint son regard, de longues minutes durant, et personne ne disait un mot. Même Viper Dragoon, qui avait délaissé son délire fruité pour s’asseoir avec les autres, gardait le silence, intéressé.
« Reprenons, finit-elle par dire. Vous dîtes que vous savez pertinemment que nous ne sommes pas des Dieux, mais que vous nous gardez quand même emprisonnés ici pour préserver la foule de cet avènement raté, c’est bien ça ?
-Exactement. »
Le grand prêtre soupira, comme s’il sentait soudainement l'accablement le gagner. Il sembla réduire de volume.
« Vous n’êtes manifestement que de simples humains morts noyés, et vous avez atterris ici, en haut du temple, par le plus grand des hasards. De ce fait, la foule a cru à un miracle.
-Un miracle que vous avez orchestré, dit DarKenshin.
-Plus ou moins, admit le prêtre. J’avais prédit l’arrivée d’une entité surpuissante, et vous êtes arrivés. Je peux vous dire que je me suis manifestement trompé, mais il faut que je garde la face aux yeux du peuple, et pour ce faire…
-…vous avez besoin de nous, n’est-ce pas ? » termina Pythagore. Le grand prêtre se tourna vers lui et sembla le voir pour la première fois. Puis il sourit. Un sourire abattu.
« Exactement. »
Il leur expliqua brièvement en quoi consistait l’épreuve de la sphère, leur indiquant que les survivants à cette expérience se voyaient dotés d’une omniscience infinie, passée, présente et future.
« Je sais que les risques sont grands, ajouta-t-il. Je ne vous cache pas que rares sont les personnes qui ont survécus à la sphère.
-N’ayez crainte, nous sommes… …particuliers, l’informa Viper Dragoon avec un regard mystérieux. Nous ne périrons pas. »
Pythagore ricana doucement, et Viper Dragoon lui jeta un œil noir.
« J’ai cru voir, oui, reconnu le grand prêtre. Vos enveloppes corporelles ne ressemblent pas aux nôtres. Vous semblez plus réels.
-Plus réels ? répéta DarKenshin.
-Si nous acceptons, l’interrompit Viper Dragoon, est-ce que ceux qui ne passeront pas l’épreuve seront libres de vaquer dans la cité ?
-Et bien, je pense que c’est possible, oui. Si vous assister à l’entrée et à la sortie de vos compagnons, lorsque ce sera le temps. »
Viper Dragoon regarda tour à tour les autres Trauméniens. Ils s’éclipsèrent pour en débattre entre eux, un peu plus loin. Ils parlèrent à voix basse, la pièce n’étant pas assez grande pour permettre un semblant d’intimité.
« Je ne le crois qu’à moitié, avoua Pythagore.
-Pareil, marmonna Dalisc en regardant ses doigts.
-En même temps, dit Viper Dragoon, s’il nous permet de nous balader en ville, on est trois à avoir le champ libre ! Et je serai en plus débarrassé de toi.
-C’est moi qui vais être tranquille, rétorqua Pythagore.
-Bon arrêtez vous deux ! »
Kevin Jolios se tourna vers le groupe avec un œil inquiet et curieux. DarKenshin regretta d’avoir haussé le ton, mais les débordements de Viper Dragoon et de Pythagore devenaient rapidement insupportables. Elle en était presque venue à apprécier le dévouement de Pythagore à aller se jeter dans la sphère.
« Bon. Je pense que nous n’avons pas le choix, de toute façon. Il risque de se braquer si nous refusons, et de nous laisser enfermé ici jusqu’à… » Elle hésita. « Jusqu’à ce qu’il le décide, ou que nous nous lassions.
-Nous pourrions sortir par la force ? proposa Viper Dragoon.
-Oui, mais terminé les recherches discrètes sur Séphy-Roshou, et bonjour la pagaille. »
Viper Dragoon baissa les yeux.
« Si Pythagore est toujours d’accord, il ira dans la sphère. De notre coté, nous trois, nous irons glaner des informations. Nous aurons six jours, le temps de l’épreuve. Avec un peu de chance, nous trouverons ce que nous cherchons durant ce laps de temps, et ainsi, lorsque Pythagore ressortira, nous repartirons. »
Tout le monde acquiesça.
« Dans l’éventualité où l’épreuve tourne mal, n’hésite pas à avaler la pilule. Un autre ira dans la sphère, et nous recommencerons. D’accord ?
-C’est d’accord.
-On accepte le plan du grand prêtre, menteur ou non ?
-On accepte ! » répondirent en chœur Viper Dragoon et Pythagore. Dalisc se contenta de murmurer un oui.
Pulsar-San referma le congélateur et inscrivit Pythagore sur l’ardoise accrochée à celui-ci. Derrière lui, DragonNoir, le Ionisateur Fou et RazaëlAurélie regardaient les appareils, alignés et ronronnants, avec amertume. Chacun était perdu dans de sombres pensées : le Ionisateur Fou songeait à la manière de parler seul à seul avec DragonNoir, RazaëlAurélie songeait à K-Ro et à tous les Trauméniens disparus, et DragonNoir songeait à la prochaine mission ainsi qu’à Séphira Strife.
« Quel spectacle déprimant, dit DragonNoir.
-N’est-ce pas ? acquiesça le Ionisateur Fou. Mais ceux-ci reviendront, il n’y a pas à s’en faire, n’est-ce pas ?
-Sauf s’ils ne reviennent pas. » déclara RazaëlAurélie d’une voix morne. Elle avait perdu tout son entrain et sa folie naturelle. Elle s’était réfugiée chez elle, en Alsace, après l’enterrement, prétextant avoir besoin de temps. Durant de nombreux mois, elle n’avait fait que se morfondre, et avait finalement décidé récemment de rejoindre le groupe des Trauméniens sur Paris, pour se redonner le moral.
Elle était arrivée après le départ de Mistrophera.
« Toujours aucunes nouvelles de K-Ro ? demanda-t-elle.
-Comme je te l’ai dit, Youfie est partie à sa recherche, mais nous avons également perdu sa trace après son départ, dit DragonNoir.
-Mais il ne faut pas perdre espoir ! calma le Ionisateur Fou.
-Je vais me servir un verre d’eau. » répondit-elle en s’en allant, la tête basse. DragonNoir fit un pas pour la suivre mais le Ionisateur Fou le retint.
« J’ai à te parler. »
DragonNoir regarda RazaëlAurélie passer la porte et la refermer doucement, et se dit qu’il ne l’avait jamais vu aussi déprimée et abattue. Il se promit en son for intérieur de surveiller son état dans les jours à venir. Il s’inquiétait.
« Qu’est-ce qu’il y a, LIF ?
-Je crois qu’Hitomi nous a révélé une chose très importante, juste avant de partir. »
Le Ionisateur Fou s’assit sur le sofa, relégué dans un coin de la pièce pour laisser la place aux nombreux congélateurs. DragonNoir s’assit à coté de lui, dubitatif. Il lui avait raconté les derniers mots d’Hitomi, et manifestement, le Ionisateur Fou avait cogité de son côté. Ce que n’avait pas eu le temps de faire DragonNoir.
« Voilà, commença le Ionisateur Fou. Hitomi nous a dit que nous avions tous, à plus ou moins grande échelle, des capacités latentes. C’est même ce que rechercherait Mistrophera, selon elle.
-Oui, elle nous a même poussé à les développer. Je suppose que c’est ce que nous faisons lorsque nous passons de vie à trépas, mais…
-Pas du tout. » stoppa le Ionisateur Fou. DragonNoir baissa les mains, expirant la fin de sa phrase dans un soupir interrogatif. Le Ionisateur Fou reprit de plus belle, sourire aux lèvres. Il était sûr de saisir un point capital.
« Enfin, si, dans un sens, nous dominons nos pouvoirs en mourrant. Mais Hitomi est… était capable de s’en servir ici, sur Terre. Elle était capable de s’en servir vivante.
-Comme Mistrophera, ajouta pensivement DragonNoir.
-Exactement ! Tu veux un autre exemple ? Les pilules de Hilde. »
DragonNoir réfléchit intensément à ce qu’il venait de lui dire.
Hilde avait été créer ces pilules alors qu’elle était morte. Elle s’était servie de ses compétences de Trauménienne pour les fabriquer, et elle les avait ensuite ramenées dans le monde réel pour que nous…
« Comment a-t-elle fait pour les faire venir jusqu’ici ? s’exclama DragonNoir, prenant subitement en compte que ces pilules pour ressusciter n’étaient même pas censées exister.
-Voilà où je veux en venir… »
Il lui tendit quelques pilules de la réserve et DragonNoir en prit une entre ses doigts. Elle avait tout pour être réelle. Elle était matériellement réelle, mais avait pourtant été imaginée. Il la tourna et la retourna entre ses doigts, l’examinant de près comme il ne l’avait jamais fait. La couleur bleutée, la poudre contenue dans le réceptacle en gélatine, tout semblait pourtant vrai.
« Hilde les a ramené du royaume des morts sans même s’en rendre compte, simplement parce qu’elle était partie pour créer ces pilules et nous les ramener. Elle n’a jamais réfléchit au fait qu’elle n’allait pas pouvoir transférer des objets de la mort à la vie, mais pourtant…
-…elle l’a fait, termina DragonNoir en redressant la tête.
-Elle a ramené ces pilules des morts, elle a créée ces pilules à partir de rien. »
DragonNoir digéra l’information. Cette idée ne lui était jamais venue à l’esprit, et pourtant il avait passé des heures à réfléchir au pourquoi du comment de ces voyages dans l’au-delà, et même au fonctionnement de telles pilules.
« L’imagination, dit DragonNoir. C’est l’imagination qui est notre pouvoir.
-C’est aussi ce que je pense, dit le Ionisateur Fou. Et c’est notre imagination qui intéresse Mistrophera, car il sait que nous sommes des personnes inventives, qui peuvent être capables de bien pire avec de l’entraînement. Pas seulement de voyages dans l’au-delà, mais bien plus de possibilité s’ouvrent à nous.
-Comme quoi ?
-Comme réussir à faire passer de notre imaginaire à la réalité l’appareillage adéquat pour surveiller nos troupes envoyées dans le monde des morts, par exemple. Avec un peu de maîtrise, ça devrait être possible, et nous pourrions établir une communication entre eux et nous sans trop de mal. Nous économiserions ainsi les pilules. »
DragonNoir vit une surprenante pluie d’idées et de possibilités traverser son champ de perception. Il n’avait pas assez pensé aux dernières paroles d’Hitomi, et à présent il s’en voulait. Mais rien n’était perdu. Avec ce que venait de lui dire le Ionisateur Fou, il lui fallait maintenant l’appliquer, et ainsi…
La porte s’ouvrit et RazaëlAurélie entra avec un verre d’eau. Elle avait pleuré, encore, car DragonNoir remarqua ses yeux rouges. Elle renifla. DragonNoir, excité par ce qu’il venait de découvrir, se leva d’un bond et couru jusqu’à elle, avant de lui prendre les mains. Il plongea son regard dans le sien, et lui annonça :
« Je te jure que je vais les retrouver. Tous. Nous allons tous les retrouver, Raza. Nous allons les retrouver, et les ramener, je te le promets. »
Pour toute réponse, RazaëlAurélie éclata en sanglots.
Toujours aux aguets, Sylvain Detroit se pencha aussi discrètement qu’il l’espérait et s’assura que les deux personnes qu’il filait étaient toujours assises. Ceci fait, il se renfonça dans son siège en morigénant. Est-ce qu’ils allaient s’évaporer ? Sauter par la fenêtre du train ou s’enfuir en volant ? Ils ne se doutent même pas de ma présence.
Allez, une dernière fois, au cas où…
Il s’inclina sur le coté et vit une place vide à l’endroit où devait être l’homme. Il se redressa, prit de panique. Un frisson glacé lui mordit la nuque. Avec un air de rien affecté, et peu naturel, il se leva pour aller aux toilettes – qui se situaient à l’opposé de la direction qu’il prenait – et passa à côté de ses cibles.
Le jeune homme reprit sa place après avoir rangé un livre dans son sac, à coté de lui. Il regarda passer Sylvain Detroit, qui lui adressa un sourire forcé et se mit presque à courir pour rejoindre sa place.
Aran Valentine regarda Nina et haussa les épaules.
« Il y a des fous, parfois.
-Et bien plus près qu’on ne le croit, ajouta Nina en souriant. Je te rappelle que nous sommes des voyageurs de l’au-delà !
-Chut ! Pas si fort ! »
Nina lui tira la langue.
« Tu penses que quelqu’un me prendrait au sérieux, si je disais que nous nous dirigions vers Paris pour aller mourir et retrouver une amie, selon toi ? »
Aran admit sa défaite et se gratta la tête. Ils étaient partis dès le coup de fil de DragonNoir, car il ne voulait pas que ce policier revienne poser des questions embarrassantes. Ils seraient dans la capitale quelques temps, puis repartiraient sur Dijon une fois la mission achevée, si Nantes était toujours risqué.
« À quoi tu penses ? demanda Nina en lui prenant la main.
-Oh, à rien de particulier.
-Tu mens mal.
-Je sais. »
Il garda tout de même le silence. Elle n’insista pas. Aran leva les yeux rapidement et croisa le regard de l’individu qui ne cessait de les surveiller depuis le début. Les yeux disparurent derrière un dossier.
« Le moins qu’on puisse dire, ricana Aran, c’est qu’il n’est pas très discret.
-Qui donc ?
-Le mec qui n’arrête pas de nous surveiller. »
Cette fois-ci, Nina prit un air affolé, et jeta des regards alarmés autours d’elle. Aran lui attrapa le bras et lui intima silencieusement de se calmer. Elle s’exécuta, à contrecœur. Le souvenir de cet inquiétant commissaire lui revint à l’esprit.
« Qui est-ce ? demanda-t-elle.
-Certainement pas le flic qui est venu chez toi. Mais c’est peut-être un de ses collègues, qui doit nous suivre. » Aran resta un instant plongé dans ses pensées, puis déclara, sincèrement déçu : « Et le pire, c’est qu’il a mis un bleu pour nous suivre ! Il nous prend pour des personnes insignifiantes ou quoi ?
-On ne peut pas aller chez DragonNoir alors ?
-On n’a pas trop le choix tout de même, répondit Aran. Si on va chez moi, le résultat sera pareil : Le commissaire viendra nous voir là-bas.
-Mais nous aurons protégé le reste des Trauméniens. »
Aran plongea son regard dans celui de Nina, puis acquiesça.
« En attendant, on va tout faire pour le semer. Tu connais le métro parisien ?
-Un peu, oui, répondit Nina.
-Tu saurais t’en sortir, seule ?
-J'arrive à changer de gare entre gare de Lyon, Montparnasse et Austerlitz, quoi.
-Bon, en conclut Aran. Il faudra que tu apprennes sur le tas alors. Il ne pourra pas nous suivre tout les deux, surtout si nous prenons des chemins différents. Tu t’en crois capable ?
-Je saurai m’en sortir seule, si je sais où je vais. » dit-elle sans attendre.
Aran, impressionné par la détermination de sa partenaire, ne put réprimer un élan de fierté. Un sourire naquit sur son visage, et il ajouta.
« Tant mieux, parce que je n’y connais pas grand-chose non plus. »
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DarKenshin dévisagea longuement le grand prêtre. Celui-ci soutint son regard, de longues minutes durant, et personne ne disait un mot. Même Viper Dragoon, qui avait délaissé son délire fruité pour s’asseoir avec les autres, gardait le silence, intéressé.
« Reprenons, finit-elle par dire. Vous dîtes que vous savez pertinemment que nous ne sommes pas des Dieux, mais que vous nous gardez quand même emprisonnés ici pour préserver la foule de cet avènement raté, c’est bien ça ?
-Exactement. »
Le grand prêtre soupira, comme s’il sentait soudainement l'accablement le gagner. Il sembla réduire de volume.
« Vous n’êtes manifestement que de simples humains morts noyés, et vous avez atterris ici, en haut du temple, par le plus grand des hasards. De ce fait, la foule a cru à un miracle.
-Un miracle que vous avez orchestré, dit DarKenshin.
-Plus ou moins, admit le prêtre. J’avais prédit l’arrivée d’une entité surpuissante, et vous êtes arrivés. Je peux vous dire que je me suis manifestement trompé, mais il faut que je garde la face aux yeux du peuple, et pour ce faire…
-…vous avez besoin de nous, n’est-ce pas ? » termina Pythagore. Le grand prêtre se tourna vers lui et sembla le voir pour la première fois. Puis il sourit. Un sourire abattu.
« Exactement. »
Il leur expliqua brièvement en quoi consistait l’épreuve de la sphère, leur indiquant que les survivants à cette expérience se voyaient dotés d’une omniscience infinie, passée, présente et future.
« Je sais que les risques sont grands, ajouta-t-il. Je ne vous cache pas que rares sont les personnes qui ont survécus à la sphère.
-N’ayez crainte, nous sommes… …particuliers, l’informa Viper Dragoon avec un regard mystérieux. Nous ne périrons pas. »
Pythagore ricana doucement, et Viper Dragoon lui jeta un œil noir.
« J’ai cru voir, oui, reconnu le grand prêtre. Vos enveloppes corporelles ne ressemblent pas aux nôtres. Vous semblez plus réels.
-Plus réels ? répéta DarKenshin.
-Si nous acceptons, l’interrompit Viper Dragoon, est-ce que ceux qui ne passeront pas l’épreuve seront libres de vaquer dans la cité ?
-Et bien, je pense que c’est possible, oui. Si vous assister à l’entrée et à la sortie de vos compagnons, lorsque ce sera le temps. »
Viper Dragoon regarda tour à tour les autres Trauméniens. Ils s’éclipsèrent pour en débattre entre eux, un peu plus loin. Ils parlèrent à voix basse, la pièce n’étant pas assez grande pour permettre un semblant d’intimité.
« Je ne le crois qu’à moitié, avoua Pythagore.
-Pareil, marmonna Dalisc en regardant ses doigts.
-En même temps, dit Viper Dragoon, s’il nous permet de nous balader en ville, on est trois à avoir le champ libre ! Et je serai en plus débarrassé de toi.
-C’est moi qui vais être tranquille, rétorqua Pythagore.
-Bon arrêtez vous deux ! »
Kevin Jolios se tourna vers le groupe avec un œil inquiet et curieux. DarKenshin regretta d’avoir haussé le ton, mais les débordements de Viper Dragoon et de Pythagore devenaient rapidement insupportables. Elle en était presque venue à apprécier le dévouement de Pythagore à aller se jeter dans la sphère.
« Bon. Je pense que nous n’avons pas le choix, de toute façon. Il risque de se braquer si nous refusons, et de nous laisser enfermé ici jusqu’à… » Elle hésita. « Jusqu’à ce qu’il le décide, ou que nous nous lassions.
-Nous pourrions sortir par la force ? proposa Viper Dragoon.
-Oui, mais terminé les recherches discrètes sur Séphy-Roshou, et bonjour la pagaille. »
Viper Dragoon baissa les yeux.
« Si Pythagore est toujours d’accord, il ira dans la sphère. De notre coté, nous trois, nous irons glaner des informations. Nous aurons six jours, le temps de l’épreuve. Avec un peu de chance, nous trouverons ce que nous cherchons durant ce laps de temps, et ainsi, lorsque Pythagore ressortira, nous repartirons. »
Tout le monde acquiesça.
« Dans l’éventualité où l’épreuve tourne mal, n’hésite pas à avaler la pilule. Un autre ira dans la sphère, et nous recommencerons. D’accord ?
-C’est d’accord.
-On accepte le plan du grand prêtre, menteur ou non ?
-On accepte ! » répondirent en chœur Viper Dragoon et Pythagore. Dalisc se contenta de murmurer un oui.
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Pulsar-San referma le congélateur et inscrivit Pythagore sur l’ardoise accrochée à celui-ci. Derrière lui, DragonNoir, le Ionisateur Fou et RazaëlAurélie regardaient les appareils, alignés et ronronnants, avec amertume. Chacun était perdu dans de sombres pensées : le Ionisateur Fou songeait à la manière de parler seul à seul avec DragonNoir, RazaëlAurélie songeait à K-Ro et à tous les Trauméniens disparus, et DragonNoir songeait à la prochaine mission ainsi qu’à Séphira Strife.
« Quel spectacle déprimant, dit DragonNoir.
-N’est-ce pas ? acquiesça le Ionisateur Fou. Mais ceux-ci reviendront, il n’y a pas à s’en faire, n’est-ce pas ?
-Sauf s’ils ne reviennent pas. » déclara RazaëlAurélie d’une voix morne. Elle avait perdu tout son entrain et sa folie naturelle. Elle s’était réfugiée chez elle, en Alsace, après l’enterrement, prétextant avoir besoin de temps. Durant de nombreux mois, elle n’avait fait que se morfondre, et avait finalement décidé récemment de rejoindre le groupe des Trauméniens sur Paris, pour se redonner le moral.
Elle était arrivée après le départ de Mistrophera.
« Toujours aucunes nouvelles de K-Ro ? demanda-t-elle.
-Comme je te l’ai dit, Youfie est partie à sa recherche, mais nous avons également perdu sa trace après son départ, dit DragonNoir.
-Mais il ne faut pas perdre espoir ! calma le Ionisateur Fou.
-Je vais me servir un verre d’eau. » répondit-elle en s’en allant, la tête basse. DragonNoir fit un pas pour la suivre mais le Ionisateur Fou le retint.
« J’ai à te parler. »
DragonNoir regarda RazaëlAurélie passer la porte et la refermer doucement, et se dit qu’il ne l’avait jamais vu aussi déprimée et abattue. Il se promit en son for intérieur de surveiller son état dans les jours à venir. Il s’inquiétait.
« Qu’est-ce qu’il y a, LIF ?
-Je crois qu’Hitomi nous a révélé une chose très importante, juste avant de partir. »
Le Ionisateur Fou s’assit sur le sofa, relégué dans un coin de la pièce pour laisser la place aux nombreux congélateurs. DragonNoir s’assit à coté de lui, dubitatif. Il lui avait raconté les derniers mots d’Hitomi, et manifestement, le Ionisateur Fou avait cogité de son côté. Ce que n’avait pas eu le temps de faire DragonNoir.
« Voilà, commença le Ionisateur Fou. Hitomi nous a dit que nous avions tous, à plus ou moins grande échelle, des capacités latentes. C’est même ce que rechercherait Mistrophera, selon elle.
-Oui, elle nous a même poussé à les développer. Je suppose que c’est ce que nous faisons lorsque nous passons de vie à trépas, mais…
-Pas du tout. » stoppa le Ionisateur Fou. DragonNoir baissa les mains, expirant la fin de sa phrase dans un soupir interrogatif. Le Ionisateur Fou reprit de plus belle, sourire aux lèvres. Il était sûr de saisir un point capital.
« Enfin, si, dans un sens, nous dominons nos pouvoirs en mourrant. Mais Hitomi est… était capable de s’en servir ici, sur Terre. Elle était capable de s’en servir vivante.
-Comme Mistrophera, ajouta pensivement DragonNoir.
-Exactement ! Tu veux un autre exemple ? Les pilules de Hilde. »
DragonNoir réfléchit intensément à ce qu’il venait de lui dire.
Hilde avait été créer ces pilules alors qu’elle était morte. Elle s’était servie de ses compétences de Trauménienne pour les fabriquer, et elle les avait ensuite ramenées dans le monde réel pour que nous…
« Comment a-t-elle fait pour les faire venir jusqu’ici ? s’exclama DragonNoir, prenant subitement en compte que ces pilules pour ressusciter n’étaient même pas censées exister.
-Voilà où je veux en venir… »
Il lui tendit quelques pilules de la réserve et DragonNoir en prit une entre ses doigts. Elle avait tout pour être réelle. Elle était matériellement réelle, mais avait pourtant été imaginée. Il la tourna et la retourna entre ses doigts, l’examinant de près comme il ne l’avait jamais fait. La couleur bleutée, la poudre contenue dans le réceptacle en gélatine, tout semblait pourtant vrai.
« Hilde les a ramené du royaume des morts sans même s’en rendre compte, simplement parce qu’elle était partie pour créer ces pilules et nous les ramener. Elle n’a jamais réfléchit au fait qu’elle n’allait pas pouvoir transférer des objets de la mort à la vie, mais pourtant…
-…elle l’a fait, termina DragonNoir en redressant la tête.
-Elle a ramené ces pilules des morts, elle a créée ces pilules à partir de rien. »
DragonNoir digéra l’information. Cette idée ne lui était jamais venue à l’esprit, et pourtant il avait passé des heures à réfléchir au pourquoi du comment de ces voyages dans l’au-delà, et même au fonctionnement de telles pilules.
« L’imagination, dit DragonNoir. C’est l’imagination qui est notre pouvoir.
-C’est aussi ce que je pense, dit le Ionisateur Fou. Et c’est notre imagination qui intéresse Mistrophera, car il sait que nous sommes des personnes inventives, qui peuvent être capables de bien pire avec de l’entraînement. Pas seulement de voyages dans l’au-delà, mais bien plus de possibilité s’ouvrent à nous.
-Comme quoi ?
-Comme réussir à faire passer de notre imaginaire à la réalité l’appareillage adéquat pour surveiller nos troupes envoyées dans le monde des morts, par exemple. Avec un peu de maîtrise, ça devrait être possible, et nous pourrions établir une communication entre eux et nous sans trop de mal. Nous économiserions ainsi les pilules. »
DragonNoir vit une surprenante pluie d’idées et de possibilités traverser son champ de perception. Il n’avait pas assez pensé aux dernières paroles d’Hitomi, et à présent il s’en voulait. Mais rien n’était perdu. Avec ce que venait de lui dire le Ionisateur Fou, il lui fallait maintenant l’appliquer, et ainsi…
La porte s’ouvrit et RazaëlAurélie entra avec un verre d’eau. Elle avait pleuré, encore, car DragonNoir remarqua ses yeux rouges. Elle renifla. DragonNoir, excité par ce qu’il venait de découvrir, se leva d’un bond et couru jusqu’à elle, avant de lui prendre les mains. Il plongea son regard dans le sien, et lui annonça :
« Je te jure que je vais les retrouver. Tous. Nous allons tous les retrouver, Raza. Nous allons les retrouver, et les ramener, je te le promets. »
Pour toute réponse, RazaëlAurélie éclata en sanglots.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
La sphère luisait.
Aucune lumière artificielle n’éclairait la petite salle où se trouvaient les Trauméniens, le grand prêtre Kevin Jolios, et deux servantes. Pourtant, la salle baignait dans une lumière bleutée de toute beauté, et donnait une lumière tamisée et reposante à la scène.
Debout devant la sphère, dos à ses compagnons, Pythagore se faisait enlever un à un ses vêtements par les deux jeunes femmes qui semblaient à peine sorties de l’adolescence. Malgré leur relative jeunesse, elles étaient sérieuses et exécutaient leurs mouvements selon un rituel longuement répété.
Elles masquèrent l’intimité de Pythagore par un immense pagne immaculé, qu’elles nouèrent autour de sa taille sans effort. DarKenshin avait son cœur qui battait à tout rompre, et elle sentit un sourire naître sur ses lèvres alors qu’elle songeait à son véritable cœur qui, lui, ne battait certainement plus.
Elle avait peur pour Pythagore, malgré elle.
« Es-tu prêt ?
-Je suis prêt. »
Les derniers mots qu’ils entendirent de Pythagore, avant bien longtemps. Les deux servantes s’écartèrent, les têtes baissées en signe de
soumission
respect, et Pythagore s’avança. Sa silhouette se découpait sur le bleu de la sphère. C’était une boule de liquide transparent, qui ondoyait en apesanteur, défiant toute logique. On pouvait y voir à travers, mais DarKenshin pressentait que ce qu’on y voyait n’était pas le véritable décor derrière la sphère, mais un autre.
Un autre monde.
« Puisses-tu trouver Ydja dans la sphère. » tonna le grand prêtre en poussant doucement mais fermement Pythagore, qui se laissa faire. Le première réaction de DarKenshin aurait été de tout arrêter. Elle avait un mauvais pressentiment, et toute cette mascarade ne lui plaisait plus. Elle ne voulait pas perdre quelqu’un d’autre.
Mais elle se retint. Les sacrifices étaient nécessaires, bien que difficiles à accepter. Pythagore, lui-même l’avait dit, était capable de s’en sortir. Alors elle lui fit confiance, juste un peu, mais assez pour le laisser s’enfoncer dans l’eau translucide qui flottait devant eux. Elle perçut un mouvement à sa gauche et retint Viper Dragoon.
Celui-ci lui lança un regard alarmé. Avait-il eu le même sentiment de malaise qu’elle ? Elle secoua lentement la tête, et il se détendit. Ils se tournèrent vers Pythagore.
« Déon ä Adja ! » psalmodia le grand prêtre.
La main de Pythagore effleura l’eau et il sentit qu’elle était tiède. Pas chaude, pas froide, mais juste à la bonne température. Il repensa aux bains de son enfance, cette chaleur, la mousse avec laquelle il jouait, et son esprit s’emplit de bonheur. Sa main entra dans l’eau, et le reste ne tarda pas à suivre.
Pythagore disparu dans l’eau, ne laissant que des remous en cercles troubler la sphère.
Kevin Jolios ferma les yeux, et sourit pour lui.
Guillaume se rendait chez lui, après une dure et longue journée à ne rien faire. Cet emploi de surveillant au musée avait cet inconvénient non négligeable : Ne rien faire devenait un art. Oh, bien sûr, il surveillait les tableaux de noyades célèbres, les sculptures d’hommes en train de couler, et tout le reste. Mais le nombre de voleurs – et de visiteurs, à proprement parler – était si faible que son travail se bornait à empêcher les statues et autres œuvres de s’enfuir par dépit.
Alors il ne faisait rien. Toute la journée. Durant la pause de midi, il reprenait une activité normale, côtoyait à nouveau des personnes vivantes et se mettait, lui aussi, à vivre. Le soir, à la fin de sa journée, il se mettait à nouveau au diapason de la vie. Mais il y avait toujours quelques minutes où Guillaume Spelvis se retrouvait sans moyens, désemparé, assourdi par le bruit, agressé par les mouvements.
Et c’est à cet instant que le voleur en profita.
Guillaume sentit son épaule craquer en même temps que la lanière de cuir de sa besace, et puis il vit le sol se rapprocher dangereusement. Le premier réflexe de quiconque aurait été de mettre ses mains devant lui pour se protéger, mais lui préféra s’accrocher à son sac. Il entraîna le malfrat dans sa chute. Malheureusement pour lui, ce dernier fut plus rapide que Guillaume, encore sonné par toute cette précipitation, et il arriva le délester de ses biens avant de prendre la fuite, suivit d’un Guillaume clopinant.
« Merde… Je ne l’aurais jamais… »
Pourtant, il continuait, bousculant la foule. Le voleur avait disparu de ses yeux. Tu parles d’une course poursuite, songea Guillaume en haletant. Son sac ne contenait rien de précieux, mais il détestait se faire voler, ou perdre quelque chose lui appartenant. Mais il finit tout de même par abandonner.
Soudain, de nombreuses exclamations de surprise furent poussées, un peu plus loin. Guillaume se traîna péniblement – son épaule lui faisait mal, ainsi que le coude sur lequel il était tombé – jusqu’au centre d’attention. Et là, ce qu’il vit le surprit agréablement.
« C’est votre sac ? » lui demanda DarKenshin en le voyant si mal en point, le voleur assommé à ses pieds, sous un Viper Dragoon souriant.
« Qu’est-ce que c’était que ces quatre énergumènes ? » tonna une voix qui fit sursauter le grand prêtre. Il se tourna et se retourna plusieurs fois, reconnaissant le propriétaire de cette voix et les menaces incluses dans la question.
« Non ! Pas maintenant ! Je ne… Non… » bredouilla Jolios, penaud.
Il marcha de long en large dans son cabinet personnel, scrutant le moindre mouvement. La pièce était grande mais relativement vide, et la voix semblait venir de partout et de nulle part à la fois. Kevin Jolios, haletant d’avoir cherché en vain, finit par s’asseoir sur une chaise pour reprendre son souffle et son calme.
« Vous avez terminé votre petit manège ? demanda la voix
-Oui, se résigna à répondre le grand prêtre.
-Quand ferez vous preuve d’un peu de sérieux lors de nos discussions, Jolios ? »
Depuis des mois et des mois, cette voix avait été en sa compagnie sans qu’il en connaisse l’auteur. Les mots, les consignes, les ordres déboulaient de partout, parfois ici, parfois au temple, parfois chez lui. Mais à chaque fois, il se sentait comme obligé d’obéir, comme si une menace sourde pesait sur chacun des mots prononcés.
« Je répète donc ma question : Qui sont ces quatre personnes que vous avez fait apparaître en haut du temple ?
-Je n’en ai aucune idée, je ne les ai jamais vu, pour tout dire. Je… je pense que ce sont des noyés, comme vous, comme moi, comme nous tous ici.
-Non, pas comme tous. » rectifia la voix, pensive.
Kevin Jolios, les mains agrippées à ses genoux, les serrant à en faire blanchir les articulations, n’osa rompre le silence instauré par la voix. Il n’avait jamais le dessus dans les conversations avec elle, mais il ne pouvait s’empêcher de courber l’échine lamentablement. Une fois la voix disparue, il se haïssait pendant de longues minutes.
« Pourtant, reprit-elle, vous avez semblé très convaincant avec cette histoire d’élus, d’épreuve et avec la sphère.
-J’ai rebondis du mieux que j’ai pu. »
Nouveau silence. Le grand prêtre ouvrit la bouche.
« Puis-je vou…
-Et si jamais l’un d’eux se révèle être bien plus qu’un simple noyé ? l’interrompit la voix. Que deviendra mon plan, dans ce cas là ?
-Je ne sais pas… » répondit franchement le grand prêtre.
L’idée avait tout pour plaire : La voix avait demandé au grand prêtre d’annoncer la venue du Dieu de l’Atlantide, et ce Dieu devait être incarné par un simple nigaud auquel on avait promis monts et merveilles. Une fois celui-ci déclaré divinité, le grand prêtre assurait son avenir, et la voix le sien. Tout deux auraient eu satisfaction.
Mais avec l’arrivée de ces quatre imposteurs.
« Nous pourrions essayer de les faire rentrer dans la combine ?
-Ou bien tous les tuer avant qu’ils ne révèlent ce qu’ils sont vraiment.
-Je leur ai déjà demandé de ne pas dire un mot à propos de leur condition d’élus. »
La sueur perla sur le front ridé du grand prêtre, tandis qu’il sentait que la voix réfléchissait à la situation, et éventuellement à la sentence à prendre face à son initiative hasardeuse. Il retint sa respiration.
« Aucun d’entre eux ne sortira vivant de la sphère, Jolios. C’est bien compris ? Aucun. »
Aucune lumière artificielle n’éclairait la petite salle où se trouvaient les Trauméniens, le grand prêtre Kevin Jolios, et deux servantes. Pourtant, la salle baignait dans une lumière bleutée de toute beauté, et donnait une lumière tamisée et reposante à la scène.
Debout devant la sphère, dos à ses compagnons, Pythagore se faisait enlever un à un ses vêtements par les deux jeunes femmes qui semblaient à peine sorties de l’adolescence. Malgré leur relative jeunesse, elles étaient sérieuses et exécutaient leurs mouvements selon un rituel longuement répété.
Elles masquèrent l’intimité de Pythagore par un immense pagne immaculé, qu’elles nouèrent autour de sa taille sans effort. DarKenshin avait son cœur qui battait à tout rompre, et elle sentit un sourire naître sur ses lèvres alors qu’elle songeait à son véritable cœur qui, lui, ne battait certainement plus.
Elle avait peur pour Pythagore, malgré elle.
« Es-tu prêt ?
-Je suis prêt. »
Les derniers mots qu’ils entendirent de Pythagore, avant bien longtemps. Les deux servantes s’écartèrent, les têtes baissées en signe de
soumission
respect, et Pythagore s’avança. Sa silhouette se découpait sur le bleu de la sphère. C’était une boule de liquide transparent, qui ondoyait en apesanteur, défiant toute logique. On pouvait y voir à travers, mais DarKenshin pressentait que ce qu’on y voyait n’était pas le véritable décor derrière la sphère, mais un autre.
Un autre monde.
« Puisses-tu trouver Ydja dans la sphère. » tonna le grand prêtre en poussant doucement mais fermement Pythagore, qui se laissa faire. Le première réaction de DarKenshin aurait été de tout arrêter. Elle avait un mauvais pressentiment, et toute cette mascarade ne lui plaisait plus. Elle ne voulait pas perdre quelqu’un d’autre.
Mais elle se retint. Les sacrifices étaient nécessaires, bien que difficiles à accepter. Pythagore, lui-même l’avait dit, était capable de s’en sortir. Alors elle lui fit confiance, juste un peu, mais assez pour le laisser s’enfoncer dans l’eau translucide qui flottait devant eux. Elle perçut un mouvement à sa gauche et retint Viper Dragoon.
Celui-ci lui lança un regard alarmé. Avait-il eu le même sentiment de malaise qu’elle ? Elle secoua lentement la tête, et il se détendit. Ils se tournèrent vers Pythagore.
« Déon ä Adja ! » psalmodia le grand prêtre.
La main de Pythagore effleura l’eau et il sentit qu’elle était tiède. Pas chaude, pas froide, mais juste à la bonne température. Il repensa aux bains de son enfance, cette chaleur, la mousse avec laquelle il jouait, et son esprit s’emplit de bonheur. Sa main entra dans l’eau, et le reste ne tarda pas à suivre.
Pythagore disparu dans l’eau, ne laissant que des remous en cercles troubler la sphère.
Kevin Jolios ferma les yeux, et sourit pour lui.
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Guillaume se rendait chez lui, après une dure et longue journée à ne rien faire. Cet emploi de surveillant au musée avait cet inconvénient non négligeable : Ne rien faire devenait un art. Oh, bien sûr, il surveillait les tableaux de noyades célèbres, les sculptures d’hommes en train de couler, et tout le reste. Mais le nombre de voleurs – et de visiteurs, à proprement parler – était si faible que son travail se bornait à empêcher les statues et autres œuvres de s’enfuir par dépit.
Alors il ne faisait rien. Toute la journée. Durant la pause de midi, il reprenait une activité normale, côtoyait à nouveau des personnes vivantes et se mettait, lui aussi, à vivre. Le soir, à la fin de sa journée, il se mettait à nouveau au diapason de la vie. Mais il y avait toujours quelques minutes où Guillaume Spelvis se retrouvait sans moyens, désemparé, assourdi par le bruit, agressé par les mouvements.
Et c’est à cet instant que le voleur en profita.
Guillaume sentit son épaule craquer en même temps que la lanière de cuir de sa besace, et puis il vit le sol se rapprocher dangereusement. Le premier réflexe de quiconque aurait été de mettre ses mains devant lui pour se protéger, mais lui préféra s’accrocher à son sac. Il entraîna le malfrat dans sa chute. Malheureusement pour lui, ce dernier fut plus rapide que Guillaume, encore sonné par toute cette précipitation, et il arriva le délester de ses biens avant de prendre la fuite, suivit d’un Guillaume clopinant.
« Merde… Je ne l’aurais jamais… »
Pourtant, il continuait, bousculant la foule. Le voleur avait disparu de ses yeux. Tu parles d’une course poursuite, songea Guillaume en haletant. Son sac ne contenait rien de précieux, mais il détestait se faire voler, ou perdre quelque chose lui appartenant. Mais il finit tout de même par abandonner.
Soudain, de nombreuses exclamations de surprise furent poussées, un peu plus loin. Guillaume se traîna péniblement – son épaule lui faisait mal, ainsi que le coude sur lequel il était tombé – jusqu’au centre d’attention. Et là, ce qu’il vit le surprit agréablement.
« C’est votre sac ? » lui demanda DarKenshin en le voyant si mal en point, le voleur assommé à ses pieds, sous un Viper Dragoon souriant.
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« Qu’est-ce que c’était que ces quatre énergumènes ? » tonna une voix qui fit sursauter le grand prêtre. Il se tourna et se retourna plusieurs fois, reconnaissant le propriétaire de cette voix et les menaces incluses dans la question.
« Non ! Pas maintenant ! Je ne… Non… » bredouilla Jolios, penaud.
Il marcha de long en large dans son cabinet personnel, scrutant le moindre mouvement. La pièce était grande mais relativement vide, et la voix semblait venir de partout et de nulle part à la fois. Kevin Jolios, haletant d’avoir cherché en vain, finit par s’asseoir sur une chaise pour reprendre son souffle et son calme.
« Vous avez terminé votre petit manège ? demanda la voix
-Oui, se résigna à répondre le grand prêtre.
-Quand ferez vous preuve d’un peu de sérieux lors de nos discussions, Jolios ? »
Depuis des mois et des mois, cette voix avait été en sa compagnie sans qu’il en connaisse l’auteur. Les mots, les consignes, les ordres déboulaient de partout, parfois ici, parfois au temple, parfois chez lui. Mais à chaque fois, il se sentait comme obligé d’obéir, comme si une menace sourde pesait sur chacun des mots prononcés.
« Je répète donc ma question : Qui sont ces quatre personnes que vous avez fait apparaître en haut du temple ?
-Je n’en ai aucune idée, je ne les ai jamais vu, pour tout dire. Je… je pense que ce sont des noyés, comme vous, comme moi, comme nous tous ici.
-Non, pas comme tous. » rectifia la voix, pensive.
Kevin Jolios, les mains agrippées à ses genoux, les serrant à en faire blanchir les articulations, n’osa rompre le silence instauré par la voix. Il n’avait jamais le dessus dans les conversations avec elle, mais il ne pouvait s’empêcher de courber l’échine lamentablement. Une fois la voix disparue, il se haïssait pendant de longues minutes.
« Pourtant, reprit-elle, vous avez semblé très convaincant avec cette histoire d’élus, d’épreuve et avec la sphère.
-J’ai rebondis du mieux que j’ai pu. »
Nouveau silence. Le grand prêtre ouvrit la bouche.
« Puis-je vou…
-Et si jamais l’un d’eux se révèle être bien plus qu’un simple noyé ? l’interrompit la voix. Que deviendra mon plan, dans ce cas là ?
-Je ne sais pas… » répondit franchement le grand prêtre.
L’idée avait tout pour plaire : La voix avait demandé au grand prêtre d’annoncer la venue du Dieu de l’Atlantide, et ce Dieu devait être incarné par un simple nigaud auquel on avait promis monts et merveilles. Une fois celui-ci déclaré divinité, le grand prêtre assurait son avenir, et la voix le sien. Tout deux auraient eu satisfaction.
Mais avec l’arrivée de ces quatre imposteurs.
« Nous pourrions essayer de les faire rentrer dans la combine ?
-Ou bien tous les tuer avant qu’ils ne révèlent ce qu’ils sont vraiment.
-Je leur ai déjà demandé de ne pas dire un mot à propos de leur condition d’élus. »
La sueur perla sur le front ridé du grand prêtre, tandis qu’il sentait que la voix réfléchissait à la situation, et éventuellement à la sentence à prendre face à son initiative hasardeuse. Il retint sa respiration.
« Aucun d’entre eux ne sortira vivant de la sphère, Jolios. C’est bien compris ? Aucun. »
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
4. Flâneries non constructives.
« Ouais ! De la sole ! J’adore la sole ! »
Sans même attendre que le plat soit posé sur la table, Viper Dragoon vola un filet du poisson et en goba la moitié, qu’il mâcha bruyamment. Devant le regard courroucé de DarKenshin, il s’arrêta, avala tout rond le morceau et reposa ses couverts sur la table. Dalisc, de son coté, ne leva même pas la tête.
« Ne vous en faites pas, leur dit Guillaume. Vous avez sauvé mon sac avec tout ce qu’il y a dedans, alors je vous dois bien ça, madame DarKenshin.
-Alors je peux en reprendre ? demanda Viper Dragoon.
-C’est DarKenshin, simplement, répondit-elle. Mais il nous est foncé dessus, je ne pouvais faire autre chose que de l’arrêter.
-Nous chavons tout de chuite compris qu’il était louche ! » postillonna Viper Dragoon avec énergie. DarKenshin se servit et tendit le plat à Dalisc, qui refusa poliment.
« Je suis désolé, dit Guillaume en s’asseyant avec eux. Je n’ai que de la sole.
-Ce n’est rien, Guillaume, dit DarKenshin. La sole est tout de même délicieuse.
-Mais c’est un plat de pauvres, on en trouve partout, répondit-il en se servant. Je comprends que votre ami n’ait pas voulu en prendre. Je peux aller acheter du bœuf, ou du poulet si vous voulez ? »
DarKenshin repensa fugitivement aux tables débordantes de nourriture qui se trouvaient dans leur prison dorée.
« Du poulet, che cherais pas contre !
-Non, ça ira, répondit DarKenshin. Dalisc est simplement un peu grognon, mais il aime la sole, j’en suis sûre. N’est-ce pas Dalisc ?
-Non. »
DarKenshin soupira.
« Ne t’en fait pas, s’il a faim, il en prendra.
-Est-ce que je peux vous poser une question, en tant qu’élus d’Ydja ? »
Ça recommence, songea DarKenshin. À partir du moment où ils avaient été relâchés dans les rues de la citée, ils n’avaient cessé d’être harcelés par un peuple féru de religion. Tout le monde ne les reconnaissait évidemment pas, car seuls ceux du premier rang autour du temple avaient discernés leurs traits. Mais le mot passait vite, ainsi que leur description.
Ils avaient réussi à trouver un coin tranquille, loin de toute l’effervescence due à leur présence, lorsque le voleur avait déboulé sur eux. DarKenshin avait cru trouver par la suite, en la personne de Guillaume, un homme qui ne les vénèrerait pas comme tant d’autres.
« Nous t’écoutons ?
-Qu’est-ce que ça fait d’être prit pour des demi-Dieux ? »
Il leur sourit. DarKenshin ne sut quoi répondre. Se moquait-il d’eux ? Que risquaient-ils en leur répondant qu’ils n’étaient pas de vrais représentants de leur Dieu ? Ils avaient fait le serment de garder le silence à ce prêtre, mais ce dernier semblait peu recommandable, contrairement à ce jeune homme qui respirait l’insouciance.
Mais il faut se méfier des premières impressions, se dit-elle. La tension avait monté d’un cran, avec la question, et Viper Dragoon attendait lui aussi la réponse de sa compagne pour enfourner sa prochaine bouchée. Dalisc avait relevé ses yeux de ses doigts et fixait Guillaume avec méfiance.
« Comment ça ? répondit prudemment DarKenshin.
-Vous n’êtes que des humains qui sont morts noyés ailleurs, et vous êtes atterri au mauvais endroit, au mauvais moment, n’est-ce pas ?
-Qu’est-ce que te fais dire ça ? dit Viper Dragoon.
-L’intuition, en quelque sorte. Je ne crois pas à cette histoire de Dieu, d’avènement et autres balivernes de ce type. De mon vivant, j’étais déjà comme ça. »
Il s’arrêta pour boire une gorgée d’eau puis, voyant le désarroi des trois Trauméniens, il ajouta en souriant :
« Ne vous en faites pas ! Vous avez trouvé le bon filon, avec ce job, si vous réussissez à survivre à l’épreuve de la Sphère, bien évidemment. Après, ça sera Bonheur et Jours Fastes jusqu’à la fin de cette nouvelle vie, tout frais payés.
-Ce n’est pas ce que… commença DarKenshin.
-…ce que vous désirez ? Mais le grand prêtre s’en fout, de ça. Ce qui compte, c’est ce qu’il désire lui, et ce que désire le peuple. Le peuple désire l’avènement d’Ydja, et le grand prêtre fera tout ce qui est en son pouvoir pour le lui donner. Ensuite, il se mettra bien au chaud dans un coin, avec pour statut l’homme qui a fait apparaître un Dieu.
-Mais quel rapport avec nous ? Nous ne sommes que des…
-Viper ! »
Viper Dragoon regarda le visage contrarié de DarKenshin et laissa la phrase en suspend. Il reposa sa fourchette et s’essuya la bouche, semblant réfléchir. Guillaume sourit de plus belle, et resservit Viper Dragoon généreusement.
« Je ne dirais rien à personne, faite-moi confiance. Vous m’avez aidé, et je vous aiderai en retour. Je ne suis pas là pour m’attirer votre colère, que vous soyez des Dieux, ou des humains. Bien que le terme humain me paraisse également inapproprié pour vous. »
DarKenshin garda le silence.
« Qu’est-ce qui me fait dire ça ? demanda Guillaume. Vos vêtements, vos airs mystérieux. Et votre attitude. N’importe qui, dans la cité, aurait agit différemment de vous : Quelqu’un de la basse classe aurait peut-être attrapé le voleur, mais il m’aurait certainement fait payé pour retrouver mon bien. Quelqu’un de la haute société, lui, ne se serait même pas abaissé à arrêter le criminel, et dans le cas contraire, aurait gardé le sac pour lui. »
Il s’arrêta, puis s’étonna de lui-même.
« Mais qu’est-ce que je raconte ! Les aristos ne traînent même pas dans ce quartier, ils ont certainement peur de contracter le virus de l’amabilité. »
Et Guillaume éclata de rire. Les trois Trauméniens s’entreregardèrent, dubitatifs, et attendirent patiemment que leur hôte se calme. Une fois ceci fait, il s’essuya les yeux en leur expliquant son hilarité.
« J’ai en horreur les nobliaux et autres bourgeois de cette cité. Ils me sortent par les yeux, avec leurs grands airs et leur richesse qu’ils étalent à qui veut la voir. Ils m’énervent. Et je ne perds jamais une occasion de le dire à voix haute.
-Nous aurions pu être de leur coté, dit DarKenshin. Nous pourrions vous dénoncer.
-Et vous ne le ferez pas, parce que vous venez d’arriver. Peut-être vous rangerez-vous avec eux, plus tard, lorsque vous saurez où vous en êtes. Mais il est encore trop tôt. »
Il se tourna vers Dalisc, qui détourna précipitamment le regard.
« C’est aussi pour ça que vous êtes méfiants. Vous vous méfiez de moi, du prêtre, vous vous posez des questions sur tout le monde, mais ça passera. Oh, peut-être que vous finirez par me dénoncer, et je finirai mes jours en prison. Ça ne sera pas la première fois.
-Vous êtes quelqu’un d’étrange, Guillaume, finit par dire DarKenshin en souriant.
-Ça non plus, ce n’est pas la première fois qu’on me le dit. »
Il lui adressa un clin d’œil, et d’un coup la pression retomba. Dalisc s’adossa à sa chaise, Viper Dragoon termina – enfin, selon l’avis de son propriétaire – son assiette, et DarKenshin se détendit sensiblement. Le jeune homme n’était peut-être pas totalement de leur coté, mais suffisamment pour qu’ils se permettent de se laisser aller.
« Vous avez l’air de connaître beaucoup de choses sur cette ville et ses habitants.
-Je me débrouille, approuva Guillaume en se servant à boire. Pourquoi, vous recherchez quelque chose en particulier ? Ou bien quelqu’un ? »
DarKenshin jugea bon d’attendre encore avant de lui poser des questions en rapport avec la nature exacte de leur venue ici. Ils avaient encore cinq jours avant la sortie de Pythagore, et elle préférait être sûre que cet homme pouvait être digne de confiance. Elle lui envoya un sourire charmeur, et lui répondit :
« Une auberge où passer la nuit ? »
« Déjà deux jours que tu te trouves là-dedans. » dit Jolios en effleurant la sphère de ses longs doigts. Le liquide ondoya et lui renvoya son reflet déformé.
La lueur bleutée pulsait, maintenant, à l’intérieur de la sphère. Depuis que Pythagore avait été aspiré, la température avait augmentée, ainsi que l’activité dans le globe qui flottait. Mais Jolios avait beau passer de temps à autre, il ne voyait rien d’autre que les murs derrière le liquide, et rien à l’intérieur.
« Deux jours, c’est déjà pas mal, non ? Il serait temps que tu ressortes. Et mort, de préférence. Puisque ton destin est de mourir, déjà. »
Il fit un nouveau tour, dans l’attente d’une réponse. Ou d’un cadavre inanimé qui se ferait brusquement expulser de la sphère. Mais rien.
Je vais finir par croire que je vais devoir agir. Je te laisse deux autres jours, petit humain. Après quoi, je prendrais ton destin en main.
Kevin Jolios sortit de la pièce, irrité.
Derrière lui, la sphère émit une nouvelle pulsation.
La sonnette s’entendit de l’extérieur, et Serge guetta l’arrivée de quelqu’un. Personne ne répondit. Un chat apparu sur le coté de la maison et fixa le commissaire avec arrogance, comme la plupart des chats. Thourn s’accroupit et tendit la main. Le chat recula, méfiant, sans cesser de le fusiller du regard.
« Minet ! Viens là minet… »
Serge Thourn agita la main, et le chat continua de le regarder méchamment. Thourn se sentit un moment presque mal à l’aise, comme si le chat voulait l’hypnotiser. N’importe quoi, Serge, depuis quand les chats hypnotisent les flics ? Et il se répondit presque aussitôt : Depuis que les flics recherchent des morts qui s’enfuient, des mecs habillés en noirs qui font des trucs bizarres et côtoient l’étrange au jour le jour.
Était-ce encore une coïncidence, le hasard ou cette bizarrerie quotidienne qui l’avait poussé à écouter cette jeune fille chez la fleuriste ? Il avait abandonné cette piste, la vendeuse de fleurs ne sachant rien de précis sur l’identité de la détentrice de la carte. Et, alors qu’il flânait dans les odeurs avant de s’en aller, la jeune fille était entrée.
« Bonjour Amanda, avait dit la fleuriste.
-Salut ! Je voudrais un bouquet de n’importe quoi, c’est pour la fête de ma… mère. »
La fleuriste l’avait conseillée, et Serge tendit l’oreille, sans même y penser. Elle avait alors demandé des nouvelles d’une amie à la jeune fille.
« Oh non, avait répondu Amanda. Aucunes nouvelles. Mais c’est bien son genre, à Caro : Même lorsqu’elle est chez elle, elle n’en donne pas, alors c’est pas une fois partie à Nantes qu’elle va me prévenir de quoi que ce soit.
-J’espère qu’il ne lui est rien arrivé de grave.
-Non, je ne pense pas. Elle allait à un enterrement, mais elle avait prévenu que ça allait peut-être durer un moment. Bon, je dois y aller, ça fait combien ? »
Serge était sortit, et avait attendu la jeune fille dehors, sous un crachin typiquement breton. Il lui avait alors simplement demandé l’adresse de son amie, et Amanda s’était exécutée en voyant la plaque de police.
« Elle a des problèmes ? s’était-elle inquiété en l’emmenant sur place.
-J’espère que non.
-Elle va en avoir ?
-Je veux simplement lui poser quelques questions, rien d’important. » avait répondu Thourn. Amanda l’avait alors conduit jusqu’ici et s’était éclipsée. Thourn avait sonné et attendu, sans réponse.
Et le chat n’approchait toujours pas.
« Si tu avais des lasers à la place des yeux, je serais déjà cramé. » dit Thourn en se redressant. Le chat feula longuement et s’enfuit en crachant sur le commissaire. Sale bête, songea-t-il en appuyant de nouveau sur la sonnette.
« Bon, marmonna-t-il à voix haute, contenant son humeur massacrante. Ils doivent travailler, ces gens-là, comme tout le monde. Je vais attendre ce soir. »
Il s’installa au volant de sa voiture et entreprit de surveiller la maison.
Concentration.
Tout réside dans la concentration.
Il faut que je croie à ce que je fais, malgré tout ce que j’ai appris avant. Il faut que je croie à ce qui était auparavant impossible, à pouvoir faire jaillir du feu de mes doigts, à faire apparaître mon sabre du vent entre mes mains, à posséder une force herculéenne, il faut que je croie être capable de tout cela.
Non.
Je suis capable de tout cela !
Il ouvrit les yeux, et ne constata aucun changement. Pas d’épée, pas de feu, pas de nouvelles capacités, rien. DragonNoir soupira et se laissa tomber le lit. Il regarda le plafond.
Comment y arriver ? Comment mettre en pratique ce que nus a dit Hitomi ? Comment réaliser ce que veux le Ionisateur Fou ? C’est impossible.
Il se redressa, retrouvant sa position accroupie, et se frotta les yeux sous ses lunettes. Il essayait depuis plusieurs heures de se servir de son imagination comme catalyseur de pensée, mais ne parvenait à rien. Il avait beau se concentrer, tendre ses muscles, bander son esprit, rien n’y faisait. Il n’arrivait à rien de probant.
« Il n’y a pas de raison ! Je dois y arriver. Si c’est possible de le faire sans y penser, comme Hilde, alors il doit être possible de le faire consciemment !
-Seulement si tu y crois vraiment. »
DragonNoir se tourna vers la porte, d’où provenait la voix, et vit le visage de Q-Po qui le regardait d’un air sévère. Il lui fit signe d’entrer. Une fois la porte refermée sur l’extérieur, Q-Po s’assit à même le sol, en tailleur, et fixa DragonNoir. Ce dernier se sentit presque honteux de s’être essayé à cette expérience seul. Ce qui était bien le but du regard de Q-Po.
« Je ne suis arrivé à rien.
-Bien évidemment, dit Q-Po d’un ton sec. Tu n’y crois pas, comment pourrais-tu y arriver sans y croire ?
-Je… Je ne sais p…
-Alors crois-y ! Il ne suffit pas de se concentrer, de vouloir y croire : il faut imaginer. Toi qui ne cesse d’écrire maint et maint textes, qui délire on ne peut plus adroitement, qui a un imaginaire suffisamment développé pour inventer toutes sortes de créatures, tu n’arrives pas à croire à ce qui nous arrive depuis maintenant plus d’un an ! »
DragonNoir, les yeux baissé, garda le silence.
« Nous voyageons dans d’autres mondes, Raphaël. Certains meurent et reviennent à la vie, ce n’est pas rien ! Mais toi, tu n’y crois pas.
-Si, se défendit DragonNoir. Si j’y crois, j’ai même…
-Tu gères le tout ? Tu envoies les gens en mission, tu as fait de ton appartement un énième lieu de réunion, mais tu ne crois pas à ce qui nous arrive. Ce que tu fais, c’est une simple fonction de gérance. Tu gères les troupes, mais tu ne crois pas, au plus profond de toi, que tout ceci est la réalité. »
Q-Po serra les dents et, presque sans effort, fit apparaître une longue antenne au dessus de sa tête, et un pompon rose apparu dans un ‘plop’ imperceptible. DragonNoir regarda la sphère rose et poilue se balancer.
« Moi, j’y crois. » dit simplement Q-Po.
Le pompon de Moggle disparu subitement, et Q-Po expira longuement. DragonNoir continuait à fixer le vide, fasciné.
« Je n’arrive pas encore à le faire tenir longtemps, mais il y a quelques jours, je n’arrivait qu’à faire apparaître un truc tout mou au bout d’une antenne qui finissait par plier et tomber sur ma figure.
-C’est impressionnant, mais comment…
-Il suffit d’y croire. J’ai saisi le sens des paroles d’Hitomi, et je me suis entraîné avec Arkh, lorsqu’il est venu me demander si ce qu’il avait comprit était juste.
-Arkh aussi…?
-Oui. Est-ce que tu veux te joindre à nous ? Nous pourrions nous aider mutuellement, plutôt que de faire ça dans notre coin, comme des sales mômes protégeant un secret. »
DragonNoir accepta sans hésiter.
« Mais n’en parlons pas encore autour de nous, dit-il. Il faut que nous puissions maîtriser un tant soit peu nos aptitudes avant d’appliquer cette idée aux autres.
-Tu reprends immédiatement ton rôle e chef, dès que tu reprends confiance en toi, hein ? railla Q-Po. Pourquoi ne pas faire des séances collectives ?
-Je ne préfère pas.
-Alors nous demanderons ce qu’en pense Arkh. S’il se déclare en ta faveur, nous n’en ferons qu’à trois, pour débuter. Mais si ça marche, il faudra convertir le maximum de personne, d’accord ? »
DragonNoir hocha la tête, d’un air résolu.
Il espéra sincèrement arriver rapidement à maîtriser son imaginaire.
« Ouais ! De la sole ! J’adore la sole ! »
Sans même attendre que le plat soit posé sur la table, Viper Dragoon vola un filet du poisson et en goba la moitié, qu’il mâcha bruyamment. Devant le regard courroucé de DarKenshin, il s’arrêta, avala tout rond le morceau et reposa ses couverts sur la table. Dalisc, de son coté, ne leva même pas la tête.
« Ne vous en faites pas, leur dit Guillaume. Vous avez sauvé mon sac avec tout ce qu’il y a dedans, alors je vous dois bien ça, madame DarKenshin.
-Alors je peux en reprendre ? demanda Viper Dragoon.
-C’est DarKenshin, simplement, répondit-elle. Mais il nous est foncé dessus, je ne pouvais faire autre chose que de l’arrêter.
-Nous chavons tout de chuite compris qu’il était louche ! » postillonna Viper Dragoon avec énergie. DarKenshin se servit et tendit le plat à Dalisc, qui refusa poliment.
« Je suis désolé, dit Guillaume en s’asseyant avec eux. Je n’ai que de la sole.
-Ce n’est rien, Guillaume, dit DarKenshin. La sole est tout de même délicieuse.
-Mais c’est un plat de pauvres, on en trouve partout, répondit-il en se servant. Je comprends que votre ami n’ait pas voulu en prendre. Je peux aller acheter du bœuf, ou du poulet si vous voulez ? »
DarKenshin repensa fugitivement aux tables débordantes de nourriture qui se trouvaient dans leur prison dorée.
« Du poulet, che cherais pas contre !
-Non, ça ira, répondit DarKenshin. Dalisc est simplement un peu grognon, mais il aime la sole, j’en suis sûre. N’est-ce pas Dalisc ?
-Non. »
DarKenshin soupira.
« Ne t’en fait pas, s’il a faim, il en prendra.
-Est-ce que je peux vous poser une question, en tant qu’élus d’Ydja ? »
Ça recommence, songea DarKenshin. À partir du moment où ils avaient été relâchés dans les rues de la citée, ils n’avaient cessé d’être harcelés par un peuple féru de religion. Tout le monde ne les reconnaissait évidemment pas, car seuls ceux du premier rang autour du temple avaient discernés leurs traits. Mais le mot passait vite, ainsi que leur description.
Ils avaient réussi à trouver un coin tranquille, loin de toute l’effervescence due à leur présence, lorsque le voleur avait déboulé sur eux. DarKenshin avait cru trouver par la suite, en la personne de Guillaume, un homme qui ne les vénèrerait pas comme tant d’autres.
« Nous t’écoutons ?
-Qu’est-ce que ça fait d’être prit pour des demi-Dieux ? »
Il leur sourit. DarKenshin ne sut quoi répondre. Se moquait-il d’eux ? Que risquaient-ils en leur répondant qu’ils n’étaient pas de vrais représentants de leur Dieu ? Ils avaient fait le serment de garder le silence à ce prêtre, mais ce dernier semblait peu recommandable, contrairement à ce jeune homme qui respirait l’insouciance.
Mais il faut se méfier des premières impressions, se dit-elle. La tension avait monté d’un cran, avec la question, et Viper Dragoon attendait lui aussi la réponse de sa compagne pour enfourner sa prochaine bouchée. Dalisc avait relevé ses yeux de ses doigts et fixait Guillaume avec méfiance.
« Comment ça ? répondit prudemment DarKenshin.
-Vous n’êtes que des humains qui sont morts noyés ailleurs, et vous êtes atterri au mauvais endroit, au mauvais moment, n’est-ce pas ?
-Qu’est-ce que te fais dire ça ? dit Viper Dragoon.
-L’intuition, en quelque sorte. Je ne crois pas à cette histoire de Dieu, d’avènement et autres balivernes de ce type. De mon vivant, j’étais déjà comme ça. »
Il s’arrêta pour boire une gorgée d’eau puis, voyant le désarroi des trois Trauméniens, il ajouta en souriant :
« Ne vous en faites pas ! Vous avez trouvé le bon filon, avec ce job, si vous réussissez à survivre à l’épreuve de la Sphère, bien évidemment. Après, ça sera Bonheur et Jours Fastes jusqu’à la fin de cette nouvelle vie, tout frais payés.
-Ce n’est pas ce que… commença DarKenshin.
-…ce que vous désirez ? Mais le grand prêtre s’en fout, de ça. Ce qui compte, c’est ce qu’il désire lui, et ce que désire le peuple. Le peuple désire l’avènement d’Ydja, et le grand prêtre fera tout ce qui est en son pouvoir pour le lui donner. Ensuite, il se mettra bien au chaud dans un coin, avec pour statut l’homme qui a fait apparaître un Dieu.
-Mais quel rapport avec nous ? Nous ne sommes que des…
-Viper ! »
Viper Dragoon regarda le visage contrarié de DarKenshin et laissa la phrase en suspend. Il reposa sa fourchette et s’essuya la bouche, semblant réfléchir. Guillaume sourit de plus belle, et resservit Viper Dragoon généreusement.
« Je ne dirais rien à personne, faite-moi confiance. Vous m’avez aidé, et je vous aiderai en retour. Je ne suis pas là pour m’attirer votre colère, que vous soyez des Dieux, ou des humains. Bien que le terme humain me paraisse également inapproprié pour vous. »
DarKenshin garda le silence.
« Qu’est-ce qui me fait dire ça ? demanda Guillaume. Vos vêtements, vos airs mystérieux. Et votre attitude. N’importe qui, dans la cité, aurait agit différemment de vous : Quelqu’un de la basse classe aurait peut-être attrapé le voleur, mais il m’aurait certainement fait payé pour retrouver mon bien. Quelqu’un de la haute société, lui, ne se serait même pas abaissé à arrêter le criminel, et dans le cas contraire, aurait gardé le sac pour lui. »
Il s’arrêta, puis s’étonna de lui-même.
« Mais qu’est-ce que je raconte ! Les aristos ne traînent même pas dans ce quartier, ils ont certainement peur de contracter le virus de l’amabilité. »
Et Guillaume éclata de rire. Les trois Trauméniens s’entreregardèrent, dubitatifs, et attendirent patiemment que leur hôte se calme. Une fois ceci fait, il s’essuya les yeux en leur expliquant son hilarité.
« J’ai en horreur les nobliaux et autres bourgeois de cette cité. Ils me sortent par les yeux, avec leurs grands airs et leur richesse qu’ils étalent à qui veut la voir. Ils m’énervent. Et je ne perds jamais une occasion de le dire à voix haute.
-Nous aurions pu être de leur coté, dit DarKenshin. Nous pourrions vous dénoncer.
-Et vous ne le ferez pas, parce que vous venez d’arriver. Peut-être vous rangerez-vous avec eux, plus tard, lorsque vous saurez où vous en êtes. Mais il est encore trop tôt. »
Il se tourna vers Dalisc, qui détourna précipitamment le regard.
« C’est aussi pour ça que vous êtes méfiants. Vous vous méfiez de moi, du prêtre, vous vous posez des questions sur tout le monde, mais ça passera. Oh, peut-être que vous finirez par me dénoncer, et je finirai mes jours en prison. Ça ne sera pas la première fois.
-Vous êtes quelqu’un d’étrange, Guillaume, finit par dire DarKenshin en souriant.
-Ça non plus, ce n’est pas la première fois qu’on me le dit. »
Il lui adressa un clin d’œil, et d’un coup la pression retomba. Dalisc s’adossa à sa chaise, Viper Dragoon termina – enfin, selon l’avis de son propriétaire – son assiette, et DarKenshin se détendit sensiblement. Le jeune homme n’était peut-être pas totalement de leur coté, mais suffisamment pour qu’ils se permettent de se laisser aller.
« Vous avez l’air de connaître beaucoup de choses sur cette ville et ses habitants.
-Je me débrouille, approuva Guillaume en se servant à boire. Pourquoi, vous recherchez quelque chose en particulier ? Ou bien quelqu’un ? »
DarKenshin jugea bon d’attendre encore avant de lui poser des questions en rapport avec la nature exacte de leur venue ici. Ils avaient encore cinq jours avant la sortie de Pythagore, et elle préférait être sûre que cet homme pouvait être digne de confiance. Elle lui envoya un sourire charmeur, et lui répondit :
« Une auberge où passer la nuit ? »
*
* *
* *
« Déjà deux jours que tu te trouves là-dedans. » dit Jolios en effleurant la sphère de ses longs doigts. Le liquide ondoya et lui renvoya son reflet déformé.
La lueur bleutée pulsait, maintenant, à l’intérieur de la sphère. Depuis que Pythagore avait été aspiré, la température avait augmentée, ainsi que l’activité dans le globe qui flottait. Mais Jolios avait beau passer de temps à autre, il ne voyait rien d’autre que les murs derrière le liquide, et rien à l’intérieur.
« Deux jours, c’est déjà pas mal, non ? Il serait temps que tu ressortes. Et mort, de préférence. Puisque ton destin est de mourir, déjà. »
Il fit un nouveau tour, dans l’attente d’une réponse. Ou d’un cadavre inanimé qui se ferait brusquement expulser de la sphère. Mais rien.
Je vais finir par croire que je vais devoir agir. Je te laisse deux autres jours, petit humain. Après quoi, je prendrais ton destin en main.
Kevin Jolios sortit de la pièce, irrité.
Derrière lui, la sphère émit une nouvelle pulsation.
*
* *
* *
La sonnette s’entendit de l’extérieur, et Serge guetta l’arrivée de quelqu’un. Personne ne répondit. Un chat apparu sur le coté de la maison et fixa le commissaire avec arrogance, comme la plupart des chats. Thourn s’accroupit et tendit la main. Le chat recula, méfiant, sans cesser de le fusiller du regard.
« Minet ! Viens là minet… »
Serge Thourn agita la main, et le chat continua de le regarder méchamment. Thourn se sentit un moment presque mal à l’aise, comme si le chat voulait l’hypnotiser. N’importe quoi, Serge, depuis quand les chats hypnotisent les flics ? Et il se répondit presque aussitôt : Depuis que les flics recherchent des morts qui s’enfuient, des mecs habillés en noirs qui font des trucs bizarres et côtoient l’étrange au jour le jour.
Était-ce encore une coïncidence, le hasard ou cette bizarrerie quotidienne qui l’avait poussé à écouter cette jeune fille chez la fleuriste ? Il avait abandonné cette piste, la vendeuse de fleurs ne sachant rien de précis sur l’identité de la détentrice de la carte. Et, alors qu’il flânait dans les odeurs avant de s’en aller, la jeune fille était entrée.
« Bonjour Amanda, avait dit la fleuriste.
-Salut ! Je voudrais un bouquet de n’importe quoi, c’est pour la fête de ma… mère. »
La fleuriste l’avait conseillée, et Serge tendit l’oreille, sans même y penser. Elle avait alors demandé des nouvelles d’une amie à la jeune fille.
« Oh non, avait répondu Amanda. Aucunes nouvelles. Mais c’est bien son genre, à Caro : Même lorsqu’elle est chez elle, elle n’en donne pas, alors c’est pas une fois partie à Nantes qu’elle va me prévenir de quoi que ce soit.
-J’espère qu’il ne lui est rien arrivé de grave.
-Non, je ne pense pas. Elle allait à un enterrement, mais elle avait prévenu que ça allait peut-être durer un moment. Bon, je dois y aller, ça fait combien ? »
Serge était sortit, et avait attendu la jeune fille dehors, sous un crachin typiquement breton. Il lui avait alors simplement demandé l’adresse de son amie, et Amanda s’était exécutée en voyant la plaque de police.
« Elle a des problèmes ? s’était-elle inquiété en l’emmenant sur place.
-J’espère que non.
-Elle va en avoir ?
-Je veux simplement lui poser quelques questions, rien d’important. » avait répondu Thourn. Amanda l’avait alors conduit jusqu’ici et s’était éclipsée. Thourn avait sonné et attendu, sans réponse.
Et le chat n’approchait toujours pas.
« Si tu avais des lasers à la place des yeux, je serais déjà cramé. » dit Thourn en se redressant. Le chat feula longuement et s’enfuit en crachant sur le commissaire. Sale bête, songea-t-il en appuyant de nouveau sur la sonnette.
« Bon, marmonna-t-il à voix haute, contenant son humeur massacrante. Ils doivent travailler, ces gens-là, comme tout le monde. Je vais attendre ce soir. »
Il s’installa au volant de sa voiture et entreprit de surveiller la maison.
*
* *
* *
Concentration.
Tout réside dans la concentration.
Il faut que je croie à ce que je fais, malgré tout ce que j’ai appris avant. Il faut que je croie à ce qui était auparavant impossible, à pouvoir faire jaillir du feu de mes doigts, à faire apparaître mon sabre du vent entre mes mains, à posséder une force herculéenne, il faut que je croie être capable de tout cela.
Non.
Je suis capable de tout cela !
Il ouvrit les yeux, et ne constata aucun changement. Pas d’épée, pas de feu, pas de nouvelles capacités, rien. DragonNoir soupira et se laissa tomber le lit. Il regarda le plafond.
Comment y arriver ? Comment mettre en pratique ce que nus a dit Hitomi ? Comment réaliser ce que veux le Ionisateur Fou ? C’est impossible.
Il se redressa, retrouvant sa position accroupie, et se frotta les yeux sous ses lunettes. Il essayait depuis plusieurs heures de se servir de son imagination comme catalyseur de pensée, mais ne parvenait à rien. Il avait beau se concentrer, tendre ses muscles, bander son esprit, rien n’y faisait. Il n’arrivait à rien de probant.
« Il n’y a pas de raison ! Je dois y arriver. Si c’est possible de le faire sans y penser, comme Hilde, alors il doit être possible de le faire consciemment !
-Seulement si tu y crois vraiment. »
DragonNoir se tourna vers la porte, d’où provenait la voix, et vit le visage de Q-Po qui le regardait d’un air sévère. Il lui fit signe d’entrer. Une fois la porte refermée sur l’extérieur, Q-Po s’assit à même le sol, en tailleur, et fixa DragonNoir. Ce dernier se sentit presque honteux de s’être essayé à cette expérience seul. Ce qui était bien le but du regard de Q-Po.
« Je ne suis arrivé à rien.
-Bien évidemment, dit Q-Po d’un ton sec. Tu n’y crois pas, comment pourrais-tu y arriver sans y croire ?
-Je… Je ne sais p…
-Alors crois-y ! Il ne suffit pas de se concentrer, de vouloir y croire : il faut imaginer. Toi qui ne cesse d’écrire maint et maint textes, qui délire on ne peut plus adroitement, qui a un imaginaire suffisamment développé pour inventer toutes sortes de créatures, tu n’arrives pas à croire à ce qui nous arrive depuis maintenant plus d’un an ! »
DragonNoir, les yeux baissé, garda le silence.
« Nous voyageons dans d’autres mondes, Raphaël. Certains meurent et reviennent à la vie, ce n’est pas rien ! Mais toi, tu n’y crois pas.
-Si, se défendit DragonNoir. Si j’y crois, j’ai même…
-Tu gères le tout ? Tu envoies les gens en mission, tu as fait de ton appartement un énième lieu de réunion, mais tu ne crois pas à ce qui nous arrive. Ce que tu fais, c’est une simple fonction de gérance. Tu gères les troupes, mais tu ne crois pas, au plus profond de toi, que tout ceci est la réalité. »
Q-Po serra les dents et, presque sans effort, fit apparaître une longue antenne au dessus de sa tête, et un pompon rose apparu dans un ‘plop’ imperceptible. DragonNoir regarda la sphère rose et poilue se balancer.
« Moi, j’y crois. » dit simplement Q-Po.
Le pompon de Moggle disparu subitement, et Q-Po expira longuement. DragonNoir continuait à fixer le vide, fasciné.
« Je n’arrive pas encore à le faire tenir longtemps, mais il y a quelques jours, je n’arrivait qu’à faire apparaître un truc tout mou au bout d’une antenne qui finissait par plier et tomber sur ma figure.
-C’est impressionnant, mais comment…
-Il suffit d’y croire. J’ai saisi le sens des paroles d’Hitomi, et je me suis entraîné avec Arkh, lorsqu’il est venu me demander si ce qu’il avait comprit était juste.
-Arkh aussi…?
-Oui. Est-ce que tu veux te joindre à nous ? Nous pourrions nous aider mutuellement, plutôt que de faire ça dans notre coin, comme des sales mômes protégeant un secret. »
DragonNoir accepta sans hésiter.
« Mais n’en parlons pas encore autour de nous, dit-il. Il faut que nous puissions maîtriser un tant soit peu nos aptitudes avant d’appliquer cette idée aux autres.
-Tu reprends immédiatement ton rôle e chef, dès que tu reprends confiance en toi, hein ? railla Q-Po. Pourquoi ne pas faire des séances collectives ?
-Je ne préfère pas.
-Alors nous demanderons ce qu’en pense Arkh. S’il se déclare en ta faveur, nous n’en ferons qu’à trois, pour débuter. Mais si ça marche, il faudra convertir le maximum de personne, d’accord ? »
DragonNoir hocha la tête, d’un air résolu.
Il espéra sincèrement arriver rapidement à maîtriser son imaginaire.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Localisation : Dans les limbes torturées d'un esprit dérangé.
Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
5. Frédéric 1er dit Barberousse.
Un soleil inexistant éclairait la magnifique cité Atlante, conférant à la journée qui venait de débuter une saveur assez agréable. Il faisait doux, et les tenues des habitants étaient décontractés et plutôt courtes, à ce qu’avait pu en juger Viper Dragoon. Les trois Trauméniens avaient été surpris de la brusque différence de température entre un mois d’octobre frisquet sur Terre et le climat estival qui régnait ici.
« Il fait tout le temps chaud, comme ça ? demanda Viper Dragoon en reluquant une demoiselle aux jambes fines.
-Non, nous avons des saisons, comme partout, répondit Guillaume en souriant. Nous sommes en plein été indien, mais la saison en cours est l’automne.
-Comme nous, alors ! dit joyeusement Viper Dragoon. Mais je préfère largement votre automne au notre, de ce que je peux en voir… » Il ponctua sa phrase d’un rire graveleux, et Guillaume l’accompagna. Il s’était lié d’amitié avec Viper Dragoon, dont il adorait les facéties, la joie de vivre et le franc-parler.
« À peine quatre jours que nous sommes là, et plus personne ne nous remarque. » dit DarKenshin, sans regret. En effet, ils marchaient dans la rue au milieu des passants, et rien de semblait les distinguer des autres, mis à part leurs vêtements. Ils s’étaient affublés d’habits locaux pour éviter de porter en permanence un panneau ‘Divinité en balade’ sur le dos, et cette astuce semblait fonctionner.
« En même temps, ajouta Guillaume avec un sourire en coin, je ne vous conseille pas d’aller faire un tour dans l’avenue principale, même fringués comme vous l’êtes. Eux ne vous ont pas oubliés, croyez-moi… »
Il s’approcha de la jeune femme et lui indiqua discrètement un homme assis sur un banc, un autre accoudé à un bar et une fille qui se remaquillait dos à eux. DarKenshin croisa son regard dans le petit miroir de la fille, et celle-ci cessa précipitamment toute activité avant de pénétrer dans l’immeuble le plus proche.
« Nous sommes suivis ? s’étonna la Trauménienne.
-Surveillés, pour être plus exact. Le jeune homme au banc était celui que Dalisc a bousculé sans le vouloir dans l’entrée de mon immeuble. Tu l’avais reconnu, Dalisc ?
-Non.
-Quant à l’autre, il était dans le parc que nous avons traversé il y a dix minutes.
-Je n’avais rien vu, avoua DarKenshin.
-Les riches. Ce sont eux qui les payent pour vous observer, et leur rendre un rapport sur le moindre de vos faits et gestes. Où que vous alliez, ils le savent. Qui que vous rencontriez, ils le savent. À leurs yeux, vous devez être plus important encore que tous leurs biens. »
Un silence s’installa, pendant que les trois Trauméniens, abasourdis, digéraient les informations révélées par leur nouvel ami. DarKenshin pesta contre son manque de vigilance : Elle n’avait pas remarqué un seul instant la présence de ces pisteurs durant leurs investigations.
Ils venaient de passer quatre jours, depuis le départ de Pythagore pour la Sphère, à poser des questions à tout va, sans se soucier des éventuelles retombées de leurs questions. Leur couverture, qu’ils pensaient correcte faute d’être infaillible, se voyaient lézardée sérieusement par les dernières paroles de Guillaume.
« Mais pourquoi ? demanda Viper Dragoon.
-Parce que ça les amuse, certainement ! Comment vous expliquer… La vie ici est assez morose, quoi que vous puissiez en penser. Les journées se succèdent et se ressemblent lamentablement. Les pauvres, la classe moyenne, comme moi, n’ont pas le choix et subissent le train-train quotidien et morne sans possibilité de répliquer. Mais les autres… »
Il laissa la phrase en suspend. DarKenshin vit du coin de l’œil la fille de tout à l’heure qui ressortit de l’immeuble, mais accoutrée différemment et avec un petit chien : elle venait de reprendre son poste.
« …ils y remédient comme ils peuvent, c’est ça ? termina DarKenshin.
-Exactement. Ils s’amusent de tout ce qui sort de l’ordinaire, et si c’est au dépend d’autrui, alors il n’en seront que plus heureux.
-C’est répugnant, dit simplement Viper Dragoon en regardant ses pieds.
-Vous êtes la meilleure attraction de ces derniers jours, pour ces fumiers. Et ils ne comptent pas vous lâcher de sitôt. »
Ils bifurquèrent au coin d’une échoppe et se retrouvèrent face à une jeune fille d’à peine vingt ans, tout sourire, qui devait précisément les attendre. Guillaume reconnu immédiatement la fille au décolleté généreux qui s’était penché au balcon, le jour de l’arrivé de ses nouveaux amis. La fille de riche.
« Mon père a finalement décidé de m’envoyer à votre rencontre, malgré son inquiétude de me savoir seule au milieu d’une foule d’inconnus. Mais j’ai su trouver les mots justes pour le faire plier, comme à mon habitude. »
La jeune fille avait une voix fluette et claire, haut perchée même, mais le timbre était doux et nullement incisif. Son ton était certes hautain, et on devinait son statut en examinant plus attentivement son allure et ses manières. Malgré tout cela, Guillaume trouva qu’elle ne dépareillait pas exagérément parmi la populace du lieu.
« C’est pourquoi, poursuivit-elle, je me retrouve devant vous, ô élus d’Ydja, avec une requête de mon père vous invitant à participer à notre déjeuner dans nos humbles appartements, quelques rues plus loin. »
Les paroles donnaient l’impression de question, mais le ton employé trahissait l’ordre. Cette jeune fille a l’habitude de se faire obéir, songea brièvement DarKenshin, avant de réfléchir à la situation. Elle aurait volontiers accepté l’invitation du noble s’il n’y avait eu Guillaume. Elle savait que ce dernier ne portait pas particulièrement les aristocrates locaux dans son cœur, et craignait de devoir rompre toute relation avec lui une fois le repas accepté.
Mais Guillaume lui-même lui donna la solution :
« Je pense qu’un refus ne sera pas toléré, dit-il avec une hargne qui semblait simulée. Mes amis, si jamais vous désirez me revoir, vous savez où je loge, n’est-ce pas ? Vous serez toujours les bienvenus, à condition d’aimer les conditions modestes. »
Sur ces paroles, il fit demi-tour. Viper Dragoon alla lui parler quelques instants, puis revint en haussant les épaules. Il expliqua aux autres que Guillaume n’était pas fâché, mais qu’il avait seulement quelque chose d’urgent à faire. Et qu’il leur souhaitait une bonne journée à tous.
Mais DarKenshin avait sentit autre chose. Il avait vu que Guillaume n’avait pas osé regarder en face la demoiselle, ni même la défier comme il l’avait fait tant de fois durant ces quatre jours avec des imprudents qui avaient eu l’audace de montrer leur mépris des pauvres devant lui. Il s’était éclipsé. Il avait fuit, et cela n’était pas dans les habitudes de Guillaume.
La jeune fille sembla un instant déçu de ce départ précipité. Mais elle ne pouvait pas le laisser paraître et c’est donc avec un sourire radieux qu’elle dit finalement :
« Je m’appelle Judith. Judith Barberousse. Suivez-moi. »
La Sphère était surveillée nuit et jour. D’ordinaire, deux simples servantes se chargeaient de monter la garde durant des heures près de la Sphère. De longues heures qui passaient lentement, et où les occupations se bornaient à compter le nombre de fissures sur une dalle, le nombre de dalles au sol, ou le nombre de minutes qui leurs restaient avant de passer le relais à d’autres servantes.
Mais lorsqu’elle était occupée, la Sphère était plus étroitement surveillée : deux gardes armés étaient ajoutés aux servantes, et celles-ci étaient relayées plus souvent, pour éviter les fatigues inutiles. Il s’agissait d’accueillir dignement un éventuel demi-Dieu, ou de pouvoir porter un cadavre gorgé d’eau, le cas échéant.
Parfois, cette promiscuité entre gardes testostéronés et servantes pulpeuses donnait lieu à des accidents. On se souvenait encore d’une orgie organisée entre les quatre gardiens de la Sphère, qui s’était mal terminée : l’occupant de la Sphère, mort, était retombé sur une des servantes et lui avait brisé la nuque, et en tentant de la secourir, un des gardes était par malheur entré dans la Sphère à son tour. Depuis, les tours de gardes étaient plus courts et des inspections surprises avaient lieu, de temps à autre.
Le grand prêtre Kevin Jolios se servit de ce prétexte pour entrer dans la salle, une nouvelle fois. Les deux jours s’étaient écoulés sans autres changements, sans expectorations de corps sans vie, et Jolios commençait à croire que l’adolescent allait réussir l’épreuve.
Et cette idée l’inquiétait.
« Tout se passe bien, ici ? » demanda-t-il en entrant dans la salle. Les quatre gardiens hochèrent la tête. Ils étaient sages, et avaient gardés leur position. Jolios n’espérait pas qu’ils soient restés silencieux tout le temps, car chacun sait que les pas d’un nouvel arrivant s’entendait de loin, depuis cette salle.
« Je vous ai apporté de quoi vous requinquer, dit Kevin Jolios en sortant quatre gobelets et une fiole d’un liquide ambré.
-Mais, commença un des gardes, grand prêtre d’Ydja, nous ne pouvons…
-Vous pouvez, vous pouvez, dit Jolios en esquissant un sourire. Ce n’est pas comme si je ne vous avais pas trouvé en état de garder la Sphère. »
Les deux servantes acceptèrent la collation sans rechigner, et avalèrent l’alcool avec plaisir, avant de regagner leur place. Le premier garde se fit servir, mais le second restait méfiant. Il flairait le piège du grand prêtre qui désirait s’assurer de l’assiduité de son personnel, et hésitait à la marche à suivre.
« Allez-y, je vous dit ! insista le grand prêtre.
-Mais je…
-Au nom d’Ydja, c’est un ordre ! »
Le garde prit le verre, plus par réflexe de défense que par envie, et l’avala d’un trait. Nul n’ignorait que le grand prêtre désirait l’obéissance aveugle de ses adeptes, et surtout pas ceux qui le côtoyaient le plus souvent. Kevin Jolios, ravi, reprit les verres et rangea le tout dans les plis de sa toge.
Ce furent ces derniers mouvements que virent les deux gardes et les deux servantes, avant de tomber dans le brouillard opaque de l’inconscience. Ils s’écroulèrent lentement, comme au ralenti, s’affaissant contre le sol telles de vieilles baudruches percées. Et le silence s’installa dans la salle.
Une fois assuré de l’inactivité de ses victimes, Jolios alla à la sphère et scruta une nouvelle fois l’intérieur. Mais il n’y voyait rien. Il ragea une nouvelle fois contre ces quatre arrivants imprévus qui avait réduit à néant plusieurs années de labeur. Si seulement ils étaient apparu une journée plus tôt, ou plus tard ! Ou même une heure ! J’aurais eu le temps d’annoncer mon faux Dieu et de le mettre au pouvoir, et tout ceci aurait été beaucoup, beaucoup plus simple.
Il serra les dents et alla vers le garde le plus poche pour lui emprunter sa lance. Lors des autres tentatives pour devenir représentant d’Ydja, les participants étaient tous décédés après une ou deux journées d’épreuve. Les plus résistants, ou les véritables prophètes, étaient restés jusqu’au quatrième jour. Jusqu’à ce que Jolios s’occupent d’eux, de la même façon qu’il comptait s’occuper de Pythagore maintenant.
Il enfonça la lance dans la sphère, et n’obtint aucune résistance. Il la retira, attendit quelques secondes, puis recommença à divers endroits. Le liquide translucide se brouilla de part en part, sous les impacts de l’arme, mais à aucun moment elle ne recracha le corps de celui qui l’habitait.
De rage, Jolios jeta la lance à travers la Sphère. Elle ressortit sans encombres de l’autre coté et alla se fracasser contre le mur en face. Mais le grand prêtre d’Ydja avait déjà quitté les lieux, en proie à une fureur quasi-incontrôlable. Tous ceux qu’il avait tués dans la Sphère pouvaient être visibles de l’extérieur, mais pas celui-ci, et Jolios commençait à croire au véritable statut d’élu d’Ydja.
Et il commençait à prendre peur.
À prendre peur de ce Dieu, à pendre peur d’Ydja. Et surtout, à prendre peur de la réaction de son associé lorsqu’il découvrira que le prétendant au titre de Dieu était toujours dans la Sphère. En vie.
Et qu’il risquait de réussir l’épreuve.
Un soleil inexistant éclairait la magnifique cité Atlante, conférant à la journée qui venait de débuter une saveur assez agréable. Il faisait doux, et les tenues des habitants étaient décontractés et plutôt courtes, à ce qu’avait pu en juger Viper Dragoon. Les trois Trauméniens avaient été surpris de la brusque différence de température entre un mois d’octobre frisquet sur Terre et le climat estival qui régnait ici.
« Il fait tout le temps chaud, comme ça ? demanda Viper Dragoon en reluquant une demoiselle aux jambes fines.
-Non, nous avons des saisons, comme partout, répondit Guillaume en souriant. Nous sommes en plein été indien, mais la saison en cours est l’automne.
-Comme nous, alors ! dit joyeusement Viper Dragoon. Mais je préfère largement votre automne au notre, de ce que je peux en voir… » Il ponctua sa phrase d’un rire graveleux, et Guillaume l’accompagna. Il s’était lié d’amitié avec Viper Dragoon, dont il adorait les facéties, la joie de vivre et le franc-parler.
« À peine quatre jours que nous sommes là, et plus personne ne nous remarque. » dit DarKenshin, sans regret. En effet, ils marchaient dans la rue au milieu des passants, et rien de semblait les distinguer des autres, mis à part leurs vêtements. Ils s’étaient affublés d’habits locaux pour éviter de porter en permanence un panneau ‘Divinité en balade’ sur le dos, et cette astuce semblait fonctionner.
« En même temps, ajouta Guillaume avec un sourire en coin, je ne vous conseille pas d’aller faire un tour dans l’avenue principale, même fringués comme vous l’êtes. Eux ne vous ont pas oubliés, croyez-moi… »
Il s’approcha de la jeune femme et lui indiqua discrètement un homme assis sur un banc, un autre accoudé à un bar et une fille qui se remaquillait dos à eux. DarKenshin croisa son regard dans le petit miroir de la fille, et celle-ci cessa précipitamment toute activité avant de pénétrer dans l’immeuble le plus proche.
« Nous sommes suivis ? s’étonna la Trauménienne.
-Surveillés, pour être plus exact. Le jeune homme au banc était celui que Dalisc a bousculé sans le vouloir dans l’entrée de mon immeuble. Tu l’avais reconnu, Dalisc ?
-Non.
-Quant à l’autre, il était dans le parc que nous avons traversé il y a dix minutes.
-Je n’avais rien vu, avoua DarKenshin.
-Les riches. Ce sont eux qui les payent pour vous observer, et leur rendre un rapport sur le moindre de vos faits et gestes. Où que vous alliez, ils le savent. Qui que vous rencontriez, ils le savent. À leurs yeux, vous devez être plus important encore que tous leurs biens. »
Un silence s’installa, pendant que les trois Trauméniens, abasourdis, digéraient les informations révélées par leur nouvel ami. DarKenshin pesta contre son manque de vigilance : Elle n’avait pas remarqué un seul instant la présence de ces pisteurs durant leurs investigations.
Ils venaient de passer quatre jours, depuis le départ de Pythagore pour la Sphère, à poser des questions à tout va, sans se soucier des éventuelles retombées de leurs questions. Leur couverture, qu’ils pensaient correcte faute d’être infaillible, se voyaient lézardée sérieusement par les dernières paroles de Guillaume.
« Mais pourquoi ? demanda Viper Dragoon.
-Parce que ça les amuse, certainement ! Comment vous expliquer… La vie ici est assez morose, quoi que vous puissiez en penser. Les journées se succèdent et se ressemblent lamentablement. Les pauvres, la classe moyenne, comme moi, n’ont pas le choix et subissent le train-train quotidien et morne sans possibilité de répliquer. Mais les autres… »
Il laissa la phrase en suspend. DarKenshin vit du coin de l’œil la fille de tout à l’heure qui ressortit de l’immeuble, mais accoutrée différemment et avec un petit chien : elle venait de reprendre son poste.
« …ils y remédient comme ils peuvent, c’est ça ? termina DarKenshin.
-Exactement. Ils s’amusent de tout ce qui sort de l’ordinaire, et si c’est au dépend d’autrui, alors il n’en seront que plus heureux.
-C’est répugnant, dit simplement Viper Dragoon en regardant ses pieds.
-Vous êtes la meilleure attraction de ces derniers jours, pour ces fumiers. Et ils ne comptent pas vous lâcher de sitôt. »
Ils bifurquèrent au coin d’une échoppe et se retrouvèrent face à une jeune fille d’à peine vingt ans, tout sourire, qui devait précisément les attendre. Guillaume reconnu immédiatement la fille au décolleté généreux qui s’était penché au balcon, le jour de l’arrivé de ses nouveaux amis. La fille de riche.
« Mon père a finalement décidé de m’envoyer à votre rencontre, malgré son inquiétude de me savoir seule au milieu d’une foule d’inconnus. Mais j’ai su trouver les mots justes pour le faire plier, comme à mon habitude. »
La jeune fille avait une voix fluette et claire, haut perchée même, mais le timbre était doux et nullement incisif. Son ton était certes hautain, et on devinait son statut en examinant plus attentivement son allure et ses manières. Malgré tout cela, Guillaume trouva qu’elle ne dépareillait pas exagérément parmi la populace du lieu.
« C’est pourquoi, poursuivit-elle, je me retrouve devant vous, ô élus d’Ydja, avec une requête de mon père vous invitant à participer à notre déjeuner dans nos humbles appartements, quelques rues plus loin. »
Les paroles donnaient l’impression de question, mais le ton employé trahissait l’ordre. Cette jeune fille a l’habitude de se faire obéir, songea brièvement DarKenshin, avant de réfléchir à la situation. Elle aurait volontiers accepté l’invitation du noble s’il n’y avait eu Guillaume. Elle savait que ce dernier ne portait pas particulièrement les aristocrates locaux dans son cœur, et craignait de devoir rompre toute relation avec lui une fois le repas accepté.
Mais Guillaume lui-même lui donna la solution :
« Je pense qu’un refus ne sera pas toléré, dit-il avec une hargne qui semblait simulée. Mes amis, si jamais vous désirez me revoir, vous savez où je loge, n’est-ce pas ? Vous serez toujours les bienvenus, à condition d’aimer les conditions modestes. »
Sur ces paroles, il fit demi-tour. Viper Dragoon alla lui parler quelques instants, puis revint en haussant les épaules. Il expliqua aux autres que Guillaume n’était pas fâché, mais qu’il avait seulement quelque chose d’urgent à faire. Et qu’il leur souhaitait une bonne journée à tous.
Mais DarKenshin avait sentit autre chose. Il avait vu que Guillaume n’avait pas osé regarder en face la demoiselle, ni même la défier comme il l’avait fait tant de fois durant ces quatre jours avec des imprudents qui avaient eu l’audace de montrer leur mépris des pauvres devant lui. Il s’était éclipsé. Il avait fuit, et cela n’était pas dans les habitudes de Guillaume.
La jeune fille sembla un instant déçu de ce départ précipité. Mais elle ne pouvait pas le laisser paraître et c’est donc avec un sourire radieux qu’elle dit finalement :
« Je m’appelle Judith. Judith Barberousse. Suivez-moi. »
*
* *
* *
La Sphère était surveillée nuit et jour. D’ordinaire, deux simples servantes se chargeaient de monter la garde durant des heures près de la Sphère. De longues heures qui passaient lentement, et où les occupations se bornaient à compter le nombre de fissures sur une dalle, le nombre de dalles au sol, ou le nombre de minutes qui leurs restaient avant de passer le relais à d’autres servantes.
Mais lorsqu’elle était occupée, la Sphère était plus étroitement surveillée : deux gardes armés étaient ajoutés aux servantes, et celles-ci étaient relayées plus souvent, pour éviter les fatigues inutiles. Il s’agissait d’accueillir dignement un éventuel demi-Dieu, ou de pouvoir porter un cadavre gorgé d’eau, le cas échéant.
Parfois, cette promiscuité entre gardes testostéronés et servantes pulpeuses donnait lieu à des accidents. On se souvenait encore d’une orgie organisée entre les quatre gardiens de la Sphère, qui s’était mal terminée : l’occupant de la Sphère, mort, était retombé sur une des servantes et lui avait brisé la nuque, et en tentant de la secourir, un des gardes était par malheur entré dans la Sphère à son tour. Depuis, les tours de gardes étaient plus courts et des inspections surprises avaient lieu, de temps à autre.
Le grand prêtre Kevin Jolios se servit de ce prétexte pour entrer dans la salle, une nouvelle fois. Les deux jours s’étaient écoulés sans autres changements, sans expectorations de corps sans vie, et Jolios commençait à croire que l’adolescent allait réussir l’épreuve.
Et cette idée l’inquiétait.
« Tout se passe bien, ici ? » demanda-t-il en entrant dans la salle. Les quatre gardiens hochèrent la tête. Ils étaient sages, et avaient gardés leur position. Jolios n’espérait pas qu’ils soient restés silencieux tout le temps, car chacun sait que les pas d’un nouvel arrivant s’entendait de loin, depuis cette salle.
« Je vous ai apporté de quoi vous requinquer, dit Kevin Jolios en sortant quatre gobelets et une fiole d’un liquide ambré.
-Mais, commença un des gardes, grand prêtre d’Ydja, nous ne pouvons…
-Vous pouvez, vous pouvez, dit Jolios en esquissant un sourire. Ce n’est pas comme si je ne vous avais pas trouvé en état de garder la Sphère. »
Les deux servantes acceptèrent la collation sans rechigner, et avalèrent l’alcool avec plaisir, avant de regagner leur place. Le premier garde se fit servir, mais le second restait méfiant. Il flairait le piège du grand prêtre qui désirait s’assurer de l’assiduité de son personnel, et hésitait à la marche à suivre.
« Allez-y, je vous dit ! insista le grand prêtre.
-Mais je…
-Au nom d’Ydja, c’est un ordre ! »
Le garde prit le verre, plus par réflexe de défense que par envie, et l’avala d’un trait. Nul n’ignorait que le grand prêtre désirait l’obéissance aveugle de ses adeptes, et surtout pas ceux qui le côtoyaient le plus souvent. Kevin Jolios, ravi, reprit les verres et rangea le tout dans les plis de sa toge.
Ce furent ces derniers mouvements que virent les deux gardes et les deux servantes, avant de tomber dans le brouillard opaque de l’inconscience. Ils s’écroulèrent lentement, comme au ralenti, s’affaissant contre le sol telles de vieilles baudruches percées. Et le silence s’installa dans la salle.
Une fois assuré de l’inactivité de ses victimes, Jolios alla à la sphère et scruta une nouvelle fois l’intérieur. Mais il n’y voyait rien. Il ragea une nouvelle fois contre ces quatre arrivants imprévus qui avait réduit à néant plusieurs années de labeur. Si seulement ils étaient apparu une journée plus tôt, ou plus tard ! Ou même une heure ! J’aurais eu le temps d’annoncer mon faux Dieu et de le mettre au pouvoir, et tout ceci aurait été beaucoup, beaucoup plus simple.
Il serra les dents et alla vers le garde le plus poche pour lui emprunter sa lance. Lors des autres tentatives pour devenir représentant d’Ydja, les participants étaient tous décédés après une ou deux journées d’épreuve. Les plus résistants, ou les véritables prophètes, étaient restés jusqu’au quatrième jour. Jusqu’à ce que Jolios s’occupent d’eux, de la même façon qu’il comptait s’occuper de Pythagore maintenant.
Il enfonça la lance dans la sphère, et n’obtint aucune résistance. Il la retira, attendit quelques secondes, puis recommença à divers endroits. Le liquide translucide se brouilla de part en part, sous les impacts de l’arme, mais à aucun moment elle ne recracha le corps de celui qui l’habitait.
De rage, Jolios jeta la lance à travers la Sphère. Elle ressortit sans encombres de l’autre coté et alla se fracasser contre le mur en face. Mais le grand prêtre d’Ydja avait déjà quitté les lieux, en proie à une fureur quasi-incontrôlable. Tous ceux qu’il avait tués dans la Sphère pouvaient être visibles de l’extérieur, mais pas celui-ci, et Jolios commençait à croire au véritable statut d’élu d’Ydja.
Et il commençait à prendre peur.
À prendre peur de ce Dieu, à pendre peur d’Ydja. Et surtout, à prendre peur de la réaction de son associé lorsqu’il découvrira que le prétendant au titre de Dieu était toujours dans la Sphère. En vie.
Et qu’il risquait de réussir l’épreuve.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
Un corbeau croassa depuis le lustre, faisant sursauter Viper Dragoon qui couina de surprise. DarKenshin l’obligea à cesser de l’étreindre au bras, tout en regardant en l’air. Trois corbeaux étaient perchés sur le lustre d’entrée, dans le hall, et on pouvait en discerner d’autres dans les pièces adjacentes.
Les croassements conféraient au lieu une atmosphère étrange.
« C’est normal, tout ces corbeaux ? demanda DarKenshin au serviteur qui leur avait ouvert et qui les déshabillait en silence.
-Le maître adore les oiseaux. » répondit poliment le majordome.
DarKenshin frissonna. Elle avait cru entendre Le maître des oiseaux, mais son imagination lui avait joué un tour. À moins que ça ne soit le lieu qui la perturbe au plus haut point. Elle songea brièvement à Pythagore, espérant pour qu’il s’en sorte.
« Si vous voulez bien me suivre. » dit le majordome de sa voix monocorde. Il semblait se répandre un peu plus à chaque parole prononcée.
Il les conduisit à une salle immense, richement décorée. Des tableaux gigantesques accrochés aux murs, de grandes sculptures antiques, et de nombreux banc recouverts de velours carmin réservés au visiteurs.
Une salle d’attente, devina DarKenshin.
« Mon maître va arriver d’un instant à l’autre. Si vous voulez bien m’excuser. »
Le majordome disparut sans attendre d’éventuelles questions, et les trois Trauméniens se retrouvèrent seuls. La fille de leur nouvel hôte les avait abandonnés dès le hall d’entrée ou le majordome avait prit le relais, sans plus d’explications.
« Vous pensez que c’est une bonne idée ? finit par dire Viper Dragoon en examinant une huile représentant deux hommes se faisant torturer par un diable quelconque.
-D’être ici ? précisa DarKenshin. Nous n’avons pas déniché une seule information intéressante depuis quatre jours que nous sommes là, alors peut-être qu’avec ce changement de classe, nous obtiendrons… »
Elle s’interrompit. Viper Dragoon ne l’écoutait que d’une oreille distraite. Il regardait toujours la peinture, mais semblait plutôt perdu dans ses pensées. Il dit à voix basse, presque un murmure embué de culpabilité
« J’espère que Guillaume ne nous en veux pas. »
DarKenshin allait répliquer quelque chose lorsque la porte par laquelle ils étaient entrés s’ouvrit avec force sur un homme d’une haute stature, avec un port altier incontestable malgré ses vêtements sans fioritures. Une magnifique barbe rousse lui ceignait le menton et rendait son visage avenant, malgré son regard assez froid.
« Bienvenus à vous, ô élus de notre Dieu à tous, Ydja. Déon ä Adja !
-Déon ä Adja. » répétèrent les trois Trauméniens. Ils avaient acquis ce réflexe en accompagnant Guillaume durant ces quelques jours. La formule était un équivalent de Loué soit Ydja dans une langue morte, comme le latin sur Terre. La réponse espérée était la répétition de cette louange.
L’homme paru surpris de leur réaction, comme s’il s’était préparer à les corriger sur la réponse à donner. Puis il sourit et hocha la tête, visiblement satisfait.
« Je suis Frédéric 1er dit Barberousse, se présenta-t-il. Laissez-moi vous conduire à ma table pour déjeuner. Ma fille, Judith, nous y rejoindra. Je suis honoré et heureux que vous ayez accepté de vous joindre à nous. »
DarKenshin opina et suivit Frédéric 1er dit Barberousse dans le hall d’entrée. Derrière elle, Dalisc se leva aussi silencieusement qu’à l’accoutumée et se joignit à Viper Dragoon à la suite. Ils prirent une autre porte de sortie et pénétrèrent une nouvelle salle, qui était trop large pour être un couloir mais qui en avait la longueur.
Ils marchaient à pas lents.
« J’espère que vous n’êtes pas trop dépaysés par votre brusque arrivée dans notre belle cité d’Atlantide ?
-Aucunement, répondit DarKenshin. Nous nous sommes magnifiquement adaptés à vos mœurs, comme vous avez pu le constater tout à l’heure. »
Barberousse tiqua mais ne s’attarda pas sur ce point. Il conduisait la marche d’un pas assuré, et comptait bien garder la tête de la conversation également.
« J’ai appris que vous recherchiez quelqu’un, est-ce vrai ?
-Vos informateurs vous ont bien renseigné, acquiesça DarKenshin sans se départir de son sourire.
-Vous savez quelque chose sur Séphy-Roshou ? demanda précipitamment Viper Dragoon en rattrapant le groupe de tête.
-Séphy-Roshou ? répéta lentement Barberousse. Non, ça ne me dit rien. Mais je peux certainement m’informer à ce sujet. »
Un corbeau passa au-dessus de leurs têtes.
« Pourquoi avez-vous autant de corbeaux ?
-Ce sont les seuls animaux que j’ai trouvé ici en arrivant, leur dit Barberousse. Je ne sais pas pourquoi. Les autres animaux sont, comme nous tous, morts noyés. Et ils sont rares.
-Vous savez que vous êtes tous morts, alors ? » en conclut DarKenshin. Barberousse parut amusé de la remarque.
« Évidemment, pensiez-vous que nous nous croyions dans un cycle de réincarnation, ou quelque chose comme ça ? Il s’agit bel et bien d’un Paradis, ici. Ou d’un Enfer.
-Un au-delà, dit Viper Dragoon.
-C’est le mot, oui, approuva Barberousse. Mais c’est un au-delà spécial, je dois l’avouer : Nos corps sont matériels. Nous ne sommes pas des esprits, comme j’avais pu le croire lors de ma première… …vie.
-Votre première ? répéta DarKenshin.
-Oui. Ici aussi, nous vieillissons. Et nous mourrons. »
La confidence laissa les Trauméniens pantois. Il s’imaginaient mal un monde où les morts mourraient à nouveaux, et encore moins l’endroit où ceux-ci allaient par la suite.
« Mais où atterrissez-vous une fois morts ?
-Ici, répondit simplement Barberousse.
-Et lorsque vous mourrez ici ?
-Ici. »
DarKenshin se sentit un peu perdue. Barberousse eu un petit rire amusé et leur expliqua le principe :
« Une fois notre vie vécue dans la cité d’Atlantide, nous renaissons ailleurs, dans la cité. La plupart du temps au même âge où nous sommes morts. Et ceci le plus ordinairement du monde. Une sorte de réincarnation infinie. L’éternité.
-Mais vous vous souvenez de votre vie précédente ? voulu savoir Viper Dragoon.
-Non. Mais il suffit de consigner sa, ou ses, vies dans un livre, et il se peut que certains souvenirs reviennent… » Il sourit d’avance : « …à la vie !
-C’est dingue, ça ! s’exclama Viper Dragoon.
-Mais alors il n’y a aucune véritable naissance ici. » en conclu DarKenshin. À cette remarque, Barberousse se raidit subitement, et son sourire disparu. Sa marche se fit également plus rigide, et DarKenshin se demanda s’il elle n’avait pas fait une bourde en posant cette question. Elle tenta de se rattraper.
« Dans vos autres vies, vous vivez exactement la même chose ?
-Non, pas du tout, répondit Barberousse. Il se peut que vous ayez été voleur une vie, volé une autre, ou pauvre une fois et riche une suivante. Tout est aléatoire, apparemment. »
Il répondait, mais DarKenshin avait décelé un soupçon de rancœur dans sa voix. Ils avaient perdu des points avec lui à cause de sa remarque, et elle regretta de ne pas avoir tourné sept fois la langue dans sa bouche avant de parler. Mais le mal était fait, et DarKenshin devait songer à avancer dans sa quête.
Avant que ça n’empire…
« Qu’allez-vous faire à propos de notre amie ?
-Votre ami ? Vous parlez de ce garçon chez qui vous logiez ? Il y a quelque chose à lui donner en compensation, peut-être ? »
Viper Dragoon se souvint de l’irritation de Guillaume à toute manifestations, bénéfiques ou non, de la part des gens aisé, et intervint rapidement :
« Non non, ce n’est pas de lui dont nous parlions, mais de notre amie avec un ‘e’. Elle s’appelle Séphy-Roshou, comme nous vous l’avons dit tout à l’heure.
-Ah oui, cette Séphy-Roshou, je me rappelle. Je demanderai à mes informateurs de chercher à son sujet. Nous aurons des résultats peut-être après le déjeuner. Nous y sommes. »
Ils s’arrêtèrent devant une porte et Barberousse se tourna vers eux, avec un immense sourire aux lèvres. Il semblait avoir passé l’éponge sur la remarque de DarKenshin et reprit son visage aimable.
« Si vous êtes d’accord, nous poursuivrons cette discussion à table. »
Puis il poussa la porte sur une salle à manger luxueuse, dans laquelle les Trauméniens passèrent nombre d’heures à discuter avec lui et sa fille.
Sylvain Detroit, avant de faire ses armes dans la police auprès du commissaire Thourn, avait été journaliste dans le genre de revue à sensations que les gens adorent. Il avait attendu des années le jour béni où il pourrait se montrer au grand jour. Comme tant d’autres reporters sur le terrain, il attendait son moment de gloire.
Son Scoop.
Et sa chance était arrivée un jour, à la faveur d’un monstrueux crash aérien. Il avait eu la chance de retrouver l’unique survivant sur une île bien éloignée du lieu où ils effectuaient les recherches. Et il avait alors atteint les plus hautes marches du métier, gratifié de nombreuses récompenses, et il a rapidement mit à contribution sa toute nouvelle célébrité.
Un an après cette ascension, il passait les portes du commissariat où Thourn, réhabilité bon gré mal gré, officiait en maître. Il l’avait assisté sans arrêt depuis cette époque pas si lointaine, tout en sachant pertinemment qu’on l’avait associé à Thourn dans le seul et unique but de se débarrasser de lui.
Pour satisfaire à son caprice de célébrité, au moment où Sylvain pouvait se permettre de demander la lune sur un plateau et espérer vraiment la recevoir. Voilà pourquoi il s’était retrouvé avec son statut d’auxiliaire du commissaire, sans jamais avoir fait le métier auparavant, et qu’on l’avait mis dans le pattes de la bête noire de la police.
Serge Thourn.
Ses enquêtes étaient étranges, ses réactions étaient étranges, ses gueulantes, même, étaient étranges. Tout était étrange, chez cet homme. Mais malgré ça, Detroit avait accepté son autorité et avait docilement exécuté tout les ordres que Thourn lui avait balancé, plus ou moins méchamment, à la figure.
Et encore aujourd’hui, assis au volant d’une voiture de location qui avait fait plus de kilomètres que Sylvain n’en avait fait en une vie, il obéissait aux ordres de son supérieur qui avait une nouvelle fois déniché une affaire étrange pour s’occuper.
« J’espère seulement que ça ne va pas lui coûter sa place. » dit-il à son volant, sans cesser d’observer le portail où était entré la jeune fille brune à la tresse il y a plus d’une heure. Il avait eu de la chance, et ça pouvait se reproduire.
Sylvain n’avait pas eu de mal à les retrouver une fois le train e gare, et il les avait, aussi discrètement qu’il le pouvait, suivi jusqu’au métro. C’est alors qu’il s’était vu obligé de changer de tactique : Il était découvert. Ses deux cibles s’étaient séparés, et elles s’étaient mises à courir chacun de leur coté.
Après une ou deux secondes d’inertie totale, Sylvain s’était lancé à la poursuite de la jeune femme, espérant qu’elle moins apte à le semer. Mais il n’avait pas prévu l’agilité presque féline dont elle faisait usage lors de ses déplacements, se glissant entre les groupes de passants, courant, et lui échappant au fur et à mesure que le temps passait.
À la station Oberkampf, il l’avait perdue de vue. Il se doutait qu’elle avait rallongé sciemment son itinéraire afin de le confondre, et cela avait marché. En désespoir de cause, il avait fait les grands lieux de la capitale parisienne en version souterraine : Austerlitz, Gare de Lyon, Gare du Nord, Gare de l’Est, Invalides, Montparnasse, et bien d’autres.
C’est en ressortant à la place de l’étoile que la Chance, avec un immense C majuscule et lumineux – voire stroboscopique, lui avait sourit : Il s’était déniché une vieille voiture de location à bas prix avec son argent personnel, et comptait faire le tour de Paris une ultime fois, avant de laisser tomber, en désespoir de cause. Et soudain il avait aperçu la jeune fille qui marchait à vive allure, manifestement arrivée au bout de son parcours.
La suite était d’une simplicité extrême : il l’avait de nouveau suivi, avec un luxe de précautions pour éviter de l’alerter. Ils avaient traversé la place des Ternes, rejoint l’avenue de Wagram pour finalement se diriger – grâce à un post-it que suivait Nina à la lettre – dans une des rues adjacente. Il regarda où elle sonnait, puis se gara non loin, afin de pouvoir garder en vue le portail où un jeune maigrichon à lunettes et aux cheveux longs était venu l’accueillir.
« Bon, qu’est-ce qu’il fait, son copain ? » s’impatienta Detroit en tapant contre le volant, qui émit un grincement de protestation. Il retint un second coup, pas sûr qu’un morceau de la voiture ne chute à cause de la secousse. Il voulait être bel et bien sûr que cet endroit n’était pas une simple halte mais leur lieu de rendez-vous, avant d’appeler Thourn.
Détroit se retourna et se baissa brusquement, dans un concert de craquement. Aran Valentine marchait sur le trottoir d’en face, scrutant autour de lui un éventuel pisteur. Détroit compta jusqu’à vingt, puis risqua un œil. Le jeune homme était face à la porte, et passait un coup de fil. Sylvain sourit lorsque la même personne lui ouvrit le portail et le fit entrer.
« À mon tour de téléphoner. »
« Et j’en terminais avec cet immonde mécréant, mettant un terme à ses agissements d’un coté et accomplissant ma vengeance de l’autre. »
« Judith, je te rejoindrai bientôt. »
Guillaume termina la lecture de l’ultime chapitre de son autre vie, et referma le livre. Ça n’avait pas marché. Il s’était mis à relire ses passés pour tenter d'endiguer le roulement continu de ses pensées, mais le fait est qu’il songeait toujours à elle, à cette fille si belle, si gracieuse, si désirable, qui était venu lui enlever ses nouveaux amis.
Il était rentré chez lui en colère, il avait passé un bon moment à tourner en rond tout en marmonnant dans sa barbe inexistante des insultes à l’encontre de ces ‘saleté de vermines de riches’ ou des ‘tares congénitales d’aristos’. Puis, une fois la rage déversée verbalement, son image lui était venue en tête, sans qu’il sache pourquoi.
Et depuis, il ne cessait de la revoir s’avancer, de la revoir leur parler, de la revoir agiter sa main de cette façon si particulière. Il n’avait pas osé lui parler, parce qu’il se doutait que son ton et sa rage contenue aurait eu le dessus sur l’émerveillement qu’elle lui procurait. Alors il avait préféré fuir, mais il ne pouvait pas fuir ses souvenirs.
« C’est pas vrai ! s’énerva-t-il. Ça ne peut pas être elle, je ne peux pas être tombé amoureux d’une personne de la haute ! Hors de question ! »
Il ouvrit à nouveau le livre de ses histoires vécues, et y trouva la description de la jeune fille qui avait été tué sous le joug d’un tyran, un noble aux manières violentes. Les deux apparences correspondaient sensiblement, et il se mit à croire.
À espérer.
Se pourrait-il que…
Les croassements conféraient au lieu une atmosphère étrange.
« C’est normal, tout ces corbeaux ? demanda DarKenshin au serviteur qui leur avait ouvert et qui les déshabillait en silence.
-Le maître adore les oiseaux. » répondit poliment le majordome.
DarKenshin frissonna. Elle avait cru entendre Le maître des oiseaux, mais son imagination lui avait joué un tour. À moins que ça ne soit le lieu qui la perturbe au plus haut point. Elle songea brièvement à Pythagore, espérant pour qu’il s’en sorte.
« Si vous voulez bien me suivre. » dit le majordome de sa voix monocorde. Il semblait se répandre un peu plus à chaque parole prononcée.
Il les conduisit à une salle immense, richement décorée. Des tableaux gigantesques accrochés aux murs, de grandes sculptures antiques, et de nombreux banc recouverts de velours carmin réservés au visiteurs.
Une salle d’attente, devina DarKenshin.
« Mon maître va arriver d’un instant à l’autre. Si vous voulez bien m’excuser. »
Le majordome disparut sans attendre d’éventuelles questions, et les trois Trauméniens se retrouvèrent seuls. La fille de leur nouvel hôte les avait abandonnés dès le hall d’entrée ou le majordome avait prit le relais, sans plus d’explications.
« Vous pensez que c’est une bonne idée ? finit par dire Viper Dragoon en examinant une huile représentant deux hommes se faisant torturer par un diable quelconque.
-D’être ici ? précisa DarKenshin. Nous n’avons pas déniché une seule information intéressante depuis quatre jours que nous sommes là, alors peut-être qu’avec ce changement de classe, nous obtiendrons… »
Elle s’interrompit. Viper Dragoon ne l’écoutait que d’une oreille distraite. Il regardait toujours la peinture, mais semblait plutôt perdu dans ses pensées. Il dit à voix basse, presque un murmure embué de culpabilité
« J’espère que Guillaume ne nous en veux pas. »
DarKenshin allait répliquer quelque chose lorsque la porte par laquelle ils étaient entrés s’ouvrit avec force sur un homme d’une haute stature, avec un port altier incontestable malgré ses vêtements sans fioritures. Une magnifique barbe rousse lui ceignait le menton et rendait son visage avenant, malgré son regard assez froid.
« Bienvenus à vous, ô élus de notre Dieu à tous, Ydja. Déon ä Adja !
-Déon ä Adja. » répétèrent les trois Trauméniens. Ils avaient acquis ce réflexe en accompagnant Guillaume durant ces quelques jours. La formule était un équivalent de Loué soit Ydja dans une langue morte, comme le latin sur Terre. La réponse espérée était la répétition de cette louange.
L’homme paru surpris de leur réaction, comme s’il s’était préparer à les corriger sur la réponse à donner. Puis il sourit et hocha la tête, visiblement satisfait.
« Je suis Frédéric 1er dit Barberousse, se présenta-t-il. Laissez-moi vous conduire à ma table pour déjeuner. Ma fille, Judith, nous y rejoindra. Je suis honoré et heureux que vous ayez accepté de vous joindre à nous. »
DarKenshin opina et suivit Frédéric 1er dit Barberousse dans le hall d’entrée. Derrière elle, Dalisc se leva aussi silencieusement qu’à l’accoutumée et se joignit à Viper Dragoon à la suite. Ils prirent une autre porte de sortie et pénétrèrent une nouvelle salle, qui était trop large pour être un couloir mais qui en avait la longueur.
Ils marchaient à pas lents.
« J’espère que vous n’êtes pas trop dépaysés par votre brusque arrivée dans notre belle cité d’Atlantide ?
-Aucunement, répondit DarKenshin. Nous nous sommes magnifiquement adaptés à vos mœurs, comme vous avez pu le constater tout à l’heure. »
Barberousse tiqua mais ne s’attarda pas sur ce point. Il conduisait la marche d’un pas assuré, et comptait bien garder la tête de la conversation également.
« J’ai appris que vous recherchiez quelqu’un, est-ce vrai ?
-Vos informateurs vous ont bien renseigné, acquiesça DarKenshin sans se départir de son sourire.
-Vous savez quelque chose sur Séphy-Roshou ? demanda précipitamment Viper Dragoon en rattrapant le groupe de tête.
-Séphy-Roshou ? répéta lentement Barberousse. Non, ça ne me dit rien. Mais je peux certainement m’informer à ce sujet. »
Un corbeau passa au-dessus de leurs têtes.
« Pourquoi avez-vous autant de corbeaux ?
-Ce sont les seuls animaux que j’ai trouvé ici en arrivant, leur dit Barberousse. Je ne sais pas pourquoi. Les autres animaux sont, comme nous tous, morts noyés. Et ils sont rares.
-Vous savez que vous êtes tous morts, alors ? » en conclut DarKenshin. Barberousse parut amusé de la remarque.
« Évidemment, pensiez-vous que nous nous croyions dans un cycle de réincarnation, ou quelque chose comme ça ? Il s’agit bel et bien d’un Paradis, ici. Ou d’un Enfer.
-Un au-delà, dit Viper Dragoon.
-C’est le mot, oui, approuva Barberousse. Mais c’est un au-delà spécial, je dois l’avouer : Nos corps sont matériels. Nous ne sommes pas des esprits, comme j’avais pu le croire lors de ma première… …vie.
-Votre première ? répéta DarKenshin.
-Oui. Ici aussi, nous vieillissons. Et nous mourrons. »
La confidence laissa les Trauméniens pantois. Il s’imaginaient mal un monde où les morts mourraient à nouveaux, et encore moins l’endroit où ceux-ci allaient par la suite.
« Mais où atterrissez-vous une fois morts ?
-Ici, répondit simplement Barberousse.
-Et lorsque vous mourrez ici ?
-Ici. »
DarKenshin se sentit un peu perdue. Barberousse eu un petit rire amusé et leur expliqua le principe :
« Une fois notre vie vécue dans la cité d’Atlantide, nous renaissons ailleurs, dans la cité. La plupart du temps au même âge où nous sommes morts. Et ceci le plus ordinairement du monde. Une sorte de réincarnation infinie. L’éternité.
-Mais vous vous souvenez de votre vie précédente ? voulu savoir Viper Dragoon.
-Non. Mais il suffit de consigner sa, ou ses, vies dans un livre, et il se peut que certains souvenirs reviennent… » Il sourit d’avance : « …à la vie !
-C’est dingue, ça ! s’exclama Viper Dragoon.
-Mais alors il n’y a aucune véritable naissance ici. » en conclu DarKenshin. À cette remarque, Barberousse se raidit subitement, et son sourire disparu. Sa marche se fit également plus rigide, et DarKenshin se demanda s’il elle n’avait pas fait une bourde en posant cette question. Elle tenta de se rattraper.
« Dans vos autres vies, vous vivez exactement la même chose ?
-Non, pas du tout, répondit Barberousse. Il se peut que vous ayez été voleur une vie, volé une autre, ou pauvre une fois et riche une suivante. Tout est aléatoire, apparemment. »
Il répondait, mais DarKenshin avait décelé un soupçon de rancœur dans sa voix. Ils avaient perdu des points avec lui à cause de sa remarque, et elle regretta de ne pas avoir tourné sept fois la langue dans sa bouche avant de parler. Mais le mal était fait, et DarKenshin devait songer à avancer dans sa quête.
Avant que ça n’empire…
« Qu’allez-vous faire à propos de notre amie ?
-Votre ami ? Vous parlez de ce garçon chez qui vous logiez ? Il y a quelque chose à lui donner en compensation, peut-être ? »
Viper Dragoon se souvint de l’irritation de Guillaume à toute manifestations, bénéfiques ou non, de la part des gens aisé, et intervint rapidement :
« Non non, ce n’est pas de lui dont nous parlions, mais de notre amie avec un ‘e’. Elle s’appelle Séphy-Roshou, comme nous vous l’avons dit tout à l’heure.
-Ah oui, cette Séphy-Roshou, je me rappelle. Je demanderai à mes informateurs de chercher à son sujet. Nous aurons des résultats peut-être après le déjeuner. Nous y sommes. »
Ils s’arrêtèrent devant une porte et Barberousse se tourna vers eux, avec un immense sourire aux lèvres. Il semblait avoir passé l’éponge sur la remarque de DarKenshin et reprit son visage aimable.
« Si vous êtes d’accord, nous poursuivrons cette discussion à table. »
Puis il poussa la porte sur une salle à manger luxueuse, dans laquelle les Trauméniens passèrent nombre d’heures à discuter avec lui et sa fille.
*
* *
* *
Sylvain Detroit, avant de faire ses armes dans la police auprès du commissaire Thourn, avait été journaliste dans le genre de revue à sensations que les gens adorent. Il avait attendu des années le jour béni où il pourrait se montrer au grand jour. Comme tant d’autres reporters sur le terrain, il attendait son moment de gloire.
Son Scoop.
Et sa chance était arrivée un jour, à la faveur d’un monstrueux crash aérien. Il avait eu la chance de retrouver l’unique survivant sur une île bien éloignée du lieu où ils effectuaient les recherches. Et il avait alors atteint les plus hautes marches du métier, gratifié de nombreuses récompenses, et il a rapidement mit à contribution sa toute nouvelle célébrité.
Un an après cette ascension, il passait les portes du commissariat où Thourn, réhabilité bon gré mal gré, officiait en maître. Il l’avait assisté sans arrêt depuis cette époque pas si lointaine, tout en sachant pertinemment qu’on l’avait associé à Thourn dans le seul et unique but de se débarrasser de lui.
Pour satisfaire à son caprice de célébrité, au moment où Sylvain pouvait se permettre de demander la lune sur un plateau et espérer vraiment la recevoir. Voilà pourquoi il s’était retrouvé avec son statut d’auxiliaire du commissaire, sans jamais avoir fait le métier auparavant, et qu’on l’avait mis dans le pattes de la bête noire de la police.
Serge Thourn.
Ses enquêtes étaient étranges, ses réactions étaient étranges, ses gueulantes, même, étaient étranges. Tout était étrange, chez cet homme. Mais malgré ça, Detroit avait accepté son autorité et avait docilement exécuté tout les ordres que Thourn lui avait balancé, plus ou moins méchamment, à la figure.
Et encore aujourd’hui, assis au volant d’une voiture de location qui avait fait plus de kilomètres que Sylvain n’en avait fait en une vie, il obéissait aux ordres de son supérieur qui avait une nouvelle fois déniché une affaire étrange pour s’occuper.
« J’espère seulement que ça ne va pas lui coûter sa place. » dit-il à son volant, sans cesser d’observer le portail où était entré la jeune fille brune à la tresse il y a plus d’une heure. Il avait eu de la chance, et ça pouvait se reproduire.
Sylvain n’avait pas eu de mal à les retrouver une fois le train e gare, et il les avait, aussi discrètement qu’il le pouvait, suivi jusqu’au métro. C’est alors qu’il s’était vu obligé de changer de tactique : Il était découvert. Ses deux cibles s’étaient séparés, et elles s’étaient mises à courir chacun de leur coté.
Après une ou deux secondes d’inertie totale, Sylvain s’était lancé à la poursuite de la jeune femme, espérant qu’elle moins apte à le semer. Mais il n’avait pas prévu l’agilité presque féline dont elle faisait usage lors de ses déplacements, se glissant entre les groupes de passants, courant, et lui échappant au fur et à mesure que le temps passait.
À la station Oberkampf, il l’avait perdue de vue. Il se doutait qu’elle avait rallongé sciemment son itinéraire afin de le confondre, et cela avait marché. En désespoir de cause, il avait fait les grands lieux de la capitale parisienne en version souterraine : Austerlitz, Gare de Lyon, Gare du Nord, Gare de l’Est, Invalides, Montparnasse, et bien d’autres.
C’est en ressortant à la place de l’étoile que la Chance, avec un immense C majuscule et lumineux – voire stroboscopique, lui avait sourit : Il s’était déniché une vieille voiture de location à bas prix avec son argent personnel, et comptait faire le tour de Paris une ultime fois, avant de laisser tomber, en désespoir de cause. Et soudain il avait aperçu la jeune fille qui marchait à vive allure, manifestement arrivée au bout de son parcours.
La suite était d’une simplicité extrême : il l’avait de nouveau suivi, avec un luxe de précautions pour éviter de l’alerter. Ils avaient traversé la place des Ternes, rejoint l’avenue de Wagram pour finalement se diriger – grâce à un post-it que suivait Nina à la lettre – dans une des rues adjacente. Il regarda où elle sonnait, puis se gara non loin, afin de pouvoir garder en vue le portail où un jeune maigrichon à lunettes et aux cheveux longs était venu l’accueillir.
« Bon, qu’est-ce qu’il fait, son copain ? » s’impatienta Detroit en tapant contre le volant, qui émit un grincement de protestation. Il retint un second coup, pas sûr qu’un morceau de la voiture ne chute à cause de la secousse. Il voulait être bel et bien sûr que cet endroit n’était pas une simple halte mais leur lieu de rendez-vous, avant d’appeler Thourn.
Détroit se retourna et se baissa brusquement, dans un concert de craquement. Aran Valentine marchait sur le trottoir d’en face, scrutant autour de lui un éventuel pisteur. Détroit compta jusqu’à vingt, puis risqua un œil. Le jeune homme était face à la porte, et passait un coup de fil. Sylvain sourit lorsque la même personne lui ouvrit le portail et le fit entrer.
« À mon tour de téléphoner. »
*
* *
* *
« Et j’en terminais avec cet immonde mécréant, mettant un terme à ses agissements d’un coté et accomplissant ma vengeance de l’autre. »
« Judith, je te rejoindrai bientôt. »
Guillaume termina la lecture de l’ultime chapitre de son autre vie, et referma le livre. Ça n’avait pas marché. Il s’était mis à relire ses passés pour tenter d'endiguer le roulement continu de ses pensées, mais le fait est qu’il songeait toujours à elle, à cette fille si belle, si gracieuse, si désirable, qui était venu lui enlever ses nouveaux amis.
Il était rentré chez lui en colère, il avait passé un bon moment à tourner en rond tout en marmonnant dans sa barbe inexistante des insultes à l’encontre de ces ‘saleté de vermines de riches’ ou des ‘tares congénitales d’aristos’. Puis, une fois la rage déversée verbalement, son image lui était venue en tête, sans qu’il sache pourquoi.
Et depuis, il ne cessait de la revoir s’avancer, de la revoir leur parler, de la revoir agiter sa main de cette façon si particulière. Il n’avait pas osé lui parler, parce qu’il se doutait que son ton et sa rage contenue aurait eu le dessus sur l’émerveillement qu’elle lui procurait. Alors il avait préféré fuir, mais il ne pouvait pas fuir ses souvenirs.
« C’est pas vrai ! s’énerva-t-il. Ça ne peut pas être elle, je ne peux pas être tombé amoureux d’une personne de la haute ! Hors de question ! »
Il ouvrit à nouveau le livre de ses histoires vécues, et y trouva la description de la jeune fille qui avait été tué sous le joug d’un tyran, un noble aux manières violentes. Les deux apparences correspondaient sensiblement, et il se mit à croire.
À espérer.
Se pourrait-il que…
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
6. Pythagore = Ydja ?
Un pied.
Un mollet, ensuite.
Le genou passa sans mal, également.
Puis, plus haut, ce fut une main, suivie très vite d’un bras.
Et enfin, il fut sortit.
Pas de fatigue en lui. Pas de faim non plus, malgré tout ce temps de jeun. Pas d’impatience, ni d’irritation. Rien de tout cela. Il sortait encore plus nu qu’il y était entré.
Il ressentait tout ce qui se trouvait autour de lui. Sa vision était devenue un sens autrement plus puissant que celui de ses congénères. Il voyait le passé, le présent et le futur de ce monde, de cet au-delà, et des gens qui le peuplaient. Il pensait ce qu’ils pensaient. Il dormait, mangeait, souffrait, parlait, vivait, mourait, tout cela en même temps.
Il était eux.
Il fit quelques pas et regarda derrière lui : la Sphère miroitait mais il lui semblait que son éclat s’était atténué. Ou peut-être était-ce son esprit qui s’était habitué. Il se regarda ensuite. Aucun changement notable, car ils étaient tous intérieurs. Son corps nu était sec et il ne laissait pas de traces de pieds humides derrière lui.
Sans même relever les yeux, il dit :
« Levez-vous et allez annoncer au grand prêtre mon avènement. »
Les deux servantes et les deux gardes se levèrent avec précipitation et sortirent dans un silence paniqué. Il se retrouva seul. Il ferma les yeux et se retrouva un infime instant à nouveau dans la Sphère, en compagnie de cette personne qui l’avait accompagné durant ces six jours de méditation.
Celui-ci hocha la tête.
Et Pythagore ouvrit les yeux.
Le drap se souleva et enveloppa Q-Po. Ce dernier grogna et le retira sans trop de mal, mais DragonNoir avait disparu. Q-Po fit une roulade en avant et se cogna contre le lit.
« Est-ce que ça va ? demanda DragonNoir en s’approchant.
-Merde, où étais-tu passé ? dit Q-Po en se frottant la tête. Je t’ai complètement perdu de vue durant un instant.
-Il a été plus rapide que tes yeux, répondit Arkh. Il était simplement derrière toi. Moi j’ai réussi à la voir. »
DragonNoir et Q-Po levèrent les yeux sur Arkh, qui se tenait dans un coin du plafond, maintenu simplement par la force de ses bras et de ses pieds. Il redescendit en se concentrant aussi doucement qu’il le put, mais manqua de résistance pour y arriver et s’écroula sur le lit.
« Heureusement que j’avais prévu ça.
-Nous sommes encore loin du compte, dit DragonNoir en s’asseyant. C’est à peine si nous arrivons à manifester nos pouvoirs qu’il faut en plus y ajouter un manque cruel d’endurance.
-Et d’habileté. » ajouta Arkh en lissant ses cheveux longs et blancs. Il arrivait à maintenir son apparence Trauménienne sans trop de mal, à présent. Des trois présents dans cette chambre, il était celui qui avait le plus progressé durant le court laps de temps d’entraînement qu’ils s’étaient attribués.
Il sembla se rendre compte de son aspect, justement, et il redevint humain en un fragment de seconde. DragonNoir le regarda en souriant, fier de lui. Arkh lui rendit son sourire, tandis que Q-Po jetait le drap tueur en boule dans un coin de la chambre.
« Est-ce qu’on considère que nos expériences sont assez concluantes pour qu’on se lance à plus grande échelle dans l’entraînement ? demanda-t-il.
-Pas encore, trancha DragonNoir. Je veux dire… Je pense qu’il faudrait qu’on arrive mieux à les maîtriser avant de déclencher une véritable division de combattants. De plus, il s’agirait d’être apte à pouvoir enseigner aux autres la marche à suivre.
-En gros c’est non, résuma Q-Po non sans ironie.
-Je ne comprends pas, dit Arkh. Personne ne nous apprend, à nous ? Pourquoi les autres auraient-ils droit à un système d’éducation abouti alors que nous n’avons rien ? »
DragonNoir baissa la tête. Un silence embarrassé s’installa.
« C’était de l’humour, avoua Arkh sans un sourire.
-En même temps, il n’a pas vraiment tort, ajouta Q-Po. Nous arrivons bien à nous dépatouiller sans précepteurs, alors pourquoi pas eux ?
-C’est ce que j’essayais vainement de souligner. »
DragonNoir resta les yeux dans le vague, à fixer ses pieds. Ils avaient raison, c’était évident. Mais en même temps, il voulait tellement les conduire tous aussi rapidement que possible à la connaissance, qu’il préférait étudier à fond ces nouvelles capacités avant de les donner à tout le monde.
De plus, il se méfiait de certains. Le pouvoir donné à tous, c’était pour DragonNoir comme un forum modéré par les membres. Autant donner une mitraillette dans les mains de tout le monde. Il ne voulait pas ça.
« Bon, c’est d’accord, DragonNoir, finit par dire Arkh. Je me range sans jouter, cette fois-ci. Je n’ai ni l’envie ni le temps d’un défi en bonne et due forme.
-Nous attendons ? »
Q-Po et Arkh regardèrent DragonNoir, qui finit par se redresser et les fixa d’un regard assuré à travers ses lunettes. Il hocha la tête.
« Nous attendons. »
Derrière la porte, Lord Satana se retira prudemment, sur la pointe des pieds. Il ne voulait pas que le plancher et les lattes de bois grinçantes le trahissent. Une fois en sécurité, dans la cuisine désertée et silencieuse, il se permit un marmonnement d’insatisfaction.
Comment peut-il se croire au dessus de nous ? De quel droit a-t-il jugé bon de nous évincer de cette quête d’aptitudes nouvelles ? Le pouvoir entre de mauvaises mains rend fou, mais il ne se rend pas compte que le fou, c’est lui.
Son poing s’abattit violemment sur la table, faisant trembler les couverts laissés là après la fin abrupte de l’euphorie des Trauméniens. Il n’avait pas l’habitude de se laisser ainsi aller à la colère, ni à tout autre sentiment ‘visible’. Mais actuellement, il se sentait comme…
…possédé.
« Il est hors de question que je le laisse nous diriger tous… »
Le grappin tinta sur le balcon avec un bruit si perçant que Guillaume cru que la moitié de la cité l’avait entendu. Il rentra la tête dans les épaules mais aucune personne ne débarqua en criant « Qui est là ? ». Il se détendit et souffla longuement pour calmer son cœur qui battait la chamade.
Il avait finit par prendre une décision, le lendemain du retour des Trauméniens chez lui. Ils avaient passés la journée avec les riches et étaient tout de même revenus chez lui après tout ce luxe. Guillaume n’osait pas se l’avouer, mais il était content que ces trois-là, même s’ils n’étaient pas des réincarnations de Dieux, ne soient pas devenus méprisants.
Et puis, ce soir, ils étaient partis voir le grand prêtre pour savoir ce qu’il advenait de leur ami retenu dans la Sphère. Celui-ci aurait dû en sortir d’un instant à l’autre, mort ou vivant. Ils l’avaient donc laissé à nouveau seul, chez lui, et Guillaume s’était soudainement mis en quête d’une corde et d’une attache pour escalader. Il savait où logeait la jolie fille de l’autre fois, celle à laquelle il n’arrêtait pas de penser.
Il l’avait vu sur son balcon.
Guillaume tira deux fois sur la corde, puis grimpa agilement les quelques mètres. Il sauta la balustrade et s’accroupit de l’autre coté. Pas un bruit. Il risqua un coup d’œil, mais la rue restait déserte. Personne ne l’avait vu.
Il fit face à la porte fenêtre qui donnait sur une magnifique salle. Tout était noir, et Guillaume songea – à juste titre – que tout le monde devait dormir. Il força la serrure sans mal et s’introduisit dans la maison, prenant bien soin de tout remettre à sa place pour éviter d’attirer l’attention de l’extérieur.
Toutes les portes intérieures étaient ouvertes, ce qui facilité sa progression. Il parvint à un bureau où il aperçut par la porte entrebâillée le maître des lieux : Barberousse, assit à son bureau, consultait des documents d’un œil intéressé. Guillaume jaugea inutile de forcer la chance en traînant dans le coin plus que de raison, et suivit le couloir.
Une autre pièce était éclairée.
Guillaume regarda bien autour de lui, que personne ne le surprenne, puis colla son visage au sol, pour regarder sous la porte. Il vit deux pieds nus marcher en direction du lit, puis disparaître. Ensuite, la lumière s’éteignit. Guillaume se redressa.
Des pieds de femme.
Son coeur battait à nouveau dans sa poitrine, mais pas par peur. Par excitation. Il le sentait gonfler en lui, et le rouge lui monta aux joues. Il vérifia à nouveau que personne n’arrivait dans le couloir, et s’assura une retraite rapide le cas échéant dans le placard non loin de là. Il soupira longuement.
Était-ce elle ? Ou bien était-ce la femme de l’homme au bureau ? Ou une cousine, une servante ! En réalité, ça pourrait être n’importe qui. Ça pourrait même être des pieds d’homme. Comment savoir ? Comment en être sûr ? Il n’y a pas trente six solutions…
Guillaume attendit prudemment quelques minutes, puis ouvrit la porte le plus silencieusement du monde. La clarté d’une bougie éclaira brièvement son visage, ainsi que l’œil de celui qui l’observait dans la pénombre, derrière lui.
Un soupir abattu résonna dans la pièce vide.
Le bureau de Kevin Jolios, grand prêtre d’Ydja.
Bien mal en point.
Assit à même le sol, la tête entre les mains, il soupirait longuement en espérant que le corps inanimé du jeune garçon sorte de cette Sphère. Il fallait qu’il soit mort. Il avait tant de fois prier Ydja et tout les Dieux existants pour que cet être trépasse durant l’épreuve. Il en était même venu à y croire, presque.
Jolios se demandait de plus en plus fréquemment s’il n’y avait pas vraiment un Dieu, ici, dans le royaume des morts de l’Atlantide.
Il soupira à nouveau. Il aurait déjà dû être sur place, à contempler la venue d’Ydja, ou bien à regarder avec dédain le cadavre du malheureux. Il songea un instant aux autres personnes qui étaient apparues avec lui. La femme et les deux autres adolescents.
Il frissonna.
Ils vont venir, se dit-il. Ils vont venir me voir avec lui, avec Ydja, pour me montrer que c’était vraiment lui l’élu, et qu’il possédait maintenant la toute puissance, la plus pure connaissance du monde.
Ydja saura que j’ai tenté de le tuer.
Ydja saura ce que j’ai manigancé.
Et Ydja se vengera.
Quelqu’un toqua à la porte, et le grand prêtre d’Ydja cria. Il se mit péniblement debout, conscient de la situation. Deux choix s’offraient à lui : Tomber sur les compagnons du jeune homme et sur Ydja, qui le châtiera de ses péchés, et tomber sur celui qui lui avait demandé de mettre toute cette affaire en route.
Dans les deux cas, il était perdu.
Il chercha rapidement un moyen de s’échapper. La sortie secrète de son bureau était accessible, et il s’y engagea. Il poussa son armoire avec difficulté, mais finit par rendre sa fuite possible. Les coups à sa porte redoublèrent. Il passa par l’interstice juste au moment où la porte de son cabinet personnel volait en éclats.
Il entendit les voix des compagnons de l’élu.
« Merde, il est pas là !
-Il n’a pas pu allez bien loin. » dit la femme.
Puis il entendit la voix d’Ydja. La voix de celui qui était entré dans la Sphère, et qui venait d’en ressortir. Vivant.
« Il est derrière, là-bas.
-Tu es sûr Pythagore ?
-Certain. »
Kevin Jolios se mit à courir dans la pénombre du tunnel creusé à même la roche. Un courant d’air frais balaya son visage trempé de sueur. Il n’osa pas se retourner, même quand la lumière environnante s’éclaircit. L’armoire venait d’être ôtée de son emplacement originel.
« Il est là-bas ! »
Jolios entendit un fracas épouvantable et tenta d’accélérer. Malheureusement pour lui, n’ayant pas l’habitude de courir, il perdit l’équilibre et heurta un coté de la caverne avant de chuter lourdement sur le sol. Il se redressa, secoua la tête pour se remettre les idées en place, puis décida de se remettre à courir. Mais bientôt ses pieds ne touchèrent plus terre.
DarKenshin le soulevait sans forcer.
Et elle souriait.
« Alors comme ça, il paraît que vous tuez tout ceux qui risque d’arriver au statut de Dieu, c’est bien cela ? »
Kevin Jolios espéra alors sincèrement que le Dieu en lequel il n’avait jamais cru était clément et pardonnait facilement.
Un pied.
Un mollet, ensuite.
Le genou passa sans mal, également.
Puis, plus haut, ce fut une main, suivie très vite d’un bras.
Et enfin, il fut sortit.
Pas de fatigue en lui. Pas de faim non plus, malgré tout ce temps de jeun. Pas d’impatience, ni d’irritation. Rien de tout cela. Il sortait encore plus nu qu’il y était entré.
Il ressentait tout ce qui se trouvait autour de lui. Sa vision était devenue un sens autrement plus puissant que celui de ses congénères. Il voyait le passé, le présent et le futur de ce monde, de cet au-delà, et des gens qui le peuplaient. Il pensait ce qu’ils pensaient. Il dormait, mangeait, souffrait, parlait, vivait, mourait, tout cela en même temps.
Il était eux.
Il fit quelques pas et regarda derrière lui : la Sphère miroitait mais il lui semblait que son éclat s’était atténué. Ou peut-être était-ce son esprit qui s’était habitué. Il se regarda ensuite. Aucun changement notable, car ils étaient tous intérieurs. Son corps nu était sec et il ne laissait pas de traces de pieds humides derrière lui.
Sans même relever les yeux, il dit :
« Levez-vous et allez annoncer au grand prêtre mon avènement. »
Les deux servantes et les deux gardes se levèrent avec précipitation et sortirent dans un silence paniqué. Il se retrouva seul. Il ferma les yeux et se retrouva un infime instant à nouveau dans la Sphère, en compagnie de cette personne qui l’avait accompagné durant ces six jours de méditation.
Celui-ci hocha la tête.
Et Pythagore ouvrit les yeux.
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* *
Le drap se souleva et enveloppa Q-Po. Ce dernier grogna et le retira sans trop de mal, mais DragonNoir avait disparu. Q-Po fit une roulade en avant et se cogna contre le lit.
« Est-ce que ça va ? demanda DragonNoir en s’approchant.
-Merde, où étais-tu passé ? dit Q-Po en se frottant la tête. Je t’ai complètement perdu de vue durant un instant.
-Il a été plus rapide que tes yeux, répondit Arkh. Il était simplement derrière toi. Moi j’ai réussi à la voir. »
DragonNoir et Q-Po levèrent les yeux sur Arkh, qui se tenait dans un coin du plafond, maintenu simplement par la force de ses bras et de ses pieds. Il redescendit en se concentrant aussi doucement qu’il le put, mais manqua de résistance pour y arriver et s’écroula sur le lit.
« Heureusement que j’avais prévu ça.
-Nous sommes encore loin du compte, dit DragonNoir en s’asseyant. C’est à peine si nous arrivons à manifester nos pouvoirs qu’il faut en plus y ajouter un manque cruel d’endurance.
-Et d’habileté. » ajouta Arkh en lissant ses cheveux longs et blancs. Il arrivait à maintenir son apparence Trauménienne sans trop de mal, à présent. Des trois présents dans cette chambre, il était celui qui avait le plus progressé durant le court laps de temps d’entraînement qu’ils s’étaient attribués.
Il sembla se rendre compte de son aspect, justement, et il redevint humain en un fragment de seconde. DragonNoir le regarda en souriant, fier de lui. Arkh lui rendit son sourire, tandis que Q-Po jetait le drap tueur en boule dans un coin de la chambre.
« Est-ce qu’on considère que nos expériences sont assez concluantes pour qu’on se lance à plus grande échelle dans l’entraînement ? demanda-t-il.
-Pas encore, trancha DragonNoir. Je veux dire… Je pense qu’il faudrait qu’on arrive mieux à les maîtriser avant de déclencher une véritable division de combattants. De plus, il s’agirait d’être apte à pouvoir enseigner aux autres la marche à suivre.
-En gros c’est non, résuma Q-Po non sans ironie.
-Je ne comprends pas, dit Arkh. Personne ne nous apprend, à nous ? Pourquoi les autres auraient-ils droit à un système d’éducation abouti alors que nous n’avons rien ? »
DragonNoir baissa la tête. Un silence embarrassé s’installa.
« C’était de l’humour, avoua Arkh sans un sourire.
-En même temps, il n’a pas vraiment tort, ajouta Q-Po. Nous arrivons bien à nous dépatouiller sans précepteurs, alors pourquoi pas eux ?
-C’est ce que j’essayais vainement de souligner. »
DragonNoir resta les yeux dans le vague, à fixer ses pieds. Ils avaient raison, c’était évident. Mais en même temps, il voulait tellement les conduire tous aussi rapidement que possible à la connaissance, qu’il préférait étudier à fond ces nouvelles capacités avant de les donner à tout le monde.
De plus, il se méfiait de certains. Le pouvoir donné à tous, c’était pour DragonNoir comme un forum modéré par les membres. Autant donner une mitraillette dans les mains de tout le monde. Il ne voulait pas ça.
« Bon, c’est d’accord, DragonNoir, finit par dire Arkh. Je me range sans jouter, cette fois-ci. Je n’ai ni l’envie ni le temps d’un défi en bonne et due forme.
-Nous attendons ? »
Q-Po et Arkh regardèrent DragonNoir, qui finit par se redresser et les fixa d’un regard assuré à travers ses lunettes. Il hocha la tête.
« Nous attendons. »
Derrière la porte, Lord Satana se retira prudemment, sur la pointe des pieds. Il ne voulait pas que le plancher et les lattes de bois grinçantes le trahissent. Une fois en sécurité, dans la cuisine désertée et silencieuse, il se permit un marmonnement d’insatisfaction.
Comment peut-il se croire au dessus de nous ? De quel droit a-t-il jugé bon de nous évincer de cette quête d’aptitudes nouvelles ? Le pouvoir entre de mauvaises mains rend fou, mais il ne se rend pas compte que le fou, c’est lui.
Son poing s’abattit violemment sur la table, faisant trembler les couverts laissés là après la fin abrupte de l’euphorie des Trauméniens. Il n’avait pas l’habitude de se laisser ainsi aller à la colère, ni à tout autre sentiment ‘visible’. Mais actuellement, il se sentait comme…
…possédé.
« Il est hors de question que je le laisse nous diriger tous… »
*
* *
* *
Le grappin tinta sur le balcon avec un bruit si perçant que Guillaume cru que la moitié de la cité l’avait entendu. Il rentra la tête dans les épaules mais aucune personne ne débarqua en criant « Qui est là ? ». Il se détendit et souffla longuement pour calmer son cœur qui battait la chamade.
Il avait finit par prendre une décision, le lendemain du retour des Trauméniens chez lui. Ils avaient passés la journée avec les riches et étaient tout de même revenus chez lui après tout ce luxe. Guillaume n’osait pas se l’avouer, mais il était content que ces trois-là, même s’ils n’étaient pas des réincarnations de Dieux, ne soient pas devenus méprisants.
Et puis, ce soir, ils étaient partis voir le grand prêtre pour savoir ce qu’il advenait de leur ami retenu dans la Sphère. Celui-ci aurait dû en sortir d’un instant à l’autre, mort ou vivant. Ils l’avaient donc laissé à nouveau seul, chez lui, et Guillaume s’était soudainement mis en quête d’une corde et d’une attache pour escalader. Il savait où logeait la jolie fille de l’autre fois, celle à laquelle il n’arrêtait pas de penser.
Il l’avait vu sur son balcon.
Guillaume tira deux fois sur la corde, puis grimpa agilement les quelques mètres. Il sauta la balustrade et s’accroupit de l’autre coté. Pas un bruit. Il risqua un coup d’œil, mais la rue restait déserte. Personne ne l’avait vu.
Il fit face à la porte fenêtre qui donnait sur une magnifique salle. Tout était noir, et Guillaume songea – à juste titre – que tout le monde devait dormir. Il força la serrure sans mal et s’introduisit dans la maison, prenant bien soin de tout remettre à sa place pour éviter d’attirer l’attention de l’extérieur.
Toutes les portes intérieures étaient ouvertes, ce qui facilité sa progression. Il parvint à un bureau où il aperçut par la porte entrebâillée le maître des lieux : Barberousse, assit à son bureau, consultait des documents d’un œil intéressé. Guillaume jaugea inutile de forcer la chance en traînant dans le coin plus que de raison, et suivit le couloir.
Une autre pièce était éclairée.
Guillaume regarda bien autour de lui, que personne ne le surprenne, puis colla son visage au sol, pour regarder sous la porte. Il vit deux pieds nus marcher en direction du lit, puis disparaître. Ensuite, la lumière s’éteignit. Guillaume se redressa.
Des pieds de femme.
Son coeur battait à nouveau dans sa poitrine, mais pas par peur. Par excitation. Il le sentait gonfler en lui, et le rouge lui monta aux joues. Il vérifia à nouveau que personne n’arrivait dans le couloir, et s’assura une retraite rapide le cas échéant dans le placard non loin de là. Il soupira longuement.
Était-ce elle ? Ou bien était-ce la femme de l’homme au bureau ? Ou une cousine, une servante ! En réalité, ça pourrait être n’importe qui. Ça pourrait même être des pieds d’homme. Comment savoir ? Comment en être sûr ? Il n’y a pas trente six solutions…
Guillaume attendit prudemment quelques minutes, puis ouvrit la porte le plus silencieusement du monde. La clarté d’une bougie éclaira brièvement son visage, ainsi que l’œil de celui qui l’observait dans la pénombre, derrière lui.
*
* *
* *
Un soupir abattu résonna dans la pièce vide.
Le bureau de Kevin Jolios, grand prêtre d’Ydja.
Bien mal en point.
Assit à même le sol, la tête entre les mains, il soupirait longuement en espérant que le corps inanimé du jeune garçon sorte de cette Sphère. Il fallait qu’il soit mort. Il avait tant de fois prier Ydja et tout les Dieux existants pour que cet être trépasse durant l’épreuve. Il en était même venu à y croire, presque.
Jolios se demandait de plus en plus fréquemment s’il n’y avait pas vraiment un Dieu, ici, dans le royaume des morts de l’Atlantide.
Il soupira à nouveau. Il aurait déjà dû être sur place, à contempler la venue d’Ydja, ou bien à regarder avec dédain le cadavre du malheureux. Il songea un instant aux autres personnes qui étaient apparues avec lui. La femme et les deux autres adolescents.
Il frissonna.
Ils vont venir, se dit-il. Ils vont venir me voir avec lui, avec Ydja, pour me montrer que c’était vraiment lui l’élu, et qu’il possédait maintenant la toute puissance, la plus pure connaissance du monde.
Ydja saura que j’ai tenté de le tuer.
Ydja saura ce que j’ai manigancé.
Et Ydja se vengera.
Quelqu’un toqua à la porte, et le grand prêtre d’Ydja cria. Il se mit péniblement debout, conscient de la situation. Deux choix s’offraient à lui : Tomber sur les compagnons du jeune homme et sur Ydja, qui le châtiera de ses péchés, et tomber sur celui qui lui avait demandé de mettre toute cette affaire en route.
Dans les deux cas, il était perdu.
Il chercha rapidement un moyen de s’échapper. La sortie secrète de son bureau était accessible, et il s’y engagea. Il poussa son armoire avec difficulté, mais finit par rendre sa fuite possible. Les coups à sa porte redoublèrent. Il passa par l’interstice juste au moment où la porte de son cabinet personnel volait en éclats.
Il entendit les voix des compagnons de l’élu.
« Merde, il est pas là !
-Il n’a pas pu allez bien loin. » dit la femme.
Puis il entendit la voix d’Ydja. La voix de celui qui était entré dans la Sphère, et qui venait d’en ressortir. Vivant.
« Il est derrière, là-bas.
-Tu es sûr Pythagore ?
-Certain. »
Kevin Jolios se mit à courir dans la pénombre du tunnel creusé à même la roche. Un courant d’air frais balaya son visage trempé de sueur. Il n’osa pas se retourner, même quand la lumière environnante s’éclaircit. L’armoire venait d’être ôtée de son emplacement originel.
« Il est là-bas ! »
Jolios entendit un fracas épouvantable et tenta d’accélérer. Malheureusement pour lui, n’ayant pas l’habitude de courir, il perdit l’équilibre et heurta un coté de la caverne avant de chuter lourdement sur le sol. Il se redressa, secoua la tête pour se remettre les idées en place, puis décida de se remettre à courir. Mais bientôt ses pieds ne touchèrent plus terre.
DarKenshin le soulevait sans forcer.
Et elle souriait.
« Alors comme ça, il paraît que vous tuez tout ceux qui risque d’arriver au statut de Dieu, c’est bien cela ? »
Kevin Jolios espéra alors sincèrement que le Dieu en lequel il n’avait jamais cru était clément et pardonnait facilement.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
La bougie qui se consumait lentement n’éclairait pas suffisamment pour que Guillaume soit visible dans la pièce. Néanmoins, avantage non négligeable, il arrivait à discerner les meubles, les objets sur le sol, et ainsi évitait de faire du bruit en se déplaçant. Il se pencha au dessus du lit, mais n’arriva pas à voir les traits de la personne qui y était couché.
Il recula et fit le tour. Mais lorsqu’il fut au pied du lit, une voix haut perchée, légèrement apeurée, le fit sursauter :
« Qui est là ? Papa, c’est toi ? »
C’était bien la voix de la fille qui était venu chercher ses amis quelques jours auparavant. La fille dont il ne cessait de revoir le visage, en rêve.
Et elle se trouvait là, à quelques centimètres de lui. Il entendait sa respiration rapide, paniquée par la présence d’un être inconnu à ses cotés. Il avait envie de la rassurer, de se présenter, de lui dire de ne pas s’inquiéter. Mais il n’en fit rien. Guillaume resta paralysé au pied du lit, et elle restait allongée sans bouger non plus.
« Papa ? » répéta-t-elle.
Elle se redressa et Guillaume se jeta à terre. Il l’avait enfin vu.
C’était bien elle.
Elle était encore plus belle que dans son souvenir.
« Papa, arrête, tu sais bien que je n’aime pas que tu viennes me voir. »
Guillaume ne répondit pas. Il y eut un silence, puis il l’entendit lisser sa couverture de ses mains. Un sentiment de honte l’enveloppa. Que faisait-il ici ? Qu’allait-il lui dire ? Qu’allait-il faire ? Pourquoi cette idée de s’introduire dans une propriété privée lui paraissait-elle si saugrenue à présent ?
« Je croyais que tu m’avais promis que tu ne recommencerais plus. Tu m’avais dit que c’était la dernière fois, papa… »
Mais de quoi parle-t-elle ? se demanda Guillaume en respirant le plus doucement possible. De nouveau des bruits de draps qu’on lisse, qu’on frotte. Il n’osait pas risquer un œil. Il l’imaginait assise sur son lit à scruter la pénombre. Et il n’était pas loin de la vérité. Il tourna la tête vers la bougie, mais il restait encore du temps avant que celle-ci ne se noie sans sa propre cire. Il failli se lancer lorsqu’elle recommença à parler d’une voix plaintive.
« Tu me promet que c’est la dernière alors ?
-Je ne suis pas ton père. » lança-t-il sans réfléchir.
Silence pesant.
Il l’entendit remuer sur son lit, et se prépara mentalement à l’intercepter si elle courait vers la porte. Mais elle ne semblait pas vouloir bouger de nouveau.
« Qui es-tu alors ? »
La voix n’était plus aussi triste qu’avant, mais elle ne paraissait pas avoir peur de l’intrus. En réalité, Guillaume songea que cette vox était bien plus ferme que la sienne, alors qu’il avait la position dominante de celui qui connaît tout de la situation présente.
« Je me suis introduis chez vous pour… »
Il hésita un instant.
« …pour vous voir, finit-il par dire. Je voulais vous voir.
-Me voir ? s’étonna Judith. Quelle idée ridicule. Tout le monde peut me voir s’il en fait la demande, ou dans la rue quand je sors. Pourquoi être venu en pleine nuit et avoir prit tout ces risques ?
-Je ne sais pas. » répondit Guillaume franchement.
Judith ne sut quoi ajouter. Elle s’attendait à tout autre chose d’un inconnu mâle découvert dans sa chambre au milieu de la nuit. En fait, elle s’attendait à tout sauf à une discussion de ce type.
« Tu ne sais pas ? répéta-t-elle.
-Non. En fait, j’ai eu l’impression que c’était la chose à faire. Te voir. Je… J’ai l’impression de te connaître, enfin… De t’avoir vu. Si, je t’ai déjà vu mais… enfin… »
Il s’embrouillait plus qu’autre chose. Il n’était pas à l’aise. Il aurait aimé se lever, se montrer, lui dire qu’il pensait à elle depuis qu’il l’avait vu au détour d’une rue, lui dire de s’en aller avec lui loin de tout, lui dire qu’elle est merveilleuse, et tant d’autres choses. Mais tout cela semblait si surréaliste. Quelle serait votre réaction si quelqu’un vous sortait tout cela en pleine nuit, sans que vous sachiez qui il est vraiment ?
« Il y a d’autres façons de me courtiser, vous savez, dit-elle avec un sourire. En plus, si vous bafouillez, je ne comprends plus rien.
-Je suis désolé.
-Ah non, ne vous excusez pas en plus ! Je croyais avoir au moins affaire à quelqu’un de dur, de courageux. Si vous vous excusez, ça gâche tout. »
En quelques instants, elle avait retourné la conversation à son avantage, et elle la menait d’une main de maître. Mais elle s’était détendue. Et du coup, lui aussi. Elle émit même un léger rire en reprenant la conversation :
« C’est drôle, dit-elle. Je n’aurais jamais cru que ça soit si plaisant de se faire surprendre par un inconnu dans son lit.
-Peut-être ne sommes-nous pas si inconnus que ça… » répondit-il en posant sa tête contre le pied du lit. Ils regardaient tout les deux au plafond, leurs visages si jeunes, si beaux, baignés dans la lumière orangée d’une bougie en fin de vie. Le spectacle était magnifique.
Mais il fut de courte durée.
La porte s’ouvrit brutalement et claqua contre le mur. Judith poussa un cri lorsqu’un corbeau passa très près de sa tête et alla se poser sur le meuble, près de la bougie, en face des deux jeunes gens. L’oiseau semblait les regarder avec haine. Surtout Guillaume. Ce dernier se redressa sans quitter la bête des yeux. Il n’avait que trop traîné.
« L’histoire se répète, alors… » dit une voix derrière eux.
Les deux se retournèrent simultanément et firent face au visage boursouflé de colère de Frédéric 1er Barberousse, qui se tenait dans l’embrasure de la porte.
Le corbeau s’envola, souffla la bougie avec ses ailes, et on put voir l’œil remplit de haine de Barberousse qui brillait encore malgré le noir.
Guillaume hurla.
Un écran s’éteignit.
D’autres s’allumèrent.
Le concert d’image avait quelque chose de fascinant. D’hypnotisant. Pour un quelconque quidam, il n’aurait rien reflété de particulier. Des décors fixes, parfois des personnages en train de marcher, ou parler. Des écrans de télésurveillances classiques, qu’on trouve dans n’importe quel immeuble, dans une pièce réservée à cela, la plupart du temps celle du chef de la sécurité.
Mais dans cet immeuble spécifique, qui ne se trouvait nulle part et pourtant partout, le chef de la sécurité était également le chef tout court. Pas le patron, non. Le Patron était en dessous de Lui. Mistrophera dirigeait tout depuis les hautes sphères de Son pouvoir grandissant. Et Il surveillait les écrans avec avidité.
Sa main pianotait distraitement sur le clavier de l’ordinateur qui jouxtait Son siège en cuir, et Son regard passait d’un écran à un autre aussi rapidement qu’Il le pouvait. Il porta Sa main à une télécommande, et tous les écrans ne firent plus qu’un. Un seul immense écran quadrillé qui diffusait les images d’un homme au téléphone.
Le commissaire Serge Thourn semblait recevoir de bonnes nouvelles. La caméra le suivit tandis qu’il marchait de long en large dans la rue de Brest, puis on le vit entrer dans sa voiture et démarrer le moteur. Les pneus crissèrent lorsqu’il partit en trombe. Mistrophera appuya une nouvelle fois sur quelques boutons de Sa télécommande, et les écrans reparurent.
Thourn et sa voiture filant à toute allure n’en devinrent qu’un parmi tant d’autres.
Mistrophera eut un rictus de contentement.
« Voilà qui devrait les retenir encore un moment… » dit-Il simplement.
Son regard s’attarda encore sur un écran où deux hommes discutaient, l’un vieux et sec, et l’autre majestueux et musclé. Le son n’était pas de mise, et la discussion entre Loki et Albert Fish resta aussi silencieuse que la salle.
Il tourna légèrement la tête et Il regarda ensuite un autre écran. Son écran préféré, ces derniers temps. Il misait énormément sur ce qui allait se passer dans les prochaines heures, sur ce moniteur braqué sur un appartement parisien en plein effervescence.
Sur cette télévision, Lord Satana réfléchissait dans la cuisine.
Il recula et fit le tour. Mais lorsqu’il fut au pied du lit, une voix haut perchée, légèrement apeurée, le fit sursauter :
« Qui est là ? Papa, c’est toi ? »
C’était bien la voix de la fille qui était venu chercher ses amis quelques jours auparavant. La fille dont il ne cessait de revoir le visage, en rêve.
Et elle se trouvait là, à quelques centimètres de lui. Il entendait sa respiration rapide, paniquée par la présence d’un être inconnu à ses cotés. Il avait envie de la rassurer, de se présenter, de lui dire de ne pas s’inquiéter. Mais il n’en fit rien. Guillaume resta paralysé au pied du lit, et elle restait allongée sans bouger non plus.
« Papa ? » répéta-t-elle.
Elle se redressa et Guillaume se jeta à terre. Il l’avait enfin vu.
C’était bien elle.
Elle était encore plus belle que dans son souvenir.
« Papa, arrête, tu sais bien que je n’aime pas que tu viennes me voir. »
Guillaume ne répondit pas. Il y eut un silence, puis il l’entendit lisser sa couverture de ses mains. Un sentiment de honte l’enveloppa. Que faisait-il ici ? Qu’allait-il lui dire ? Qu’allait-il faire ? Pourquoi cette idée de s’introduire dans une propriété privée lui paraissait-elle si saugrenue à présent ?
« Je croyais que tu m’avais promis que tu ne recommencerais plus. Tu m’avais dit que c’était la dernière fois, papa… »
Mais de quoi parle-t-elle ? se demanda Guillaume en respirant le plus doucement possible. De nouveau des bruits de draps qu’on lisse, qu’on frotte. Il n’osait pas risquer un œil. Il l’imaginait assise sur son lit à scruter la pénombre. Et il n’était pas loin de la vérité. Il tourna la tête vers la bougie, mais il restait encore du temps avant que celle-ci ne se noie sans sa propre cire. Il failli se lancer lorsqu’elle recommença à parler d’une voix plaintive.
« Tu me promet que c’est la dernière alors ?
-Je ne suis pas ton père. » lança-t-il sans réfléchir.
Silence pesant.
Il l’entendit remuer sur son lit, et se prépara mentalement à l’intercepter si elle courait vers la porte. Mais elle ne semblait pas vouloir bouger de nouveau.
« Qui es-tu alors ? »
La voix n’était plus aussi triste qu’avant, mais elle ne paraissait pas avoir peur de l’intrus. En réalité, Guillaume songea que cette vox était bien plus ferme que la sienne, alors qu’il avait la position dominante de celui qui connaît tout de la situation présente.
« Je me suis introduis chez vous pour… »
Il hésita un instant.
« …pour vous voir, finit-il par dire. Je voulais vous voir.
-Me voir ? s’étonna Judith. Quelle idée ridicule. Tout le monde peut me voir s’il en fait la demande, ou dans la rue quand je sors. Pourquoi être venu en pleine nuit et avoir prit tout ces risques ?
-Je ne sais pas. » répondit Guillaume franchement.
Judith ne sut quoi ajouter. Elle s’attendait à tout autre chose d’un inconnu mâle découvert dans sa chambre au milieu de la nuit. En fait, elle s’attendait à tout sauf à une discussion de ce type.
« Tu ne sais pas ? répéta-t-elle.
-Non. En fait, j’ai eu l’impression que c’était la chose à faire. Te voir. Je… J’ai l’impression de te connaître, enfin… De t’avoir vu. Si, je t’ai déjà vu mais… enfin… »
Il s’embrouillait plus qu’autre chose. Il n’était pas à l’aise. Il aurait aimé se lever, se montrer, lui dire qu’il pensait à elle depuis qu’il l’avait vu au détour d’une rue, lui dire de s’en aller avec lui loin de tout, lui dire qu’elle est merveilleuse, et tant d’autres choses. Mais tout cela semblait si surréaliste. Quelle serait votre réaction si quelqu’un vous sortait tout cela en pleine nuit, sans que vous sachiez qui il est vraiment ?
« Il y a d’autres façons de me courtiser, vous savez, dit-elle avec un sourire. En plus, si vous bafouillez, je ne comprends plus rien.
-Je suis désolé.
-Ah non, ne vous excusez pas en plus ! Je croyais avoir au moins affaire à quelqu’un de dur, de courageux. Si vous vous excusez, ça gâche tout. »
En quelques instants, elle avait retourné la conversation à son avantage, et elle la menait d’une main de maître. Mais elle s’était détendue. Et du coup, lui aussi. Elle émit même un léger rire en reprenant la conversation :
« C’est drôle, dit-elle. Je n’aurais jamais cru que ça soit si plaisant de se faire surprendre par un inconnu dans son lit.
-Peut-être ne sommes-nous pas si inconnus que ça… » répondit-il en posant sa tête contre le pied du lit. Ils regardaient tout les deux au plafond, leurs visages si jeunes, si beaux, baignés dans la lumière orangée d’une bougie en fin de vie. Le spectacle était magnifique.
Mais il fut de courte durée.
La porte s’ouvrit brutalement et claqua contre le mur. Judith poussa un cri lorsqu’un corbeau passa très près de sa tête et alla se poser sur le meuble, près de la bougie, en face des deux jeunes gens. L’oiseau semblait les regarder avec haine. Surtout Guillaume. Ce dernier se redressa sans quitter la bête des yeux. Il n’avait que trop traîné.
« L’histoire se répète, alors… » dit une voix derrière eux.
Les deux se retournèrent simultanément et firent face au visage boursouflé de colère de Frédéric 1er Barberousse, qui se tenait dans l’embrasure de la porte.
Le corbeau s’envola, souffla la bougie avec ses ailes, et on put voir l’œil remplit de haine de Barberousse qui brillait encore malgré le noir.
Guillaume hurla.
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Un écran s’éteignit.
D’autres s’allumèrent.
Le concert d’image avait quelque chose de fascinant. D’hypnotisant. Pour un quelconque quidam, il n’aurait rien reflété de particulier. Des décors fixes, parfois des personnages en train de marcher, ou parler. Des écrans de télésurveillances classiques, qu’on trouve dans n’importe quel immeuble, dans une pièce réservée à cela, la plupart du temps celle du chef de la sécurité.
Mais dans cet immeuble spécifique, qui ne se trouvait nulle part et pourtant partout, le chef de la sécurité était également le chef tout court. Pas le patron, non. Le Patron était en dessous de Lui. Mistrophera dirigeait tout depuis les hautes sphères de Son pouvoir grandissant. Et Il surveillait les écrans avec avidité.
Sa main pianotait distraitement sur le clavier de l’ordinateur qui jouxtait Son siège en cuir, et Son regard passait d’un écran à un autre aussi rapidement qu’Il le pouvait. Il porta Sa main à une télécommande, et tous les écrans ne firent plus qu’un. Un seul immense écran quadrillé qui diffusait les images d’un homme au téléphone.
Le commissaire Serge Thourn semblait recevoir de bonnes nouvelles. La caméra le suivit tandis qu’il marchait de long en large dans la rue de Brest, puis on le vit entrer dans sa voiture et démarrer le moteur. Les pneus crissèrent lorsqu’il partit en trombe. Mistrophera appuya une nouvelle fois sur quelques boutons de Sa télécommande, et les écrans reparurent.
Thourn et sa voiture filant à toute allure n’en devinrent qu’un parmi tant d’autres.
Mistrophera eut un rictus de contentement.
« Voilà qui devrait les retenir encore un moment… » dit-Il simplement.
Son regard s’attarda encore sur un écran où deux hommes discutaient, l’un vieux et sec, et l’autre majestueux et musclé. Le son n’était pas de mise, et la discussion entre Loki et Albert Fish resta aussi silencieuse que la salle.
Il tourna légèrement la tête et Il regarda ensuite un autre écran. Son écran préféré, ces derniers temps. Il misait énormément sur ce qui allait se passer dans les prochaines heures, sur ce moniteur braqué sur un appartement parisien en plein effervescence.
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