Traumenschar
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Re: Traumenschar
Sachez juste que je tiens compte de toutes ces petite idées, ces petits comentaires... Mwéhéhéhé...
2. Démons du passé.
Une vingtaine de kilomètres après la barrière de péage, Serge Thourn, toujours au volant de sa voiture et toujours pied au plancher, pesait le pour et le contre : Un radar automatique n’allait pas tarder à entrer en scène, et il se demandait s’il devait continuer à vive allure, ou bien ralentir et ainsi éviter les désagréments d’une amende à faire sauter.
« Au diable la prune, finit-il par décider. Ils m’ont déjà radiés une fois, et ils ont finis par me récupérer, alors je peux bien me faire sauter le permis si l’envie m’en prends, non ? »
Thourn persista à continuer à la même vitesse et ne manqua pas de déclencher le radar, dont le flash le fit cligner des yeux. Les autres automobilistes le regardaient passer avec un air effarouché, presque heureux de trouver un conducteur plus fou qu’eux. Serge, dans un élan de bonté, leva un majeur buriné lorsque la photographie fut prise, et sourit.
« J’espère qu’il a prit mon meilleur profil, ce fichu appareil. » railla-t-il une fois le radar passé. Les voitures autours de lui reprenaient une vitesse supérieure mais Serge continuait à les dépasser allégrement. Il était maintenant six heures et vingt minutes, et son but approchait de plus en plus. Il pouvait sentir tous les poils de son corps se dresser par l’excitation.
Enfin, depuis des années, il lui semblait réussir à l’approcher.
Il avait cherché partout, pendant ce qui lui avait semblé des siècles, cet homme qui pouvait avoir des explications. Il avait son nom. Il avait sa description. Mais il n’arrivait pas à mettre la main dessus. Et comme toute cette affaire de boîte de nuit avait été classée, toute requête était devenue non officielle et on ne l’autorisait plus à mettre ses frais sur le compte de la police. Son grade de commissaire l’avait préservé encore quelque temps au sein de la police française, mais ses multiples incursions non autorisées lui valaient blâmes sur blâmes.
De toute façon, ils ne voulaient qu’une chose : Que je me barre de la police. Seulement je les emmerdais avec mon badge de commissaire. Alors ils ont finis par invoquer des trucs bidons pour me foutre à la porte. Je ne vois pas en quoi mon séjour au Vatican les avait déranger, mais ils n’avaient pas apprécié, c’est clair.
Lorsqu’il était revenu de son voyage, il avait été convoqué par son supérieur, qui lui avait dit qu’il ne voulait plus de ces absences répétées. Il l’avait ensuite menacé d’éventuelles représailles si Thourn avait continué. Et Serge Thourn, commissaire impulsif et quelque peu violent, avait tenté de se battre contre son patron. C’est ainsi qu’il avait été radié par la police, au grand soulagement de ses collègues qui le trouvaient de plus en plus étrange.
Et dérangeant. Bah, qu’ils aillent se faire foutre… Ça ne les a pas empêché de reprendre une fois ce dossier américain résolu, hmmm ?
C’est donc en tant que simple citoyen français qu’il s’était rendu en Amérique. Quelques contacts resté dans le milieu des forces de l’ordre l’avaient informés de l’apparition d’un individu correspondant au critères de l’avis de recherche international avait été remarqué aux Etats-Unis. C’était Justin qui avait lancé cet avis de recherche, et il n’aboutissait qu’après son décès prématuré.
De toute façon, je n’avais plus rien à faire ici. Mon instinct me disait qu’il était là-bas, et qu’il recommençait ses meurtres. Et s’il se trouvait ailleurs, alors je devais y aller. Pour moi, et pour Justin aussi.
Il avait donc prit le minimum et s’était retrouvé dans un avion en direction du nouveau continent.
Serge sortit de la ville d’Angers et accéléra de nouveau. Son pied droit commençait à le lancer à force de maintenir la pédale appuyée. Six heures et demie venaient de passer, son estomac réclamait un en-cas après la simple bière du midi, et son dos le faisait souffrir. Il avait bien envie de s’accorder une pause sur un restoroute quelconque, mais il était tellement désireux d’arriver à Nantes qu’il passait outre ces légers désagréments.
« Plus tôt j’y serais, plus tôt je me reposerais. » se dit-il pour se convaincre de poursuivre. Et cette petite maxime eut l’effet escompté car reprit confiance et oublia à nouveau ses maux divers. Il fit craquer son dos, poussa un râle de plaisir en sentant ses vertèbres se remettre dans une place plus confortable, et se rencogna dans son siège.
Le soleil baissait sur l’horizon, à sa droite. Il ajusta ses lunettes de soleil, bien que la lumière commençait à baisser. Il descendit son pare-soleil et se concentra sur la route. Les nombreux véhicules qu’il avait rencontrés dans la périphérie d’Angers n’étaient plus qu’un vague souvenir.
« Un souvenir, murmura-t-il pour lui-même. Je me souviens que… »
…ma première rencontre avec Chuck Lyndon n’avait pas été relativement plaisante. Ce connard, paix à son âme, se refusait obstinément à me mettre dans ses petits papiers, alors que je ne voulais que rattraper mon fugitif, et rien de plus ! S’il avait bien voulu m’autoriser à consulter ses informations, nous aurions pu nous entraider.
Mais le fait que le commissaire Serge Thourn n’ait plus été un membre actif de la police avait semé le doute dans l’esprit de Lyndon, et ce dernier ne lui avait jamais fait confiance, bien qu’il ait utilisé à son compte les informations de Thourn. À l’époque, Chuck Lyndon était sur le dos d’un tueur en série qui sévissait sans motif apparent. Il s’en prenait à des victimes de toute race, de tout âge, de tout sexe.
Lorsque Serge Thourn lui avait demandé de collaborer à la recherche de François, il avait été évincé en bonne et due forme. Serge avait alors poursuivit son enquête de son coté, en parallèle avec Lyndon, en recherchant un homme habillé de noir, cheveux longs, un peu particulier. Il avait sondé les clochards dans les villes, les hôtels, les chauffeurs de bus ou de taxi des environs. Sans résultats.
Et puis, un soir que j’en avais marre de tourner en rond dans cette foutue ville, je suis allé me poser dans un bar. J’y avais peut-être un peu trop bu, j’avoue. Mais cette enquête me déprimait. Je n’avançais pas. Et puis, soudainement, tout a avancé, justement.
Grâce à elle.
Angela DelQuiero.
Serge bailla une nouvelle fois, et essuya ses yeux embués de larmes. Bailler avait toujours eu cet effet lacrymal sur lui, et ça lui avait porté bien des fois préjudice, dans sa jeunesse. Il eut un sourire nostalgique.
« C’est fou ce que les problèmes de gamins peuvent nous paraître dérisoires lorsqu’on est confronté à pire, une fois adulte. Quand je pense à toutes ces filles qui me jetaient, inconscientes du mal qu’elles me faisaient, et moi qui pleurnichait comme un gros bébé pendant des heures. C’était la fin du monde, pour moi. »
Il soupira.
« Comparé à toutes ces histoires sordides auxquelles j’ai été lancé, auxquelles j’ai joué un rôle ou sur lesquelles j’ai enquêté, qu’est-ce c’est qu’un râteau ? Rien. Lorsqu’on est môme, on ne pense pas à tout ça, et heureusement. C’est peut-être ça qu’on appelle l’innocence de la jeunesse… »
Il se secoua la tête.
« Foutaises. »
Ça ne lui ressemblait pas de plonger ainsi dans des élucubrations mélancoliques d’amoureux transi. Tout ça à cause d’elle qui, alors qu’il dépassait le demi-siècle, avait ravivé en lui les flammes de l’attirance. Ainsi que celles de la trahison.
Après une rencontre quelque peu mouvementée, la jeune femme s’était présentée sous le nom d’Angela DelQuiero. Elle était comme Serge : Elle avait perdue son mari récemment, assassiné par le tueur en série recherché par Lyndon. Mais, comme rien ne semblait vouloir avancer, elle avait décidé de prendre le taureau par les cornes et de faire justice elle-même.
Serge l’avait cru de bout en bout. Sa tristesse trouvait un écho dans cette jeune femme, et il ne se sentait pas le courage de lui dire d’abandonner cette idée folle alors que lui-même se jetait à corps perdu dedans. Elle l’avait donc accompagné, ou bien était-ce lui qui était tombé sous son aile.
Et, encore une fois, je me suis laissé prendre au piège. Encore une fois. Je refuse de croire qu’elle n’ait pas été personnellement touchée par ces meurtres. Bien qu’elle n’en ait jamais rien dit. Pas à moi, toujours. Mais peut-être à lui, lors de leur combat ?
Ils avaient parcourus ensemble de nombreuses routes, de nombreuses embûches. Ils étaient tombés sur des culs-de-sac, des impasses. Ils avaient rencontré des gens peu scrupuleux, questionné des ordures de la pire espèce, interrogé la lie de l’humanité. Mais jamais ils n’avaient baissés les bras.
Jamais elle n’a renoncé. Dès que nous étions devant un mur, elle pêchait une information d’on ne sait où et nous repartions. C’est à cause de ça que j’ai commencé à me méfier d’elle.
Il ne s’était pas encore découvert de sentiments pour elle. Pas avant la fin.
Serge ralentit une dernière fois avant d’attaquer le dernier tronçon de route qui allait le mener à Nantes. Il espérait de plus en plus trouver les réponses à ses questions là-bas, ou au moins une simple piste potable. Tous ces souvenirs lui avaient ravivé son ancienne rage envers François, et son besoin d’explications.
Il sortit un billet de dix euros de son portefeuille plein de liquidités. Il avait eu raison d’en prendre le maximum avant de partir. L’hôtesse du péage lui prit son billet sans un mot et lui rendit une pièce de deux euros, une autre de cinquante centimes et une dernière de dix centimes, sans un sourire. Thourn la fixa.
« Quoi ? grommela-t-elle sur un ton vaguement interrogatif.
-Vous pourriez être aimable, ça ne coûte rien.
-Chuis pas payé au sourire. Bonne journée. »
Serge garda pour lui sa façon de penser, et s’en alla en jetant son portefeuille sur le siège passager. Mais son humeur avait été assombrie par les réflexions désagréables de la caissière. Il se frotta les yeux.
Les femmes…
Lorsqu’ils avaient retrouvés la trace de François, c’était à nouveau grâce à Angela DelQuiero. Elle était revenue un matin avec cette information. Serge n’osait pas lui demander d’où elle les tirait, et lorsqu’il le faisait, elle répondait évasivement. Il était clair qu’elle ne voulait pas en parler, mais Serge Thourn avait été enquêteur, et il s’était donné pour second objectif d’en savoir un peu plus sur sa charmante compagne.
À ce moment là, François avait changé de nom, optant pour le pseudonyme de Magnum. Kurt Magnum. Des papiers avaient été récemment créés pour lui, et la photo correspondait aux souvenirs de Serge. Il avait été aperçu par un conducteur aux abords de la route 66, au milieu de nulle part.
C’est là que tout s’est accéléré. On a emprunté une voiture, et on est partit à leur poursuite. Je me demande même si elle ne l’a pas volée, cette caisse. Elle aurait pu, et facilement en plus. À moins que ce soit ses potes qui lui aient filé.
Ils l’avaient rapidement rattrapés, trouvant des indices de son passage sur le chemin. Ils avaient finis par le retrouver sur le bord de la route, un nouveau cadavre sur les bras. Il était avec une fille.
Kurt Magnum.
François Petit.
N’importe quoi. À ce moment là, j’ai enfin cru que tout ceci était terminé, et pour de bon. Je le tenais en joue, et il ne pouvait plus s’enfuir, ni nier ses meurtres : Il avait un homme mort à ses pieds, et il était taché de sang. Il était en mauvaise posture, ça oui. L’autre avait du se défendre comme un beau diable. Voilà ce que j’ai pensé.
Sauf que le diable, c’était lui.
Le commissaire bailla encore. La fatigue se faisait sentir de plus en plus. Il était plus de sept heures, maintenant. Nantes n’était plus qu’à une quarantaine de kilomètres, sinon moins. Il avait fait vite. Il renonça définitivement à s’arrêter pour se reposer et décida d’allumer la radio pour tenter de se maintenir éveillé.
Il tomba directement sur une station de rap qui le fit grimacer. Il trifouilla les boutons du poste tout en regardant la route. Il passa sur Rires&Chansons, qui diffusait un sketch de Franck Dubosc, puis sur NRJ où une jeune chanteuse certainement tout juste majeure braillait un refrain en anglais sur un air de techno. Il pesta.
« Dernière chance, je te prévient ! » menaça-t-il à l’adresse de son autoradio, toujours en tournant les boutons de réglage. Ouï FM. La station diffusait en ce moment un morceau de Nirvana, peut-être le plus connu des néophytes de ce groupe.
Smell like teen spirit.
Serge commence à chantonner l’air, sans oser contribuer aux paroles de Kurt Cobain avec son anglais horrible, tout en se replongeant dans ses souvenirs. Cette chanson aurait parfaitement collé à l’action, songe-t-il. Lorsque Angela a sauté sur François pour se battre contre lui. Je ne pouvais rien faire d’autre que les regarder.
Comme cette fille.
Cette fille n’était nullement effrayée par François. Il ne l’avait manifestement pas violentée, et elle semblait simplement épuisée et affamée, mais pas terrorisée. La compagne de Serge Thourn s’était ensuite approché de François, et lorsqu’elle s’était présentée sous son véritable jour, Thourn avait véritablement compris qu’il s’était une nouvelle fois laisser duper.
Angela DelQuiero était une envoyée du Vatican afin de liquider François Petit, alias Kurt Magnum. Elle n’était pas une veuve éplorée, mais une Magdalena dont le seul but était de traquer et d’exterminer les ennemis de Dieu. Elle avait utilisé Thourn.
Mon cœur s’est arrêté de battre pendant de longs instants lorsqu’elle a débité ses conneries sur Dieu. Ça ne pouvait pas être vrai. J’avais donc fait tout ce chemin pour trouver des réponses que détenait peut-être cette femme ? Elle était avec eux, avec les assassins de Justin, et moi je… Je l’avais aidé…
Serge ne pu retenir de frapper son volant, de rage. Les souvenirs lui donnait un sentiments de frustration aussi fort que là-bas, en Amérique. Ses dents grincèrent, alors que les jointures de ses doigts devenaient blanches tant il serrait son volant.
Il aperçut les lumières de Nantes, et un panneau annonçant une sortie à dix-huit kilomètres. Il touchait au but.
Vengeance.
2. Démons du passé.
Une vingtaine de kilomètres après la barrière de péage, Serge Thourn, toujours au volant de sa voiture et toujours pied au plancher, pesait le pour et le contre : Un radar automatique n’allait pas tarder à entrer en scène, et il se demandait s’il devait continuer à vive allure, ou bien ralentir et ainsi éviter les désagréments d’une amende à faire sauter.
« Au diable la prune, finit-il par décider. Ils m’ont déjà radiés une fois, et ils ont finis par me récupérer, alors je peux bien me faire sauter le permis si l’envie m’en prends, non ? »
Thourn persista à continuer à la même vitesse et ne manqua pas de déclencher le radar, dont le flash le fit cligner des yeux. Les autres automobilistes le regardaient passer avec un air effarouché, presque heureux de trouver un conducteur plus fou qu’eux. Serge, dans un élan de bonté, leva un majeur buriné lorsque la photographie fut prise, et sourit.
« J’espère qu’il a prit mon meilleur profil, ce fichu appareil. » railla-t-il une fois le radar passé. Les voitures autours de lui reprenaient une vitesse supérieure mais Serge continuait à les dépasser allégrement. Il était maintenant six heures et vingt minutes, et son but approchait de plus en plus. Il pouvait sentir tous les poils de son corps se dresser par l’excitation.
Enfin, depuis des années, il lui semblait réussir à l’approcher.
Il avait cherché partout, pendant ce qui lui avait semblé des siècles, cet homme qui pouvait avoir des explications. Il avait son nom. Il avait sa description. Mais il n’arrivait pas à mettre la main dessus. Et comme toute cette affaire de boîte de nuit avait été classée, toute requête était devenue non officielle et on ne l’autorisait plus à mettre ses frais sur le compte de la police. Son grade de commissaire l’avait préservé encore quelque temps au sein de la police française, mais ses multiples incursions non autorisées lui valaient blâmes sur blâmes.
De toute façon, ils ne voulaient qu’une chose : Que je me barre de la police. Seulement je les emmerdais avec mon badge de commissaire. Alors ils ont finis par invoquer des trucs bidons pour me foutre à la porte. Je ne vois pas en quoi mon séjour au Vatican les avait déranger, mais ils n’avaient pas apprécié, c’est clair.
Lorsqu’il était revenu de son voyage, il avait été convoqué par son supérieur, qui lui avait dit qu’il ne voulait plus de ces absences répétées. Il l’avait ensuite menacé d’éventuelles représailles si Thourn avait continué. Et Serge Thourn, commissaire impulsif et quelque peu violent, avait tenté de se battre contre son patron. C’est ainsi qu’il avait été radié par la police, au grand soulagement de ses collègues qui le trouvaient de plus en plus étrange.
Et dérangeant. Bah, qu’ils aillent se faire foutre… Ça ne les a pas empêché de reprendre une fois ce dossier américain résolu, hmmm ?
C’est donc en tant que simple citoyen français qu’il s’était rendu en Amérique. Quelques contacts resté dans le milieu des forces de l’ordre l’avaient informés de l’apparition d’un individu correspondant au critères de l’avis de recherche international avait été remarqué aux Etats-Unis. C’était Justin qui avait lancé cet avis de recherche, et il n’aboutissait qu’après son décès prématuré.
De toute façon, je n’avais plus rien à faire ici. Mon instinct me disait qu’il était là-bas, et qu’il recommençait ses meurtres. Et s’il se trouvait ailleurs, alors je devais y aller. Pour moi, et pour Justin aussi.
Il avait donc prit le minimum et s’était retrouvé dans un avion en direction du nouveau continent.
Serge sortit de la ville d’Angers et accéléra de nouveau. Son pied droit commençait à le lancer à force de maintenir la pédale appuyée. Six heures et demie venaient de passer, son estomac réclamait un en-cas après la simple bière du midi, et son dos le faisait souffrir. Il avait bien envie de s’accorder une pause sur un restoroute quelconque, mais il était tellement désireux d’arriver à Nantes qu’il passait outre ces légers désagréments.
« Plus tôt j’y serais, plus tôt je me reposerais. » se dit-il pour se convaincre de poursuivre. Et cette petite maxime eut l’effet escompté car reprit confiance et oublia à nouveau ses maux divers. Il fit craquer son dos, poussa un râle de plaisir en sentant ses vertèbres se remettre dans une place plus confortable, et se rencogna dans son siège.
Le soleil baissait sur l’horizon, à sa droite. Il ajusta ses lunettes de soleil, bien que la lumière commençait à baisser. Il descendit son pare-soleil et se concentra sur la route. Les nombreux véhicules qu’il avait rencontrés dans la périphérie d’Angers n’étaient plus qu’un vague souvenir.
« Un souvenir, murmura-t-il pour lui-même. Je me souviens que… »
…ma première rencontre avec Chuck Lyndon n’avait pas été relativement plaisante. Ce connard, paix à son âme, se refusait obstinément à me mettre dans ses petits papiers, alors que je ne voulais que rattraper mon fugitif, et rien de plus ! S’il avait bien voulu m’autoriser à consulter ses informations, nous aurions pu nous entraider.
Mais le fait que le commissaire Serge Thourn n’ait plus été un membre actif de la police avait semé le doute dans l’esprit de Lyndon, et ce dernier ne lui avait jamais fait confiance, bien qu’il ait utilisé à son compte les informations de Thourn. À l’époque, Chuck Lyndon était sur le dos d’un tueur en série qui sévissait sans motif apparent. Il s’en prenait à des victimes de toute race, de tout âge, de tout sexe.
Lorsque Serge Thourn lui avait demandé de collaborer à la recherche de François, il avait été évincé en bonne et due forme. Serge avait alors poursuivit son enquête de son coté, en parallèle avec Lyndon, en recherchant un homme habillé de noir, cheveux longs, un peu particulier. Il avait sondé les clochards dans les villes, les hôtels, les chauffeurs de bus ou de taxi des environs. Sans résultats.
Et puis, un soir que j’en avais marre de tourner en rond dans cette foutue ville, je suis allé me poser dans un bar. J’y avais peut-être un peu trop bu, j’avoue. Mais cette enquête me déprimait. Je n’avançais pas. Et puis, soudainement, tout a avancé, justement.
Grâce à elle.
Angela DelQuiero.
Serge bailla une nouvelle fois, et essuya ses yeux embués de larmes. Bailler avait toujours eu cet effet lacrymal sur lui, et ça lui avait porté bien des fois préjudice, dans sa jeunesse. Il eut un sourire nostalgique.
« C’est fou ce que les problèmes de gamins peuvent nous paraître dérisoires lorsqu’on est confronté à pire, une fois adulte. Quand je pense à toutes ces filles qui me jetaient, inconscientes du mal qu’elles me faisaient, et moi qui pleurnichait comme un gros bébé pendant des heures. C’était la fin du monde, pour moi. »
Il soupira.
« Comparé à toutes ces histoires sordides auxquelles j’ai été lancé, auxquelles j’ai joué un rôle ou sur lesquelles j’ai enquêté, qu’est-ce c’est qu’un râteau ? Rien. Lorsqu’on est môme, on ne pense pas à tout ça, et heureusement. C’est peut-être ça qu’on appelle l’innocence de la jeunesse… »
Il se secoua la tête.
« Foutaises. »
Ça ne lui ressemblait pas de plonger ainsi dans des élucubrations mélancoliques d’amoureux transi. Tout ça à cause d’elle qui, alors qu’il dépassait le demi-siècle, avait ravivé en lui les flammes de l’attirance. Ainsi que celles de la trahison.
Après une rencontre quelque peu mouvementée, la jeune femme s’était présentée sous le nom d’Angela DelQuiero. Elle était comme Serge : Elle avait perdue son mari récemment, assassiné par le tueur en série recherché par Lyndon. Mais, comme rien ne semblait vouloir avancer, elle avait décidé de prendre le taureau par les cornes et de faire justice elle-même.
Serge l’avait cru de bout en bout. Sa tristesse trouvait un écho dans cette jeune femme, et il ne se sentait pas le courage de lui dire d’abandonner cette idée folle alors que lui-même se jetait à corps perdu dedans. Elle l’avait donc accompagné, ou bien était-ce lui qui était tombé sous son aile.
Et, encore une fois, je me suis laissé prendre au piège. Encore une fois. Je refuse de croire qu’elle n’ait pas été personnellement touchée par ces meurtres. Bien qu’elle n’en ait jamais rien dit. Pas à moi, toujours. Mais peut-être à lui, lors de leur combat ?
Ils avaient parcourus ensemble de nombreuses routes, de nombreuses embûches. Ils étaient tombés sur des culs-de-sac, des impasses. Ils avaient rencontré des gens peu scrupuleux, questionné des ordures de la pire espèce, interrogé la lie de l’humanité. Mais jamais ils n’avaient baissés les bras.
Jamais elle n’a renoncé. Dès que nous étions devant un mur, elle pêchait une information d’on ne sait où et nous repartions. C’est à cause de ça que j’ai commencé à me méfier d’elle.
Il ne s’était pas encore découvert de sentiments pour elle. Pas avant la fin.
Serge ralentit une dernière fois avant d’attaquer le dernier tronçon de route qui allait le mener à Nantes. Il espérait de plus en plus trouver les réponses à ses questions là-bas, ou au moins une simple piste potable. Tous ces souvenirs lui avaient ravivé son ancienne rage envers François, et son besoin d’explications.
Il sortit un billet de dix euros de son portefeuille plein de liquidités. Il avait eu raison d’en prendre le maximum avant de partir. L’hôtesse du péage lui prit son billet sans un mot et lui rendit une pièce de deux euros, une autre de cinquante centimes et une dernière de dix centimes, sans un sourire. Thourn la fixa.
« Quoi ? grommela-t-elle sur un ton vaguement interrogatif.
-Vous pourriez être aimable, ça ne coûte rien.
-Chuis pas payé au sourire. Bonne journée. »
Serge garda pour lui sa façon de penser, et s’en alla en jetant son portefeuille sur le siège passager. Mais son humeur avait été assombrie par les réflexions désagréables de la caissière. Il se frotta les yeux.
Les femmes…
Lorsqu’ils avaient retrouvés la trace de François, c’était à nouveau grâce à Angela DelQuiero. Elle était revenue un matin avec cette information. Serge n’osait pas lui demander d’où elle les tirait, et lorsqu’il le faisait, elle répondait évasivement. Il était clair qu’elle ne voulait pas en parler, mais Serge Thourn avait été enquêteur, et il s’était donné pour second objectif d’en savoir un peu plus sur sa charmante compagne.
À ce moment là, François avait changé de nom, optant pour le pseudonyme de Magnum. Kurt Magnum. Des papiers avaient été récemment créés pour lui, et la photo correspondait aux souvenirs de Serge. Il avait été aperçu par un conducteur aux abords de la route 66, au milieu de nulle part.
C’est là que tout s’est accéléré. On a emprunté une voiture, et on est partit à leur poursuite. Je me demande même si elle ne l’a pas volée, cette caisse. Elle aurait pu, et facilement en plus. À moins que ce soit ses potes qui lui aient filé.
Ils l’avaient rapidement rattrapés, trouvant des indices de son passage sur le chemin. Ils avaient finis par le retrouver sur le bord de la route, un nouveau cadavre sur les bras. Il était avec une fille.
Kurt Magnum.
François Petit.
N’importe quoi. À ce moment là, j’ai enfin cru que tout ceci était terminé, et pour de bon. Je le tenais en joue, et il ne pouvait plus s’enfuir, ni nier ses meurtres : Il avait un homme mort à ses pieds, et il était taché de sang. Il était en mauvaise posture, ça oui. L’autre avait du se défendre comme un beau diable. Voilà ce que j’ai pensé.
Sauf que le diable, c’était lui.
Le commissaire bailla encore. La fatigue se faisait sentir de plus en plus. Il était plus de sept heures, maintenant. Nantes n’était plus qu’à une quarantaine de kilomètres, sinon moins. Il avait fait vite. Il renonça définitivement à s’arrêter pour se reposer et décida d’allumer la radio pour tenter de se maintenir éveillé.
Il tomba directement sur une station de rap qui le fit grimacer. Il trifouilla les boutons du poste tout en regardant la route. Il passa sur Rires&Chansons, qui diffusait un sketch de Franck Dubosc, puis sur NRJ où une jeune chanteuse certainement tout juste majeure braillait un refrain en anglais sur un air de techno. Il pesta.
« Dernière chance, je te prévient ! » menaça-t-il à l’adresse de son autoradio, toujours en tournant les boutons de réglage. Ouï FM. La station diffusait en ce moment un morceau de Nirvana, peut-être le plus connu des néophytes de ce groupe.
Smell like teen spirit.
Serge commence à chantonner l’air, sans oser contribuer aux paroles de Kurt Cobain avec son anglais horrible, tout en se replongeant dans ses souvenirs. Cette chanson aurait parfaitement collé à l’action, songe-t-il. Lorsque Angela a sauté sur François pour se battre contre lui. Je ne pouvais rien faire d’autre que les regarder.
Comme cette fille.
Cette fille n’était nullement effrayée par François. Il ne l’avait manifestement pas violentée, et elle semblait simplement épuisée et affamée, mais pas terrorisée. La compagne de Serge Thourn s’était ensuite approché de François, et lorsqu’elle s’était présentée sous son véritable jour, Thourn avait véritablement compris qu’il s’était une nouvelle fois laisser duper.
Angela DelQuiero était une envoyée du Vatican afin de liquider François Petit, alias Kurt Magnum. Elle n’était pas une veuve éplorée, mais une Magdalena dont le seul but était de traquer et d’exterminer les ennemis de Dieu. Elle avait utilisé Thourn.
Mon cœur s’est arrêté de battre pendant de longs instants lorsqu’elle a débité ses conneries sur Dieu. Ça ne pouvait pas être vrai. J’avais donc fait tout ce chemin pour trouver des réponses que détenait peut-être cette femme ? Elle était avec eux, avec les assassins de Justin, et moi je… Je l’avais aidé…
Serge ne pu retenir de frapper son volant, de rage. Les souvenirs lui donnait un sentiments de frustration aussi fort que là-bas, en Amérique. Ses dents grincèrent, alors que les jointures de ses doigts devenaient blanches tant il serrait son volant.
Il aperçut les lumières de Nantes, et un panneau annonçant une sortie à dix-huit kilomètres. Il touchait au but.
Vengeance.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
François avait eu le dessus sur Angela, assez facilement pour tout dire. Il émanait de lui une sorte de force brutale effrayante. Thourn n’avait plus su qui mettre en joue alors qu’il avait sorti son arme. Devait-il viser François, sa proie depuis si longtemps, ou bien celle qui était dans l’équipe de ‘méchants’ ?
Les deux étaient des criminels, selon moi. Je ne pouvait pas me résoudre à en flinguer un, au risque qu’il garde pour lui ses précieuses informations. Je me contentais de les viser, sans oser tirer. Mais lorsque la gamine a voulu s’interposer, alors j’ai su quoi faire.
Il s’était rué sur elle pour l’empêcher de se mêler à la bataille. S’il n’arrivait pas à comprendre d’où leur provenait cette force et cette fureur, il comprenait facilement que si une simple humaine comme elle, aussi frêle, rentrait dans l’arène des combattant, elle n’en ressortirait pas. Elle avait beau se débattre, il ne la lâcherait pas.
Serge avait vu la Magdalena perdre du terrain face à François. Tant et si bien qu’elle l’avait appeler à l’aide, lui demandant de prendre la jeune femme en otage pour détourner l’attention de François. Serge avait hésité, et c’est ça qui avait décidé du reste.
Juste cette hésitation.
Serge enclencha son clignotant et s’engagea dans la sortie 22, qui menait à une annexe de l’autoroute A11. Il ne lui restait plus qu’une dizaine de kilomètres à parcourir, et il pourrait se trouver un hôtel où passer la nuit. Et y retirer ses chaussures. Et y prendre une douche.
Il hocha la tête d’approbation.
« Pour ce qui est des recherches, je verrais si j’en ai le courage après tout ça, ou bien si je commencerai demain. » Mais il savait qu’il allait s’y mettre le soir même.
Il avait trop besoins de réponses.
J’avais trop besoin de réponses. Je ne pouvais pas la tuer comme ça. J’ai hésité, je lui ai demandé qui avait tué Justin. Et elle m’a répondu. Mais je ne sais pas tout, pas encore. Même maintenant. Elle m’a juste donné les renseignements que je connaissais déjà, mais peu de nouveautés. Mais ce qu’elle a dit m’a fait décider.
Serge Thourn avait alors fait feu sur Angela, et c’est alors qu’il avait de nouveau perdu pied. Il se souvenait d’Angela qui évitait les balles gracieusement, et qui se jetait sur lui. Il se souvenait d’avoir poussé la gamine qui accompagnait François afin de la protéger. Il se souvenait des lueurs de meurtres dans les yeux de la Magdalena.
Et puis c’est lui qui m’a sauvé en la tuant elle.
Le reste est flou. Il y a du vent tout autour de nous. La lumière est sombre, rougeâtre, comme un couché de soleil. Le sable vient s’incruster dans mes vêtements, sur ma peau. Il fait beaucoup trop chaud.
François, ou Magnum, est debout, face à moi, devant une intense lumière. Il a des cornes. Je me rappelle que je l’ai déjà vu comme ça, alors que j’étais dans un état de faible conscience. Il y a longtemps. Je le revoit parler à la fille, puis le temps de fermer les yeux, et elle n’est plus là. Puis je le revois passer dans la lumière.
Il se retourne.
Il me parle.
« Désormais, je serais l’Agent Hadès. »
Serge Thourn n’en revient pas. Cette phrase est l’exacte réplique que François lui avait dit juste avant de disparaître par cette lumière immaculée. Il l’avait oublié, et elle venait de lui revenir en mémoire, après tout ce temps. Ce voyage vers Nantes n’aura de toute façon pas été inutile, pense-t-il en sortant de l’autoroute.
« Plus que trois kilomètres ! » jubile-t-il en prenant à témoin son poste de radio qui retransmettait maintenant du U2, Sunday, Bloody Sunday.
Il se sentait beaucoup mieux qu’avant. Le long trajet ressassé de pensées lui avait donné une nouvelle vigueur, une énergie débordante afin de terminer ce qui avait été commencé bien longtemps auparavant.
Lorsqu’il était revenu à lui, au milieu du désert, tout s’était calmé. Plus de vent, plus de lumière, plus de François. Il était seul, avec trois cadavres autour de lui. Il avait tant bien que mal reprit la voiture et contacté la police avec la radio qui se trouvait dans le véhicule. Ils étaient arrivés, et il l’avait emmenés à l’hôpital pour des examens.
Il n’avait pas été blessé, seulement bousculé. Il s’en tirait simplement avec quelques contusions mineures. Mais il avait une nouvelle fois perdu la trace de François. Il avait été félicité par les forces de police pour avoir résolu l’enquête du tueur en série, et ils avaient rapidement organisé son retour en France, où on l’attendait de pied ferme.
À sa grande surprise, son supérieur hiérarchique avait décidé de le réintégrer parmi ses hommes, s’il le désirait. Une sorte de récompense pour son coup d’éclat sur le nouveau continent, pour ainsi dire. Il avait accepté. Il ne lui avait pas fallu six mois pour être muté à la campagne et ainsi se retrouver à faire plus de paperasse qu’autre chose.
On lui confiait seulement les affaires dérangeantes, impliquant des éléments curieux. Il ne se plaignait pas. Il avait rangé une bonne fois pour toute, croyait-il, ces deux douloureux chapitres de sa vie, et ne voulait en aucun cas les exhumer.
Puis, un jour, un tueur était venu se rendre dans son commissariat.
*
* *
Mr.Magnum ouvrit un œil.
Tout ses sens étaient en alerte. Il dégaina silencieusement son arme, et scruta les ténèbres. Rien. Les braises de leur feu de camp s’éteignaient lentement. Mr.Magnum jaugea rapidement qu’il n’avait pas du s’endormir plus d’une heure. Il savait pertinemment qu’ils n’avaient pas besoin de repos, mais l’habitude prenait facilement le dessus.
« Tu n’as rien entendu ? » murmura-t-il à l’adresse de Squall.
Ce dernier émit un discret grognement négatif. Mr.Magnum resta immobile quelques minutes, puis se rallongea. La grotte était humide, et l’air froid. Une goutte tomba dans les tréfonds de la caverne, le son se répercutant contre les parois. Mr.Magnum se retourne, tombant face à face avec Haschatan. Lui aussi avait une barbe naissante sur les joues et le menton. Combien de temps sommes-nous ici ? se demanda-t-il.
Derrière Haschatan, K-Ro serrait Kefka dans ses bras et dormait comme un bébé. De temps à autre, elle soupirait et balbutiait ‘chocolat’ ou ‘contrat’ avant de sombrer de nouveau dans le sommeil. Malgré cela, sa légèreté lorsqu’elle était éveillée, Mr.Magnum savait très bien que ce voyage lui pesait autant qu’à eux.
Erwan était couché à coté de K-Ro, son arme entre eux deux. Il était sur le dos, les mains croisées derrière sa nuque, et de là où se trouvait Mr.Magnum, il ne pouvait distinguer s’il dormait ou s’il pensait. Il opta pour le second choix. Bien plus loin se trouvait Fury, qui dormait lui aussi, mais assit en tailleur. Mr.Magnum regarda sa masse de muscle qui respirait, et sourit. Lui, il faisait preuve de courage, sûr.
Mr.Magnum soupira, puis s’allongea complètement. Il fixa le plafond, en tentant de trouver à nouveau le sommeil sans songer au rêve qui l’avait réveillé. Il ignorait totalement pourquoi ces souvenirs lui étaient apparus pendant la nuit, mais la sensation de revivre ces pénibles moments lui était désagréable.
Cette grotte qui n’en finissait pas, cette perpétuelle angoisse de se faire surprendre par qu’un ou quelque chose, tout ceci est déjà bien assez éprouvant, sans qu’en plus je repense à ce commissaire, ou à cette sinistre période.
Mr.Magnum se replaça dans le sol, et ferma les yeux.
Il ne dormit que très peu, cette nuit là.
FIN DE L'ÉPISODE 4: THOURN.
Les deux étaient des criminels, selon moi. Je ne pouvait pas me résoudre à en flinguer un, au risque qu’il garde pour lui ses précieuses informations. Je me contentais de les viser, sans oser tirer. Mais lorsque la gamine a voulu s’interposer, alors j’ai su quoi faire.
Il s’était rué sur elle pour l’empêcher de se mêler à la bataille. S’il n’arrivait pas à comprendre d’où leur provenait cette force et cette fureur, il comprenait facilement que si une simple humaine comme elle, aussi frêle, rentrait dans l’arène des combattant, elle n’en ressortirait pas. Elle avait beau se débattre, il ne la lâcherait pas.
Serge avait vu la Magdalena perdre du terrain face à François. Tant et si bien qu’elle l’avait appeler à l’aide, lui demandant de prendre la jeune femme en otage pour détourner l’attention de François. Serge avait hésité, et c’est ça qui avait décidé du reste.
Juste cette hésitation.
Serge enclencha son clignotant et s’engagea dans la sortie 22, qui menait à une annexe de l’autoroute A11. Il ne lui restait plus qu’une dizaine de kilomètres à parcourir, et il pourrait se trouver un hôtel où passer la nuit. Et y retirer ses chaussures. Et y prendre une douche.
Il hocha la tête d’approbation.
« Pour ce qui est des recherches, je verrais si j’en ai le courage après tout ça, ou bien si je commencerai demain. » Mais il savait qu’il allait s’y mettre le soir même.
Il avait trop besoins de réponses.
J’avais trop besoin de réponses. Je ne pouvais pas la tuer comme ça. J’ai hésité, je lui ai demandé qui avait tué Justin. Et elle m’a répondu. Mais je ne sais pas tout, pas encore. Même maintenant. Elle m’a juste donné les renseignements que je connaissais déjà, mais peu de nouveautés. Mais ce qu’elle a dit m’a fait décider.
Serge Thourn avait alors fait feu sur Angela, et c’est alors qu’il avait de nouveau perdu pied. Il se souvenait d’Angela qui évitait les balles gracieusement, et qui se jetait sur lui. Il se souvenait d’avoir poussé la gamine qui accompagnait François afin de la protéger. Il se souvenait des lueurs de meurtres dans les yeux de la Magdalena.
Et puis c’est lui qui m’a sauvé en la tuant elle.
Le reste est flou. Il y a du vent tout autour de nous. La lumière est sombre, rougeâtre, comme un couché de soleil. Le sable vient s’incruster dans mes vêtements, sur ma peau. Il fait beaucoup trop chaud.
François, ou Magnum, est debout, face à moi, devant une intense lumière. Il a des cornes. Je me rappelle que je l’ai déjà vu comme ça, alors que j’étais dans un état de faible conscience. Il y a longtemps. Je le revoit parler à la fille, puis le temps de fermer les yeux, et elle n’est plus là. Puis je le revois passer dans la lumière.
Il se retourne.
Il me parle.
« Désormais, je serais l’Agent Hadès. »
Serge Thourn n’en revient pas. Cette phrase est l’exacte réplique que François lui avait dit juste avant de disparaître par cette lumière immaculée. Il l’avait oublié, et elle venait de lui revenir en mémoire, après tout ce temps. Ce voyage vers Nantes n’aura de toute façon pas été inutile, pense-t-il en sortant de l’autoroute.
« Plus que trois kilomètres ! » jubile-t-il en prenant à témoin son poste de radio qui retransmettait maintenant du U2, Sunday, Bloody Sunday.
Il se sentait beaucoup mieux qu’avant. Le long trajet ressassé de pensées lui avait donné une nouvelle vigueur, une énergie débordante afin de terminer ce qui avait été commencé bien longtemps auparavant.
Lorsqu’il était revenu à lui, au milieu du désert, tout s’était calmé. Plus de vent, plus de lumière, plus de François. Il était seul, avec trois cadavres autour de lui. Il avait tant bien que mal reprit la voiture et contacté la police avec la radio qui se trouvait dans le véhicule. Ils étaient arrivés, et il l’avait emmenés à l’hôpital pour des examens.
Il n’avait pas été blessé, seulement bousculé. Il s’en tirait simplement avec quelques contusions mineures. Mais il avait une nouvelle fois perdu la trace de François. Il avait été félicité par les forces de police pour avoir résolu l’enquête du tueur en série, et ils avaient rapidement organisé son retour en France, où on l’attendait de pied ferme.
À sa grande surprise, son supérieur hiérarchique avait décidé de le réintégrer parmi ses hommes, s’il le désirait. Une sorte de récompense pour son coup d’éclat sur le nouveau continent, pour ainsi dire. Il avait accepté. Il ne lui avait pas fallu six mois pour être muté à la campagne et ainsi se retrouver à faire plus de paperasse qu’autre chose.
On lui confiait seulement les affaires dérangeantes, impliquant des éléments curieux. Il ne se plaignait pas. Il avait rangé une bonne fois pour toute, croyait-il, ces deux douloureux chapitres de sa vie, et ne voulait en aucun cas les exhumer.
Puis, un jour, un tueur était venu se rendre dans son commissariat.
*
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Mr.Magnum ouvrit un œil.
Tout ses sens étaient en alerte. Il dégaina silencieusement son arme, et scruta les ténèbres. Rien. Les braises de leur feu de camp s’éteignaient lentement. Mr.Magnum jaugea rapidement qu’il n’avait pas du s’endormir plus d’une heure. Il savait pertinemment qu’ils n’avaient pas besoin de repos, mais l’habitude prenait facilement le dessus.
« Tu n’as rien entendu ? » murmura-t-il à l’adresse de Squall.
Ce dernier émit un discret grognement négatif. Mr.Magnum resta immobile quelques minutes, puis se rallongea. La grotte était humide, et l’air froid. Une goutte tomba dans les tréfonds de la caverne, le son se répercutant contre les parois. Mr.Magnum se retourne, tombant face à face avec Haschatan. Lui aussi avait une barbe naissante sur les joues et le menton. Combien de temps sommes-nous ici ? se demanda-t-il.
Derrière Haschatan, K-Ro serrait Kefka dans ses bras et dormait comme un bébé. De temps à autre, elle soupirait et balbutiait ‘chocolat’ ou ‘contrat’ avant de sombrer de nouveau dans le sommeil. Malgré cela, sa légèreté lorsqu’elle était éveillée, Mr.Magnum savait très bien que ce voyage lui pesait autant qu’à eux.
Erwan était couché à coté de K-Ro, son arme entre eux deux. Il était sur le dos, les mains croisées derrière sa nuque, et de là où se trouvait Mr.Magnum, il ne pouvait distinguer s’il dormait ou s’il pensait. Il opta pour le second choix. Bien plus loin se trouvait Fury, qui dormait lui aussi, mais assit en tailleur. Mr.Magnum regarda sa masse de muscle qui respirait, et sourit. Lui, il faisait preuve de courage, sûr.
Mr.Magnum soupira, puis s’allongea complètement. Il fixa le plafond, en tentant de trouver à nouveau le sommeil sans songer au rêve qui l’avait réveillé. Il ignorait totalement pourquoi ces souvenirs lui étaient apparus pendant la nuit, mais la sensation de revivre ces pénibles moments lui était désagréable.
Cette grotte qui n’en finissait pas, cette perpétuelle angoisse de se faire surprendre par qu’un ou quelque chose, tout ceci est déjà bien assez éprouvant, sans qu’en plus je repense à ce commissaire, ou à cette sinistre période.
Mr.Magnum se replaça dans le sol, et ferma les yeux.
Il ne dormit que très peu, cette nuit là.
FIN DE L'ÉPISODE 4: THOURN.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Localisation : Dans les limbes torturées d'un esprit dérangé.
Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
DTC?
Ahem, sorry pour le retard, mais j'ai eu des journées remplies... Encore pardon, j'essayerai d'être plus ponctuel pour la suite, promis!
ÉPISODE 5 : MYTHOLOGIE SCANDINAVE
1. Yggdrasil
DragonNoir décrocha son téléphone et brailla un ‘Allô’ surexcité. Ils étaient maintenant tous prêt à partir, et il fallait qu’il reçoive un coup de téléphone peu avant le départ effectif. La voix qui lui répondit était calme.
« DragonNoir ? C’est Laekh. »
DragonNoir comprit aussitôt.
« Ils sont revenus ? demanda-t-il en posant son épée.
-D’après les bruits que j’entends, oui. Heureusement que j’ai eu la présence d’esprit de les mettre dans ces sacs, n’est-ce pas ? »
Laekh Traumen avait réussi à se faire engager dans la morgue qui avait récupérée les corps des quatre derniers Trauméniens assassinés par le tueur en série. Mais les restes des victimes avaient été mis dans de simples boîtes hermétiques et, de ce fait, les résurrections des Trauméniens relevaient du miracle, sans mauvais jeu de mot.
Laekh avait alors subtilisé les cadavres et les avait caché dans des sacs poubelles afin de facilité leur ‘restructuration’ lors de leur retour à la vie.
« Alors les corps se reconstituent tout seul ? questionna DragonNoir.
-Manifestement, oui. De toute façon, je ne serais pas allé les aider, s’il avait fallu. » Il agrémenta ses paroles d’un gémissement de dégoût entendu. « Ils ont eu de la chance que je sois de garde cette nuit aussi.
-Tu aurais trouvé un moyen de les récupérer, de toute façon, dit DragonNoir.
-C’est gentil de me faire confiance.
-C’est surtout que tu n’as pas le choix ! »
Une hache se posa doucement sur l’épaule de DragonNoir, qui sursauta.
« Euh, Laekh ? Écoute, nous arrivons d’ici peu, d’accord ? Je remet le départ pour Yggdrasil à plus tard, le temps de récupérer nos voyageurs.
-Pas de problèmes. J’attends qu’ils soient en un seul morceau, et je les emmène dehors.
-À tout à l’heure, Laekh. » Il raccrocha et se tourna vers la hache.
Séphira Strife, propriétaire provisoire de ladite hache, le regardait fixement, les yeux mi-clos mais néanmoins furieux. Séphira Strife avait une manière bien à elle de montrer sa colère : Elle ne disait rien.
« Je sais, je sais, balbutia DragonNoir en écartant la hache. Je fais juste un aller-retour pour chercher Gorgon, LIF, Hilde et Radamenthe, et après nous pourrons partir. »
Séphira Strife ne répondit pas.
« Je n’en ai pas pour longtemps, la route n’est pas longue jusqu’à Épinal. Il y en a pour quatre heures, pas plus ! En train, c’est relativement rapide, si nous ne disposons pas de voitures ou de véhicules pour nous déplacer. »
Séphira Strife garda le silence.
« Bon, d’accord, quatre autres heures seront nécessaire pour revenir, admit DragonNoir en évitant le regard meurtrier de Séphira. Mais après ça, je te promets qu’on part tout les quatre pour l’Yggdrasil, d’accord ?
Séphira Strife resta muette.
Les autres Trauméniens, derrière DragonNoir ou en retrait, observaient la scène en pariant mentalement sur le vainqueur de l’éventuelle lutte. Si quelqu’un avait pu jouer le rôle du bookmaker, il aurait pu annoncer Séphira Strife gagnante à quinze contre un.
Adossé à la fenêtre, un casque cornu sur la tête et un bouclier rond au bras, IL secoua la tête en soupirant. Encore un retard, songea-t-il. On n’est pas près de la retrouver, notre Séphy-Roshou. Il retira le bouclier en bois et s’assit sur le sol, près de Soulblighter, toujours allongé les yeux fermés.
« Soul’… Eh, Soul’ réveille-toi ! »
Soulblighter ouvrit un œil et se redressa lentement. Il examina les alentours, puis se frotta les yeux en demandant à IL se qu’il s’était passé.
« Est-ce que nous sommes arrivés ? Ça ressemble vachement à l’appartement à DragonNoir, en tout cas.
-Nous ne sommes pas encore parti, répondit IL. Les autres voyageurs viennent de rentrer, et DragonNoir va aller les chercher. Le départ est donc retardé.
-Ah.
-Donc nous voilà réduit à l’impuissance, à nouveau, et nous devons attendre que notre grande salamandre en chef revienne de là-bas.
-Oh.
-C’est fou ce que tu as l’air déçu. »
Soulblighter tourna lentement la tête vers IL.
« J’en profite pour aller aux toilettes. »
*
* *
Q-Po s’écarta de l’ordinateur en soupirant, l’air contrarié. Le départ précipité de DragonNoir pour Épinal le mettait hors de lui : il lui aurait été si simple de déléguer ses pouvoirs sur un autre membre pour aller récupérer les Trauméniens, ou même de confier cette tache à Laekh, qui était déjà sur place. Mais DragonNoir voulait tout faire lui-même, et il mettait le reste du groupe en retard.
« Alors, quels sont les horaires des trains ? demanda DragonNoir.
-Le prochain part dans une heure, à la gare de l’Est, dit gravement Q-Po. On a largement le temps de l’atteindre, et on sera de retour vers vingt heures ou vingt et une heure ce soir.
-Ce qui nous oblige à remettre le voyage à demain matin. »
DragonNoir et Q-Po se tournèrent vers Halvorc, qui venait de sortir du salon. Il s’avança au milieu d’eux, et dévisagea DragonNoir. Q-Po sentit la pugilat mental arriver, et leva les yeux au ciel. Ils n’arrêteront donc jamais ?
« Je pense que ce serait mieux de partir demain matin, ai lieu de partir ce soir après une longue journée, approuva DragonNoir. Bien que je doute que ta réflexion ait eu pour but de me faire dire ça.
-En plein dans la mille, dit Halvorc. Je me propose en tant que remplaçant de môssieur DragonNoir, et j’organiserait le départ dans les minutes qui…
-Hors de question, trancha DragonNoir. Je refuse que tu prennes toutes les responsabilités inhérentes à ce type de voyage. De plus, ta place est déjà prévue dans un prochain départ.
-Et de quel droit tu prends ainsi la direction des opérations, je te prie ? »
Halvorc serrait les poings, et Q-Po surveillait du coin de l’œil l’évolution de la discussion qui se passait si près de lui. Il était prêt à intervenir si la situation dérapait, malgré son désir de rester hors de toute dispute éclatante à l’intérieur de la communauté. DragonNoir et Halvorc se turent pendant que Soulblighter passait dans le couloir, revenant des toilettes. Il ne posa pas de questions et préféra rentrer directement dans le salon. Peut-être n’a-t-il même pas remarqué l’altercation ?
« Je n’ai prit aucun commandement, et je…
-Je me permets de te rappeler que c’est Magnum qui est à l’origine de cette idée, et tu n’en tireras aucun profit même si l’appartement de tes parents sert de quartier général !
-C’est fou comme tout le monde peux croire que je cherche un avantage personnel dans tout ce que j’entreprends ! répliqua DragonNoir.
-Parce que c’est faux ? grogna Halvorc.
-Arrêtez, vous deux ! » tonna Q-Po de sa voix grave. Halvorc se détourna en mettant ses mains dans ses poches, tandis que DragonNoir faisait face à Q-Po. Celui-ci reprit :
« Si nous commençons à nous désolidariser, alors autant tout abandonner tout de suite. Nous n’avons qu’à partir chacun de notre coté, et revenir quand on peut. On voit ce que ça a donné avec Squall, n’est-ce pas ? On ne sait pas où est son corps, et lorsqu’il reviendra à la vie, ça va être un sacré problème pour le retrouver. »
Le discours de Q-Po fit mouche dans les deux camps. Halvorc grommela encore deux ou trois oppositions, pour la forme, puis s’en alla de l’appartement. DragonNoir, les yeux rivés sur le sol, semblait réfléchir. Q-Po se demanda brièvement s’il n’était pas entrain de se remettre en question, mais jugea la possibilité infime en souriant.
« Il te reste cinquante minutes pour rejoindre la gare de l’Est, DragonNoir. Tu y vas seul ou tu prends quelqu’un avec toi ?
-Je vais leur demander si quelqu’un veux m’accompagner. Sinon, j’irais seul. »
Bien, DragonNoir, bien. Tu commences à assimiler l’esprit d’équipe. Peut-être cette querelle entre Halvorc et toi n’a-t-elle pas été si futile, tout compte fait.
« Pourquoi tu souries ?
-Pour rien, DragonNoir, pour rien. »
DragonNoir ouvrit la porte du salon d’où provenait de nombreux échos de conversations, et laissa Q-Po seul avec l’ordinateur.
*
* *
À Épinal, Laekh était en nage.
Il venait de transporter les quatre sacs où se trouvaient Gorgon_Roo, Radamenthe, Hilde et le Ionisateur Fou dans un endroit calme de la morgue, là où ils ne seraient pas dérangés. Il s’essuya le front en regardant l’heure. La relève n’allait pas tarder à arriver, et il allait avoir un mal fou à expliquer à ses nouveaux collègues que quatre morts s’étaient fait la malle pendant son service.
Il posa délicatement le dernier sac contenant Radamenthe auprès des autres, et referma la porte des toilettes derrière lui. Il avait déniché un panneau ‘en dérangement’ dans le placard des services de nettoyage et l’avait accroché à la poignée. Il y avait peu de chances que son collègue commence sa journée par visiter les toilettes, mais même si une envie pressante lui prenait, il n’aurait qu’à aller à l’étage.
Laekh se pencha sur les cadavres de ses compagnons de forum. Une mine de dégoût se peignit rapidement sur ses traits lorsqu’il entendit les affreux bruits qui provenaient des sacs fermés. Ils remuaient tout seuls, agités de l’intérieur comme des œufs mous. Laekh s’attendait presque à voir sortir une araignée extra-terrestre qui viendrait lui pondre dans le ventre.
« Tu regardes trop de films, toi… »
Un gémissement s’échappa du premier sac. Laekh s’en approcha, sur ses gardes malgré tout. Il n’arrivait pas à s’enlever de la tête des images de la Nuit des Morts Vivants, de Simetière ou même d’Evil Dead. Même un navet comme Ghost Of Mars lui revint en mémoire, et se retrouver face à une telle ignominie lui fit peur plus que le reste.
Une main tendit le plastique du sac à sa gauche. Tous les sacs remuaient maintenant. Tous sauf un qui ne faisait même pas de bruit. Mais Laekh ne s’en apercevait pas, trop occupé à se demander s’il devait ouvrir les sacs maintenant ou bien patienter encore. Ce fut la voix paniquée du Ionisateur Fou qui le décida.
« Où est-ce que je suis !! Hey !! À l’aide !! J’étouffe ! »
*
* *
Séphira Strife se jeta sur le canapé en soufflant. DragonNoir était partit seul à la rencontre de Laekh et des quatre Trauméniens qui avaient eu la chance de mourir et de revenir. Elle avait attendu des jours et des jours que son heure de gloire arrive, et c’était le moment qu’avaient choisit les morts pour revenir à la vie.
« Évidemment, dit-elle à voix haute. Et lui qui laisse tout tomber pour aller les chercher.
-C’est DragonNoir, tu sais, commenta IL. Il ne changera plus, à son âge, c’est foutu. C’est le stade terminal, je crois.
-Ne lui donne pas d’excuses, toi, grommela-t-elle.
-Je ne pense pas que ça soit le genre de IL de fournir des excuses à DragonNoir, mais ce n’est que mon avis… » dit Soulblighter d’une voix monocorde. Il avait reprit son épée et il l’examinait gravement. La relique était encore en très bon état, comme la plupart des armes qu’ils avaient dénichées ou empruntées.
« Quelque soit son excuse, notre voyage est quand même reporté, soupira Séphira Strife en croisant ses mains derrière sa tête.
-Juste à demain matin, ce n’est qu’un léger retard, rien de plus.
-Ce n’est pas la question du temps de retard, IL. J’étais prête, là, à partir. Peut-être que d’ici demain, nous aurons un autre retard.
-Quel optimisme, railla gentiment Soulblighter.
-Nous n’aurons aucun retard. »
Tous se tournèrent vers Halvorc. Il avait en main l’épée de DragonNoir et il la tenait dressée face à lui. Le salon avait été déserté peu avant par ceux qui voulaient assister au départ : Lord FireFly, Arkh, Lord Satana, Jamic, DarKenshin et bien entendu Q-Po. Tous étaient repartis vaquer à d’autres occupations, laissant les futurs voyageurs dans la pièce.
« Qu’est-ce que tu dis, Halvorc ? s’inquiéta Séphira Strife. Comment ça ‘aucun retard’ ?
-Le voyage aura bien lieu. »
Il leva l’épée.
« Maintenant. »
Ahem, sorry pour le retard, mais j'ai eu des journées remplies... Encore pardon, j'essayerai d'être plus ponctuel pour la suite, promis!
ÉPISODE 5 : MYTHOLOGIE SCANDINAVE
1. Yggdrasil
DragonNoir décrocha son téléphone et brailla un ‘Allô’ surexcité. Ils étaient maintenant tous prêt à partir, et il fallait qu’il reçoive un coup de téléphone peu avant le départ effectif. La voix qui lui répondit était calme.
« DragonNoir ? C’est Laekh. »
DragonNoir comprit aussitôt.
« Ils sont revenus ? demanda-t-il en posant son épée.
-D’après les bruits que j’entends, oui. Heureusement que j’ai eu la présence d’esprit de les mettre dans ces sacs, n’est-ce pas ? »
Laekh Traumen avait réussi à se faire engager dans la morgue qui avait récupérée les corps des quatre derniers Trauméniens assassinés par le tueur en série. Mais les restes des victimes avaient été mis dans de simples boîtes hermétiques et, de ce fait, les résurrections des Trauméniens relevaient du miracle, sans mauvais jeu de mot.
Laekh avait alors subtilisé les cadavres et les avait caché dans des sacs poubelles afin de facilité leur ‘restructuration’ lors de leur retour à la vie.
« Alors les corps se reconstituent tout seul ? questionna DragonNoir.
-Manifestement, oui. De toute façon, je ne serais pas allé les aider, s’il avait fallu. » Il agrémenta ses paroles d’un gémissement de dégoût entendu. « Ils ont eu de la chance que je sois de garde cette nuit aussi.
-Tu aurais trouvé un moyen de les récupérer, de toute façon, dit DragonNoir.
-C’est gentil de me faire confiance.
-C’est surtout que tu n’as pas le choix ! »
Une hache se posa doucement sur l’épaule de DragonNoir, qui sursauta.
« Euh, Laekh ? Écoute, nous arrivons d’ici peu, d’accord ? Je remet le départ pour Yggdrasil à plus tard, le temps de récupérer nos voyageurs.
-Pas de problèmes. J’attends qu’ils soient en un seul morceau, et je les emmène dehors.
-À tout à l’heure, Laekh. » Il raccrocha et se tourna vers la hache.
Séphira Strife, propriétaire provisoire de ladite hache, le regardait fixement, les yeux mi-clos mais néanmoins furieux. Séphira Strife avait une manière bien à elle de montrer sa colère : Elle ne disait rien.
« Je sais, je sais, balbutia DragonNoir en écartant la hache. Je fais juste un aller-retour pour chercher Gorgon, LIF, Hilde et Radamenthe, et après nous pourrons partir. »
Séphira Strife ne répondit pas.
« Je n’en ai pas pour longtemps, la route n’est pas longue jusqu’à Épinal. Il y en a pour quatre heures, pas plus ! En train, c’est relativement rapide, si nous ne disposons pas de voitures ou de véhicules pour nous déplacer. »
Séphira Strife garda le silence.
« Bon, d’accord, quatre autres heures seront nécessaire pour revenir, admit DragonNoir en évitant le regard meurtrier de Séphira. Mais après ça, je te promets qu’on part tout les quatre pour l’Yggdrasil, d’accord ?
Séphira Strife resta muette.
Les autres Trauméniens, derrière DragonNoir ou en retrait, observaient la scène en pariant mentalement sur le vainqueur de l’éventuelle lutte. Si quelqu’un avait pu jouer le rôle du bookmaker, il aurait pu annoncer Séphira Strife gagnante à quinze contre un.
Adossé à la fenêtre, un casque cornu sur la tête et un bouclier rond au bras, IL secoua la tête en soupirant. Encore un retard, songea-t-il. On n’est pas près de la retrouver, notre Séphy-Roshou. Il retira le bouclier en bois et s’assit sur le sol, près de Soulblighter, toujours allongé les yeux fermés.
« Soul’… Eh, Soul’ réveille-toi ! »
Soulblighter ouvrit un œil et se redressa lentement. Il examina les alentours, puis se frotta les yeux en demandant à IL se qu’il s’était passé.
« Est-ce que nous sommes arrivés ? Ça ressemble vachement à l’appartement à DragonNoir, en tout cas.
-Nous ne sommes pas encore parti, répondit IL. Les autres voyageurs viennent de rentrer, et DragonNoir va aller les chercher. Le départ est donc retardé.
-Ah.
-Donc nous voilà réduit à l’impuissance, à nouveau, et nous devons attendre que notre grande salamandre en chef revienne de là-bas.
-Oh.
-C’est fou ce que tu as l’air déçu. »
Soulblighter tourna lentement la tête vers IL.
« J’en profite pour aller aux toilettes. »
*
* *
Q-Po s’écarta de l’ordinateur en soupirant, l’air contrarié. Le départ précipité de DragonNoir pour Épinal le mettait hors de lui : il lui aurait été si simple de déléguer ses pouvoirs sur un autre membre pour aller récupérer les Trauméniens, ou même de confier cette tache à Laekh, qui était déjà sur place. Mais DragonNoir voulait tout faire lui-même, et il mettait le reste du groupe en retard.
« Alors, quels sont les horaires des trains ? demanda DragonNoir.
-Le prochain part dans une heure, à la gare de l’Est, dit gravement Q-Po. On a largement le temps de l’atteindre, et on sera de retour vers vingt heures ou vingt et une heure ce soir.
-Ce qui nous oblige à remettre le voyage à demain matin. »
DragonNoir et Q-Po se tournèrent vers Halvorc, qui venait de sortir du salon. Il s’avança au milieu d’eux, et dévisagea DragonNoir. Q-Po sentit la pugilat mental arriver, et leva les yeux au ciel. Ils n’arrêteront donc jamais ?
« Je pense que ce serait mieux de partir demain matin, ai lieu de partir ce soir après une longue journée, approuva DragonNoir. Bien que je doute que ta réflexion ait eu pour but de me faire dire ça.
-En plein dans la mille, dit Halvorc. Je me propose en tant que remplaçant de môssieur DragonNoir, et j’organiserait le départ dans les minutes qui…
-Hors de question, trancha DragonNoir. Je refuse que tu prennes toutes les responsabilités inhérentes à ce type de voyage. De plus, ta place est déjà prévue dans un prochain départ.
-Et de quel droit tu prends ainsi la direction des opérations, je te prie ? »
Halvorc serrait les poings, et Q-Po surveillait du coin de l’œil l’évolution de la discussion qui se passait si près de lui. Il était prêt à intervenir si la situation dérapait, malgré son désir de rester hors de toute dispute éclatante à l’intérieur de la communauté. DragonNoir et Halvorc se turent pendant que Soulblighter passait dans le couloir, revenant des toilettes. Il ne posa pas de questions et préféra rentrer directement dans le salon. Peut-être n’a-t-il même pas remarqué l’altercation ?
« Je n’ai prit aucun commandement, et je…
-Je me permets de te rappeler que c’est Magnum qui est à l’origine de cette idée, et tu n’en tireras aucun profit même si l’appartement de tes parents sert de quartier général !
-C’est fou comme tout le monde peux croire que je cherche un avantage personnel dans tout ce que j’entreprends ! répliqua DragonNoir.
-Parce que c’est faux ? grogna Halvorc.
-Arrêtez, vous deux ! » tonna Q-Po de sa voix grave. Halvorc se détourna en mettant ses mains dans ses poches, tandis que DragonNoir faisait face à Q-Po. Celui-ci reprit :
« Si nous commençons à nous désolidariser, alors autant tout abandonner tout de suite. Nous n’avons qu’à partir chacun de notre coté, et revenir quand on peut. On voit ce que ça a donné avec Squall, n’est-ce pas ? On ne sait pas où est son corps, et lorsqu’il reviendra à la vie, ça va être un sacré problème pour le retrouver. »
Le discours de Q-Po fit mouche dans les deux camps. Halvorc grommela encore deux ou trois oppositions, pour la forme, puis s’en alla de l’appartement. DragonNoir, les yeux rivés sur le sol, semblait réfléchir. Q-Po se demanda brièvement s’il n’était pas entrain de se remettre en question, mais jugea la possibilité infime en souriant.
« Il te reste cinquante minutes pour rejoindre la gare de l’Est, DragonNoir. Tu y vas seul ou tu prends quelqu’un avec toi ?
-Je vais leur demander si quelqu’un veux m’accompagner. Sinon, j’irais seul. »
Bien, DragonNoir, bien. Tu commences à assimiler l’esprit d’équipe. Peut-être cette querelle entre Halvorc et toi n’a-t-elle pas été si futile, tout compte fait.
« Pourquoi tu souries ?
-Pour rien, DragonNoir, pour rien. »
DragonNoir ouvrit la porte du salon d’où provenait de nombreux échos de conversations, et laissa Q-Po seul avec l’ordinateur.
*
* *
À Épinal, Laekh était en nage.
Il venait de transporter les quatre sacs où se trouvaient Gorgon_Roo, Radamenthe, Hilde et le Ionisateur Fou dans un endroit calme de la morgue, là où ils ne seraient pas dérangés. Il s’essuya le front en regardant l’heure. La relève n’allait pas tarder à arriver, et il allait avoir un mal fou à expliquer à ses nouveaux collègues que quatre morts s’étaient fait la malle pendant son service.
Il posa délicatement le dernier sac contenant Radamenthe auprès des autres, et referma la porte des toilettes derrière lui. Il avait déniché un panneau ‘en dérangement’ dans le placard des services de nettoyage et l’avait accroché à la poignée. Il y avait peu de chances que son collègue commence sa journée par visiter les toilettes, mais même si une envie pressante lui prenait, il n’aurait qu’à aller à l’étage.
Laekh se pencha sur les cadavres de ses compagnons de forum. Une mine de dégoût se peignit rapidement sur ses traits lorsqu’il entendit les affreux bruits qui provenaient des sacs fermés. Ils remuaient tout seuls, agités de l’intérieur comme des œufs mous. Laekh s’attendait presque à voir sortir une araignée extra-terrestre qui viendrait lui pondre dans le ventre.
« Tu regardes trop de films, toi… »
Un gémissement s’échappa du premier sac. Laekh s’en approcha, sur ses gardes malgré tout. Il n’arrivait pas à s’enlever de la tête des images de la Nuit des Morts Vivants, de Simetière ou même d’Evil Dead. Même un navet comme Ghost Of Mars lui revint en mémoire, et se retrouver face à une telle ignominie lui fit peur plus que le reste.
Une main tendit le plastique du sac à sa gauche. Tous les sacs remuaient maintenant. Tous sauf un qui ne faisait même pas de bruit. Mais Laekh ne s’en apercevait pas, trop occupé à se demander s’il devait ouvrir les sacs maintenant ou bien patienter encore. Ce fut la voix paniquée du Ionisateur Fou qui le décida.
« Où est-ce que je suis !! Hey !! À l’aide !! J’étouffe ! »
*
* *
Séphira Strife se jeta sur le canapé en soufflant. DragonNoir était partit seul à la rencontre de Laekh et des quatre Trauméniens qui avaient eu la chance de mourir et de revenir. Elle avait attendu des jours et des jours que son heure de gloire arrive, et c’était le moment qu’avaient choisit les morts pour revenir à la vie.
« Évidemment, dit-elle à voix haute. Et lui qui laisse tout tomber pour aller les chercher.
-C’est DragonNoir, tu sais, commenta IL. Il ne changera plus, à son âge, c’est foutu. C’est le stade terminal, je crois.
-Ne lui donne pas d’excuses, toi, grommela-t-elle.
-Je ne pense pas que ça soit le genre de IL de fournir des excuses à DragonNoir, mais ce n’est que mon avis… » dit Soulblighter d’une voix monocorde. Il avait reprit son épée et il l’examinait gravement. La relique était encore en très bon état, comme la plupart des armes qu’ils avaient dénichées ou empruntées.
« Quelque soit son excuse, notre voyage est quand même reporté, soupira Séphira Strife en croisant ses mains derrière sa tête.
-Juste à demain matin, ce n’est qu’un léger retard, rien de plus.
-Ce n’est pas la question du temps de retard, IL. J’étais prête, là, à partir. Peut-être que d’ici demain, nous aurons un autre retard.
-Quel optimisme, railla gentiment Soulblighter.
-Nous n’aurons aucun retard. »
Tous se tournèrent vers Halvorc. Il avait en main l’épée de DragonNoir et il la tenait dressée face à lui. Le salon avait été déserté peu avant par ceux qui voulaient assister au départ : Lord FireFly, Arkh, Lord Satana, Jamic, DarKenshin et bien entendu Q-Po. Tous étaient repartis vaquer à d’autres occupations, laissant les futurs voyageurs dans la pièce.
« Qu’est-ce que tu dis, Halvorc ? s’inquiéta Séphira Strife. Comment ça ‘aucun retard’ ?
-Le voyage aura bien lieu. »
Il leva l’épée.
« Maintenant. »
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
Q-Po se gratta la tête, perplexe.
Il avait cru qu’Halvorc aurait mis de l’eau dans son vin après sa joute verbale avec DragonNoir, mais son air décidé et coléreux qu’il arborait au retour de sa promenade ne présageait rien de bon. Il se demanda s’il ne mijotait pas quelque chose.
Il éteignit l’ordinateur et se dirigea vers le salon.
*
* *
Laekh extirpa Radamenthe en dernier. Le sac était encore poisseux de sang séché, et une odeur désagréable de viande pourrie se faisait sentir. Les effluves nauséabonds prirent une nouvelle fois Laekh à la gorge alors qu’il aidait Radamenthe à sortir de son cercueil de fortune. Il lui tendit un pantalon de jogging et un T-shirt, comme avec les autres, et il l’amena à eux. Gorgon_Roo et le Ionisateur Fou étaient assis sur deux cuvettes de toilettes.
« Ah, notre amis Radamenthe nous a rejoins, manifestement, constata Gorgon_Roo. Bon retour à l’humanité. »
Radamenthe vacilla sur ses jambes. Il avait l’impression d’être en coton de la tête aux pieds, et chaque mouvement lui demandait une concentration et un effort incommensurable. Il avala sa salive avec une lenteur non désirée puis tomba sur le carrelage blanc et douteusement propre des toilettes. Ces quelques pas l’avaient exténuées.
« Je… Je me sens naze, c’est dingue ! bredouilla-t-il en se frottant les mollets.
-Normal, mais ne t’en fais pas ça va passer ! » Le Ionisateur Fou parlait en connaissance de cause : Premier sortit, il commençait peu à peu à reprendre des couleurs. Le sang avait recommencé à circuler et à irriguer toutes les cellules de son corps, et les fonctionnalités de son organisme reprenaient du services aussi vite qu’elles le pouvaient.
« DragonNoir ne va pas tarder à arriver. Il devrait être là d’ici une bonne heure, peut-être deux selon son mode de transport, annonça Laekh Traumen. Il vous ramènera à Paris, chez lui, où vous pourrez vous reposer.
-Où sommes nous ? demanda Gorgon_Roo.
-À la morgue, non loin de l’endroit où vous vous êtes fait tués. Je me suis fait engagé ici pour vous surveiller, quand vous utiliseriez vos pilules. Dès que j’ai entendu ces affreux bruits de cartilages qui se reforment et autres os qui se ressoudent, j’ai compris que mon boulot venait de commencer.
-Quelle aventure, toujours, lâcha le Ionisateur Fou. J’ai bien peur de ne pas pouvoir repartir avant un moment. Ni de le vouloir, en fait.
-Comment s’est passé le voyage ? demanda Laekh. Vous l’avez retrouvée ? »
Un silence lui fit rapidement comprendre que non. Gorgon_Roo regarda ses deux autres compagnons, puis Laekh, et raconta brièvement leur périple.
« Elle est donc partie avec une Elisabeth Bartoli, ou je ne sais qui.
-Erzébeth Bathory, corrigea le Ionisateur Fou. Une tueuse en série. Elle est partie ailleurs, mais on ne sait pas où exactement. »
Laekh regarda à nouveau sa montre, puis le sac où le corps de Hilde se trouvait toujours. Les minutes s’égrainaient, et toujours aucun signe de vie.
« Il vaudrait mieux que Hilde se dépêche de ressusciter, sinon on va devoir l’attendre, car DragonNoir va arriver avant elle ! »
Gorgon_Roo, Radamenthe et le Ionisateur Fou se regardèrent en même temps, les yeux écarquillés. Ils venaient de se souvenir. Laekh vit leurs regards stupéfaits, et s’approcha du sac pour l’ouvrir, au cas où elle soit revenue à la vie, mais inconsciente.
« Non ! l’arrêta Gorgon_Roo. Elle… Elle n’est pas en vie.
-Mais, pourquoi ? l’interrogea Laekh, les ciseaux à la main.
-Elle n’a pas prit la pilule.
-Vous voulez dire que… »
Gorgon_Roo se leva en titubant, fit quelques pas de ses pieds nus sur le carrelage froid tout en regardant Laekh, qui comprenait petit à petit. Gorgon_Roo revoyait Hilde qui s’enfonçait dans le pentacle, Hilde qui l’implorait du regard de l’aider, et eux qui s’évaporaient doucement, en l’abandonnant.
« Hilde a été envoyé dans un autre au-delà. »
*
* *
« Qu’est-ce que tu fais, tabernacle de calice d’hostie de cris !! »
Halvorc ne recula pas devant l’étalage de jurons québécois employé par Séphira Strife. Il s’en amusa, même. IL observait calmement la scène, et Soulblighter avait seulement daigné lever les yeux de son arme. Halvorc fit tournoyer l’épée.
« Tu veux partir, ou non, Séphira ? Si c’est le cas, n’oublie pas ta hache, surtout.
-Halvorc ! Ce n’est ni le moment, ni le lieu de faire ce genre de plaisanterie ! s’emporta Séphira Strife. Je te rappelle que DragonNoir n’est pas là, et qu’il était prévu pour ce voyage, contrairement à toi !
-Oui, compléta Soulblighter de sa voix mesurée. Elle a raison.
-Il suffit que quelqu’un prenne sa place… Moi par exemple !
-Ah. Dans ce cas, c’est bon. »
Soulblighter s’allongea sans demander de plus amples explications. Il avait choisit de prendre la vie comme elle venait, et il comptait bien poursuivre dans ce sens. Il empoigna son épée et la tint droite sur son corps.
« Quelle différence ça peux faire, dis-moi, que ça soit moi ou lui qui te tue ? demanda Halvorc en avançant. Le résultat sera le même : Si tu tiens ces armes vikings, nous nous retrouverons tous dans l’au-delà nordique !
-Pose cette épée, Halvorc ! »
Séphira Strife avait récupérée sa hache et elle la soulevait non sans difficulté pour s’interposer. Derrière elle, IL ne bougeait pas.
« Tu veux te battre, jolie étrangère ? Aucun problème. Il est simplement stipulé que les personnes mortes les armes à la main verront les Valkyries les chercher. Même si nous nous entretuons, nous irons là-bas. »
Et Halvorc abattit sa lame sur Séphira Strife.
IL sourit.
*
* *
DragonNoir marchait dans une immense plaine en jachère, recouverte de brume lui interdisant de distinguer ses propres pieds. Il avançait vers un immense arbre, seul repère visible dans son champ de vision. Le frêne qui se dressait majestueusement devant lui était haut de plusieurs centaines de mètres, et la largeur de ses branches dépassait l’entendement.
Il s’approcha du tronc millénaire, et y apposa ses doigts. Une sensation de puissance, de bien-être et d’abandon s’empara de lui, et il retira sa main. Son regard se porta au-delà de la cime de l’arbre et il y vit quatre silhouettes qui descendaient en vrille du ciel. Il reconnu facilement Séphira Strife, IL et Soulblighter, et devina la dernière.
« Halvorc… »
Il voulut attraper au vol la main de Séphira Strife, mais dès que leurs doigts entrèrent en contact, DragonNoir se réveilla.
« Yggdrasil !! » hurla-t-il. Un vieil homme assit à coté de lui dans le wagon le dévisagea étrangement, puis se pencha vers lui.
« Pardon, qu’est-ce que vous avez dit ? »
DragonNoir retrouva ses esprits, espérant de tout cœur que ce ne soit qu’un simple rêve et non une prémonition, et se retourna vers le passager.
« Excusez-moi, à quelle distance sommes-nous d’Épinal ?
-Une petite demi-heure. Vous allez bien ? »
DragonNoir revit Séphira Strife qui tomait.
« Moi, je vais bien. »
*
* *
Lorsque Q-Po avait entendu les hurlements de Séphira Strife, il avait voulu ouvrir la porte, mais celle-ci était fermée à clef. N’écoutant que son courage, il avait balancé de toutes ses forces une chaise à travers les carreaux de la porte qui volèrent en éclats. Mais il était arrivé trop tard, malgré tout.
Suivit de Lord Satana et Arkh, ils avaient découverts les quatre voyageurs étendus sur le sol, morts, leurs armes à la main. Séphira Strife avait manifestement été maintenue au sol avant de se faire tuer, mais les autres avaient un visage serein.
« Comment peuvent-ils tous être morts ? Il devrait y avoir au moins un survivant ! s’exclama Q-Po.
-Ou bien un suicidé, ajouta Arkh. Mais ce n’est pas le cas. Ils ont tous bels et bien été tué par une autre personne. »
Q-Po se dirigea vers la seconde porte de la pièce, mais celle-ci était close également. Le tueur n’avait donc pas pu sortir par là. Il n’en avait pas le temps. Halvorc, qu’as-tu fait ? Lord FireFly s’avança au milieu des trois autres Trauméniens et, sourire aux lèvres, annonça :
« Et bien, puisque de toute façon ils sont partis, autant poursuivre comme si tout était normal, non ? Ils doivent avoir rejoins l’Yggdrasil, maintenant. »
Il avait cru qu’Halvorc aurait mis de l’eau dans son vin après sa joute verbale avec DragonNoir, mais son air décidé et coléreux qu’il arborait au retour de sa promenade ne présageait rien de bon. Il se demanda s’il ne mijotait pas quelque chose.
Il éteignit l’ordinateur et se dirigea vers le salon.
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* *
Laekh extirpa Radamenthe en dernier. Le sac était encore poisseux de sang séché, et une odeur désagréable de viande pourrie se faisait sentir. Les effluves nauséabonds prirent une nouvelle fois Laekh à la gorge alors qu’il aidait Radamenthe à sortir de son cercueil de fortune. Il lui tendit un pantalon de jogging et un T-shirt, comme avec les autres, et il l’amena à eux. Gorgon_Roo et le Ionisateur Fou étaient assis sur deux cuvettes de toilettes.
« Ah, notre amis Radamenthe nous a rejoins, manifestement, constata Gorgon_Roo. Bon retour à l’humanité. »
Radamenthe vacilla sur ses jambes. Il avait l’impression d’être en coton de la tête aux pieds, et chaque mouvement lui demandait une concentration et un effort incommensurable. Il avala sa salive avec une lenteur non désirée puis tomba sur le carrelage blanc et douteusement propre des toilettes. Ces quelques pas l’avaient exténuées.
« Je… Je me sens naze, c’est dingue ! bredouilla-t-il en se frottant les mollets.
-Normal, mais ne t’en fais pas ça va passer ! » Le Ionisateur Fou parlait en connaissance de cause : Premier sortit, il commençait peu à peu à reprendre des couleurs. Le sang avait recommencé à circuler et à irriguer toutes les cellules de son corps, et les fonctionnalités de son organisme reprenaient du services aussi vite qu’elles le pouvaient.
« DragonNoir ne va pas tarder à arriver. Il devrait être là d’ici une bonne heure, peut-être deux selon son mode de transport, annonça Laekh Traumen. Il vous ramènera à Paris, chez lui, où vous pourrez vous reposer.
-Où sommes nous ? demanda Gorgon_Roo.
-À la morgue, non loin de l’endroit où vous vous êtes fait tués. Je me suis fait engagé ici pour vous surveiller, quand vous utiliseriez vos pilules. Dès que j’ai entendu ces affreux bruits de cartilages qui se reforment et autres os qui se ressoudent, j’ai compris que mon boulot venait de commencer.
-Quelle aventure, toujours, lâcha le Ionisateur Fou. J’ai bien peur de ne pas pouvoir repartir avant un moment. Ni de le vouloir, en fait.
-Comment s’est passé le voyage ? demanda Laekh. Vous l’avez retrouvée ? »
Un silence lui fit rapidement comprendre que non. Gorgon_Roo regarda ses deux autres compagnons, puis Laekh, et raconta brièvement leur périple.
« Elle est donc partie avec une Elisabeth Bartoli, ou je ne sais qui.
-Erzébeth Bathory, corrigea le Ionisateur Fou. Une tueuse en série. Elle est partie ailleurs, mais on ne sait pas où exactement. »
Laekh regarda à nouveau sa montre, puis le sac où le corps de Hilde se trouvait toujours. Les minutes s’égrainaient, et toujours aucun signe de vie.
« Il vaudrait mieux que Hilde se dépêche de ressusciter, sinon on va devoir l’attendre, car DragonNoir va arriver avant elle ! »
Gorgon_Roo, Radamenthe et le Ionisateur Fou se regardèrent en même temps, les yeux écarquillés. Ils venaient de se souvenir. Laekh vit leurs regards stupéfaits, et s’approcha du sac pour l’ouvrir, au cas où elle soit revenue à la vie, mais inconsciente.
« Non ! l’arrêta Gorgon_Roo. Elle… Elle n’est pas en vie.
-Mais, pourquoi ? l’interrogea Laekh, les ciseaux à la main.
-Elle n’a pas prit la pilule.
-Vous voulez dire que… »
Gorgon_Roo se leva en titubant, fit quelques pas de ses pieds nus sur le carrelage froid tout en regardant Laekh, qui comprenait petit à petit. Gorgon_Roo revoyait Hilde qui s’enfonçait dans le pentacle, Hilde qui l’implorait du regard de l’aider, et eux qui s’évaporaient doucement, en l’abandonnant.
« Hilde a été envoyé dans un autre au-delà. »
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« Qu’est-ce que tu fais, tabernacle de calice d’hostie de cris !! »
Halvorc ne recula pas devant l’étalage de jurons québécois employé par Séphira Strife. Il s’en amusa, même. IL observait calmement la scène, et Soulblighter avait seulement daigné lever les yeux de son arme. Halvorc fit tournoyer l’épée.
« Tu veux partir, ou non, Séphira ? Si c’est le cas, n’oublie pas ta hache, surtout.
-Halvorc ! Ce n’est ni le moment, ni le lieu de faire ce genre de plaisanterie ! s’emporta Séphira Strife. Je te rappelle que DragonNoir n’est pas là, et qu’il était prévu pour ce voyage, contrairement à toi !
-Oui, compléta Soulblighter de sa voix mesurée. Elle a raison.
-Il suffit que quelqu’un prenne sa place… Moi par exemple !
-Ah. Dans ce cas, c’est bon. »
Soulblighter s’allongea sans demander de plus amples explications. Il avait choisit de prendre la vie comme elle venait, et il comptait bien poursuivre dans ce sens. Il empoigna son épée et la tint droite sur son corps.
« Quelle différence ça peux faire, dis-moi, que ça soit moi ou lui qui te tue ? demanda Halvorc en avançant. Le résultat sera le même : Si tu tiens ces armes vikings, nous nous retrouverons tous dans l’au-delà nordique !
-Pose cette épée, Halvorc ! »
Séphira Strife avait récupérée sa hache et elle la soulevait non sans difficulté pour s’interposer. Derrière elle, IL ne bougeait pas.
« Tu veux te battre, jolie étrangère ? Aucun problème. Il est simplement stipulé que les personnes mortes les armes à la main verront les Valkyries les chercher. Même si nous nous entretuons, nous irons là-bas. »
Et Halvorc abattit sa lame sur Séphira Strife.
IL sourit.
*
* *
DragonNoir marchait dans une immense plaine en jachère, recouverte de brume lui interdisant de distinguer ses propres pieds. Il avançait vers un immense arbre, seul repère visible dans son champ de vision. Le frêne qui se dressait majestueusement devant lui était haut de plusieurs centaines de mètres, et la largeur de ses branches dépassait l’entendement.
Il s’approcha du tronc millénaire, et y apposa ses doigts. Une sensation de puissance, de bien-être et d’abandon s’empara de lui, et il retira sa main. Son regard se porta au-delà de la cime de l’arbre et il y vit quatre silhouettes qui descendaient en vrille du ciel. Il reconnu facilement Séphira Strife, IL et Soulblighter, et devina la dernière.
« Halvorc… »
Il voulut attraper au vol la main de Séphira Strife, mais dès que leurs doigts entrèrent en contact, DragonNoir se réveilla.
« Yggdrasil !! » hurla-t-il. Un vieil homme assit à coté de lui dans le wagon le dévisagea étrangement, puis se pencha vers lui.
« Pardon, qu’est-ce que vous avez dit ? »
DragonNoir retrouva ses esprits, espérant de tout cœur que ce ne soit qu’un simple rêve et non une prémonition, et se retourna vers le passager.
« Excusez-moi, à quelle distance sommes-nous d’Épinal ?
-Une petite demi-heure. Vous allez bien ? »
DragonNoir revit Séphira Strife qui tomait.
« Moi, je vais bien. »
*
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Lorsque Q-Po avait entendu les hurlements de Séphira Strife, il avait voulu ouvrir la porte, mais celle-ci était fermée à clef. N’écoutant que son courage, il avait balancé de toutes ses forces une chaise à travers les carreaux de la porte qui volèrent en éclats. Mais il était arrivé trop tard, malgré tout.
Suivit de Lord Satana et Arkh, ils avaient découverts les quatre voyageurs étendus sur le sol, morts, leurs armes à la main. Séphira Strife avait manifestement été maintenue au sol avant de se faire tuer, mais les autres avaient un visage serein.
« Comment peuvent-ils tous être morts ? Il devrait y avoir au moins un survivant ! s’exclama Q-Po.
-Ou bien un suicidé, ajouta Arkh. Mais ce n’est pas le cas. Ils ont tous bels et bien été tué par une autre personne. »
Q-Po se dirigea vers la seconde porte de la pièce, mais celle-ci était close également. Le tueur n’avait donc pas pu sortir par là. Il n’en avait pas le temps. Halvorc, qu’as-tu fait ? Lord FireFly s’avança au milieu des trois autres Trauméniens et, sourire aux lèvres, annonça :
« Et bien, puisque de toute façon ils sont partis, autant poursuivre comme si tout était normal, non ? Ils doivent avoir rejoins l’Yggdrasil, maintenant. »
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
2. Midgard.
Halvorc ouvrit les yeux sur le vide tout autours de lui. Il était, sans nul doute possible, dans un ciel d’un bleu infini. Aucun nuage ne venait gâcher l’unité azurée de ce ciel. Il contempla quelques oiseaux qui volaient au loin, seules anomalies dans le bleu environnant. La chaleur d’un soleil invisible soufflait sur son corps qui tombait. Ou bien volait-il ? Ou bien était-il maintenu en l’air, tout simplement ? Aucun vent de venait fouetter son visage, mais ça ne voulait rien dire, après tout.
« Je suis mort, donc je n’ai pas de sensation, je ne ressent rien. Sauf si ça se passe comme dans la nouvelle de Stephen King, Salle d’autopsie quatre ? » Il réfléchit un instant à la question, les yeux toujours accrochés aux oiseaux, qui se rapprochaient de lui.
D’eux.
Il tourna la tête vers Séphira Strife qui chutait – volait – non loin. Elle était en tailleur, et elle le regardait méchamment. Halvorc dû pencher la tête sur la droite pour se tenir face à elle. Séphira Strife ne semblait en aucun cas gênée par le lieu, ni par la chute – vol – qu’elle effectuait. Elle semblait sereine.
Ses yeux, par contre, étaient emplis d’une haine féroce, et dirigée.
« Quoi encore ? grommela Halvorc en pivotant pour se retrouver dans le même sens qu’elle. Tu voulais partir pour le domaine des Dieux Nordiques, non ? Tout ce que j’ai fait, c’est exaucer tes désirs, rien de plus. »
Séphira ne répondit pas, ce qui était pire encore qu’une remontrance de sa part. Elle avait les bras croisés sur sa poitrine, et fixait toujours Halvorc à travers ses lunettes ovales. Elle ne remuait que pour retirer ses cheveux qui, parfois, venaient se mettre dans sa figure dans un caprice que seuls les propriétaires de cheveux longs connaissent.
« Tu vas me faire la tête pendant longtemps ? grogna Halvorc en cherchant des yeux IL et Soulblighter. Dans ce cas là, je vais finir le voyage avec les autres. Et puis je te ferais remarquer que je n’étais pas seul à avoir décidé de défier l’autorité DragonNoiresque !
-Je sais. » répondit simplement Séphira Strife, parfaitement calme.
Lorsque Halvorc avait empoigné l’arme et avait tenté d’occire Séphira Strife, celle-ci lui avait envoyé un coup de pied bien placé et l’avait sans peine mis à terre. C’est à ce moment là qu’IL était intervenu, empoignant la demoiselle par derrière, comme à son habitude, et il l’avait empalé, sans mauvais jeu de mot, avec l’épée de Soulblighter, après avoir tué ce dernier. En dernier lieu, Halvorc et lui s’étaient entretués.
« Bon, alors je demande la révision de mon procès et la division de ma peine en deux parties égales, au moins ! » dit Halvorc. Il regarda encore un instant les oiseaux, qui semblaient maintenant venir à leur rencontre. Halvorc n’arrivait pas à définir la race de ces volatiles. Une voix l’interrompit dans sa recherche.
« Hé, complice, hé ! »
IL venait vers eux, battant des bras comme un dératé, la mine réjouie. Soulblighter le suivait de près, aussi morose que d’ordinaire. C’est en voyant le nouveau IL que Halvorc se rendit compte des transformations.
« IL !! Tu as les cheveux rouges, tu sais ? s’exclama-t-il.
-Je sais, je sais, et toi tu ressembles à une poupée gothique ! »
Halvorc examina succinctement ses vêtements de cuir et poussa un long soupir de désapprobation. Les multiples boucles de ceintures qui parsemaient son costume tintaient sans arrêt, au plus grand agacement de son propriétaire. Il passa une main découragée dans ses cheveux noirs en bataille.
« Pourquoi ai-je pensé à ce foutu avatar, moi ?
-Parce que tu es anorexique. » répliqua Séphira Strife, dans le non-sens le plus complet. Elle n’avait pas changé d’apparence, tout comme Soulblighter, dont la seule métamorphose était vestimentaire : Il portait dorénavant un simple débardeur blanc, découvrant ses bras musclés et maintenant tatoués. Il ressemblait à un membre du Fight Club, son film fétiche.
IL s’avança – voleta – jusqu’à Halvorc et lui passa un bras autours des épaules.
« Toi aussi tu les as vu, ces oiseaux au loin ? »
Ceux-ci, justement, étaient désormais visibles dans le ciel limpide. On ne voyait plus qu’eux, même. Et Halvorc commençait à deviner, à inférer leur véritable nature. Il imaginait déjà ce qu’il ne pouvait pas voir Les chevaux, les femmes et les lances.
« Ce ne sont pas des oiseaux, répondit Halvorc.
-Je sais.
-C’est maintenant qu’on va voir si on a fait une connerie ou non, n’est-ce pas ?
-Si jamais elles ne nous emmènent pas, on se retrouvera au pied de l’Yggdrasil, au royaume de Hel. Mais on y sera tout de même.
-Exact. »
Séphira Strife, les bras toujours croisés sur sa poitrine, les regardait tout deux de haut. Son air, d’ordinaire indifférent voire dédaigneux, était aujourd’hui teinté d’une colère contenue. Elle en voulait à Halvorc d’avoir osé prendre le commandement de ce voyage. Elle en voulait à IL de l’avoir aidé. Et elle en voulait à DragonNoir d’être partit.
En bref, elle en voulait à tout le monde.
« Ma belle Séphira Strife, s’avança IL. Vous semblez fort contrariée par ce léger malentendu vis-à-vis de notre départ. »
IL avait prit sa plus belle voix, doucereuse à souhait.
« Il n’était pas nécessaire de tous nous prendre par surprise, dit-elle, cassante. Toi et ton ami Halvorc, vous auriez pu nous demander notre avis.
-Mais cela mets du piment dans notre aventure ! répliqua un IL enjoué.
-Ce n’est pas une sortie scolaire, espèce de…
-Regardez. »
Soulblighter tendit un index vers les quatre formes volantes. On distinguait nettement, à présent, les silhouettes de quatre femmes montées sur des montures ailées. Des chevaux ailés, pour être précis. Elles tenaient des lances richement décorées, mais elles n’avaient pas l’air d’en vouloir à leurs vies. Et pour cause : Ils étaient morts.
Elles souriaient.
« C’est qui ? demanda Soulblighter d’une voix plate.
-Les Valkyries, répondit Halvorc. Ce sont des guerrières sous les ordres d’Odin, qui viennent chercher les humains morts les armes à la main, pour les emmener au Valhalla. Elles sont quatre, nous aussi, nous avons donc réussis à atteindre l’Yggdrasil.
-Nous devrions rentrer, annonça Séphira Strife.
-Quoi ? s’étonna IL. Après tout le mal qu’on s’est donné pour nous envoyer ici, tu veux tout de suite gober ces vilaines pilules pour nous faire revenir ? »
Halvorc regardait les femmes volantes s’approcher d’eux. Elles étaient magnifiques sur leurs fougueux destriers parfaitement à l’aise en vol. Leurs longues ailes qui étaient de la même couleur que la robe des chevaux battaient un air qu’aucun d’entre eux ne ressentait. Cependant, lorsqu’elles s’arrêtèrent à quelques mètres du groupe de Trauméniens, Halvorc sentit ses cheveux soufflés par le déplacement d’air.
« Ce sont des gentilles ? demanda Soulblighter.
-Elles sont là pour nous conduire chez les Dieux. »
Il marqua une pause.
« Dans l’arbre de vie, celui qui relie tous les mondes nordiques. L’Yggdrasil. »
*
* *
DragonNoir jeta un rapide coup d’œil dans le sac plastique contenant les restes d’Hilde, puis le referma précipitamment. L’odeur était devenue insoutenable depuis que le corps s’était réchauffé. Il tira la fermeture éclair de la valise qu’ils avaient achetée pour transporter le corps et Laekh l’aida pour la hisser sur le porte-bagages du train.
« Humpf. Voilà qui est fait, dit ce dernier en se rasseyant. On a de la chance d’avoir trouvé un wagon sans trop de monde, nous pouvons discuter. »
Gorgon_Roo embrassa le compartiment du regard, et remarqua seulement deux ou trois autres personnes assises, relativement loin. Puis ses yeux allèrent se planter sur la valise Hilde. Sans cesse, il y revenait. Il n’arrivait pas à croire que, quelques heures auparavant, il était dans le même état qu’elle. De la viande froide, un cadavre.
« Vous disiez donc que Hilde se trouvait dans un pentagramme magique, et que des bras en sont sortit pour l’attraper aux chevilles et l’attirer dans le sol ? »
Les trois revenants acquiescèrent.
« Dans le sol, ou à travers le sol ? demanda Laekh.
-À travers, dit le Ionisateur Fou. Elle est passée au travers des dalles.
-On voyait un peu au travers, ajouta Radamenthe. Un grand décor de feu, de lave ou je ne sais quoi. Une vision de l’enfer. »
Personne n’osa commenter.
« Une fois de retour chez moi, dit DragonNoir, je me pencherais sur la question. La bonne nouvelle, c’est que vous soyez revenus, et intacts. Les pilules mises au point fonctionnent, en somme.
-Nous en sommes la preuve vivante, si je puis dire. » lança Radamenthe.
Puis, n’y tenant plus, DragonNoir se pencha vers eux.
« Alors ? Qu’avez-vous trouvé là-bas ? »
C’est ainsi que, durant le retour à Paris, Gorgon_Roo, Radamenthe et le Ionisateur Fou racontèrent en détails leur voyage à DragonNoir, sans omettre ce qu’ils avaient trouvés grâce aux clones et aux ultimes informations de Gilles de Rais.
*
* *
Les quatre Valkyries fonçaient à travers le ciel à une vitesse prodigieuse. Enfin, Halvorc se disait que s’il voyait un sol défiler sous lui, la vitesse serait prodigieuse, certainement. Seul le vent qui lui fouettait le visage lui démontrait qu’ils avançaient, et nul autre repères. Halvorc se pencha pour dévisager la Valkyrie.
La sienne était blonde, les cheveux coiffés en une longue natte qui chatouillait de temps à autre le cou d’Halvorc. Ses yeux bleus magnifiques fixaient un point encore invisible à l’horizon, et elle souriait. Inlassablement. Halvorc avait passé ses bras autours de sa taille, et il sentait la peau chaude et nue sous ses doigts. Elle ne portait qu’un bustier blanc brodé d’or, qui laissait entrapercevoir une généreuse plastique.
Ses jambes n’étaient recouvertes que d’un léger voile de soie transparent, qui avait disparu à cause du vent. Grâce au vent, songea Halvorc en regardant une cuisse rosée de sa partenaire de voyage. Il baissa les yeux sur les bottes qu’elle portait, sous des plaques d’armures dorées qui montaient jusqu’à ses genoux. Elle tenait toujours la lance dans une main, et les rennes de son cheval dans l’autre.
Halvorc se tourna vers IL.
Ce dernier arborait un immense sourire tandis que ses mains exploraient la poitrine de la Valkyrie, qui ne s’en formalisait manifestement pas. Elle souriait sans discontinuer, sans même avoir remarquer les mains baladeuses de son hôte. Et IL s’en donnait à cœur joie, faisant semblant de glisser sur le coté afin de se rattraper par hasard là où il le pouvait. Halvorc nota mentalement que les Valkyries avaient l’air de robots inexpressifs.
« Sommes nous bientôt arrivés ? » demanda Séphira Strife à sa Valkyrie.
Celle-ci hocha la tête, sans répondre. Elles n’avaient pas émit un son depuis leur arrivée auprès des Trauméniens dérivants, se contentant de les inviter à monter en croupe sur leurs chevaux ailés. Séphira ne chercha pas à en savoir plus. Elle savait qu’elle ne répondrait pas.
Soudain, Halvorc tendit la main droit devant lui et s’écria :
« Là-bas ! L’Yggdrasil ! »
En effet, lorsque tous regardèrent devant – même IL qui cessa une minutes ou deux ses simagrées perverses – ils virent un immense frêne apparaître au loin. L’Yggdrasil, l’arbre de vie, le centre de la religion scandinave, se dressait devant eux.
« Nous y voilà, dit Halvorc. Yggdrasil. L’arbre cosmique, la charpente du monde, l’arbre de la terreur, la potence, la colonne d’if, le cheval d’Ygg, est devant moi. Je n’en reviens pas.
-Du calme, dit Séphira Strife. Ce n’est qu’un arbre.
-Non, s’insurgea Halvorc. C’est l’axe du monde, tout de même. Au moins de ce monde-ci ! C’est le symbole de la constance et de la stabilité ! Ses branches recouvrent le monde entier tel que nous le connaissons.
-La Terre ? questionna IL.
-Pour les Scandinaves, le monde des humains, autrement dit la Terre, était un des neufs mondes contenu dans l’Yggdrasil. Et… Oh ! » Halvorc s’interrompit, et un sourire se dessina sur ses lèvres. Les autres le laissèrent réfléchir, un instant, puis Séphira s’impatienta :
« Quoi ‘Oh !’ ?
-Vous saviez quel était le nom que donnaient les nordiques à notre Terre, sur l’Yggdrasil ? »
Silence dans l’assistance, juste le vent dans les oreilles.
« Le monde des humains dans l’Yggdrasil se nomme : Midgard. »
IL lâcha sa prise sur la Valkyrie et fixa intensément l’arbre. Se pourrait-il que ce Midgard-là soit en relation avec… IL interrompit sa pensée.
« Comme dans Final Fantasy VII, remarqua Soulblighter.
-Exactement, jubila Halvorc. Et ce n’est pas la seule référence ! Le Nibelheim de ce jeu vidéo n’est autre qu’une image du monde de Nifelheim nordique ! J’espère pouvoir le visiter… » Il soupira de joie.
L’immense arbre, un frêne aux feuilles intégralement vertes, était maintenant tout proche. Et les Valkyries les emmenaient en son centre.
Halvorc ouvrit les yeux sur le vide tout autours de lui. Il était, sans nul doute possible, dans un ciel d’un bleu infini. Aucun nuage ne venait gâcher l’unité azurée de ce ciel. Il contempla quelques oiseaux qui volaient au loin, seules anomalies dans le bleu environnant. La chaleur d’un soleil invisible soufflait sur son corps qui tombait. Ou bien volait-il ? Ou bien était-il maintenu en l’air, tout simplement ? Aucun vent de venait fouetter son visage, mais ça ne voulait rien dire, après tout.
« Je suis mort, donc je n’ai pas de sensation, je ne ressent rien. Sauf si ça se passe comme dans la nouvelle de Stephen King, Salle d’autopsie quatre ? » Il réfléchit un instant à la question, les yeux toujours accrochés aux oiseaux, qui se rapprochaient de lui.
D’eux.
Il tourna la tête vers Séphira Strife qui chutait – volait – non loin. Elle était en tailleur, et elle le regardait méchamment. Halvorc dû pencher la tête sur la droite pour se tenir face à elle. Séphira Strife ne semblait en aucun cas gênée par le lieu, ni par la chute – vol – qu’elle effectuait. Elle semblait sereine.
Ses yeux, par contre, étaient emplis d’une haine féroce, et dirigée.
« Quoi encore ? grommela Halvorc en pivotant pour se retrouver dans le même sens qu’elle. Tu voulais partir pour le domaine des Dieux Nordiques, non ? Tout ce que j’ai fait, c’est exaucer tes désirs, rien de plus. »
Séphira ne répondit pas, ce qui était pire encore qu’une remontrance de sa part. Elle avait les bras croisés sur sa poitrine, et fixait toujours Halvorc à travers ses lunettes ovales. Elle ne remuait que pour retirer ses cheveux qui, parfois, venaient se mettre dans sa figure dans un caprice que seuls les propriétaires de cheveux longs connaissent.
« Tu vas me faire la tête pendant longtemps ? grogna Halvorc en cherchant des yeux IL et Soulblighter. Dans ce cas là, je vais finir le voyage avec les autres. Et puis je te ferais remarquer que je n’étais pas seul à avoir décidé de défier l’autorité DragonNoiresque !
-Je sais. » répondit simplement Séphira Strife, parfaitement calme.
Lorsque Halvorc avait empoigné l’arme et avait tenté d’occire Séphira Strife, celle-ci lui avait envoyé un coup de pied bien placé et l’avait sans peine mis à terre. C’est à ce moment là qu’IL était intervenu, empoignant la demoiselle par derrière, comme à son habitude, et il l’avait empalé, sans mauvais jeu de mot, avec l’épée de Soulblighter, après avoir tué ce dernier. En dernier lieu, Halvorc et lui s’étaient entretués.
« Bon, alors je demande la révision de mon procès et la division de ma peine en deux parties égales, au moins ! » dit Halvorc. Il regarda encore un instant les oiseaux, qui semblaient maintenant venir à leur rencontre. Halvorc n’arrivait pas à définir la race de ces volatiles. Une voix l’interrompit dans sa recherche.
« Hé, complice, hé ! »
IL venait vers eux, battant des bras comme un dératé, la mine réjouie. Soulblighter le suivait de près, aussi morose que d’ordinaire. C’est en voyant le nouveau IL que Halvorc se rendit compte des transformations.
« IL !! Tu as les cheveux rouges, tu sais ? s’exclama-t-il.
-Je sais, je sais, et toi tu ressembles à une poupée gothique ! »
Halvorc examina succinctement ses vêtements de cuir et poussa un long soupir de désapprobation. Les multiples boucles de ceintures qui parsemaient son costume tintaient sans arrêt, au plus grand agacement de son propriétaire. Il passa une main découragée dans ses cheveux noirs en bataille.
« Pourquoi ai-je pensé à ce foutu avatar, moi ?
-Parce que tu es anorexique. » répliqua Séphira Strife, dans le non-sens le plus complet. Elle n’avait pas changé d’apparence, tout comme Soulblighter, dont la seule métamorphose était vestimentaire : Il portait dorénavant un simple débardeur blanc, découvrant ses bras musclés et maintenant tatoués. Il ressemblait à un membre du Fight Club, son film fétiche.
IL s’avança – voleta – jusqu’à Halvorc et lui passa un bras autours des épaules.
« Toi aussi tu les as vu, ces oiseaux au loin ? »
Ceux-ci, justement, étaient désormais visibles dans le ciel limpide. On ne voyait plus qu’eux, même. Et Halvorc commençait à deviner, à inférer leur véritable nature. Il imaginait déjà ce qu’il ne pouvait pas voir Les chevaux, les femmes et les lances.
« Ce ne sont pas des oiseaux, répondit Halvorc.
-Je sais.
-C’est maintenant qu’on va voir si on a fait une connerie ou non, n’est-ce pas ?
-Si jamais elles ne nous emmènent pas, on se retrouvera au pied de l’Yggdrasil, au royaume de Hel. Mais on y sera tout de même.
-Exact. »
Séphira Strife, les bras toujours croisés sur sa poitrine, les regardait tout deux de haut. Son air, d’ordinaire indifférent voire dédaigneux, était aujourd’hui teinté d’une colère contenue. Elle en voulait à Halvorc d’avoir osé prendre le commandement de ce voyage. Elle en voulait à IL de l’avoir aidé. Et elle en voulait à DragonNoir d’être partit.
En bref, elle en voulait à tout le monde.
« Ma belle Séphira Strife, s’avança IL. Vous semblez fort contrariée par ce léger malentendu vis-à-vis de notre départ. »
IL avait prit sa plus belle voix, doucereuse à souhait.
« Il n’était pas nécessaire de tous nous prendre par surprise, dit-elle, cassante. Toi et ton ami Halvorc, vous auriez pu nous demander notre avis.
-Mais cela mets du piment dans notre aventure ! répliqua un IL enjoué.
-Ce n’est pas une sortie scolaire, espèce de…
-Regardez. »
Soulblighter tendit un index vers les quatre formes volantes. On distinguait nettement, à présent, les silhouettes de quatre femmes montées sur des montures ailées. Des chevaux ailés, pour être précis. Elles tenaient des lances richement décorées, mais elles n’avaient pas l’air d’en vouloir à leurs vies. Et pour cause : Ils étaient morts.
Elles souriaient.
« C’est qui ? demanda Soulblighter d’une voix plate.
-Les Valkyries, répondit Halvorc. Ce sont des guerrières sous les ordres d’Odin, qui viennent chercher les humains morts les armes à la main, pour les emmener au Valhalla. Elles sont quatre, nous aussi, nous avons donc réussis à atteindre l’Yggdrasil.
-Nous devrions rentrer, annonça Séphira Strife.
-Quoi ? s’étonna IL. Après tout le mal qu’on s’est donné pour nous envoyer ici, tu veux tout de suite gober ces vilaines pilules pour nous faire revenir ? »
Halvorc regardait les femmes volantes s’approcher d’eux. Elles étaient magnifiques sur leurs fougueux destriers parfaitement à l’aise en vol. Leurs longues ailes qui étaient de la même couleur que la robe des chevaux battaient un air qu’aucun d’entre eux ne ressentait. Cependant, lorsqu’elles s’arrêtèrent à quelques mètres du groupe de Trauméniens, Halvorc sentit ses cheveux soufflés par le déplacement d’air.
« Ce sont des gentilles ? demanda Soulblighter.
-Elles sont là pour nous conduire chez les Dieux. »
Il marqua une pause.
« Dans l’arbre de vie, celui qui relie tous les mondes nordiques. L’Yggdrasil. »
*
* *
DragonNoir jeta un rapide coup d’œil dans le sac plastique contenant les restes d’Hilde, puis le referma précipitamment. L’odeur était devenue insoutenable depuis que le corps s’était réchauffé. Il tira la fermeture éclair de la valise qu’ils avaient achetée pour transporter le corps et Laekh l’aida pour la hisser sur le porte-bagages du train.
« Humpf. Voilà qui est fait, dit ce dernier en se rasseyant. On a de la chance d’avoir trouvé un wagon sans trop de monde, nous pouvons discuter. »
Gorgon_Roo embrassa le compartiment du regard, et remarqua seulement deux ou trois autres personnes assises, relativement loin. Puis ses yeux allèrent se planter sur la valise Hilde. Sans cesse, il y revenait. Il n’arrivait pas à croire que, quelques heures auparavant, il était dans le même état qu’elle. De la viande froide, un cadavre.
« Vous disiez donc que Hilde se trouvait dans un pentagramme magique, et que des bras en sont sortit pour l’attraper aux chevilles et l’attirer dans le sol ? »
Les trois revenants acquiescèrent.
« Dans le sol, ou à travers le sol ? demanda Laekh.
-À travers, dit le Ionisateur Fou. Elle est passée au travers des dalles.
-On voyait un peu au travers, ajouta Radamenthe. Un grand décor de feu, de lave ou je ne sais quoi. Une vision de l’enfer. »
Personne n’osa commenter.
« Une fois de retour chez moi, dit DragonNoir, je me pencherais sur la question. La bonne nouvelle, c’est que vous soyez revenus, et intacts. Les pilules mises au point fonctionnent, en somme.
-Nous en sommes la preuve vivante, si je puis dire. » lança Radamenthe.
Puis, n’y tenant plus, DragonNoir se pencha vers eux.
« Alors ? Qu’avez-vous trouvé là-bas ? »
C’est ainsi que, durant le retour à Paris, Gorgon_Roo, Radamenthe et le Ionisateur Fou racontèrent en détails leur voyage à DragonNoir, sans omettre ce qu’ils avaient trouvés grâce aux clones et aux ultimes informations de Gilles de Rais.
*
* *
Les quatre Valkyries fonçaient à travers le ciel à une vitesse prodigieuse. Enfin, Halvorc se disait que s’il voyait un sol défiler sous lui, la vitesse serait prodigieuse, certainement. Seul le vent qui lui fouettait le visage lui démontrait qu’ils avançaient, et nul autre repères. Halvorc se pencha pour dévisager la Valkyrie.
La sienne était blonde, les cheveux coiffés en une longue natte qui chatouillait de temps à autre le cou d’Halvorc. Ses yeux bleus magnifiques fixaient un point encore invisible à l’horizon, et elle souriait. Inlassablement. Halvorc avait passé ses bras autours de sa taille, et il sentait la peau chaude et nue sous ses doigts. Elle ne portait qu’un bustier blanc brodé d’or, qui laissait entrapercevoir une généreuse plastique.
Ses jambes n’étaient recouvertes que d’un léger voile de soie transparent, qui avait disparu à cause du vent. Grâce au vent, songea Halvorc en regardant une cuisse rosée de sa partenaire de voyage. Il baissa les yeux sur les bottes qu’elle portait, sous des plaques d’armures dorées qui montaient jusqu’à ses genoux. Elle tenait toujours la lance dans une main, et les rennes de son cheval dans l’autre.
Halvorc se tourna vers IL.
Ce dernier arborait un immense sourire tandis que ses mains exploraient la poitrine de la Valkyrie, qui ne s’en formalisait manifestement pas. Elle souriait sans discontinuer, sans même avoir remarquer les mains baladeuses de son hôte. Et IL s’en donnait à cœur joie, faisant semblant de glisser sur le coté afin de se rattraper par hasard là où il le pouvait. Halvorc nota mentalement que les Valkyries avaient l’air de robots inexpressifs.
« Sommes nous bientôt arrivés ? » demanda Séphira Strife à sa Valkyrie.
Celle-ci hocha la tête, sans répondre. Elles n’avaient pas émit un son depuis leur arrivée auprès des Trauméniens dérivants, se contentant de les inviter à monter en croupe sur leurs chevaux ailés. Séphira ne chercha pas à en savoir plus. Elle savait qu’elle ne répondrait pas.
Soudain, Halvorc tendit la main droit devant lui et s’écria :
« Là-bas ! L’Yggdrasil ! »
En effet, lorsque tous regardèrent devant – même IL qui cessa une minutes ou deux ses simagrées perverses – ils virent un immense frêne apparaître au loin. L’Yggdrasil, l’arbre de vie, le centre de la religion scandinave, se dressait devant eux.
« Nous y voilà, dit Halvorc. Yggdrasil. L’arbre cosmique, la charpente du monde, l’arbre de la terreur, la potence, la colonne d’if, le cheval d’Ygg, est devant moi. Je n’en reviens pas.
-Du calme, dit Séphira Strife. Ce n’est qu’un arbre.
-Non, s’insurgea Halvorc. C’est l’axe du monde, tout de même. Au moins de ce monde-ci ! C’est le symbole de la constance et de la stabilité ! Ses branches recouvrent le monde entier tel que nous le connaissons.
-La Terre ? questionna IL.
-Pour les Scandinaves, le monde des humains, autrement dit la Terre, était un des neufs mondes contenu dans l’Yggdrasil. Et… Oh ! » Halvorc s’interrompit, et un sourire se dessina sur ses lèvres. Les autres le laissèrent réfléchir, un instant, puis Séphira s’impatienta :
« Quoi ‘Oh !’ ?
-Vous saviez quel était le nom que donnaient les nordiques à notre Terre, sur l’Yggdrasil ? »
Silence dans l’assistance, juste le vent dans les oreilles.
« Le monde des humains dans l’Yggdrasil se nomme : Midgard. »
IL lâcha sa prise sur la Valkyrie et fixa intensément l’arbre. Se pourrait-il que ce Midgard-là soit en relation avec… IL interrompit sa pensée.
« Comme dans Final Fantasy VII, remarqua Soulblighter.
-Exactement, jubila Halvorc. Et ce n’est pas la seule référence ! Le Nibelheim de ce jeu vidéo n’est autre qu’une image du monde de Nifelheim nordique ! J’espère pouvoir le visiter… » Il soupira de joie.
L’immense arbre, un frêne aux feuilles intégralement vertes, était maintenant tout proche. Et les Valkyries les emmenaient en son centre.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
DragonNoir introduit la clef dans la serrure et tourna sans rencontrer de résistance. La porte était déjà ouverte. Il laissa passer les quatre Trauméniens et entra à la fin. Laekh posa la valise dans l’entrée en soufflant, visiblement peiné par l’effort.
« Il faut la mettre au frais, et rapidement. Sinon, je ne te raconte pas l’odeur…
-Je préfère encore que tu ne me raconte pas, effectivement, renifla DragonNoir. Youhou ! Y a quelqu’un ? »
Aucune réponse, pas un bruit dans l’appartement. DragonNoir lança de nouveau un appel, sans résultat. Pourtant, la porte était ouverte.
« Ils dorment peut-être ? hasarda Gorgon_Roo.
-Pas si tôt, il n’est que vingt-deux heures et des poussières.
-Alors ils sont morts. » conclut Radamenthe. Sa blague ne fit rire que lui, et encore. DragonNoir s’avança dans le couloir, et entendit des bruits de conversations dans sa chambre. Ils étaient donc là.
« Ils auraient pu fermer la porte, tout de même. J’ai hurlé deux fois, et ils n’ont rien entendu. On aurait pu voler la moitié de l’appartement sans même qu’ils s’en rende compte. Bon. Allez nous attendre dans le salon, vous quatre. Je vais chercher les autres. »
Gorgon_Roo et Radamenthe ouvrirent la marche, suivit du Ionisateur Fou et de Laekh, qui traînait encore la valise. Soudain, la porte d’entrée s’ouvrit, et Q-Po passa la tête par l’entrebâillement, suivit de Lord Satana. Il aperçut DragonNoir, et eut juste le temps de dire…
« Oops, trop tard, il est rentré. »
…avant que les hurlements de Gorgon_Roo et du Ionisateur Fou remplissent l’espace. DragonNoir se précipita dans le salon, et découvrit le massacre. Une image de Hilde dans son sac plastique lui vin à l’esprit, tandis qu’il voyait la boucherie pratiquée sur le tapis de ses parents. Il se surprit à avoir des pensées incongrues, telles que ‘Le tapis est irrécupérable’ ou encore ‘Il va falloir nettoyer les armes’. Il n’arrivait pas à croire à ce qu’il voyait.
« Merde, dit Laekh. Qui a fait ça ?
-Halvorc, dit Q-Po dans son dos. Laisse-moi circuler, que je les mette dans ces sacs. »
Tous s’écartèrent, et Q-Po passa, accompagné de Lord Satana. Ils s’accroupirent devant Séphira Strife, et commencèrent à la mettre dans un sac.
« Co… Comment ? balbutia DragonNoir, incapable de regarder la scène.
-Comment c’est arrivé ? Halvorc a prit ton arme et il a tué tout le monde, annonça Q-Po. Je pensais que son petit tour à pied lui avait changé les idées, mais je m’étais manifestement fourvoyé. Il est revenu ici, alors qu’il ne restait que ces trois là dans le salon, et… » Q-Po étendit les bras autours de lui, englobant la salle, et n’ajouta rien.
Il n’y avait rien à dire. Le massacre racontait tout. Soulblighter avait été tué dans sa position initiale : allongé sur le dos, les armes à la main. Séphira Strife s’était débattu, car les traces de combat s’étendaient autours d’elle comme une preuve non contestable. Mais Halvorc avait aussi eu raison d’elle. Puis, IL et Halvorc étaient emmêlés l’un sur l’autre, leur sang mélangé dans un ultime combat. Lequel était l’agresseur, et lequel l’agressé ?
« A trois contre un, ils n’ont pas pu se défendre ? demanda Gorgon_Roo.
-Je ne pense pas qu’ils en aient eu le temps, mais c’est mon opinion, dit Lord Satana en rentrant les jambes de Séphira Strife dans le sac. Où est-ce que je la mets ?
-Je ne sais pas, dit Q-Po. Pose là là-bas, mais retire la valise. Qu’est-ce que c’est au fait, cette valise ? »
Laekh regarda le cercueil provisoire de Hilde, puis les sacs plastiques contenant les corps, et se mordit la lèvre. Gorgon_Roo prit la parole, heureusement, se chargeant de tout expliquer, enfin.
« Je pense qu’on peut laisser cette valise avec les corps. » dit-il.
*
* *
Lorsque les quatre Trauméniens posèrent enfin pied à terre, ils furent saisit de vertiges insensés. Leur vol – chute – avait duré tellement longtemps qu’ils avaient ce qu’on pourrait appeler le mal de terre, comme les marins qui reviennent sur le continent après des mois de mer. Leurs estomacs se rebellèrent quelques minutes, puis se calmèrent tout seul.
« Où sommes-nous, maintenant ? demanda IL. Est-ce vraiment Midgard ici ? On dirait la Terre, tout simplement.
-Je pense que oui, souffla Halvorc, dont les yeux embués de larmes regardaient tout de même le paysage en s’émerveillant. Je pense que nous sommes arrivés dans Midgard, la Terre des hommes. Seulement, nous sommes morts, donc elle n’est pas peuplée.
-Ça serait donc une représentation de la Terre ?
-Une sorte de doublon, oui, répondit Halvorc, qui se remettait peu à peu. Et nous sommes dans la campagne, mais où exactement… »
Autours d’eux, les champs s’étendaient jusqu’à l’horizon. Peu ou prou de collines, un clocher d’église à une vingtaines de kilomètres, peut-être plus, mais rien d’autres. Les Valkyries étaient toujours présentes, mais elles semblaient attendre. IL se rapprocha de la sienne, une jolie rousse à la poitrine opulente, comme il avait déjà pu le tester, et il lui attrapa le bras sans ménagement.
« Eh, toi là, la muette ! Tu ne pourrais pas nous dire ce qu’on doit faire ? »
Elle ne répondit pas. Elle ne tourna même pas la tête vers lui, et elle se contenta de sourire en regardant le vide. IL serra les dents, et s’apprêtait à la tirer pour la faire descendre de son cheval lorsque Séphira Strife l’en empêcha.
« Arrête tout de suite, IL !
-Mais c’est évident qu’elle sait quelque chose !! Regarde moi ce sourire béat, on dirait qu’elle attends Dieu. »
Séphira Strife s’approcha de IL en le regardant dans les yeux, un regard froid et sans aucune compassion sur l’éventuel futur qui l’attendait s’il devait poursuivre ses agissements. IL détourna les yeux.
« Si nous devons faire ce voyage, alors autant se serrer les coudes, d’accord ? dit-elle. Je pense que martyriser cette femme ne changera pas grand-chose au fait qu’elle soit muette, n’est-ce pas ? »
IL ne répondit pas.
« Ai-je bien entendu, Séphira, intervint Halvorc. Tu daignes accepter de continuer le voyage avec nous tous ? »
Séphira Strife leva les yeux au ciel, un ciel d’un bleu immaculé, et vida lentement ses poumons. Puis elle regarda Halvorc en hochant la tête.
« Tant qu’à faire, autant en finir avec ce monde-ci. DragonNoir n’avait qu’à venir.
-Yeah ! exulta Halvorc en leva son poing. J’ai gagné !
-T’énerve pas trop, la poupée gothique, railla IL.
-Ce n’est pas une poupée gothique, c’est une doll de Vincent Valentine !!
-Hey, qu’est-ce que tu as dit, IL, tout à l’heure à propos du sourire des Valkyries ? »
Ils se retournèrent tous vers Soulblighter, qui fixait un point éloigné derrière eux. Comme les Valkyries. IL réfléchit un instant, et répondit :
« J’ai dit qu’on croirait qu’elles attendent Dieu, ou un truc comme ça…
-Tu avais raison. »
Soulblighter leva les yeux, tandis qu’une grande ombre s’abattait sur les Trauméniens. Les trois autres se retournèrent et durent lever les yeux sur l’immense homme qui se tenait sur un cheval à huit jambes. Deux corbeaux se tenaient sur ses épaules. Il était borgne, mais dégageait une immense aura de puissance, de sagesse et de gloire.
De divinité.
Et les Valkyries s’inclinèrent en chœur.
« Gloire te soit rendue, ô notre Dieu. Gloire à Odin. »
« Il faut la mettre au frais, et rapidement. Sinon, je ne te raconte pas l’odeur…
-Je préfère encore que tu ne me raconte pas, effectivement, renifla DragonNoir. Youhou ! Y a quelqu’un ? »
Aucune réponse, pas un bruit dans l’appartement. DragonNoir lança de nouveau un appel, sans résultat. Pourtant, la porte était ouverte.
« Ils dorment peut-être ? hasarda Gorgon_Roo.
-Pas si tôt, il n’est que vingt-deux heures et des poussières.
-Alors ils sont morts. » conclut Radamenthe. Sa blague ne fit rire que lui, et encore. DragonNoir s’avança dans le couloir, et entendit des bruits de conversations dans sa chambre. Ils étaient donc là.
« Ils auraient pu fermer la porte, tout de même. J’ai hurlé deux fois, et ils n’ont rien entendu. On aurait pu voler la moitié de l’appartement sans même qu’ils s’en rende compte. Bon. Allez nous attendre dans le salon, vous quatre. Je vais chercher les autres. »
Gorgon_Roo et Radamenthe ouvrirent la marche, suivit du Ionisateur Fou et de Laekh, qui traînait encore la valise. Soudain, la porte d’entrée s’ouvrit, et Q-Po passa la tête par l’entrebâillement, suivit de Lord Satana. Il aperçut DragonNoir, et eut juste le temps de dire…
« Oops, trop tard, il est rentré. »
…avant que les hurlements de Gorgon_Roo et du Ionisateur Fou remplissent l’espace. DragonNoir se précipita dans le salon, et découvrit le massacre. Une image de Hilde dans son sac plastique lui vin à l’esprit, tandis qu’il voyait la boucherie pratiquée sur le tapis de ses parents. Il se surprit à avoir des pensées incongrues, telles que ‘Le tapis est irrécupérable’ ou encore ‘Il va falloir nettoyer les armes’. Il n’arrivait pas à croire à ce qu’il voyait.
« Merde, dit Laekh. Qui a fait ça ?
-Halvorc, dit Q-Po dans son dos. Laisse-moi circuler, que je les mette dans ces sacs. »
Tous s’écartèrent, et Q-Po passa, accompagné de Lord Satana. Ils s’accroupirent devant Séphira Strife, et commencèrent à la mettre dans un sac.
« Co… Comment ? balbutia DragonNoir, incapable de regarder la scène.
-Comment c’est arrivé ? Halvorc a prit ton arme et il a tué tout le monde, annonça Q-Po. Je pensais que son petit tour à pied lui avait changé les idées, mais je m’étais manifestement fourvoyé. Il est revenu ici, alors qu’il ne restait que ces trois là dans le salon, et… » Q-Po étendit les bras autours de lui, englobant la salle, et n’ajouta rien.
Il n’y avait rien à dire. Le massacre racontait tout. Soulblighter avait été tué dans sa position initiale : allongé sur le dos, les armes à la main. Séphira Strife s’était débattu, car les traces de combat s’étendaient autours d’elle comme une preuve non contestable. Mais Halvorc avait aussi eu raison d’elle. Puis, IL et Halvorc étaient emmêlés l’un sur l’autre, leur sang mélangé dans un ultime combat. Lequel était l’agresseur, et lequel l’agressé ?
« A trois contre un, ils n’ont pas pu se défendre ? demanda Gorgon_Roo.
-Je ne pense pas qu’ils en aient eu le temps, mais c’est mon opinion, dit Lord Satana en rentrant les jambes de Séphira Strife dans le sac. Où est-ce que je la mets ?
-Je ne sais pas, dit Q-Po. Pose là là-bas, mais retire la valise. Qu’est-ce que c’est au fait, cette valise ? »
Laekh regarda le cercueil provisoire de Hilde, puis les sacs plastiques contenant les corps, et se mordit la lèvre. Gorgon_Roo prit la parole, heureusement, se chargeant de tout expliquer, enfin.
« Je pense qu’on peut laisser cette valise avec les corps. » dit-il.
*
* *
Lorsque les quatre Trauméniens posèrent enfin pied à terre, ils furent saisit de vertiges insensés. Leur vol – chute – avait duré tellement longtemps qu’ils avaient ce qu’on pourrait appeler le mal de terre, comme les marins qui reviennent sur le continent après des mois de mer. Leurs estomacs se rebellèrent quelques minutes, puis se calmèrent tout seul.
« Où sommes-nous, maintenant ? demanda IL. Est-ce vraiment Midgard ici ? On dirait la Terre, tout simplement.
-Je pense que oui, souffla Halvorc, dont les yeux embués de larmes regardaient tout de même le paysage en s’émerveillant. Je pense que nous sommes arrivés dans Midgard, la Terre des hommes. Seulement, nous sommes morts, donc elle n’est pas peuplée.
-Ça serait donc une représentation de la Terre ?
-Une sorte de doublon, oui, répondit Halvorc, qui se remettait peu à peu. Et nous sommes dans la campagne, mais où exactement… »
Autours d’eux, les champs s’étendaient jusqu’à l’horizon. Peu ou prou de collines, un clocher d’église à une vingtaines de kilomètres, peut-être plus, mais rien d’autres. Les Valkyries étaient toujours présentes, mais elles semblaient attendre. IL se rapprocha de la sienne, une jolie rousse à la poitrine opulente, comme il avait déjà pu le tester, et il lui attrapa le bras sans ménagement.
« Eh, toi là, la muette ! Tu ne pourrais pas nous dire ce qu’on doit faire ? »
Elle ne répondit pas. Elle ne tourna même pas la tête vers lui, et elle se contenta de sourire en regardant le vide. IL serra les dents, et s’apprêtait à la tirer pour la faire descendre de son cheval lorsque Séphira Strife l’en empêcha.
« Arrête tout de suite, IL !
-Mais c’est évident qu’elle sait quelque chose !! Regarde moi ce sourire béat, on dirait qu’elle attends Dieu. »
Séphira Strife s’approcha de IL en le regardant dans les yeux, un regard froid et sans aucune compassion sur l’éventuel futur qui l’attendait s’il devait poursuivre ses agissements. IL détourna les yeux.
« Si nous devons faire ce voyage, alors autant se serrer les coudes, d’accord ? dit-elle. Je pense que martyriser cette femme ne changera pas grand-chose au fait qu’elle soit muette, n’est-ce pas ? »
IL ne répondit pas.
« Ai-je bien entendu, Séphira, intervint Halvorc. Tu daignes accepter de continuer le voyage avec nous tous ? »
Séphira Strife leva les yeux au ciel, un ciel d’un bleu immaculé, et vida lentement ses poumons. Puis elle regarda Halvorc en hochant la tête.
« Tant qu’à faire, autant en finir avec ce monde-ci. DragonNoir n’avait qu’à venir.
-Yeah ! exulta Halvorc en leva son poing. J’ai gagné !
-T’énerve pas trop, la poupée gothique, railla IL.
-Ce n’est pas une poupée gothique, c’est une doll de Vincent Valentine !!
-Hey, qu’est-ce que tu as dit, IL, tout à l’heure à propos du sourire des Valkyries ? »
Ils se retournèrent tous vers Soulblighter, qui fixait un point éloigné derrière eux. Comme les Valkyries. IL réfléchit un instant, et répondit :
« J’ai dit qu’on croirait qu’elles attendent Dieu, ou un truc comme ça…
-Tu avais raison. »
Soulblighter leva les yeux, tandis qu’une grande ombre s’abattait sur les Trauméniens. Les trois autres se retournèrent et durent lever les yeux sur l’immense homme qui se tenait sur un cheval à huit jambes. Deux corbeaux se tenaient sur ses épaules. Il était borgne, mais dégageait une immense aura de puissance, de sagesse et de gloire.
De divinité.
Et les Valkyries s’inclinèrent en chœur.
« Gloire te soit rendue, ô notre Dieu. Gloire à Odin. »
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
3. Asaheim et Vanaheim.
Halvorc avait du mal à croire à sa présence dans l’Yggdrasil, pour commencer. Ensuite, il avait beaucoup de mal à accepter l’idée d’être dans le Midgard scandinave. Halvorc avait aussi énormément de mal à se dire qu’il avait accompagné des Valkyries en vol. Halvorc avait peine à croire qu’il se trouvait en face d’Odin. Et finalement, Halvorc avait peine à croire qu’ils discutaient tous, même, avec lui.
Il savait néanmoins que tout ceci était vrai, dans une certaine mesure : Ils étaient tous les quatre morts les armes à la main – des armes typiquement nordiques, qui plus est – et ils étaient maintenant dans le royaume des Dieux. Et ce royaume des Dieux était dirigé par l’homme qui était maintenant devant eux.
Odin.
C’était le Dieu principal de la religion scandinave, mais il symbolisait également le Dieu de la Guerre, de la Sagesse, de la Poésie, voire dans certains cas de l’Humanité toute entière. Les récits sur ses actes de bravoures et ses épreuves endurées étaient innombrables, mais prouvaient tous son endurance et sa volonté sans bornes.
Même une fois descendu de son cheval à huit jambes, Sleipnir, il restait majestueux et imposant. Chacune des Valkyries les suivait sans un mot. Elles n’avaient daignées parler qu’en présence de leur maître, sans aucun respect pour les Trauméniens. Mais avec un maître comme Odin, songea Halvorc, je pourrais facilement devenir irrespectueux.
« Il est déplorable que votre venue n’aie pas été plus à l’avance préméditée, dit le Dieu des Dieux d’une voix de stentor. Heureusement que Freyja a prit soin d’aller vous cueillir. »
La Valkyrie qui avait porté IL s’inclina en signe de remerciement. Halvorc se retourna vers elle, les yeux écarquillés, puis se rapprocha de IL. Il lui donna du coude, discrètement, tandis qu’ils marchaient tous vers une destination inconnue.
« Tu savais que tu avais peloté l’épouse d’Odin ? lui demanda-t-il.
-L’épouse d’O… Mais je croyais que c’était une Valkyrie !
-C’en est une, acquiesça Halvorc. La première des Valkyries, même. Je ne l’avais pas reconnu, tout à l’heure, mais Freyja est également la déesse de la fécondité, du désir et de l’Amour. Et, accessoirement, c’est l’épouse d’Odin. Une des épouses.
-Alors j’ai… J’ai tripoté une déesse ? Je peux mourir heureux !! s’extasia IL.
-Tu es déjà mort, IL. »
La route serpentait sur l’immense plaine, et ils avaient à présent dépassés le village dont le clocher de l’église avait été visible quelques temps plus tôt. Ils marchaient depuis plus d’une heure, maintenant, mais n’en éprouvaient aucune fatigue. Séphira Strife, la curiosité aidant, accéléra le pas pour se rapprocher d’Odin, qui avançait d’un pas lourd.
« Seigneur Odin, commença-t-elle.
-Vous n’êtes pas des guerriers morts au combat, je le sais. Hugin et Munin, mes deux corbeaux, me l’ont dit dès que nous sommes arrivés auprès de vous. »
Comme pour approuver la remarque, les deux corbeaux croassèrent en cœur.
« Mais alors, si vous êtes au courant, vous n’allez pas nous accepter parmi vous, si ? »
Odin garda le silence un moment, son unique œil scrutant l’horizon. Lui ne souriait pas comme ses Valkyries, mais arborait un masque de sagesse permanent. Un masque de sagesse pas franchement amical, pour tout dire.
« Nous vous accepterons, finit-il par dire. Nous ferons fi de vos antécédents et de cette façon particulière de décéder, et nous vous accepterons. Personne n’en saura rien.
-Les autres Dieux ? demanda Séphira Strife.
-Je suis au courant pour votre quête. »
Le cœur de Séphira Strife s’emballa.
« Je ne peux pas vous en dire plus, je ne peux rien vous apprendre, tout ce que je peux faire, c’est vous faire rentrer dans le domaine des Dieux. Dans mon domaine. Après, c’est à vous d’enquêter sur votre amie, dans le cas où elle serait passée ici.
-Nous serons libre d’agir à notre guise ? »
Odin se tourna vers Séphira, qui fixa son unique œil avec appréhension. Le visage hostile se mua en une parodie de sourire, un sourire qui se voulait rassurant, mais qui restait au niveau de ‘dangereux’ ou ‘inquiétant’. Mais l’effort était manifeste.
« Vous serez libre, mais vous devrez vous plier aux us et coutumes de nos mondes. Je vous interdit de vous déclamer différents, vous serez des combattants morts comme les autres. Votre recherche devra rester la plus discrète possible, et vous ne divulguerez jamais votre véritable but, est-ce bien clair ? »
La menace était palpable dans le cas contraire, et Séphira hocha vivement la tête, acceptant toutes les conditions. Le résultat n’était pas si terrible que ça, et ils pourraient collecter les informations d’une manière relativement anonyme. Ce voyage commençait bien.
Soulblighter, dont les sens devaient toujours être en alerte grâce à sa métamorphose Trauménienne, remarqua tout de suite le groupe de cavaliers qui venait à leur rencontre. Il leva son bras athlétique en direction des chevaux pour signaler leur présence. Au même moment, Odin s’arrêta ainsi que son cheval.
« Voilà les us et coutumes qui arrivent, justement. »
*
* *
Hubert salua le vieil homme qui entra dans le restaurant comme à son habitude : En levant une main humide et en hochant distraitement la tête. Encore un nouveau client, jamais vu dans le coin, pensa-t-il en retournant dans la conversation.
« Qu’est-ce que t’en penses, Hub’ ?
-De quoi ? grogna le barman en direction de Gérald. J’ai pas entendu la question.
-On se demandait moi et Gontran ce qu’était devenu Matrik et toute sa clique, là, tu te rappelles ? Ceux qui sont venus à quarante en Novembre dern…
-Ouais, ouais, je me rappelle d’eux. Le Matrik il avait payé une sacrée somme, même, pour réserver la salle. Le moins qu’on puisse dire, c’est que j’avais pas perdu ma journée, ce jour là ! Donne-moi ton verre, tu es à sec.
-Merci. » Gontran tendit le verre et Hubert le remplit de Ricard et d’eau. Gérald dévisageait l’homme qui venait d’entrer, et qui s’était adossé au bar. Il était relativement costaud et bourru, malgré son âge. Gérald n’aurait pas été lui chercher des noises, aussi imbibé qu’il fut. Hubert lui rendit sa boisson, et suivit le regard de son piler de bar.
« Vous désirez quelque chose, monsieur ? demanda-t-il aussi aimablement qu’il le pouvait, ce qui pour lui se résumait à ne pas ajouter d’insultes à sa phrase.
-Donnez-moi un double whisky sec, s’il vous plaît.
-Jack Daniel ? Ou bien du…
-Jack Daniel, ça suffira. »
Hubert dévissa le bouchon tout en regardant l’homme qui furetait du regard dans toute la salle. Il n’y avait que trois autres clients attablés : Un couple qui discutaient en se tenant la main, au comble du bonheur, et un jeune homme qui lisait le journal, dans le fond. Le nouvel arrivant sembla trouver ce qu’il cherchait en dénichant l’arrière salle. Il la montra au barman en feignant l’innocence.
« Elle peut contenir combien de personne, cette salle ? demanda-t-il.
-Oh, facilement une cinquantaine de personnes. Pourquoi, vous allez vous marier ? »
La boutade déclencha quelques rires mous de Gérald et Gontran. L’homme esquissa un sourire et avala une longue gorgée de whisky pur, sans même ciller. Hubert restait à le regarder lui et la salle, sans tenir compte des sourires de ses compagnons de solitude.
« Vous voulez la louer pour un repas ? Personne n’est dessus avant… » Il commença à consulter un registre, mais l’homme l’arrêta.
« Je demandais simplement ça par curiosité, je viens juste d’arriver en ville.
-Je savais bien que j’vous avais jamais vu nulle part, brailla Gérald en posant son verre sur le comptoir, le faisant claquer. Je n’oublie jamais un visage, vous savez ?
-Gégé, tu es saoul.
-Nan chuis pas bourré, Gontran ! Pas plus que la dernière fois, en tout cas ! »
Et ils s’esclaffèrent.
L’homme les dévisagea un instant, quelque peu navré. Il n’avait pas ou peu touché à la bouteille ces dernières années. Pas depuis sa longue descente aux enfers dans le monde des alcooliques. Il s’en était tiré, mais ne rechignait pas à un verre de temps à autre. Et ces derniers temps, il en avait bien besoin.
« Avez-vous reçu un groupe de personnes dans cette salle, il y a peu, questionna ouvertement l’homme en terminant son verre.
-Dans l’annexe, là-bas ? répéta Hubert. Eh bien, je sais plus, faudrait demander à ma femme… Mais il me semble que le dernier rassemblement important, c’était en Décembre dernier. Ou en Novembre, je sais plus.
-En Novembre, Hub’ ! l’informa Gontran. C’était ce dont on parlait tout à l’heure, justement : La bande à Matrik.
-Ha ha, gloussa Gérald en se balançant. Matrik, qui a la trique, quand on le niq…
-Gérald !! »
Hubert rougit, et Gontran assena une claqua à l’arrière de la tête de Gérald, qui ne sentit rien grâce à l’alcool ou au vide que le crâne contenait. L’homme ne dit rien, mais semblait intéressé par cette réunion.
« Quelque chose vous a paru étrange durant cette réunion ?
-Étrange, dit Hubert, comme si répéter ce mot constituait un moyen de paraître intelligent. Mis à part le fait qu’ils s’étaient retrouvés pour assister à un enterrement, je ne vois pas d’autre étrangetés. »
L’homme tressaillit sur son tabouret, les deux amoureux continuaient de se dévorer des yeux et le jeune homme au journal le regarda brièvement, avant de tourner une page. L’homme se pencha sur le comptoir pour s’approcher de Hubert, qui délaissa un instant son torchon pour tendre l’oreille.
« Je m’appelle Serge Thourn, dit l’homme. Je suis commissaire de police et j’enquête à titre officieux sur une affaire de meurtre.
-Non ! souffla Hubert en baissant d’un ton.
-Que pouvez-vous me dire sur ces personnes ?
-Et bien, à vrai dire, pas grand-chose… Ils étaient beaucoup, et tous tellement différents. Jeunes, pour la plupart.
-Moyenne d’âge ?
-Je dirais dix-huit, peut-être moins. Mais il y en avait d’autres plus vieux.
-Vous n’avez pas de coordonnées ?
-Si, attendez. »
Hubert le laissa pour aller dans l’arrière boutique à la recherche du carnet où étaient notés les rendez-vous de l’année passée. Thourn se retourna et tenta de visualiser la scène : Une cinquantaine de jeunes gens qui se réunissent pour un enterrement. C’était un bon début. Ça faisait donc une cinquantaine de personnes à interroger, si tant est qu’il les retrouve toutes. Mais au moins il pouvait être sûr d’avoir les coordonnées de celui ou celle qui avait réservé la salle, faute de mieux.
« Vous en voulez à Matrik ? demanda Gérald, qui n’en avait pas terminé.
-Gérald, arrête ça tu veux ? dit Gontran.
-Qui est ce Matrik ? demanda Thourn. Un de ceux qui étaient à la réunion ?
-C’était lui l’instaguite... L’astingateur… Arrh !
-C’était celui qui avait tout organisé ? » demanda Serge en sortant un calepin et un stylo. Il sentait que ces deux-là, aussi saoulard soient-ils, pouvaient l’aider. Il récolta sans peine une description non exhaustive de bon nombre des personnes présentes, des descriptions confuses accompagnées de commentaires de plus ou moins bon goût. Mais Serge notait tout, préférant garder l’inutile que d’omettre une information.
Hubert confirma ses soupçons lorsqu’il présenta l’adresse de Mr.Magnum à Serge. Ce dernier la connaissait déjà, c’était de là d’où il venait. Il recueillit encore quelques informations à l’aide de deux tournées générales, puis paya et se prépara à partir presque bredouille.
Mais le destin lui valu d’obtenir sa plus précieuse information juste avant qu’il ne passe la porte, complètement par hasard. Il aurait fallu qu’il sorte cinq secondes plus tôt pour qu’il rate ce que Gontran disait.
« Au fait, Hub’, mon bon Hub’, tu savais que certaines des filles qui était là en Novembre avec le Matrik, elles habitaient dans le coin ? Y en a une, là, une petite brune toute mignonne avec une grande natte, qui fait de la piscine avec mon fils… Je sais plus comment elle s’appelle, par contre… Merde… Tu vois de qui je parle ?
-Nan.
-T’es lourd, Hub’… »
Serge quitta le restaurant en souriant, au moment où Gontran posait sa tête sur le comptoir et rotait joyeusement, déclanchant des rires imbibés.
*
* *
Le jeune homme regarda Serge Thourn sortir, puis referma son journal. Il se rendit au bar, où il paya grassement son café sans même jeter un œil aux trois loques qui riaient toujours, puis jeta le journal dans la poubelle avant d’emboîter le pas du commissaire.
Le jeune homme, lui, ne souriait pas.
*
* *
Les deux cavaliers s’arrêtèrent et scrutèrent le terrain, ignorant volontairement Odin. Séphira Strife recula lorsqu’elle vit le poing du Dieu des Dieux se serrer sur les rennes de son cheval. Elle rejoignit hâtivement Halvorc, IL et Soulblighter, songeant mentalement que c’était la première fois qu’elle était contente de les trouver aussi près d’elle.
Surtout IL.
Les deux cavaliers descendirent de leurs montures et se présentèrent, toujours sans tenir compte d’Odin. Ils s’adressèrent directement aux Trauméniens. Le premier était gigantesque, peut-être aussi grand qu’Odin lui-même. Une longue barbe blonde lui descendait en tresse et favoris sur son torse en armure. Une odeur de terre humide se dégagea lorsqu’il parla.
« Mon nom est Njörd, divinité Vane de la Terre et de la Fertilité. Et voici Freyr, mon fils, et frère de Freyja. Nous sommes tous trois représentants des Vanes, contrepartie des Ases sur l’Yggdrasil. Bienvenus à vous, nobles combattants. »
Puis, sans même prendre le temps d’une respiration, Njörd se dressa face à Odin. Celui-ci avait quelques centimètres de plus que Njörd, mais le Vane ne se démontait pas. Les yeux dans les yeux, ils imposèrent un silence concentré autours d’eux. Personne n’osait parler.
Sauf Soulblighter, qui demanda à Halvorc ce qu’étaient les Vases et les Ânes.
« Les Vanes et les Ases, triple idiot ! Ce sont deux familles de Dieux qui se querellent suite à une broutille, un léger différent sans importance, mais bon. Et depuis, ils se cherchent en permanence pour un oui, pour un non. Je pense qu’ils vont se disputer pour nous, là.
-Pour nous ? s’exclama IL. Comment ça pour nous ?
-Pour nos âmes, répondit Halvorc. Pour savoir si nous rejoindrons les armées des Vanes ou celles des Ases. Les Ases sont déjà nombreux, vis-à-vis des Vanes, rien qu’en terme de Dieux. Je pense que nous allons rejoindre les Vanes. »
Le silence perdurait, puis Njörd le rompit finalement :
« Je viens récupérer mon dû, comme convenu.
-Comme convenu, récita Odin d’une voix contenue, nous séparerons les combattants équitablement. Je te lègue deux hommes : Celui-ci et celui-ci. »
IL et Halvorc déglutirent en même temps, dans un effet qui aurait pu être comique dans une autre situation. Ils s’avancèrent tous deux devant Njörd, qui les examina succinctement. Freyr fit de même, s’attardant sur IL qui finit par lui faire un clin d’œil.
Freyr se recula vivement.
« J’accepte mon dû et je reconnais ton honnêteté, Odin. Puisse le Ragnarök être encore loin, et nos jours longs.
-Puisse le Ragnarök être encore loin et nos jours longs. » répéta Odin en reprenant sa marche. Les Valkyries poussèrent Séphira Strife et Soulblighter de l’avant, les obligeant à abandonner leur deux autres compagnons. Freyja et une autre Valkyries étaient restées avec Halvorc et IL, en compagnie des Vanes. Séphira Strife s’avança de nouveau vers Odin et lui demanda où ils allaient être conduits.
« Nous allons dans l’Asaheim, rejoindre mon temple, le Valhalla, le lieu où tous les guerriers se retrouvent une fois morts. Vos compagnons vont aller dans le domaine des Vanes, au Vanaheim. Ils ne risquent rien, s’ils ne révèlent pas leur véritable but.
-C’est bien ce qui m’inquiète, dit Séphira en regardant s’éloigner Halvorc et IL. C’est justement ce qui m’inquiète. »
Halvorc avait du mal à croire à sa présence dans l’Yggdrasil, pour commencer. Ensuite, il avait beaucoup de mal à accepter l’idée d’être dans le Midgard scandinave. Halvorc avait aussi énormément de mal à se dire qu’il avait accompagné des Valkyries en vol. Halvorc avait peine à croire qu’il se trouvait en face d’Odin. Et finalement, Halvorc avait peine à croire qu’ils discutaient tous, même, avec lui.
Il savait néanmoins que tout ceci était vrai, dans une certaine mesure : Ils étaient tous les quatre morts les armes à la main – des armes typiquement nordiques, qui plus est – et ils étaient maintenant dans le royaume des Dieux. Et ce royaume des Dieux était dirigé par l’homme qui était maintenant devant eux.
Odin.
C’était le Dieu principal de la religion scandinave, mais il symbolisait également le Dieu de la Guerre, de la Sagesse, de la Poésie, voire dans certains cas de l’Humanité toute entière. Les récits sur ses actes de bravoures et ses épreuves endurées étaient innombrables, mais prouvaient tous son endurance et sa volonté sans bornes.
Même une fois descendu de son cheval à huit jambes, Sleipnir, il restait majestueux et imposant. Chacune des Valkyries les suivait sans un mot. Elles n’avaient daignées parler qu’en présence de leur maître, sans aucun respect pour les Trauméniens. Mais avec un maître comme Odin, songea Halvorc, je pourrais facilement devenir irrespectueux.
« Il est déplorable que votre venue n’aie pas été plus à l’avance préméditée, dit le Dieu des Dieux d’une voix de stentor. Heureusement que Freyja a prit soin d’aller vous cueillir. »
La Valkyrie qui avait porté IL s’inclina en signe de remerciement. Halvorc se retourna vers elle, les yeux écarquillés, puis se rapprocha de IL. Il lui donna du coude, discrètement, tandis qu’ils marchaient tous vers une destination inconnue.
« Tu savais que tu avais peloté l’épouse d’Odin ? lui demanda-t-il.
-L’épouse d’O… Mais je croyais que c’était une Valkyrie !
-C’en est une, acquiesça Halvorc. La première des Valkyries, même. Je ne l’avais pas reconnu, tout à l’heure, mais Freyja est également la déesse de la fécondité, du désir et de l’Amour. Et, accessoirement, c’est l’épouse d’Odin. Une des épouses.
-Alors j’ai… J’ai tripoté une déesse ? Je peux mourir heureux !! s’extasia IL.
-Tu es déjà mort, IL. »
La route serpentait sur l’immense plaine, et ils avaient à présent dépassés le village dont le clocher de l’église avait été visible quelques temps plus tôt. Ils marchaient depuis plus d’une heure, maintenant, mais n’en éprouvaient aucune fatigue. Séphira Strife, la curiosité aidant, accéléra le pas pour se rapprocher d’Odin, qui avançait d’un pas lourd.
« Seigneur Odin, commença-t-elle.
-Vous n’êtes pas des guerriers morts au combat, je le sais. Hugin et Munin, mes deux corbeaux, me l’ont dit dès que nous sommes arrivés auprès de vous. »
Comme pour approuver la remarque, les deux corbeaux croassèrent en cœur.
« Mais alors, si vous êtes au courant, vous n’allez pas nous accepter parmi vous, si ? »
Odin garda le silence un moment, son unique œil scrutant l’horizon. Lui ne souriait pas comme ses Valkyries, mais arborait un masque de sagesse permanent. Un masque de sagesse pas franchement amical, pour tout dire.
« Nous vous accepterons, finit-il par dire. Nous ferons fi de vos antécédents et de cette façon particulière de décéder, et nous vous accepterons. Personne n’en saura rien.
-Les autres Dieux ? demanda Séphira Strife.
-Je suis au courant pour votre quête. »
Le cœur de Séphira Strife s’emballa.
« Je ne peux pas vous en dire plus, je ne peux rien vous apprendre, tout ce que je peux faire, c’est vous faire rentrer dans le domaine des Dieux. Dans mon domaine. Après, c’est à vous d’enquêter sur votre amie, dans le cas où elle serait passée ici.
-Nous serons libre d’agir à notre guise ? »
Odin se tourna vers Séphira, qui fixa son unique œil avec appréhension. Le visage hostile se mua en une parodie de sourire, un sourire qui se voulait rassurant, mais qui restait au niveau de ‘dangereux’ ou ‘inquiétant’. Mais l’effort était manifeste.
« Vous serez libre, mais vous devrez vous plier aux us et coutumes de nos mondes. Je vous interdit de vous déclamer différents, vous serez des combattants morts comme les autres. Votre recherche devra rester la plus discrète possible, et vous ne divulguerez jamais votre véritable but, est-ce bien clair ? »
La menace était palpable dans le cas contraire, et Séphira hocha vivement la tête, acceptant toutes les conditions. Le résultat n’était pas si terrible que ça, et ils pourraient collecter les informations d’une manière relativement anonyme. Ce voyage commençait bien.
Soulblighter, dont les sens devaient toujours être en alerte grâce à sa métamorphose Trauménienne, remarqua tout de suite le groupe de cavaliers qui venait à leur rencontre. Il leva son bras athlétique en direction des chevaux pour signaler leur présence. Au même moment, Odin s’arrêta ainsi que son cheval.
« Voilà les us et coutumes qui arrivent, justement. »
*
* *
Hubert salua le vieil homme qui entra dans le restaurant comme à son habitude : En levant une main humide et en hochant distraitement la tête. Encore un nouveau client, jamais vu dans le coin, pensa-t-il en retournant dans la conversation.
« Qu’est-ce que t’en penses, Hub’ ?
-De quoi ? grogna le barman en direction de Gérald. J’ai pas entendu la question.
-On se demandait moi et Gontran ce qu’était devenu Matrik et toute sa clique, là, tu te rappelles ? Ceux qui sont venus à quarante en Novembre dern…
-Ouais, ouais, je me rappelle d’eux. Le Matrik il avait payé une sacrée somme, même, pour réserver la salle. Le moins qu’on puisse dire, c’est que j’avais pas perdu ma journée, ce jour là ! Donne-moi ton verre, tu es à sec.
-Merci. » Gontran tendit le verre et Hubert le remplit de Ricard et d’eau. Gérald dévisageait l’homme qui venait d’entrer, et qui s’était adossé au bar. Il était relativement costaud et bourru, malgré son âge. Gérald n’aurait pas été lui chercher des noises, aussi imbibé qu’il fut. Hubert lui rendit sa boisson, et suivit le regard de son piler de bar.
« Vous désirez quelque chose, monsieur ? demanda-t-il aussi aimablement qu’il le pouvait, ce qui pour lui se résumait à ne pas ajouter d’insultes à sa phrase.
-Donnez-moi un double whisky sec, s’il vous plaît.
-Jack Daniel ? Ou bien du…
-Jack Daniel, ça suffira. »
Hubert dévissa le bouchon tout en regardant l’homme qui furetait du regard dans toute la salle. Il n’y avait que trois autres clients attablés : Un couple qui discutaient en se tenant la main, au comble du bonheur, et un jeune homme qui lisait le journal, dans le fond. Le nouvel arrivant sembla trouver ce qu’il cherchait en dénichant l’arrière salle. Il la montra au barman en feignant l’innocence.
« Elle peut contenir combien de personne, cette salle ? demanda-t-il.
-Oh, facilement une cinquantaine de personnes. Pourquoi, vous allez vous marier ? »
La boutade déclencha quelques rires mous de Gérald et Gontran. L’homme esquissa un sourire et avala une longue gorgée de whisky pur, sans même ciller. Hubert restait à le regarder lui et la salle, sans tenir compte des sourires de ses compagnons de solitude.
« Vous voulez la louer pour un repas ? Personne n’est dessus avant… » Il commença à consulter un registre, mais l’homme l’arrêta.
« Je demandais simplement ça par curiosité, je viens juste d’arriver en ville.
-Je savais bien que j’vous avais jamais vu nulle part, brailla Gérald en posant son verre sur le comptoir, le faisant claquer. Je n’oublie jamais un visage, vous savez ?
-Gégé, tu es saoul.
-Nan chuis pas bourré, Gontran ! Pas plus que la dernière fois, en tout cas ! »
Et ils s’esclaffèrent.
L’homme les dévisagea un instant, quelque peu navré. Il n’avait pas ou peu touché à la bouteille ces dernières années. Pas depuis sa longue descente aux enfers dans le monde des alcooliques. Il s’en était tiré, mais ne rechignait pas à un verre de temps à autre. Et ces derniers temps, il en avait bien besoin.
« Avez-vous reçu un groupe de personnes dans cette salle, il y a peu, questionna ouvertement l’homme en terminant son verre.
-Dans l’annexe, là-bas ? répéta Hubert. Eh bien, je sais plus, faudrait demander à ma femme… Mais il me semble que le dernier rassemblement important, c’était en Décembre dernier. Ou en Novembre, je sais plus.
-En Novembre, Hub’ ! l’informa Gontran. C’était ce dont on parlait tout à l’heure, justement : La bande à Matrik.
-Ha ha, gloussa Gérald en se balançant. Matrik, qui a la trique, quand on le niq…
-Gérald !! »
Hubert rougit, et Gontran assena une claqua à l’arrière de la tête de Gérald, qui ne sentit rien grâce à l’alcool ou au vide que le crâne contenait. L’homme ne dit rien, mais semblait intéressé par cette réunion.
« Quelque chose vous a paru étrange durant cette réunion ?
-Étrange, dit Hubert, comme si répéter ce mot constituait un moyen de paraître intelligent. Mis à part le fait qu’ils s’étaient retrouvés pour assister à un enterrement, je ne vois pas d’autre étrangetés. »
L’homme tressaillit sur son tabouret, les deux amoureux continuaient de se dévorer des yeux et le jeune homme au journal le regarda brièvement, avant de tourner une page. L’homme se pencha sur le comptoir pour s’approcher de Hubert, qui délaissa un instant son torchon pour tendre l’oreille.
« Je m’appelle Serge Thourn, dit l’homme. Je suis commissaire de police et j’enquête à titre officieux sur une affaire de meurtre.
-Non ! souffla Hubert en baissant d’un ton.
-Que pouvez-vous me dire sur ces personnes ?
-Et bien, à vrai dire, pas grand-chose… Ils étaient beaucoup, et tous tellement différents. Jeunes, pour la plupart.
-Moyenne d’âge ?
-Je dirais dix-huit, peut-être moins. Mais il y en avait d’autres plus vieux.
-Vous n’avez pas de coordonnées ?
-Si, attendez. »
Hubert le laissa pour aller dans l’arrière boutique à la recherche du carnet où étaient notés les rendez-vous de l’année passée. Thourn se retourna et tenta de visualiser la scène : Une cinquantaine de jeunes gens qui se réunissent pour un enterrement. C’était un bon début. Ça faisait donc une cinquantaine de personnes à interroger, si tant est qu’il les retrouve toutes. Mais au moins il pouvait être sûr d’avoir les coordonnées de celui ou celle qui avait réservé la salle, faute de mieux.
« Vous en voulez à Matrik ? demanda Gérald, qui n’en avait pas terminé.
-Gérald, arrête ça tu veux ? dit Gontran.
-Qui est ce Matrik ? demanda Thourn. Un de ceux qui étaient à la réunion ?
-C’était lui l’instaguite... L’astingateur… Arrh !
-C’était celui qui avait tout organisé ? » demanda Serge en sortant un calepin et un stylo. Il sentait que ces deux-là, aussi saoulard soient-ils, pouvaient l’aider. Il récolta sans peine une description non exhaustive de bon nombre des personnes présentes, des descriptions confuses accompagnées de commentaires de plus ou moins bon goût. Mais Serge notait tout, préférant garder l’inutile que d’omettre une information.
Hubert confirma ses soupçons lorsqu’il présenta l’adresse de Mr.Magnum à Serge. Ce dernier la connaissait déjà, c’était de là d’où il venait. Il recueillit encore quelques informations à l’aide de deux tournées générales, puis paya et se prépara à partir presque bredouille.
Mais le destin lui valu d’obtenir sa plus précieuse information juste avant qu’il ne passe la porte, complètement par hasard. Il aurait fallu qu’il sorte cinq secondes plus tôt pour qu’il rate ce que Gontran disait.
« Au fait, Hub’, mon bon Hub’, tu savais que certaines des filles qui était là en Novembre avec le Matrik, elles habitaient dans le coin ? Y en a une, là, une petite brune toute mignonne avec une grande natte, qui fait de la piscine avec mon fils… Je sais plus comment elle s’appelle, par contre… Merde… Tu vois de qui je parle ?
-Nan.
-T’es lourd, Hub’… »
Serge quitta le restaurant en souriant, au moment où Gontran posait sa tête sur le comptoir et rotait joyeusement, déclanchant des rires imbibés.
*
* *
Le jeune homme regarda Serge Thourn sortir, puis referma son journal. Il se rendit au bar, où il paya grassement son café sans même jeter un œil aux trois loques qui riaient toujours, puis jeta le journal dans la poubelle avant d’emboîter le pas du commissaire.
Le jeune homme, lui, ne souriait pas.
*
* *
Les deux cavaliers s’arrêtèrent et scrutèrent le terrain, ignorant volontairement Odin. Séphira Strife recula lorsqu’elle vit le poing du Dieu des Dieux se serrer sur les rennes de son cheval. Elle rejoignit hâtivement Halvorc, IL et Soulblighter, songeant mentalement que c’était la première fois qu’elle était contente de les trouver aussi près d’elle.
Surtout IL.
Les deux cavaliers descendirent de leurs montures et se présentèrent, toujours sans tenir compte d’Odin. Ils s’adressèrent directement aux Trauméniens. Le premier était gigantesque, peut-être aussi grand qu’Odin lui-même. Une longue barbe blonde lui descendait en tresse et favoris sur son torse en armure. Une odeur de terre humide se dégagea lorsqu’il parla.
« Mon nom est Njörd, divinité Vane de la Terre et de la Fertilité. Et voici Freyr, mon fils, et frère de Freyja. Nous sommes tous trois représentants des Vanes, contrepartie des Ases sur l’Yggdrasil. Bienvenus à vous, nobles combattants. »
Puis, sans même prendre le temps d’une respiration, Njörd se dressa face à Odin. Celui-ci avait quelques centimètres de plus que Njörd, mais le Vane ne se démontait pas. Les yeux dans les yeux, ils imposèrent un silence concentré autours d’eux. Personne n’osait parler.
Sauf Soulblighter, qui demanda à Halvorc ce qu’étaient les Vases et les Ânes.
« Les Vanes et les Ases, triple idiot ! Ce sont deux familles de Dieux qui se querellent suite à une broutille, un léger différent sans importance, mais bon. Et depuis, ils se cherchent en permanence pour un oui, pour un non. Je pense qu’ils vont se disputer pour nous, là.
-Pour nous ? s’exclama IL. Comment ça pour nous ?
-Pour nos âmes, répondit Halvorc. Pour savoir si nous rejoindrons les armées des Vanes ou celles des Ases. Les Ases sont déjà nombreux, vis-à-vis des Vanes, rien qu’en terme de Dieux. Je pense que nous allons rejoindre les Vanes. »
Le silence perdurait, puis Njörd le rompit finalement :
« Je viens récupérer mon dû, comme convenu.
-Comme convenu, récita Odin d’une voix contenue, nous séparerons les combattants équitablement. Je te lègue deux hommes : Celui-ci et celui-ci. »
IL et Halvorc déglutirent en même temps, dans un effet qui aurait pu être comique dans une autre situation. Ils s’avancèrent tous deux devant Njörd, qui les examina succinctement. Freyr fit de même, s’attardant sur IL qui finit par lui faire un clin d’œil.
Freyr se recula vivement.
« J’accepte mon dû et je reconnais ton honnêteté, Odin. Puisse le Ragnarök être encore loin, et nos jours longs.
-Puisse le Ragnarök être encore loin et nos jours longs. » répéta Odin en reprenant sa marche. Les Valkyries poussèrent Séphira Strife et Soulblighter de l’avant, les obligeant à abandonner leur deux autres compagnons. Freyja et une autre Valkyries étaient restées avec Halvorc et IL, en compagnie des Vanes. Séphira Strife s’avança de nouveau vers Odin et lui demanda où ils allaient être conduits.
« Nous allons dans l’Asaheim, rejoindre mon temple, le Valhalla, le lieu où tous les guerriers se retrouvent une fois morts. Vos compagnons vont aller dans le domaine des Vanes, au Vanaheim. Ils ne risquent rien, s’ils ne révèlent pas leur véritable but.
-C’est bien ce qui m’inquiète, dit Séphira en regardant s’éloigner Halvorc et IL. C’est justement ce qui m’inquiète. »
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
Halvorc était quelqu’un de réservé, à la base. Quelqu’un qui ne montrait pas facilement ses sentiments, ses émotions, aux autres. Mais depuis le départ pour l’Yggdrasil, il allait d’émerveillements en émerveillements. Et lorsque Halvorc descendit de la croupe du cheval ailé que montait Freyja, il ne pu retenir une exclamation d’admiration face à la vue qui s’offrait à lui. Le Vanaheim s’étendait telle une fleur à ses pieds.
Un soleil – était-ce le même que celui sur Midgard, ou bien un autre ? – éclairait les magnifiques temples d’une blancheur sans pareil disséminés ça et là sur des collines à l’herbe verdoyante. Des gens allaient et venaient parmi la végétation, certains se reposaient sous l’ombre rafraîchissante d’un arbre, d’autres discutaient en cercle assis dans l’herbe. D’autres encore se battaient à un contre un, s’entraînant comme tout soldat digne de ce nom.
Une légère brise tiède fit frissonner Halvorc, non pas à cause du froid mais du sentiment d’exaltation qui lui remplit soudainement l’esprit. Il se sentait bien. Un sourire illumina son visage alors qu’il foulait le domaine des Dieux à petits pas hésitants.
« Voici Vanaheim, royaume des Vanes, dont je suis le dirigeant incontesté, dit Njörd. Vous êtes libre d’aller où bon vous semble, et les seules obligations sont les repas du déjeuner et du dîner, ainsi que le couvre-feu du soir. Les temples que vous voyez sont à votre disposition pour toute activité qui vous intéresse : Arts, Livres, Cuisines, Sports divers… Il est fortement recommandé de vous entraîner au combat, également.
-Vous pouvez vous meurtrir sans crainte, toutes les blessures seront rétablies le soir venue pour n’être que des mauvais souvenirs le lendemain, intervint Freyja.
-Même si je découpe des membres entiers ? demanda IL.
-Même si vous tuez. » dit Freyja sans se départir de son sourire.
IL sourit à son tour.
Séphira Strife regarda le sourire de la Valkyrie d’un air soupçonneux, puis chercha confirmation du coté d’Odin. Ce dernier hocha la tête.
« Je puis vous assurer que, dans mon domaine, toute plaie, toute fracture ou toute amputation quelle qu’elle soit sera guérie le lendemain. Le Valhalla est un domaine sacré, un domaine où les morts sont à l’honneur.
-Et qu’allons-nous y faire ? dit Soulblighter en regardant deux hommes qui discutaient autours d’une épée dorée plantée dans le sol.
-Vous attendrez ici le Ragnarök. »
Séphira Strife se rappela vaguement que le concept du Ragnarök, chez le peuple nordique, revenait à l’Apocalypse chrétienne. En somme, il s’agissait du combat final entre les Dieux du Panthéon Scandinave et les Géant refoulés dans d’autres mondes de l’Yggdrasil. Une immense guerre longue et difficile.
« Ah, dit Soulblighter, sans grande conviction. J’ai le temps d’aller manger un morceau avant le Ragnarök, selon vous ? »
La remarque arracha un rire tonitruant à Odin, le rire le plus horrible qu’il ait été donné d’entendre. C’était un mélange de roulement de tonnerre, de brisement d’os et de violoncelle mal joué, le tout sortant de baffles saturés. Séphira Strife serra les dents.
« Quelques centaines de siècles, au bas mot. » finit par dire Odin.
L’avenir lui montrera l’importance de douter de son omniscience.
*
* *
À Berlin, Dan Sofres marchait dans une rue marchande de son quartier. Il était debout depuis une bonne heure, et profitait pleinement de sa journée de congé. Il avait malgré tout un emploi du temps chargé, mais comme chacune de ses occupation était un loisir, il marchait vers la première d’un pas léger.
Acheter le journal du jour, telle était sa première tâche.
Il aborda un kiosque à journaux et ouvrit la bouche pour demander le quotidien qu’il prend d’ordinaire. Le Berliner Morgenpost. Mais aucun son ne sortit de ses lèvres. En lui, au plus profond de son âme, il sentit qu’un fil se cassait.
Le fil de sa vie.
Il tomba sur le ventre, se brisant le nez sur le pied de l’étalage de journaux. Mais il ne sentait déjà plus rien, car toute vie avait quitté son corps. Le Berliner Morgenpost oscilla sur son cadre et lui tomba dessus, comme un linceul.
*
* *
Chacun perçut le royaume où ils avaient été emmenés de différentes manières, et le Vanaheim ainsi que l’Asaheim furent découverts et appréciés de différentes façons, selon les protagonistes :
IL s’était trouvé une jolie jeune fille, fraîche et assez innocente pour parler avec lui. Il savait que l’heure du déjeuner approchait, et comptait bien passer ce moment aussi avec elle. Après tout, Njörd nous a bien dit d’en profiter un maximum, n’est-ce pas ? Et elle, je compte bien en profiter aussi un maximum.
IL passa un bras autours de sa taille fine.
« Vous êtes ici depuis longtemps ? demanda-t-IL.
-Depuis trois cents soixante-sept ans, précisément. Après demain, pour être précise. » Elle partit d’un petit rire amusé lorsqu’elle vit l’air ébahi d’IL.
« Vous ne les faîtes pas, plaisanta-t-IL.
-Nous ne changeons pas d’apparence, une fois morts. » l’informa-t-elle. Parle pour toi, songea IL en son for intérieur. Ils avançaient lentement, prenant le temps de savourer l’air frais et le soleil de plus en plus haut dans le ciel. Ils s’étaient rencontré au Temple des Délices, où s’était empressé de se diriger IL dès son arrivée. IL ignorait tout de l’endroit où était allé Halvorc, et il s’en fichait.
Tout ce qui importait, c’était sa petite Shannia.
« Vous étiez donc aussi belle vivante ?
-Oh, regardez, le terrain de combat ! » Shannia avait changé de conversation, mais elle avait également rougit sous l’effet du compliment. IL songea qu’il n’avait encore pas perdu la main, même une fois mort.
Soulblighter se pencha en avant pour ramasser un morceau de poulet qui avait roulé sous la table, mais le cuisinier l’arrêta dans son élan en apposant une main velue sur son épaule tatouée. Le cuisiner secoua la tête.
« Laisse ça par terre, ramasser ne sert à rien, tu n’as qu’à en pendre une autre.
-Mais c’est un gâchis de… » commença Soulblighter.
Le cuisinier se redressa, son couteau à désosser à la main, et le regarda avec une pointe d’impatience. L’heure tournait, et cet humain n’arrêtait pas de piocher dans les plats. Et maintenant, il ne comprenait pas le principe de base du Valhalla.
« Ici, mon petit, saches que toute la nourriture que nous ingurgitons est la même chaque jour. Ce pilon de poulet, tu le retrouvera demain, et après-demain, et ainsi de suite. Les bêtes que nous tuons sont de nouveau vivantes le lendemain, grâce à Odin.
-Vivantes ?
-Enfin, quand je dis vivante, c'est-à-dire comme toi et moi. Si jamais tu te fais décapiter lors d’un entraînement, dans le Temple voisin, tu seras de nouveau sur pied dès le lendemain. Voilà la magie du Valhalla.
-Oh. » Soulblighter semblait tout de même peu amène à tester le principe, et se contenta d’approuver les dires du cuisiner, qui parut satisfait et se remit à couper de le poulet. Soulblighter attrapa une aile au vol et l’enfourna dans sa bouche.
« Merchi tout de même, monchieur le Dieu !
-Je ne suis pas un Dieu, mon petit, s’insurgea le cuisinier. Rien qu’un simple humain guerrier, comme nous tous ici. »
Halvorc se mit sur un coude, dans l’herbe, et lorgna en direction de IL. Ce dernier – certainement pour impressionner la fille avec qui IL traînait depuis tout à l’heure, grommela Halvorc – était entrain de se battre contre une dizaine d’hommes armés. IL tailladait les corps, faisait voler les membres et explosait les crânes à mains nues, le tout en souriant bêtement pour se valoriser aux yeux de sa compagne.
Halvorc soupira.
Il avait été faire un tour dans le Temple de la Connaissance, où étaient entreposés un nombre incalculable d’ouvrages, aussi nombreux que les brins d’herbe où il était assis et aussi hétéroclites qu’un étalage de brocanteur. Il avait compulsé quelques livres racontant les exploits des Vanes, d’autres rédigés par des combattants qui avaient atterris ici, souvent anciens, parfois récents.
En sortant de ce Temple, il était allé s’allonger dans l’herbe fraîche. Elle sentait bon. Il s’amusa à regarder le ciel sans nuage, rêvassant un instant, rare moment de calme depuis son départ. Depuis sa mort. Il réalisait peu à peu la chance qui lui était donné de pouvoir ainsi côtoyer les Dieux. Mais il n’oubliait pas pour autant ce pourquoi il était là.
« Tu vas voir, DragonNoir, je vais te la retrouver, moi, Séphy-Roshou. Comme ça tu n’auras pas droit aux honneurs, cette fois-ci. »
Il avait parlé à voix haute, mais personne n’avait remarqué sa tirade hargneuse. Il était seul, dans l’herbe, et c’est à cet instant qu’il avait aperçu IL.
Peu de Dieux au Vanaheim, car la maison des Vanes était très clairsemée au prix de la famille des Ases, qui comportait plus d’une vingtaine de membres. Il se demanda brièvement, sans grand intérêt, pour tout avouer, ce qu’il était advenu de Séphira Strife et Soulblighter. Mais il oublia bien vite cette pensée lorsqu’il vit un elfe noir au milieu des humains.
Halvorc se redressa, scrutant l’inconnu.
L’elfe – car c’en était bien un, il en était sûr – avait la peau d’un noir de jais. Pas seulement marron, comme les africains sur Terre, mais noire. Intégralement noire, de la paume des mains au peu de cuir chevelu qu’on devinait sous la longue crinière argentée du nouvel arrivant.
Il portait une tunique kaki assez moulante, sans pour autant paraître serrée. Ses mouvement étaient souples et gracieux, tandis qu’il cherchait manifestement quelque chose des yeux. Halvorc ne pu distinguer la couleur de ces derniers, mais il y devinait aisément une lueur de panique.
Il sauta sur ses pieds et alla voir le dernier arrivé.
Séphira Strife fut la première à entendre le carillon qui sonnait l’heure du repas. Toutes les figures, ou presque, se tournèrent vers un immense bâtiment, qui devait être la salle de repas. Séphira n’eut donc pas à demander où était le point de réunion pour les repas. L’édifice ne ressemblait pas aux autres Temples semés sur les collines avoisinantes. Pas ou peu de décorations, un seul étage, de nombreuses fenêtres pour éclairer l’intérieur, et une surface bien plus grande que les autres constructions.
Elle chercha hâtivement Soulblighter du regard, mais en vain. Elle finit par se dire, et à raison, qu’il était déjà sur place. Elle le retrouverait au moment de se mettre à table. Un individu attira son attention, parce qu’il courait dans le sens inverse de l’avancée générale des morts. Séphira nota rapidement qu’il n’était pas humain, et que le pronom ‘il’ était inapproprié pour le – la – décrire.
La jeune elfe noire n’avait pas beaucoup de poitrine, mais elle était là néanmoins. Elle avait l’air affolée et courait en direction des grands Dieux qui fermaient la marche. Ses cheveux étaient cuivrés et volaient derrière elle. Elle bouscula un homme robuste, et tomba face contre terre. Séphira accouru et l’aida à se relever.
« Vous allez bien ? »
Sa peau était chaude et noire comme le charbon. Séphira se vit presque regarder ses mains pour voir si elle ne venait pas de prendre un boulet de suie dans un poêle, tellement la jeune femme elfe était brûlante.
« Je… Oui, merci… Au revoir… » balbutia l’elfe en reprenant sa course. Séphira la vit atteindre le groupe des Dieux et se faire arrêter par un immense homme à la beauté diabolique. Elle inféra que ce Dieu devait être Loki, un Dieu relativement peu apprécié, car un autre de ses semblables le poussa brutalement pour laisser l’elfe apeurée parler à Odin. Séphira n’entendit pas la conversation, mais il vit la plupart des Dieux présents écarquiller les yeux en même temps.
Séphira Strife trouva cet ébahissement général de mauvais augure.
Un soleil – était-ce le même que celui sur Midgard, ou bien un autre ? – éclairait les magnifiques temples d’une blancheur sans pareil disséminés ça et là sur des collines à l’herbe verdoyante. Des gens allaient et venaient parmi la végétation, certains se reposaient sous l’ombre rafraîchissante d’un arbre, d’autres discutaient en cercle assis dans l’herbe. D’autres encore se battaient à un contre un, s’entraînant comme tout soldat digne de ce nom.
Une légère brise tiède fit frissonner Halvorc, non pas à cause du froid mais du sentiment d’exaltation qui lui remplit soudainement l’esprit. Il se sentait bien. Un sourire illumina son visage alors qu’il foulait le domaine des Dieux à petits pas hésitants.
« Voici Vanaheim, royaume des Vanes, dont je suis le dirigeant incontesté, dit Njörd. Vous êtes libre d’aller où bon vous semble, et les seules obligations sont les repas du déjeuner et du dîner, ainsi que le couvre-feu du soir. Les temples que vous voyez sont à votre disposition pour toute activité qui vous intéresse : Arts, Livres, Cuisines, Sports divers… Il est fortement recommandé de vous entraîner au combat, également.
-Vous pouvez vous meurtrir sans crainte, toutes les blessures seront rétablies le soir venue pour n’être que des mauvais souvenirs le lendemain, intervint Freyja.
-Même si je découpe des membres entiers ? demanda IL.
-Même si vous tuez. » dit Freyja sans se départir de son sourire.
IL sourit à son tour.
Séphira Strife regarda le sourire de la Valkyrie d’un air soupçonneux, puis chercha confirmation du coté d’Odin. Ce dernier hocha la tête.
« Je puis vous assurer que, dans mon domaine, toute plaie, toute fracture ou toute amputation quelle qu’elle soit sera guérie le lendemain. Le Valhalla est un domaine sacré, un domaine où les morts sont à l’honneur.
-Et qu’allons-nous y faire ? dit Soulblighter en regardant deux hommes qui discutaient autours d’une épée dorée plantée dans le sol.
-Vous attendrez ici le Ragnarök. »
Séphira Strife se rappela vaguement que le concept du Ragnarök, chez le peuple nordique, revenait à l’Apocalypse chrétienne. En somme, il s’agissait du combat final entre les Dieux du Panthéon Scandinave et les Géant refoulés dans d’autres mondes de l’Yggdrasil. Une immense guerre longue et difficile.
« Ah, dit Soulblighter, sans grande conviction. J’ai le temps d’aller manger un morceau avant le Ragnarök, selon vous ? »
La remarque arracha un rire tonitruant à Odin, le rire le plus horrible qu’il ait été donné d’entendre. C’était un mélange de roulement de tonnerre, de brisement d’os et de violoncelle mal joué, le tout sortant de baffles saturés. Séphira Strife serra les dents.
« Quelques centaines de siècles, au bas mot. » finit par dire Odin.
L’avenir lui montrera l’importance de douter de son omniscience.
*
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À Berlin, Dan Sofres marchait dans une rue marchande de son quartier. Il était debout depuis une bonne heure, et profitait pleinement de sa journée de congé. Il avait malgré tout un emploi du temps chargé, mais comme chacune de ses occupation était un loisir, il marchait vers la première d’un pas léger.
Acheter le journal du jour, telle était sa première tâche.
Il aborda un kiosque à journaux et ouvrit la bouche pour demander le quotidien qu’il prend d’ordinaire. Le Berliner Morgenpost. Mais aucun son ne sortit de ses lèvres. En lui, au plus profond de son âme, il sentit qu’un fil se cassait.
Le fil de sa vie.
Il tomba sur le ventre, se brisant le nez sur le pied de l’étalage de journaux. Mais il ne sentait déjà plus rien, car toute vie avait quitté son corps. Le Berliner Morgenpost oscilla sur son cadre et lui tomba dessus, comme un linceul.
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Chacun perçut le royaume où ils avaient été emmenés de différentes manières, et le Vanaheim ainsi que l’Asaheim furent découverts et appréciés de différentes façons, selon les protagonistes :
IL s’était trouvé une jolie jeune fille, fraîche et assez innocente pour parler avec lui. Il savait que l’heure du déjeuner approchait, et comptait bien passer ce moment aussi avec elle. Après tout, Njörd nous a bien dit d’en profiter un maximum, n’est-ce pas ? Et elle, je compte bien en profiter aussi un maximum.
IL passa un bras autours de sa taille fine.
« Vous êtes ici depuis longtemps ? demanda-t-IL.
-Depuis trois cents soixante-sept ans, précisément. Après demain, pour être précise. » Elle partit d’un petit rire amusé lorsqu’elle vit l’air ébahi d’IL.
« Vous ne les faîtes pas, plaisanta-t-IL.
-Nous ne changeons pas d’apparence, une fois morts. » l’informa-t-elle. Parle pour toi, songea IL en son for intérieur. Ils avançaient lentement, prenant le temps de savourer l’air frais et le soleil de plus en plus haut dans le ciel. Ils s’étaient rencontré au Temple des Délices, où s’était empressé de se diriger IL dès son arrivée. IL ignorait tout de l’endroit où était allé Halvorc, et il s’en fichait.
Tout ce qui importait, c’était sa petite Shannia.
« Vous étiez donc aussi belle vivante ?
-Oh, regardez, le terrain de combat ! » Shannia avait changé de conversation, mais elle avait également rougit sous l’effet du compliment. IL songea qu’il n’avait encore pas perdu la main, même une fois mort.
Soulblighter se pencha en avant pour ramasser un morceau de poulet qui avait roulé sous la table, mais le cuisinier l’arrêta dans son élan en apposant une main velue sur son épaule tatouée. Le cuisiner secoua la tête.
« Laisse ça par terre, ramasser ne sert à rien, tu n’as qu’à en pendre une autre.
-Mais c’est un gâchis de… » commença Soulblighter.
Le cuisinier se redressa, son couteau à désosser à la main, et le regarda avec une pointe d’impatience. L’heure tournait, et cet humain n’arrêtait pas de piocher dans les plats. Et maintenant, il ne comprenait pas le principe de base du Valhalla.
« Ici, mon petit, saches que toute la nourriture que nous ingurgitons est la même chaque jour. Ce pilon de poulet, tu le retrouvera demain, et après-demain, et ainsi de suite. Les bêtes que nous tuons sont de nouveau vivantes le lendemain, grâce à Odin.
-Vivantes ?
-Enfin, quand je dis vivante, c'est-à-dire comme toi et moi. Si jamais tu te fais décapiter lors d’un entraînement, dans le Temple voisin, tu seras de nouveau sur pied dès le lendemain. Voilà la magie du Valhalla.
-Oh. » Soulblighter semblait tout de même peu amène à tester le principe, et se contenta d’approuver les dires du cuisiner, qui parut satisfait et se remit à couper de le poulet. Soulblighter attrapa une aile au vol et l’enfourna dans sa bouche.
« Merchi tout de même, monchieur le Dieu !
-Je ne suis pas un Dieu, mon petit, s’insurgea le cuisinier. Rien qu’un simple humain guerrier, comme nous tous ici. »
Halvorc se mit sur un coude, dans l’herbe, et lorgna en direction de IL. Ce dernier – certainement pour impressionner la fille avec qui IL traînait depuis tout à l’heure, grommela Halvorc – était entrain de se battre contre une dizaine d’hommes armés. IL tailladait les corps, faisait voler les membres et explosait les crânes à mains nues, le tout en souriant bêtement pour se valoriser aux yeux de sa compagne.
Halvorc soupira.
Il avait été faire un tour dans le Temple de la Connaissance, où étaient entreposés un nombre incalculable d’ouvrages, aussi nombreux que les brins d’herbe où il était assis et aussi hétéroclites qu’un étalage de brocanteur. Il avait compulsé quelques livres racontant les exploits des Vanes, d’autres rédigés par des combattants qui avaient atterris ici, souvent anciens, parfois récents.
En sortant de ce Temple, il était allé s’allonger dans l’herbe fraîche. Elle sentait bon. Il s’amusa à regarder le ciel sans nuage, rêvassant un instant, rare moment de calme depuis son départ. Depuis sa mort. Il réalisait peu à peu la chance qui lui était donné de pouvoir ainsi côtoyer les Dieux. Mais il n’oubliait pas pour autant ce pourquoi il était là.
« Tu vas voir, DragonNoir, je vais te la retrouver, moi, Séphy-Roshou. Comme ça tu n’auras pas droit aux honneurs, cette fois-ci. »
Il avait parlé à voix haute, mais personne n’avait remarqué sa tirade hargneuse. Il était seul, dans l’herbe, et c’est à cet instant qu’il avait aperçu IL.
Peu de Dieux au Vanaheim, car la maison des Vanes était très clairsemée au prix de la famille des Ases, qui comportait plus d’une vingtaine de membres. Il se demanda brièvement, sans grand intérêt, pour tout avouer, ce qu’il était advenu de Séphira Strife et Soulblighter. Mais il oublia bien vite cette pensée lorsqu’il vit un elfe noir au milieu des humains.
Halvorc se redressa, scrutant l’inconnu.
L’elfe – car c’en était bien un, il en était sûr – avait la peau d’un noir de jais. Pas seulement marron, comme les africains sur Terre, mais noire. Intégralement noire, de la paume des mains au peu de cuir chevelu qu’on devinait sous la longue crinière argentée du nouvel arrivant.
Il portait une tunique kaki assez moulante, sans pour autant paraître serrée. Ses mouvement étaient souples et gracieux, tandis qu’il cherchait manifestement quelque chose des yeux. Halvorc ne pu distinguer la couleur de ces derniers, mais il y devinait aisément une lueur de panique.
Il sauta sur ses pieds et alla voir le dernier arrivé.
Séphira Strife fut la première à entendre le carillon qui sonnait l’heure du repas. Toutes les figures, ou presque, se tournèrent vers un immense bâtiment, qui devait être la salle de repas. Séphira n’eut donc pas à demander où était le point de réunion pour les repas. L’édifice ne ressemblait pas aux autres Temples semés sur les collines avoisinantes. Pas ou peu de décorations, un seul étage, de nombreuses fenêtres pour éclairer l’intérieur, et une surface bien plus grande que les autres constructions.
Elle chercha hâtivement Soulblighter du regard, mais en vain. Elle finit par se dire, et à raison, qu’il était déjà sur place. Elle le retrouverait au moment de se mettre à table. Un individu attira son attention, parce qu’il courait dans le sens inverse de l’avancée générale des morts. Séphira nota rapidement qu’il n’était pas humain, et que le pronom ‘il’ était inapproprié pour le – la – décrire.
La jeune elfe noire n’avait pas beaucoup de poitrine, mais elle était là néanmoins. Elle avait l’air affolée et courait en direction des grands Dieux qui fermaient la marche. Ses cheveux étaient cuivrés et volaient derrière elle. Elle bouscula un homme robuste, et tomba face contre terre. Séphira accouru et l’aida à se relever.
« Vous allez bien ? »
Sa peau était chaude et noire comme le charbon. Séphira se vit presque regarder ses mains pour voir si elle ne venait pas de prendre un boulet de suie dans un poêle, tellement la jeune femme elfe était brûlante.
« Je… Oui, merci… Au revoir… » balbutia l’elfe en reprenant sa course. Séphira la vit atteindre le groupe des Dieux et se faire arrêter par un immense homme à la beauté diabolique. Elle inféra que ce Dieu devait être Loki, un Dieu relativement peu apprécié, car un autre de ses semblables le poussa brutalement pour laisser l’elfe apeurée parler à Odin. Séphira n’entendit pas la conversation, mais il vit la plupart des Dieux présents écarquiller les yeux en même temps.
Séphira Strife trouva cet ébahissement général de mauvais augure.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
4. Svartalfheim.
Shannia regardait IL engouffrer les monceaux de nourriture sans même prendre la peine de respirer, de la même façon qu’il avait abattu ses adversaire lors de l’entraînement, peu de temps plus tôt. D’ailleurs, se dit-elle, ça ressemblait plus à un massacre qu’à un entraînement. Elle sourit rêveusement.
« Shannia, tu peux me passer le plat de steaks, là-bas ?
-Tiens. » Elle lui tendit le plat, et IL piocha généreusement dedans. Elle repensa à son mari, qui n’avait pas été aussi brave qu’elle et qui était resté coincé dans les profondeurs du royaume d’Hel, là où résidaient les simples morts, ceux qui n’étaient pas décédés les armes à la main. Ce qui n’était pas son cas, à elle.
Lorsque elle et sa famille avaient été attaqués par des fuyards de la guerre, au bord de la route, son mari avait lâchement fuit ses responsabilités et du même coup sa femme et son jeune fils. Les brigands l’avaient abattu d’une flèche dans le dos. Mais elle, Shannia, en avait tué un et blessé deux avant de rendre l’âme. Pour son fils.
Et elle s’était retrouvée ici.
« Tiens, un revenant, si je puis me permettre, dit IL en terminant son assiette. Tu n’as qu’à t’asseoir là, tout près de moi, Halvorc. »
Shannia dévisagea le visage fermé du nouveau compagnon qui se joignait à eux. Tout comme IL, Shannia trouvait que ses vêtements étaient inhabituels, sans trouver exactement en quoi. Mais c’était le regard de ce nouveau venu, ces iris rouges sans pupilles, qui la mirent mal à l’aise. IL fit les présentations.
« Halvorc, voici Shannia. Shannia, voici Halvorc. Soyez amis.
-IL, faut que je te parle, dit Halvorc, ignorant le trait d’humour.
-Je t’écoute. »
Halvorc regarda Shannia, qui baissa les yeux. IL suivit son regard, puis haussa les épaules avant d’entourer la jeune femme de son bras.
« Rien à craindre, tu peux parler.
-Bon, si ça peut te faire plaisir, concéda Halvorc. J’ai vu un elfe noir, tout à l’heure, au milieu de nous tous…
-Et alors ? l’interrompit IL, toujours en se goinfrant.
-Ce n’est pas le monde des elfes noirs, ici. Les elfes noirs, les nains et même les trolls vivent dans le Svartalfheim, la forge des Dieux.
-Et bien ça sera un touriste venu voir le domaine des Vanes, voilà tout !
-Non, intervint Shannia. Les elfes noirs n’ont pas le droit d’accéder aux instances supérieures, comme Asaheim ou Vanaheim. Ils doivent rester dans le Svartalfheim, et n’en sortir que si c’est vraiment important,… »
Halvorc et IL lui laissèrent le temps de finir.
« …pour en avertir les Dieux. »
Soulblighter arriva à la table de Séphira Strife où il s’avachit pesamment. Les taches de gras sur ses bras, ses doigts et ses lèvres lui indiquèrent qu’il était déjà repu. Il était même en mode digestion, et il serait rapidement sombré dans les affres du sommeil sans Séphira qui lui donna du coude dans les côtes.
« Réveille-toi !
-Hmmm ? Quoi ?
-J’ai comme l’impression que nous allons avoir un déjeuner mouvementé, ce midi. Tu vois l’elfe noire qui est auprès d’Odin ? »
Soulblighter se redressa avec un soupir d’effort à peine feint, et regarda à la table des Dieux. Une petite elfe noire était effectivement aux cotés du Dieu des Dieux, au milieu de tous les autres. Elle semblait minuscule et tremblait. Odin s’avança au centre de la pièce et demanda le silence. Tous obéirent au premier coup de poing sur la table.
« Mesdames, messieurs… Combattants, j’ai une terrible nouvelle à vous annoncer. L’elfe noire que vous voyez là vient de m’avertir qu’un vol avait été commis dans le Svartalfheim. »
Murmures dans l’assistance.
« Ce vol n’est pas récent. Il date certainement de quelques mois, selon les traces découvertes sur les lieux. Je propose d’envoyer deux Dieux sur place pour vérifier. Est-ce que l’un d’entre vous voudrait avoir l’honneur de les accompagner dans leur enquête ? »
Les mains se levèrent à l’unisson. Séphira se tourna vers Soulblighter, et ils se regardèrent un instant dans les yeux, se comprenant mutuellement. C’était l’occasion parfaite pour visiter les mondes de L’Yggdrasil. Il levèrent la main et l’agitèrent au milieu d’une foule de bras en l’air. Mais Odin décida en leur faveur.
« Je nomme les deux nouveau arrivants comme assistants pour cette mission. Séphira Strife et Soulblighter, vous accompagnerez Heimdall et Thor sur les lieux de…
-J’exige de participer aussi à cette incursion. »
La voix était forte et grave, mais également plaisante à entendre, mélodieuse. Séphira reconnu tout de suite l’homme qui avait arrêtée la petite elfe noire devant le groupe des Dieux. Loki. Le Dieu des fourbes et des voleurs, en quelque sorte. Il s’avança au milieu de ses congénères, heureux d’être au centre de l’attention, et prit la pose.
« Tu m’as parfaitement entendu, Odin. J'impose ma venue dans cette expédition. Nul autre que moi ne connais assez bien les mondes extérieurs, parmi vous tous réunis ici. N’ai-je pas raison ? »
Les Dieux acquiescèrent en silence, obligés de reconnaître cette vérité. Seul Heimdall, fervent ennemi de Loki et protecteur des humains, mettait à rude épreuve sa mâchoire en serrant les dents, pour s’empêcher de dire un mot de trop.
« Vous êtes toujours les premiers à m’envoyer faire les basses besognes, continua Loki. Et vous pouvez croire que j’en ai ma claque de me plier à vos quatre volontés.
-On dirait du Radamenthe, dans le principe, ironisa Séphira Strife.
-Je désire accompagner Thor dans cette enquête. Si vous pensez qu’il y a une personne de trop, alors Odin n’a qu’à virer Heimdall.
-C’en est trop !! » beugla le concerné en brandissant sa hache. Loki virevolta sur lui-même, évitant le tranchant de l’arme et se retrouva tout contre Heimdall, mais dos à lui. Il se saisit du Cor que Heimdall portait en permanence, et le lui arracha.
« Que fais-tu, Loki, fils de Farbauti !! Tu sais parfaitement que ce Cor est sacré, et qu’il m’est indispensable pour prévenir les invasions d’armées étrangères !
-Et toi, que fais-tu, Heimdall ? Tu ne te rappelles plus qu’en me tuant, tu accompliras ainsi une prophétie du Ragnarök, et tu déclencheras la fin des Dieux ? »
Tous restèrent interdit. Heimdall soufflait par les narines, celles-ci se gonflant et se dégonflant dans un rythme accéléré. Puis il abaissa sa hache. Loki se redressa, toujours le Cor en mains, puis il lui rejeta brusquement. Le Cor rejoignit sa place de choix sur l’épaule de Heimdall, qui préféra sortir de la salle.
Odin savait parfaitement que les relations entre les deux Dieux étaient houleuses, pour ne pas dire explosives. Néanmoins, il accepta la présence de Loki et ordonna à Thor de faire attention à eux. Thor hocha la tête, et clama d’une voix haute et claire :
« Allons-y de suite, ne perdons pas plus de temps. »
*
* *
« Non non, plutôt avec des runes comme ça, sur le coté. » dit Gorgon_Roo en dessinant un sigle cabalistique sur une feuille quadrillée. DragonNoir l’examina, et fit défiler les multiples runes sataniques sur son moniteur. Il en releva deux qui pouvaient correspondre, et les imprima sans attendre.
Radamenthe prit la feuille et approuva. Ça ressemblait aux sigles qui étaient inscrits sur le sol, là où Hilde avait disparu. Les deux croquis se ressemblaient, mais n’étaient pas identiques en tout point. Radamenthe la tendit au Ionisateur Fou, qui acquiesça.
« Et ils correspondent à quoi, ces runes ? demanda-t-il.
-Ce sont des symboles utilisés dans bon nombre de religions, malheureusement. Je crains que la recherche de l’enfer de Hilde soit longue, dit DragonNoir. Il ne reste qu’à espérer, en attendant, qu’elle ait toujours sa pilule et qu’elle revienne d’elle-même.
-Il me semble qu’elle l’avait perdue, dit Gorgon_Roo. Avant de sombrer dans le pentacle, elle lui a échappé. »
Q-Po sortit du salon qui servait momentanément de morgue improvisée, et toussa ouvertement, signifiant aux autres qu’il désirait parler à DragonNoir. Seul à seul. Les Trauméniens s’esquivèrent, non sans quelques bougonnements indignés de Radamenthe, pour changer, et Q-Po s’assit à coté de DragonNoir.
« Il faut qu’on aille chercher des congélateurs, ou des frigos au moins, sinon, d’ici quelques jours, voire même quelques heures pour la valise…
-C’est Hilde. Hilde est dans la valise, rectifia DragonNoir.
-Je… Je sais. » Q-Po se passa une main dans les cheveux. Il était fatigué, bien qu’il ne soit que deux heures de l’après-midi. La journée de la veille avait été éprouvante pour lui, pour ses nerfs. Il avait peu dormi dans la nuit, et cela se voyait à ses traits tirés et les cernes violacés sous ses yeux d’ordinaires vifs.
« Il nous faut de quoi les… …conserver. »
DragonNoir hocha la tête. Ses parents n’étaient heureusement pas présents en ce moment, sinon il aurait encore dû justifier leur présence à eux tous durant tout ce temps. Si maintenant, il lui prenait d’amener des bacs de congélation dans le salon, sa mère piquerait une crise, sûr, à son retour. Il réfléchit un instant.
« Je sais que c’est chez toi, ici, reprit Q-Po. C’est donc à toi de décider si tu acceptes de les garder sous ton toit en attendant leur retour, ou bien si nous devons dors et déjà envisager une solution de rechange.
-Nous allons les garder encore un moment, finit par dire DragonNoir. C’est la solution la plus simple. Nous allons aller acheter… combien de congélateurs aurons-nous besoin ?
-Deux, peut-être trois, calcula rapidement Q-Po. Mais où va-t-on trouver l’argent ? »
DragonNoir souleva une pile de dossiers sur le coté de son ordinateur, qui manqua de s’écrouler à l’atterrissage sur le sol, puis dénicha ce qu’il recherchait. Un portefeuille noir estampillé Richard Day, tout en cuir, qu’il déplia. Il en sortit une carte de crédit, et l’agita, tout sourire, devant les yeux de Q-Po.
« Merci Magnum ! »
*
* *
Thor ouvrait la marche, protégeant l’elfe noire qui les guidait dans les dédales menant au Svartalfheim. Suivait Heimdall, qui scrutait les alentours avec ses sens surdéveloppés, les deux Trauméniens Séphira Strife et Soulblighter et enfin, bon dernier et flânant un peu, Loki. Tous les six avançaient d’un bon pas.
Le soleil était au zénith, dardant ses rayons sur eux comme peut le faire l’astre du jour. Il descendirent une colline sans un mot, puis pénétrèrent dans une forêt aux abords clairsemés, puis au fur et à mesure de leur progression, de plus en plus dense et sombre. Au bout d’un quart d’heure, ils n’étaient déjà plus que des ombres.
« Nous n’aurions pas pu attendre la fin du repas, tout de même ? maugréa Loki. Je n’ai pas mangé et cette marche m’affame.
-Tu n’avais qu’à rester là-bas, répliqua Heimdall. Personne, et surtout pas moi, ne t’a forcé à venir, crois-moi.
-Pourquoi Odin n’est-il pas venu en personne, dit Loki, ignorant superbement Heimdall. J’aurais pensé qu’il s’en occuperait personnellement, une affaire aussi rare et aussi grave, selon moi, nécessite autre chose qu’une troupe de semi-Dieux.
-Semi-Dieux dont tu fais partie, Loki ! »
Thor s’arrêta et frappa de son marteau sur le sol. La terre trembla et Soulblighter entendit quelques arbres tomber non loin d’eux. D’un naturel impulsif, Thor n’avait aucune envie d’écouter leur jérémiades tout le trajet.
« Vous avez finis, oui ? s’énerva-t-il. On dirait deux gamins qui se chamaillent. Si Odin ne nous a pas accompagné, c’est qu’un royaume ne se dirige pas seul. Si vous y voyez quelque chose à redire, vous lui adresserez vos doléances en personne. »
Personne ne répondit.
Ils s’enfoncèrent encore dans la forêt, de plus en plus profond, puis atteignirent une grotte qui semblait poursuivre la descente dans le sol. Le soleil, au dessus d’eux, n’était plus qu’un vague rond brillant à travers les innombrables couches de feuillage. La forêt était devenue inquiétante, et seule la présence de Thor et de, elle devait bien l’avouer, Soulblighter à ses cotés rassurait Séphira Strife.
« Par ici, dit l’elfe d’une voix timide. Nous y serons dans peu de temps. »
Elle n’avait pas mentit.
Après une courte pente, ils arrivèrent dans un conduit plus large que l’entrée de la caverne. Le jour, un autre jour, filtrait par les interstices de l’immense porte de bois qui séparait manifestement ce monde-ci du Svartalfheim. Loki huma l’air, puis secoua la tête, semblant lire les pensées des Trauméniens.
« Ne vous méprenez par, mes amis, ce n’est en aucun cas la lumière du jour que vous voyez passer au travers des fissures… » Tout en énonçant sa phrase, il s’était approché de la porte, doublant l’elfe noire qui se recroquevilla à son passage. Il plaça une main contre la porte, puis esquissa un sourire, que Séphira Strife trouva dément.
Puis il envoya son pied dans la porte, qui s’ouvrit dans un sinistre craquement.
« …c’est le feu de la Forge des Dieux, le feu du Svartalfheim !! »
Une odeur de souffre s’abattit sur eux tous, et même Heimdall qui était habitué à la Forge des Dieux, plissa le nez. La chaleur suivit de près, empêchant Séphira Strife et Soulblighter de respirer pendant de longues secondes. Lorsqu’ils inspirèrent de nouveau, ils furent immédiatement pris d’une quinte de toux, la plus abominable qu’ils aient connus.
L’elfe noire était partit au devant d’eux, certainement pour les annoncer, et Loki respirait à pleins poumons cet air chargé de feu. Tout n’était que rochers, flammes et rivières de lave. Pour des Chrétiens, cette vision correspondait à celle de l’Enfer, mais pour le peuple nordique, l’Enfer consistait en un espace vide et gris.
Cet endroit triste et ennuyeux, les Trauméniens le rencontreront bien assez rapidement.
L’elfe noire revint, soudainement plus à l’aise que jamais, et elle les invita à la suivre jusqu’à la forge. Le groupe traversa des ponts de pierre au dessus de lacs de lave en fusion, ils croisèrent des trolls en plein travail, creusant les parois avec des pioches faisant deux fois leur taille et virent bien sûr des elfes noirs par centaines.
« Voici Hrumir, il va vous expliquer plus précisément ce qu’il s’est passé, dit l’elfe en saluant les Dieux. Bon séjour au Svartalfheim. »
Le nain Hrumir s’avança vers le groupe, se dandinant comiquement d’une petite jambe sur l’autre. Sa longue barbe rousse se terminait à quelques centimètres seulement du sol, et il manquait à chaque pas de marcher dessus. Soulblighter pouffa, mais le coude de Séphira l’arrêta rapidement.
« Arrête, espèce de grosse !
-De quoi ? répliqua Soulblighter, ne comprenant pas.
-Madame, messieurs, je vous remercie de votre présence. Krr. Suivez-moi, je vais vous expliquer en chemin. Krr. » Le nain ponctuait toutes ses phrases d’un léger raclement de gorge qui allait vite devenir agaçant, songea Séphira. Ils s’éloignèrent de la chaleur et de la lave en fusion pour arriver dans un endroit plus calme, et plus civilisé.
Shannia regardait IL engouffrer les monceaux de nourriture sans même prendre la peine de respirer, de la même façon qu’il avait abattu ses adversaire lors de l’entraînement, peu de temps plus tôt. D’ailleurs, se dit-elle, ça ressemblait plus à un massacre qu’à un entraînement. Elle sourit rêveusement.
« Shannia, tu peux me passer le plat de steaks, là-bas ?
-Tiens. » Elle lui tendit le plat, et IL piocha généreusement dedans. Elle repensa à son mari, qui n’avait pas été aussi brave qu’elle et qui était resté coincé dans les profondeurs du royaume d’Hel, là où résidaient les simples morts, ceux qui n’étaient pas décédés les armes à la main. Ce qui n’était pas son cas, à elle.
Lorsque elle et sa famille avaient été attaqués par des fuyards de la guerre, au bord de la route, son mari avait lâchement fuit ses responsabilités et du même coup sa femme et son jeune fils. Les brigands l’avaient abattu d’une flèche dans le dos. Mais elle, Shannia, en avait tué un et blessé deux avant de rendre l’âme. Pour son fils.
Et elle s’était retrouvée ici.
« Tiens, un revenant, si je puis me permettre, dit IL en terminant son assiette. Tu n’as qu’à t’asseoir là, tout près de moi, Halvorc. »
Shannia dévisagea le visage fermé du nouveau compagnon qui se joignait à eux. Tout comme IL, Shannia trouvait que ses vêtements étaient inhabituels, sans trouver exactement en quoi. Mais c’était le regard de ce nouveau venu, ces iris rouges sans pupilles, qui la mirent mal à l’aise. IL fit les présentations.
« Halvorc, voici Shannia. Shannia, voici Halvorc. Soyez amis.
-IL, faut que je te parle, dit Halvorc, ignorant le trait d’humour.
-Je t’écoute. »
Halvorc regarda Shannia, qui baissa les yeux. IL suivit son regard, puis haussa les épaules avant d’entourer la jeune femme de son bras.
« Rien à craindre, tu peux parler.
-Bon, si ça peut te faire plaisir, concéda Halvorc. J’ai vu un elfe noir, tout à l’heure, au milieu de nous tous…
-Et alors ? l’interrompit IL, toujours en se goinfrant.
-Ce n’est pas le monde des elfes noirs, ici. Les elfes noirs, les nains et même les trolls vivent dans le Svartalfheim, la forge des Dieux.
-Et bien ça sera un touriste venu voir le domaine des Vanes, voilà tout !
-Non, intervint Shannia. Les elfes noirs n’ont pas le droit d’accéder aux instances supérieures, comme Asaheim ou Vanaheim. Ils doivent rester dans le Svartalfheim, et n’en sortir que si c’est vraiment important,… »
Halvorc et IL lui laissèrent le temps de finir.
« …pour en avertir les Dieux. »
Soulblighter arriva à la table de Séphira Strife où il s’avachit pesamment. Les taches de gras sur ses bras, ses doigts et ses lèvres lui indiquèrent qu’il était déjà repu. Il était même en mode digestion, et il serait rapidement sombré dans les affres du sommeil sans Séphira qui lui donna du coude dans les côtes.
« Réveille-toi !
-Hmmm ? Quoi ?
-J’ai comme l’impression que nous allons avoir un déjeuner mouvementé, ce midi. Tu vois l’elfe noire qui est auprès d’Odin ? »
Soulblighter se redressa avec un soupir d’effort à peine feint, et regarda à la table des Dieux. Une petite elfe noire était effectivement aux cotés du Dieu des Dieux, au milieu de tous les autres. Elle semblait minuscule et tremblait. Odin s’avança au centre de la pièce et demanda le silence. Tous obéirent au premier coup de poing sur la table.
« Mesdames, messieurs… Combattants, j’ai une terrible nouvelle à vous annoncer. L’elfe noire que vous voyez là vient de m’avertir qu’un vol avait été commis dans le Svartalfheim. »
Murmures dans l’assistance.
« Ce vol n’est pas récent. Il date certainement de quelques mois, selon les traces découvertes sur les lieux. Je propose d’envoyer deux Dieux sur place pour vérifier. Est-ce que l’un d’entre vous voudrait avoir l’honneur de les accompagner dans leur enquête ? »
Les mains se levèrent à l’unisson. Séphira se tourna vers Soulblighter, et ils se regardèrent un instant dans les yeux, se comprenant mutuellement. C’était l’occasion parfaite pour visiter les mondes de L’Yggdrasil. Il levèrent la main et l’agitèrent au milieu d’une foule de bras en l’air. Mais Odin décida en leur faveur.
« Je nomme les deux nouveau arrivants comme assistants pour cette mission. Séphira Strife et Soulblighter, vous accompagnerez Heimdall et Thor sur les lieux de…
-J’exige de participer aussi à cette incursion. »
La voix était forte et grave, mais également plaisante à entendre, mélodieuse. Séphira reconnu tout de suite l’homme qui avait arrêtée la petite elfe noire devant le groupe des Dieux. Loki. Le Dieu des fourbes et des voleurs, en quelque sorte. Il s’avança au milieu de ses congénères, heureux d’être au centre de l’attention, et prit la pose.
« Tu m’as parfaitement entendu, Odin. J'impose ma venue dans cette expédition. Nul autre que moi ne connais assez bien les mondes extérieurs, parmi vous tous réunis ici. N’ai-je pas raison ? »
Les Dieux acquiescèrent en silence, obligés de reconnaître cette vérité. Seul Heimdall, fervent ennemi de Loki et protecteur des humains, mettait à rude épreuve sa mâchoire en serrant les dents, pour s’empêcher de dire un mot de trop.
« Vous êtes toujours les premiers à m’envoyer faire les basses besognes, continua Loki. Et vous pouvez croire que j’en ai ma claque de me plier à vos quatre volontés.
-On dirait du Radamenthe, dans le principe, ironisa Séphira Strife.
-Je désire accompagner Thor dans cette enquête. Si vous pensez qu’il y a une personne de trop, alors Odin n’a qu’à virer Heimdall.
-C’en est trop !! » beugla le concerné en brandissant sa hache. Loki virevolta sur lui-même, évitant le tranchant de l’arme et se retrouva tout contre Heimdall, mais dos à lui. Il se saisit du Cor que Heimdall portait en permanence, et le lui arracha.
« Que fais-tu, Loki, fils de Farbauti !! Tu sais parfaitement que ce Cor est sacré, et qu’il m’est indispensable pour prévenir les invasions d’armées étrangères !
-Et toi, que fais-tu, Heimdall ? Tu ne te rappelles plus qu’en me tuant, tu accompliras ainsi une prophétie du Ragnarök, et tu déclencheras la fin des Dieux ? »
Tous restèrent interdit. Heimdall soufflait par les narines, celles-ci se gonflant et se dégonflant dans un rythme accéléré. Puis il abaissa sa hache. Loki se redressa, toujours le Cor en mains, puis il lui rejeta brusquement. Le Cor rejoignit sa place de choix sur l’épaule de Heimdall, qui préféra sortir de la salle.
Odin savait parfaitement que les relations entre les deux Dieux étaient houleuses, pour ne pas dire explosives. Néanmoins, il accepta la présence de Loki et ordonna à Thor de faire attention à eux. Thor hocha la tête, et clama d’une voix haute et claire :
« Allons-y de suite, ne perdons pas plus de temps. »
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« Non non, plutôt avec des runes comme ça, sur le coté. » dit Gorgon_Roo en dessinant un sigle cabalistique sur une feuille quadrillée. DragonNoir l’examina, et fit défiler les multiples runes sataniques sur son moniteur. Il en releva deux qui pouvaient correspondre, et les imprima sans attendre.
Radamenthe prit la feuille et approuva. Ça ressemblait aux sigles qui étaient inscrits sur le sol, là où Hilde avait disparu. Les deux croquis se ressemblaient, mais n’étaient pas identiques en tout point. Radamenthe la tendit au Ionisateur Fou, qui acquiesça.
« Et ils correspondent à quoi, ces runes ? demanda-t-il.
-Ce sont des symboles utilisés dans bon nombre de religions, malheureusement. Je crains que la recherche de l’enfer de Hilde soit longue, dit DragonNoir. Il ne reste qu’à espérer, en attendant, qu’elle ait toujours sa pilule et qu’elle revienne d’elle-même.
-Il me semble qu’elle l’avait perdue, dit Gorgon_Roo. Avant de sombrer dans le pentacle, elle lui a échappé. »
Q-Po sortit du salon qui servait momentanément de morgue improvisée, et toussa ouvertement, signifiant aux autres qu’il désirait parler à DragonNoir. Seul à seul. Les Trauméniens s’esquivèrent, non sans quelques bougonnements indignés de Radamenthe, pour changer, et Q-Po s’assit à coté de DragonNoir.
« Il faut qu’on aille chercher des congélateurs, ou des frigos au moins, sinon, d’ici quelques jours, voire même quelques heures pour la valise…
-C’est Hilde. Hilde est dans la valise, rectifia DragonNoir.
-Je… Je sais. » Q-Po se passa une main dans les cheveux. Il était fatigué, bien qu’il ne soit que deux heures de l’après-midi. La journée de la veille avait été éprouvante pour lui, pour ses nerfs. Il avait peu dormi dans la nuit, et cela se voyait à ses traits tirés et les cernes violacés sous ses yeux d’ordinaires vifs.
« Il nous faut de quoi les… …conserver. »
DragonNoir hocha la tête. Ses parents n’étaient heureusement pas présents en ce moment, sinon il aurait encore dû justifier leur présence à eux tous durant tout ce temps. Si maintenant, il lui prenait d’amener des bacs de congélation dans le salon, sa mère piquerait une crise, sûr, à son retour. Il réfléchit un instant.
« Je sais que c’est chez toi, ici, reprit Q-Po. C’est donc à toi de décider si tu acceptes de les garder sous ton toit en attendant leur retour, ou bien si nous devons dors et déjà envisager une solution de rechange.
-Nous allons les garder encore un moment, finit par dire DragonNoir. C’est la solution la plus simple. Nous allons aller acheter… combien de congélateurs aurons-nous besoin ?
-Deux, peut-être trois, calcula rapidement Q-Po. Mais où va-t-on trouver l’argent ? »
DragonNoir souleva une pile de dossiers sur le coté de son ordinateur, qui manqua de s’écrouler à l’atterrissage sur le sol, puis dénicha ce qu’il recherchait. Un portefeuille noir estampillé Richard Day, tout en cuir, qu’il déplia. Il en sortit une carte de crédit, et l’agita, tout sourire, devant les yeux de Q-Po.
« Merci Magnum ! »
*
* *
Thor ouvrait la marche, protégeant l’elfe noire qui les guidait dans les dédales menant au Svartalfheim. Suivait Heimdall, qui scrutait les alentours avec ses sens surdéveloppés, les deux Trauméniens Séphira Strife et Soulblighter et enfin, bon dernier et flânant un peu, Loki. Tous les six avançaient d’un bon pas.
Le soleil était au zénith, dardant ses rayons sur eux comme peut le faire l’astre du jour. Il descendirent une colline sans un mot, puis pénétrèrent dans une forêt aux abords clairsemés, puis au fur et à mesure de leur progression, de plus en plus dense et sombre. Au bout d’un quart d’heure, ils n’étaient déjà plus que des ombres.
« Nous n’aurions pas pu attendre la fin du repas, tout de même ? maugréa Loki. Je n’ai pas mangé et cette marche m’affame.
-Tu n’avais qu’à rester là-bas, répliqua Heimdall. Personne, et surtout pas moi, ne t’a forcé à venir, crois-moi.
-Pourquoi Odin n’est-il pas venu en personne, dit Loki, ignorant superbement Heimdall. J’aurais pensé qu’il s’en occuperait personnellement, une affaire aussi rare et aussi grave, selon moi, nécessite autre chose qu’une troupe de semi-Dieux.
-Semi-Dieux dont tu fais partie, Loki ! »
Thor s’arrêta et frappa de son marteau sur le sol. La terre trembla et Soulblighter entendit quelques arbres tomber non loin d’eux. D’un naturel impulsif, Thor n’avait aucune envie d’écouter leur jérémiades tout le trajet.
« Vous avez finis, oui ? s’énerva-t-il. On dirait deux gamins qui se chamaillent. Si Odin ne nous a pas accompagné, c’est qu’un royaume ne se dirige pas seul. Si vous y voyez quelque chose à redire, vous lui adresserez vos doléances en personne. »
Personne ne répondit.
Ils s’enfoncèrent encore dans la forêt, de plus en plus profond, puis atteignirent une grotte qui semblait poursuivre la descente dans le sol. Le soleil, au dessus d’eux, n’était plus qu’un vague rond brillant à travers les innombrables couches de feuillage. La forêt était devenue inquiétante, et seule la présence de Thor et de, elle devait bien l’avouer, Soulblighter à ses cotés rassurait Séphira Strife.
« Par ici, dit l’elfe d’une voix timide. Nous y serons dans peu de temps. »
Elle n’avait pas mentit.
Après une courte pente, ils arrivèrent dans un conduit plus large que l’entrée de la caverne. Le jour, un autre jour, filtrait par les interstices de l’immense porte de bois qui séparait manifestement ce monde-ci du Svartalfheim. Loki huma l’air, puis secoua la tête, semblant lire les pensées des Trauméniens.
« Ne vous méprenez par, mes amis, ce n’est en aucun cas la lumière du jour que vous voyez passer au travers des fissures… » Tout en énonçant sa phrase, il s’était approché de la porte, doublant l’elfe noire qui se recroquevilla à son passage. Il plaça une main contre la porte, puis esquissa un sourire, que Séphira Strife trouva dément.
Puis il envoya son pied dans la porte, qui s’ouvrit dans un sinistre craquement.
« …c’est le feu de la Forge des Dieux, le feu du Svartalfheim !! »
Une odeur de souffre s’abattit sur eux tous, et même Heimdall qui était habitué à la Forge des Dieux, plissa le nez. La chaleur suivit de près, empêchant Séphira Strife et Soulblighter de respirer pendant de longues secondes. Lorsqu’ils inspirèrent de nouveau, ils furent immédiatement pris d’une quinte de toux, la plus abominable qu’ils aient connus.
L’elfe noire était partit au devant d’eux, certainement pour les annoncer, et Loki respirait à pleins poumons cet air chargé de feu. Tout n’était que rochers, flammes et rivières de lave. Pour des Chrétiens, cette vision correspondait à celle de l’Enfer, mais pour le peuple nordique, l’Enfer consistait en un espace vide et gris.
Cet endroit triste et ennuyeux, les Trauméniens le rencontreront bien assez rapidement.
L’elfe noire revint, soudainement plus à l’aise que jamais, et elle les invita à la suivre jusqu’à la forge. Le groupe traversa des ponts de pierre au dessus de lacs de lave en fusion, ils croisèrent des trolls en plein travail, creusant les parois avec des pioches faisant deux fois leur taille et virent bien sûr des elfes noirs par centaines.
« Voici Hrumir, il va vous expliquer plus précisément ce qu’il s’est passé, dit l’elfe en saluant les Dieux. Bon séjour au Svartalfheim. »
Le nain Hrumir s’avança vers le groupe, se dandinant comiquement d’une petite jambe sur l’autre. Sa longue barbe rousse se terminait à quelques centimètres seulement du sol, et il manquait à chaque pas de marcher dessus. Soulblighter pouffa, mais le coude de Séphira l’arrêta rapidement.
« Arrête, espèce de grosse !
-De quoi ? répliqua Soulblighter, ne comprenant pas.
-Madame, messieurs, je vous remercie de votre présence. Krr. Suivez-moi, je vais vous expliquer en chemin. Krr. » Le nain ponctuait toutes ses phrases d’un léger raclement de gorge qui allait vite devenir agaçant, songea Séphira. Ils s’éloignèrent de la chaleur et de la lave en fusion pour arriver dans un endroit plus calme, et plus civilisé.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
Des tentures couvraient les murs, donnant à l’ensemble une allure moins austère. Ils arrivèrent dans une série de salle meublées succinctement, mais meublées. Des armes décoraient les murs, certaines pièces comportaient des tables, d’autres des lits. Ça doit être le quartier résidentiel, songea Séphira en étouffant un gloussement de rire.
Hrumir commença son exposé comme un guide touristique.
« Comme notre chère elfe noire vous l’a certainement dit, krr, nous venons de nous rendre compte qu’une arme avait été volée dans un des salles où nous les entreposons. Krr. Cette pénible découverte est récente, car chacune des armes fabriquées par nos services est placée dans un compartiment hermétique pour favoriser l’attraction de la magie dans l’instrument. Krr. Je vous conduis dans la salle. Krr.
-Quelle était cette arme ? » demanda Thor.
Le nain s’arrêta, se racla plusieurs fois la gorge, puis reprit d’une petite voix qui n’avait plus rien d’un guide. Plutôt celle d’un enfant prit en fâcheuse posture. Et son tic se répétait plus souvent, une fois nerveux.
« Je n’ai pas le krr droit de vous divulguer ni l’identité des krr commanditaires, krr, ni la nature exacte de l’arme krr forgée par nos soins. Vous devez juste savoir krr que c’est une arme exceptionnelle, krr, capable de traverser n’importe quel matériau krr et d’aller très loin. Krr. Une arme de jet. Krr.
-Je vois, grogna Heimdall. Quand il s’agit de faire appel à nous pour retrouver une arme, pas de problèmes, mais pour nous donner des informations, c’est un refus catégorique.
-Ce n’est pas l’arme qui a été dérobée krr qui nous préoccupe, mais le vol en lui-même. Krr. C’est pourquoi je vous ai fait mander. Krr. »
Ils émergèrent dans une nouvelle salle et virent des nains et des elfes en pleine discussion animée. Soulblighter nota que cette pièce servait certainement de lieu de réjouissances, par sa vaste taille et surtout vis-à-vis du comptoir qui siégeait dans un des coins et où on servait des boissons alcoolisées. Il se demanda un instant s’il pouvait réclamer une pinte de bière avant de continuer la visite, mais le groupe avait déjà passé la porte suivante. Il pesta et les rattrapa sans hâte.
« Mais quand exactement vous en êtes-vous aperçu ? demanda Loki, d’un ton apaisant.
-Lorsque nous avons voulu vérifier si elle était finalement prête. Krr. Nous l’avions entreposé ici quelques mois auparavant pour la gorger de magie, krr, mais lors de l’ouverture du coffre, l’ar… » Il s’interrompit, hésitant sur les mots, puis reprit. « L’arme n’y était plus. Krr. Dérobée.
-Mais elle a pu l’être des mois auparavant, justement ? »
Tout le monde se tourna vers Séphira Strife, qui regarda les Dieux un à un. Elle haussa les épaules en signe de supposition.
« C’était juste une hypothèse, rien de plus.
-Il est vrai que c’est une possibilité, mais je vous prie de krroire que nos salles et nos armes sont bien gardées. Krr.
-Je n’en doute pas, dit Thor. Néanmoins, quelqu’un est passé. Et il a dérobé votre arme, quelle qu’elle soit. Nous ferons le nécessaire pour la retrouver, croyez-moi.
-Je vous en serais très reconnaissant. Krr. »
Ils arrivèrent enfin à la salle, gardée par un Troll aussi grand que Thor, et qui semblait bien plus dangereux que le Dieu lui-même. Pourtant, tous savaient par expérience, excepté les Trauméniens, que Thor aurait facilement le dessus sur le monstre. Hrumir se posta devant l’immense bête et agita la main.
« Allez houste, houste, krr !! »
Le Troll fit deux pas de coté, sans se presser, et le nain ouvrit la porte avec un trousseau de clefs impressionnant. Il répondit à la question de Heimdall avant même que celui-ci ne l’ait formulée à voix haute :
« Je suis le seul à avoir ces clefs. Krr. Si quelqu’un désire s’accaparer d’une de ces armes, il devra me passer sur le corps. Krr. De plus, il devra ensuite ramper. Krr. »
Le Nain ouvrit la porte sans trop d’effort – ni trop de raclements de gorge. La salle qui apparu derrière la petite porte n’avait rien de particulier, mis à part un immense coffre en son centre. Ouvert. Hrumir soupira, désespéré, et entra dans la pièce sans même se baisser. Les Dieux se penchèrent pour observer le nain tirer derrière lui le coffre vide et l’amener sous leurs yeux. Thor l’examina.
« Aucune trace d’effraction extérieure, mais le coffre semble avoir été brûlé de l’intérieur, pour faire sauter le scellé. Y a-t-il une possibilité qu’une personne ait été dans le coffre, dès son arrivée ici ?
-Aucune idée, très franchement. Krr. Qui voudrait enfermer quelqu’un dans un coffre magique, krr ?
-Un complice du voleur d’arme, peut-être ? ironisa Loki.
-Est-ce que vous avez vu quelqu’un de particulier, ces derniers temps ? interrogea Thor. Disons entre le moment où vous avez terminé de forger cette arme, et maintenant ? »
Hrumir réfléchit longuement, puis il vira au rouge en se souvenant de quelqu’un. Ses raclements de gorge s’accélérèrent tandis que ses pommettes viraient au cramoisi. Il était difficile de voir quelqu’un rougir, au Svartalfheim, tellement la couleur dominante de ce royaume était l’écarlate. Mais ça se vit sur le nain.
« Eh bien, krr, euh, il est possible que, krr, qu’il y ait une petite, krr, visite ? Krr. De courtoisie ? Krr ?
-De courtoisie, répéta Loki. Une femme ? »
Le nain rougit encore plus. Séphira songea que s’il continuait, il allait s’enflammer.
« Oui, krr… Une femme qui a proposé krr ses services pour la nuit, krr, en échange d’un peu de repos et d’un krr repas avant de repartir le lendemain. Krr. Elle venait du Muspellheim. Krr. Je crois. Krr.
-Du Muspellheim, hmm ? répéta Heimdall. Que dirais-tu d’aller y faire un tour, Thor ?
-Une dernière question, dit le Dieu. Elle a passé la nuit avec vous, et le lendemain matin, elle est repartie, n’est-ce pas ?
-Oui. Krr.
-Elle a donc eu accès à vos clefs cette nuit là, n’est-ce pas ? »
Le nain sursauta, comme si une flèche s’était plantée dans son dos. Il n’avait encore pas fat le rapprochement, et celui-ci venait de lui sauter aux yeux.
« Elle est apparue le soir même où j’ai enfermée ce coffre, krr, je m’en rappelle maintenant. Krr. La garce. Krr. Si jamais il se trouve que c’est elle qui…
-Nous la retrouverons, si tel est le cas. Donnez-moi juste une description de cette femme, et par où elle est repartie. »
Séphira Strife et Soulblighter se rapprochèrent. Ils n’avaient pas perdu une miette de la conversation, espérant secrètement qu’il s’agissait de Séphy-Roshou. Ils auraient ainsi enfin possédé une piste possible concernant l’âme tant recherchée. Ils tendirent l’oreille, encore plus attentifs qu’avant.
« Elle était plutôt jolie, krr, plutôt gracieuse, malgré son âge avancé. Krr. Une grande brune krr avec les cheveux mi-longs, krr, qu’elle porte attachée sauf au… krr… » Il s’arrêta, laissant loisir aux Dieux et aux Trauméniens d’inférer la suite. « Enfin. Krr. Toujours est-il qu’elle est repartie le lendemain, krr, mais je ne sais pas comment ni par où. Krr. »
Un elfe noir à la chevelure argentée arriva derrière le groupe de Trauméniens, salua les Dieux en bonne et due forme, puis glissa quelques mots à l’oreille du nain, non sans se baisser à angle droit. Le nain tressaillit à l’annonce de la nouvelle, puis s’excusa auprès des Dieux, à grand renfort de raclements de gorges intempestifs. Ceux-ci le remercièrent. Le nain repartit en traînant le coffre derrière lui, laissant un sillage dans le sol.
Thor regarda les autres Dieux, un peu perplexe. Il venait tout de même de décider d’aller voir du coté de Muspellheim, au cas où. Séphira Strife et Soulblighter étaient déçus, mais ils savaient que leur enquête allait les emmener dans d’autres mondes, dorénavant. Ils en étaient sûrs. Ils espéraient toujours trouver des indices du passage de Séphy-Roshou ici.
Peut-être au Muspellheim.
*
* *
« Vous n’avez pourtant pas le droit d’être ici, hurla Njörd, au comble de la colère. Aucun de vous trois n’a de permission pour nous accompagner !
-Calme-toi… » lui dit Freyja en lui tapotant la main, comme on essaye de retenir un vieillard sénile de s’énerver. Prends-moi vite tes cachets, on change ta couche et au dodo, songea IL. Mais il se garda bien de dévoiler sa pensée.
Halvorc soutenait le regard enflammé de Njörd qui, s’il avait eu des fusils à la place des pupilles et surtout s’il avait su s’en servir, s’en serait donné à cœur joie. Sa puissante mâchoire se contractait régulièrement, en parallèle avec une veine sur sa tempe. Mais toutes ces démonstrations exagérées de colère n’impressionnaient pas les deux Trauméniens.
Shannia, elle, était morte de peur.
« Vous nous avez suivit jusqu’ici alors que vous venez à peine d’arriver à Vanaheim. Vous risquez gros pour avoir ainsi dépassé les limites de mon royaume. Et tout d’abord, comment êtes-vous au courant de ce voyage improvisé ?
-Demandez à votre copain l’elfe, là ! » dit Halvorc.
Njörd jeta un regard courroucé à l’elfe, qui rentra sa tête dans ses épaules.
« Je n’ai pas eu le choix ! Le grand, là, avec les cheveux rouges, il m’a montré ce qu’il avait fait à d’autres combattants. C’était horrible. Ils m’ont menacés après le repas, avant qu’on ne parte, et…
-Et tu ne m’as rien dit, pauvre espèce insignifiante. Je me demande pourquoi je t’ai gardé en vie, finalement.
-Pour que j’aille chercher Hrumir, comme je viens de le faire ? »
Njörd haussa les épaules, comme si cette tache était à la portée de tous – ce qui était le cas – et ferma les yeux. Lorsqu’il les ouvrit à nouveau, quelques minutes plus tard, les deux Trauméniens et la fille étaient toujours là. Il poussa un long soupir découragé.
« Bon, très bien, vous nous accompagnerez. Mais ne vous mettez pas dans nos pattes, c’est compris ? L’elfe noir vous a déjà raconté ce pourquoi nous sommes venu moi et Freyja, n’est-ce pas ? Si ce n’est pas le cas, c’est le moment de le faire.
-Il nous a tout dit, annonça Halvorc. Une arme a été volée, et nous allons enquêter sur ce vol, c’est bien ça ? »
Les deux Dieux se dévisagèrent une seconde, puis acquiescèrent en même temps. Leur empressement paru suspect à Halvorc, mais il rangea l’information dans un coin de son esprit sans trop s’en soucier. Quelqu’un approchait.
Le nain Hrumir arriva en se balançant sur ses petites jambes replètes, essoufflé par la course qu’il venait d’effectuer tout en tirant le coffre vide... Sa gorge émettait un bruit affreux qui fit songer à IL que le cancer n’était pas loin.
« Hummpff… Krrrr… Les nains sont fait pour le sprint… Krrr… Pas pour l’endurance… hmpfff… Krrrr…
-Hrumir, dit Njörd d’un ton redevenu calme. Pouvons-nous parler dans un endroit privé, à l’abri des oreilles indiscrètes ?
-Hmmm… Krrr… Oui, suivez-moi. Krr. »
Njörd se tourna vers les deux Trauméniens et leur intima l’ordre de rester dans cette salle, à attendre. Halvorc ouvrit la bouche pour émettre une protestation, mais le Dieu leva un doigt, menaçant, vers le plafond.
« Pas – un – mot. »
Njörd, Freyja et Hrumir s’enfermèrent dans une pièce annexe. Le coffre resta planté là, près de Shannia. IL s’assit sur le banc, à coté d’elle, et lui passa un bras autours de la taille, savourant les courbes gracieuses de la demoiselle. Halvorc, lui faisait les cents pas.
« Ne t’en fais pas, Halvorc, profite du bon temps, fait comme moi ! Je ne pense pas que Séphy-Roshou ait volée cette arme, si c’est ça qui te préoccupe. Qu’aurait-elle à faire d’une autre arme, alors qu’elle a sa Masamune/GD ?
-Ils nous cachent quelque chose, déclara Halvorc. Pourquoi tenir un huit clos pour un simple vol, alors ? Les Vanes doivent avoir des pions à perdre dans cette histoire.
-Tu penses ? répondit IL en tripotant le coffre distraitement.
-J’en suis persuadé. Soit cette arme leur appartenait, soit c’est eux qui l’ont volé. »
IL aperçut alors la brûlure sur le coffre. Il la reconnu aussitôt. Cette forme de virgule brûlée, cette précision quasi chirurgicale, il ne peu s’agir que d’elle. Elle seule est capable d’envoyer un Dragon Slayer dans un espace clos sans faire d’autres dégâts. IL effaça la brûlure du plat de la main, toujours en caressant le dos de Shannia.
Halvorc ne s’aperçut de rien.
Shannia si.
Et IL se dit qu’il était peut-être sur la bonne piste, finalement.
Malheureusement.
Hrumir commença son exposé comme un guide touristique.
« Comme notre chère elfe noire vous l’a certainement dit, krr, nous venons de nous rendre compte qu’une arme avait été volée dans un des salles où nous les entreposons. Krr. Cette pénible découverte est récente, car chacune des armes fabriquées par nos services est placée dans un compartiment hermétique pour favoriser l’attraction de la magie dans l’instrument. Krr. Je vous conduis dans la salle. Krr.
-Quelle était cette arme ? » demanda Thor.
Le nain s’arrêta, se racla plusieurs fois la gorge, puis reprit d’une petite voix qui n’avait plus rien d’un guide. Plutôt celle d’un enfant prit en fâcheuse posture. Et son tic se répétait plus souvent, une fois nerveux.
« Je n’ai pas le krr droit de vous divulguer ni l’identité des krr commanditaires, krr, ni la nature exacte de l’arme krr forgée par nos soins. Vous devez juste savoir krr que c’est une arme exceptionnelle, krr, capable de traverser n’importe quel matériau krr et d’aller très loin. Krr. Une arme de jet. Krr.
-Je vois, grogna Heimdall. Quand il s’agit de faire appel à nous pour retrouver une arme, pas de problèmes, mais pour nous donner des informations, c’est un refus catégorique.
-Ce n’est pas l’arme qui a été dérobée krr qui nous préoccupe, mais le vol en lui-même. Krr. C’est pourquoi je vous ai fait mander. Krr. »
Ils émergèrent dans une nouvelle salle et virent des nains et des elfes en pleine discussion animée. Soulblighter nota que cette pièce servait certainement de lieu de réjouissances, par sa vaste taille et surtout vis-à-vis du comptoir qui siégeait dans un des coins et où on servait des boissons alcoolisées. Il se demanda un instant s’il pouvait réclamer une pinte de bière avant de continuer la visite, mais le groupe avait déjà passé la porte suivante. Il pesta et les rattrapa sans hâte.
« Mais quand exactement vous en êtes-vous aperçu ? demanda Loki, d’un ton apaisant.
-Lorsque nous avons voulu vérifier si elle était finalement prête. Krr. Nous l’avions entreposé ici quelques mois auparavant pour la gorger de magie, krr, mais lors de l’ouverture du coffre, l’ar… » Il s’interrompit, hésitant sur les mots, puis reprit. « L’arme n’y était plus. Krr. Dérobée.
-Mais elle a pu l’être des mois auparavant, justement ? »
Tout le monde se tourna vers Séphira Strife, qui regarda les Dieux un à un. Elle haussa les épaules en signe de supposition.
« C’était juste une hypothèse, rien de plus.
-Il est vrai que c’est une possibilité, mais je vous prie de krroire que nos salles et nos armes sont bien gardées. Krr.
-Je n’en doute pas, dit Thor. Néanmoins, quelqu’un est passé. Et il a dérobé votre arme, quelle qu’elle soit. Nous ferons le nécessaire pour la retrouver, croyez-moi.
-Je vous en serais très reconnaissant. Krr. »
Ils arrivèrent enfin à la salle, gardée par un Troll aussi grand que Thor, et qui semblait bien plus dangereux que le Dieu lui-même. Pourtant, tous savaient par expérience, excepté les Trauméniens, que Thor aurait facilement le dessus sur le monstre. Hrumir se posta devant l’immense bête et agita la main.
« Allez houste, houste, krr !! »
Le Troll fit deux pas de coté, sans se presser, et le nain ouvrit la porte avec un trousseau de clefs impressionnant. Il répondit à la question de Heimdall avant même que celui-ci ne l’ait formulée à voix haute :
« Je suis le seul à avoir ces clefs. Krr. Si quelqu’un désire s’accaparer d’une de ces armes, il devra me passer sur le corps. Krr. De plus, il devra ensuite ramper. Krr. »
Le Nain ouvrit la porte sans trop d’effort – ni trop de raclements de gorge. La salle qui apparu derrière la petite porte n’avait rien de particulier, mis à part un immense coffre en son centre. Ouvert. Hrumir soupira, désespéré, et entra dans la pièce sans même se baisser. Les Dieux se penchèrent pour observer le nain tirer derrière lui le coffre vide et l’amener sous leurs yeux. Thor l’examina.
« Aucune trace d’effraction extérieure, mais le coffre semble avoir été brûlé de l’intérieur, pour faire sauter le scellé. Y a-t-il une possibilité qu’une personne ait été dans le coffre, dès son arrivée ici ?
-Aucune idée, très franchement. Krr. Qui voudrait enfermer quelqu’un dans un coffre magique, krr ?
-Un complice du voleur d’arme, peut-être ? ironisa Loki.
-Est-ce que vous avez vu quelqu’un de particulier, ces derniers temps ? interrogea Thor. Disons entre le moment où vous avez terminé de forger cette arme, et maintenant ? »
Hrumir réfléchit longuement, puis il vira au rouge en se souvenant de quelqu’un. Ses raclements de gorge s’accélérèrent tandis que ses pommettes viraient au cramoisi. Il était difficile de voir quelqu’un rougir, au Svartalfheim, tellement la couleur dominante de ce royaume était l’écarlate. Mais ça se vit sur le nain.
« Eh bien, krr, euh, il est possible que, krr, qu’il y ait une petite, krr, visite ? Krr. De courtoisie ? Krr ?
-De courtoisie, répéta Loki. Une femme ? »
Le nain rougit encore plus. Séphira songea que s’il continuait, il allait s’enflammer.
« Oui, krr… Une femme qui a proposé krr ses services pour la nuit, krr, en échange d’un peu de repos et d’un krr repas avant de repartir le lendemain. Krr. Elle venait du Muspellheim. Krr. Je crois. Krr.
-Du Muspellheim, hmm ? répéta Heimdall. Que dirais-tu d’aller y faire un tour, Thor ?
-Une dernière question, dit le Dieu. Elle a passé la nuit avec vous, et le lendemain matin, elle est repartie, n’est-ce pas ?
-Oui. Krr.
-Elle a donc eu accès à vos clefs cette nuit là, n’est-ce pas ? »
Le nain sursauta, comme si une flèche s’était plantée dans son dos. Il n’avait encore pas fat le rapprochement, et celui-ci venait de lui sauter aux yeux.
« Elle est apparue le soir même où j’ai enfermée ce coffre, krr, je m’en rappelle maintenant. Krr. La garce. Krr. Si jamais il se trouve que c’est elle qui…
-Nous la retrouverons, si tel est le cas. Donnez-moi juste une description de cette femme, et par où elle est repartie. »
Séphira Strife et Soulblighter se rapprochèrent. Ils n’avaient pas perdu une miette de la conversation, espérant secrètement qu’il s’agissait de Séphy-Roshou. Ils auraient ainsi enfin possédé une piste possible concernant l’âme tant recherchée. Ils tendirent l’oreille, encore plus attentifs qu’avant.
« Elle était plutôt jolie, krr, plutôt gracieuse, malgré son âge avancé. Krr. Une grande brune krr avec les cheveux mi-longs, krr, qu’elle porte attachée sauf au… krr… » Il s’arrêta, laissant loisir aux Dieux et aux Trauméniens d’inférer la suite. « Enfin. Krr. Toujours est-il qu’elle est repartie le lendemain, krr, mais je ne sais pas comment ni par où. Krr. »
Un elfe noir à la chevelure argentée arriva derrière le groupe de Trauméniens, salua les Dieux en bonne et due forme, puis glissa quelques mots à l’oreille du nain, non sans se baisser à angle droit. Le nain tressaillit à l’annonce de la nouvelle, puis s’excusa auprès des Dieux, à grand renfort de raclements de gorges intempestifs. Ceux-ci le remercièrent. Le nain repartit en traînant le coffre derrière lui, laissant un sillage dans le sol.
Thor regarda les autres Dieux, un peu perplexe. Il venait tout de même de décider d’aller voir du coté de Muspellheim, au cas où. Séphira Strife et Soulblighter étaient déçus, mais ils savaient que leur enquête allait les emmener dans d’autres mondes, dorénavant. Ils en étaient sûrs. Ils espéraient toujours trouver des indices du passage de Séphy-Roshou ici.
Peut-être au Muspellheim.
*
* *
« Vous n’avez pourtant pas le droit d’être ici, hurla Njörd, au comble de la colère. Aucun de vous trois n’a de permission pour nous accompagner !
-Calme-toi… » lui dit Freyja en lui tapotant la main, comme on essaye de retenir un vieillard sénile de s’énerver. Prends-moi vite tes cachets, on change ta couche et au dodo, songea IL. Mais il se garda bien de dévoiler sa pensée.
Halvorc soutenait le regard enflammé de Njörd qui, s’il avait eu des fusils à la place des pupilles et surtout s’il avait su s’en servir, s’en serait donné à cœur joie. Sa puissante mâchoire se contractait régulièrement, en parallèle avec une veine sur sa tempe. Mais toutes ces démonstrations exagérées de colère n’impressionnaient pas les deux Trauméniens.
Shannia, elle, était morte de peur.
« Vous nous avez suivit jusqu’ici alors que vous venez à peine d’arriver à Vanaheim. Vous risquez gros pour avoir ainsi dépassé les limites de mon royaume. Et tout d’abord, comment êtes-vous au courant de ce voyage improvisé ?
-Demandez à votre copain l’elfe, là ! » dit Halvorc.
Njörd jeta un regard courroucé à l’elfe, qui rentra sa tête dans ses épaules.
« Je n’ai pas eu le choix ! Le grand, là, avec les cheveux rouges, il m’a montré ce qu’il avait fait à d’autres combattants. C’était horrible. Ils m’ont menacés après le repas, avant qu’on ne parte, et…
-Et tu ne m’as rien dit, pauvre espèce insignifiante. Je me demande pourquoi je t’ai gardé en vie, finalement.
-Pour que j’aille chercher Hrumir, comme je viens de le faire ? »
Njörd haussa les épaules, comme si cette tache était à la portée de tous – ce qui était le cas – et ferma les yeux. Lorsqu’il les ouvrit à nouveau, quelques minutes plus tard, les deux Trauméniens et la fille étaient toujours là. Il poussa un long soupir découragé.
« Bon, très bien, vous nous accompagnerez. Mais ne vous mettez pas dans nos pattes, c’est compris ? L’elfe noir vous a déjà raconté ce pourquoi nous sommes venu moi et Freyja, n’est-ce pas ? Si ce n’est pas le cas, c’est le moment de le faire.
-Il nous a tout dit, annonça Halvorc. Une arme a été volée, et nous allons enquêter sur ce vol, c’est bien ça ? »
Les deux Dieux se dévisagèrent une seconde, puis acquiescèrent en même temps. Leur empressement paru suspect à Halvorc, mais il rangea l’information dans un coin de son esprit sans trop s’en soucier. Quelqu’un approchait.
Le nain Hrumir arriva en se balançant sur ses petites jambes replètes, essoufflé par la course qu’il venait d’effectuer tout en tirant le coffre vide... Sa gorge émettait un bruit affreux qui fit songer à IL que le cancer n’était pas loin.
« Hummpff… Krrrr… Les nains sont fait pour le sprint… Krrr… Pas pour l’endurance… hmpfff… Krrrr…
-Hrumir, dit Njörd d’un ton redevenu calme. Pouvons-nous parler dans un endroit privé, à l’abri des oreilles indiscrètes ?
-Hmmm… Krrr… Oui, suivez-moi. Krr. »
Njörd se tourna vers les deux Trauméniens et leur intima l’ordre de rester dans cette salle, à attendre. Halvorc ouvrit la bouche pour émettre une protestation, mais le Dieu leva un doigt, menaçant, vers le plafond.
« Pas – un – mot. »
Njörd, Freyja et Hrumir s’enfermèrent dans une pièce annexe. Le coffre resta planté là, près de Shannia. IL s’assit sur le banc, à coté d’elle, et lui passa un bras autours de la taille, savourant les courbes gracieuses de la demoiselle. Halvorc, lui faisait les cents pas.
« Ne t’en fais pas, Halvorc, profite du bon temps, fait comme moi ! Je ne pense pas que Séphy-Roshou ait volée cette arme, si c’est ça qui te préoccupe. Qu’aurait-elle à faire d’une autre arme, alors qu’elle a sa Masamune/GD ?
-Ils nous cachent quelque chose, déclara Halvorc. Pourquoi tenir un huit clos pour un simple vol, alors ? Les Vanes doivent avoir des pions à perdre dans cette histoire.
-Tu penses ? répondit IL en tripotant le coffre distraitement.
-J’en suis persuadé. Soit cette arme leur appartenait, soit c’est eux qui l’ont volé. »
IL aperçut alors la brûlure sur le coffre. Il la reconnu aussitôt. Cette forme de virgule brûlée, cette précision quasi chirurgicale, il ne peu s’agir que d’elle. Elle seule est capable d’envoyer un Dragon Slayer dans un espace clos sans faire d’autres dégâts. IL effaça la brûlure du plat de la main, toujours en caressant le dos de Shannia.
Halvorc ne s’aperçut de rien.
Shannia si.
Et IL se dit qu’il était peut-être sur la bonne piste, finalement.
Malheureusement.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Age : 42
Localisation : Dans les limbes torturées d'un esprit dérangé.
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Re: Traumenschar
La taille de Nina sera rectifiée, promis! Après tout, ce n'est qu'un saoulard qui en a parlé, n'est-ce pas?
5. Muspellheim.
La coulée de lave qu’empruntèrent les Ases et les Trauméniens se révéla longue et ennuyeuse. Personne ne disait mot dans l’immense barque menée par deux elfes noirs qui commandaient un Troll. Ce dernier maniait l’immense gouvernail plongé dans l’épais remugle de lave liquide, et manoeuvrait ainsi l’embarcation entre les rochers rougit par la chaleur, traversant parfois des éruptions de feu impressionnantes.
Le décor n’avait pas énormément changé depuis le Svartalfheim, si ce n’est la diminution de toute formes de vie, et l’augmentation toute relative de la chaleur. Toute relative, parce que si nous étions sur Terre, il y a longtemps que la chaleur nous aurait tué, songea Séphira Strife, sans toutefois oser se pencher. Mais ici, elle avait simplement la bouche sèche.
Soulblighter était attelé à la table où reposaient des brocs d’eau qui demeurait fraîche malgré la température environnante, et tous pouvaient se désaltérer sans se gêner. Soulblighter ne se privait pas, regrettant tout de même l’Hydromel du Valhalla, accompagné de Heimdall qui suait à grosses gouttes. Thor était à la proue du bateau et semblait perdu dans ses pensées.
« Thor est grand et fort, n’est-ce pas ? »
Séphira se retourna et foudroya du regard Loki, qui mit ses mains en avant en signe de défense exagéré. Elle garda encore son regard noir, pour le moment. Un grand rapace qui semblait fait de pierre criailla dans le ciel orangé, se laissant porter par un vent chaud.
« C’était simplement un moyen de lier la conversation, rien de plus. Vous étiez entrain de le regarder, et j’avais pensé que…
-Vous vous êtes trompés. » Et elle se renferma dans son mutisme. Loki la regarda, sourit, puis se rapprocha d’elle. Séphira leva les yeux au ciel, puis lui montra à nouveau qu’elle désirait qu’il s’en aille. Loki feignit de ne pas comprendre.
« Muspellheim est un monde à part, l’informa-t-il. Un monde un tant soit peu hostile, même pour nous autres Dieux. C’est un des plus ancien endroit sur l’Yggdrasil, avec Nifelheim, le monde de la brume. Ou de la glace, par opposition à ce lieu. Car le Muspellheim est également le monde du feu primordial. »
Séphira continua d’ignorer les interventions de Loki, mais écoutait tout de même son exposé sans le montrer. Elle ne voulait surtout pas qu’il pense qu’elle était intéressée.
« C’est de là que nous provenons. Tous, autant vous que nous. Les humains, les Dieux, les elfes, les géants, les Nornes, les nains, même l’autre Hrumir avec ses Krr agaçants ! » Sa tentative d’humour tomba à plat, et il fut le seul à s’accorder un rire poli. « Nous sommes tous issus de ce monde, et nos ancêtres sont nés de l’alliance entre le Muspellheim et le Nifelheim, il y a bien longtemps… »
Séphira retint sa respiration, attendant la suite. Elle n’osait pas lui lancer un simple regard, mais l’envie la tenaillait. Loki semblait réfléchir, ravivant des souvenirs d’ordinaire oubliés, ou mis de coté. Séphira allait relancer la conversation, lorsqu’il reprit seul :
« Lorsque le feu primordial du Muspellheim rencontra la glace du Nifelheim, les brumes s’ouvrirent et le givre finit par fondre, libérant le géant Ymir et la vache Audhumla. Pour faire bref, car le mythe est fort long à développer, et au final peu intéressant, les Ases sont nés de ces deux improbables partenaires, et nous vous avons ensuite donné la vie. Nous sommes donc, en quelque sorte, vos grands-parents, et nous retournons maintenant en compagnie de nos enfants dans le monde originel. N’est-ce pas une belle image ?
-Superbe, répondit Séphira sur un ton un peu plus dur qu’elle ne l’aurait voulu. Et pouvez-vous me dire ce qu’il y a, dans ce Muspellheim ? »
Loki élargit son sourire, passa un bras autours de l’épaule de la Trauménienne qui n’osa remuer, ni refuser, et avança sa tête près de la sienne.
« Du feu, de la chaleur, et un géant. »
Comme si le mot avait déclenché le réveil dudit géant, un grondement sourd se fit entendre, venant de l’arrière du navire. Le Troll qui tenait le gouvernail prit peur, malgré les injonctions des elfes noirs – et les coups de fouet – et il fit virer l’embarcation sur la gauche, vers un rocher. La table des boissons fraîches se renversa devant Soulblighter, qui regarda l’eau s’évaporer en passant par-dessus bord, fasciné.
Thor s’agrippa au bastingage des deux mains, tentant de discerner le géant dans les alentours. Mais même Heimdall ne le vit pas, malgré ses sens surdéveloppés. Loki tenait toujours Séphira par les épaules, et celle-ci avait totalement oublié que le Dieu lui faisait du rentre dedans, tellement le spectacle qui s’offrait à elle la clouait au sol.
« Et voici Surt, le géant gardien du Muspellheim. »
Tout d’abord, Séphira crut que ce qu’elle voyait était une coulée de lave, comme celle où ils naviguaient. Mais elle dû rapidement se rendre à l’évidence : Même dans ce monde, la gravité faisait effet, et la lave coulait rarement de bas en haut. Hors, ce déversement de lave semblait émerger de la rivière bouillonnante, et non y tomber.
Une immense sphère sortit à son tour, derrière le bateau, manquant de peu de briser le gouvernail. Le Troll, cette fois-ci complètement paniqué, lâcha son ouvrage et couru vers l’avant. Il brisa ses chaînes sans effort et envoya valdinguer ses contremaîtres d’une pichenette apeurée.
Séphira Strife regarda la boule enfler, puis se percer avec une bulle brûlante de lave dont les éclaboussures retombaient sur le pont du navire comme autant de petites pierres chaudes. Et, derrière la bulle maintenant ouverte, se trouvait un œil écarlate et vivace, qui regardait tour à tour l’ensemble des intrus qui se trouvaient sur l’embarcation.
Le Troll, sans réfléchir, sauta par-dessus bord et n’eut pas le temps de crier, ni de se rendre compte de son erreur. Le bateau manqua de chavirer lorsque les épaules sortirent à leur tour. La tête du géant se découvrait peu à peu, révélant des dents d’une blancheur éclatantes, récifs immaculés au milieu d’un lac de lave épaisse. Ses yeux, désormais tout deux découverts, clignaient de temps à autre avec des paupières en croûte noircies.
Et ils étaient fixés sur Séphira Strife.
Loki s'écarta de la Trauménienne, qui n’arrivait pas à détacher son regard de l’immense créature qui apparaissait peu à peu dans toute sa grandeur. Ce qu’elle avait pris pour une coulée de lave tout à l’heure était devenu son épée de feu, qui flamboyait maintenant que tout le liquide en fusion était partit. De longues langues de feu montaient de la pointe, tel des serpents affamés et excités.
Le grondement continuait toujours, et provenait du visage du géant, qui souriait toujours de toutes ses dents. Une fois complètement hors de la rivière de lave, il leva son épée et s’étira, comme chacun le fait en sortant de son bain. Des rochers de lave refroidie tombèrent tout autours d’eux, et l’un d’eux brisa la nuque d’un des grands oiseaux qui s’envolaient en piaillant de peur. Il alla rejoindre le Troll.
Surt, car tel était son nom, cessa ses allongements et poussa un long soupir, réchauffant l’atmosphère avec son haleine de feu. Soulblighter agita la main devant son nez, pendant que Thor s’avançait à l’arrière du navire, pour lui parler.
« Géant Surt, je viens solliciter ton aide, au nom d’Odin.
-AAAAAHHH… THOR… IL Y A BIEN LONGTEMPS QUE JE NE T’AI VU EN CES TERRES ARIDES, TOI ET TES AMIS LES DIEUX ASES.
-Je suis accompagné d’Heimdall et de Loki, et nous sommes ici afin d’obtenir des renseignements sur un vol commis au Svartalfheim.
-HMMMM… gronda Surt. LE FAMEUX VOL CHEZ LES NAINS ? J’EN AI VAGUEMENT ENTENDU PARLÉ, MAIS TU SAIS, DANS MON DOMAINE, LES NOUVELLES NE SONT PAS TRÈS FRAÎCHES UNE FOIS ARRIVÉES.
-Nous voudrions savoir si… commença Heimdall.
-POURQUOI TOUT DE SUITE RENTRER DANS LE VIF DU SUJET ? SERAIT-CE UNE AFFAIRE SI IMPORTANTE QU’ELLE VOUS BRÛLE LES DOIGTS ? JE PRÉFÈRERAI QUE NOUS COMMENÇIIONS PAR LES PRÉSENTATIONS. »
Surt désigna du regard Séphira Strife, ignorant complètement Soulblighter, qui s’était rapproché d’elle. Ce dernier tenait toujours son verre d’eau à la main, à moitié vide, et regardait le géant. Sa poitrine gigantesque dégoulinaient encore de roche en fusion, sans même qu’il y prenne gare. Toute son attention était axée sur Séphira.
« Il s’agit de deux combattants nouvellement arrivés au Valhalla, géant. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, la jeune femme se nomme Séphira Strife, et le jeune homme Soulglibhter.
-Soulblighter, rectifia l’intéressé, sans même élever la voix.
-SÉPHIRA STRIFE, HMMM ? QUEL MAGNIFIQUE DÉNOMINATION, POUR UNE HUMAINE. JE SUIS ENCHANTÉ DE VOUS RENCONTRER, JEUNE ET JOLIE DEMOISELLE. VOUS ÉCHAUFFEZ MON ESPRIT COMME AUCUNE FEMME NE L’A FAIT DEPUIS DES MILLÉNAIRES.
-Ouais, vous aussi je suis content de vous rencontrer. » dit Soulblighter, sans même prendre la peine de regarder le géant. De toute façon, celui-ci n’avait d’yeux que pour Séphira, et il n’entendit même pas la pique.
« Si nous pouvions en venir aux faits, géant Surt… reprit Thor.
-VOUS AUTRES DIEUX ÊTES SI PRESSÉS, ÇA EN DEVIENT DÉRANGEANT, grommela le géant en s’asseyant sur un rocher voisin. JE VOUS SERAIS GRÉS DE ME LAISSER M’ENTRETENIR AVEC LA MAGNIFIQUE SÉPHIRA. JE N’AI QUE PEU DE VISITES, SAVEZ-VOUS ? MAIS BIEN SÛR, QUE VOUS LE SAVEZ… »
Le géant affichait un visage rayonnant, et pas seulement à cause du feu de sa lame qu’il agitait avec délectation, mais grâce à un faciès radieux qu’il arborait dès que ses yeux rouges vifs effleuraient Séphira. Il semblait prendre un plaisir tout à fait sadique à se jouer des Dieux, et ceux-ci commençaient à perdre patience.
« Géant Surt, tonna Thor, nous sommes effectivement pressé par le temps, et cette affaire en prendra encore beaucoup avant d’être élucidée, alors si nous pouvions abréger les conversations afin que nous puissions obtenir les informations que nous désirons, Odin lui-même vous en sera reconnaissant.
-ODIN LUI-MÊME ? déclama le géant, en faignant la surprise. ET QUE VA-T-IL M’APPORTER, À PART DES ENNUIS ? VA-T-IL ME LÉGUER UNE PARTIE DE SON ARMÉE POUR ME DIVERTIR ? CELA M’ÉTONNERAIT FORTEMENT. ALORS QU’AURAIS-JE EN CONTREPARTIE DE MON AIDE ? »
Les Dieux restèrent muet, et le géant partit d’un rire qui ressemblait à une avalanche de pierre, un rire qui résonnait dans ce monde comme une sinistre mélopée mortelle.
« Vous désirez de la compagnie, c’est bien cela ? » s’avança Loki. Le géant cessa de rire et examina l’intervenant avec un œil critique.
« LOKI, FILS DE FARBAUTI, UN GÉANT TOUT COMME MOI, QUE ME PROPOSES-TU EN ÉCHANGE DE CE QUE JE SAIS, SI JE SAIS QUELQUE CHOSE ?
-Vous aurez la jeune personne sur laquelle vous avez manifestement jeté votre dévolu. »
Séphira sentit un frisson glacé la parcourir, malgré la chaleur de l’endroit où elle se trouvait. Elle jeta un regard noir vers Loki, mais celui-ci l’ignora. Elle s’avança et s’adressa directement au géant. Ses jambes tremblaient, mais elle réussit à contenir l’émotion dans sa voix, sans néanmoins savoir comment.
« Vous me voyez ravie d’être l’objet de tant d’honneurs de votre part, dit-elle en tentant de se mettre au niveau de l’éloquence raffinée des Dieux, mais devenir ainsi votre compagne m’est impossible, car je suis déjà promise à quelqu’un. »
Elle attrapa le bras de Soulblighter et se tint tout contre lui. Soulblighter évita de faire basculer son eau, qui tiédissait rapidement, et leva finalement les yeux sur le géant. Surt prit ceci pour un défi, alors que Soulblighter faisait simplement craquer sa nuque.
« VOUS M’EN VOYEZ FORT CONTRIT, Ô FEMME À LA DOUCE VOIX. MAIS JE RESPECTE VOTRE ENGAGEMENT, ET LE COMBAT DEVIENT LA SEULE ISSUE À NOTRE DIFFÉRENT. »
5. Muspellheim.
La coulée de lave qu’empruntèrent les Ases et les Trauméniens se révéla longue et ennuyeuse. Personne ne disait mot dans l’immense barque menée par deux elfes noirs qui commandaient un Troll. Ce dernier maniait l’immense gouvernail plongé dans l’épais remugle de lave liquide, et manoeuvrait ainsi l’embarcation entre les rochers rougit par la chaleur, traversant parfois des éruptions de feu impressionnantes.
Le décor n’avait pas énormément changé depuis le Svartalfheim, si ce n’est la diminution de toute formes de vie, et l’augmentation toute relative de la chaleur. Toute relative, parce que si nous étions sur Terre, il y a longtemps que la chaleur nous aurait tué, songea Séphira Strife, sans toutefois oser se pencher. Mais ici, elle avait simplement la bouche sèche.
Soulblighter était attelé à la table où reposaient des brocs d’eau qui demeurait fraîche malgré la température environnante, et tous pouvaient se désaltérer sans se gêner. Soulblighter ne se privait pas, regrettant tout de même l’Hydromel du Valhalla, accompagné de Heimdall qui suait à grosses gouttes. Thor était à la proue du bateau et semblait perdu dans ses pensées.
« Thor est grand et fort, n’est-ce pas ? »
Séphira se retourna et foudroya du regard Loki, qui mit ses mains en avant en signe de défense exagéré. Elle garda encore son regard noir, pour le moment. Un grand rapace qui semblait fait de pierre criailla dans le ciel orangé, se laissant porter par un vent chaud.
« C’était simplement un moyen de lier la conversation, rien de plus. Vous étiez entrain de le regarder, et j’avais pensé que…
-Vous vous êtes trompés. » Et elle se renferma dans son mutisme. Loki la regarda, sourit, puis se rapprocha d’elle. Séphira leva les yeux au ciel, puis lui montra à nouveau qu’elle désirait qu’il s’en aille. Loki feignit de ne pas comprendre.
« Muspellheim est un monde à part, l’informa-t-il. Un monde un tant soit peu hostile, même pour nous autres Dieux. C’est un des plus ancien endroit sur l’Yggdrasil, avec Nifelheim, le monde de la brume. Ou de la glace, par opposition à ce lieu. Car le Muspellheim est également le monde du feu primordial. »
Séphira continua d’ignorer les interventions de Loki, mais écoutait tout de même son exposé sans le montrer. Elle ne voulait surtout pas qu’il pense qu’elle était intéressée.
« C’est de là que nous provenons. Tous, autant vous que nous. Les humains, les Dieux, les elfes, les géants, les Nornes, les nains, même l’autre Hrumir avec ses Krr agaçants ! » Sa tentative d’humour tomba à plat, et il fut le seul à s’accorder un rire poli. « Nous sommes tous issus de ce monde, et nos ancêtres sont nés de l’alliance entre le Muspellheim et le Nifelheim, il y a bien longtemps… »
Séphira retint sa respiration, attendant la suite. Elle n’osait pas lui lancer un simple regard, mais l’envie la tenaillait. Loki semblait réfléchir, ravivant des souvenirs d’ordinaire oubliés, ou mis de coté. Séphira allait relancer la conversation, lorsqu’il reprit seul :
« Lorsque le feu primordial du Muspellheim rencontra la glace du Nifelheim, les brumes s’ouvrirent et le givre finit par fondre, libérant le géant Ymir et la vache Audhumla. Pour faire bref, car le mythe est fort long à développer, et au final peu intéressant, les Ases sont nés de ces deux improbables partenaires, et nous vous avons ensuite donné la vie. Nous sommes donc, en quelque sorte, vos grands-parents, et nous retournons maintenant en compagnie de nos enfants dans le monde originel. N’est-ce pas une belle image ?
-Superbe, répondit Séphira sur un ton un peu plus dur qu’elle ne l’aurait voulu. Et pouvez-vous me dire ce qu’il y a, dans ce Muspellheim ? »
Loki élargit son sourire, passa un bras autours de l’épaule de la Trauménienne qui n’osa remuer, ni refuser, et avança sa tête près de la sienne.
« Du feu, de la chaleur, et un géant. »
Comme si le mot avait déclenché le réveil dudit géant, un grondement sourd se fit entendre, venant de l’arrière du navire. Le Troll qui tenait le gouvernail prit peur, malgré les injonctions des elfes noirs – et les coups de fouet – et il fit virer l’embarcation sur la gauche, vers un rocher. La table des boissons fraîches se renversa devant Soulblighter, qui regarda l’eau s’évaporer en passant par-dessus bord, fasciné.
Thor s’agrippa au bastingage des deux mains, tentant de discerner le géant dans les alentours. Mais même Heimdall ne le vit pas, malgré ses sens surdéveloppés. Loki tenait toujours Séphira par les épaules, et celle-ci avait totalement oublié que le Dieu lui faisait du rentre dedans, tellement le spectacle qui s’offrait à elle la clouait au sol.
« Et voici Surt, le géant gardien du Muspellheim. »
Tout d’abord, Séphira crut que ce qu’elle voyait était une coulée de lave, comme celle où ils naviguaient. Mais elle dû rapidement se rendre à l’évidence : Même dans ce monde, la gravité faisait effet, et la lave coulait rarement de bas en haut. Hors, ce déversement de lave semblait émerger de la rivière bouillonnante, et non y tomber.
Une immense sphère sortit à son tour, derrière le bateau, manquant de peu de briser le gouvernail. Le Troll, cette fois-ci complètement paniqué, lâcha son ouvrage et couru vers l’avant. Il brisa ses chaînes sans effort et envoya valdinguer ses contremaîtres d’une pichenette apeurée.
Séphira Strife regarda la boule enfler, puis se percer avec une bulle brûlante de lave dont les éclaboussures retombaient sur le pont du navire comme autant de petites pierres chaudes. Et, derrière la bulle maintenant ouverte, se trouvait un œil écarlate et vivace, qui regardait tour à tour l’ensemble des intrus qui se trouvaient sur l’embarcation.
Le Troll, sans réfléchir, sauta par-dessus bord et n’eut pas le temps de crier, ni de se rendre compte de son erreur. Le bateau manqua de chavirer lorsque les épaules sortirent à leur tour. La tête du géant se découvrait peu à peu, révélant des dents d’une blancheur éclatantes, récifs immaculés au milieu d’un lac de lave épaisse. Ses yeux, désormais tout deux découverts, clignaient de temps à autre avec des paupières en croûte noircies.
Et ils étaient fixés sur Séphira Strife.
Loki s'écarta de la Trauménienne, qui n’arrivait pas à détacher son regard de l’immense créature qui apparaissait peu à peu dans toute sa grandeur. Ce qu’elle avait pris pour une coulée de lave tout à l’heure était devenu son épée de feu, qui flamboyait maintenant que tout le liquide en fusion était partit. De longues langues de feu montaient de la pointe, tel des serpents affamés et excités.
Le grondement continuait toujours, et provenait du visage du géant, qui souriait toujours de toutes ses dents. Une fois complètement hors de la rivière de lave, il leva son épée et s’étira, comme chacun le fait en sortant de son bain. Des rochers de lave refroidie tombèrent tout autours d’eux, et l’un d’eux brisa la nuque d’un des grands oiseaux qui s’envolaient en piaillant de peur. Il alla rejoindre le Troll.
Surt, car tel était son nom, cessa ses allongements et poussa un long soupir, réchauffant l’atmosphère avec son haleine de feu. Soulblighter agita la main devant son nez, pendant que Thor s’avançait à l’arrière du navire, pour lui parler.
« Géant Surt, je viens solliciter ton aide, au nom d’Odin.
-AAAAAHHH… THOR… IL Y A BIEN LONGTEMPS QUE JE NE T’AI VU EN CES TERRES ARIDES, TOI ET TES AMIS LES DIEUX ASES.
-Je suis accompagné d’Heimdall et de Loki, et nous sommes ici afin d’obtenir des renseignements sur un vol commis au Svartalfheim.
-HMMMM… gronda Surt. LE FAMEUX VOL CHEZ LES NAINS ? J’EN AI VAGUEMENT ENTENDU PARLÉ, MAIS TU SAIS, DANS MON DOMAINE, LES NOUVELLES NE SONT PAS TRÈS FRAÎCHES UNE FOIS ARRIVÉES.
-Nous voudrions savoir si… commença Heimdall.
-POURQUOI TOUT DE SUITE RENTRER DANS LE VIF DU SUJET ? SERAIT-CE UNE AFFAIRE SI IMPORTANTE QU’ELLE VOUS BRÛLE LES DOIGTS ? JE PRÉFÈRERAI QUE NOUS COMMENÇIIONS PAR LES PRÉSENTATIONS. »
Surt désigna du regard Séphira Strife, ignorant complètement Soulblighter, qui s’était rapproché d’elle. Ce dernier tenait toujours son verre d’eau à la main, à moitié vide, et regardait le géant. Sa poitrine gigantesque dégoulinaient encore de roche en fusion, sans même qu’il y prenne gare. Toute son attention était axée sur Séphira.
« Il s’agit de deux combattants nouvellement arrivés au Valhalla, géant. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, la jeune femme se nomme Séphira Strife, et le jeune homme Soulglibhter.
-Soulblighter, rectifia l’intéressé, sans même élever la voix.
-SÉPHIRA STRIFE, HMMM ? QUEL MAGNIFIQUE DÉNOMINATION, POUR UNE HUMAINE. JE SUIS ENCHANTÉ DE VOUS RENCONTRER, JEUNE ET JOLIE DEMOISELLE. VOUS ÉCHAUFFEZ MON ESPRIT COMME AUCUNE FEMME NE L’A FAIT DEPUIS DES MILLÉNAIRES.
-Ouais, vous aussi je suis content de vous rencontrer. » dit Soulblighter, sans même prendre la peine de regarder le géant. De toute façon, celui-ci n’avait d’yeux que pour Séphira, et il n’entendit même pas la pique.
« Si nous pouvions en venir aux faits, géant Surt… reprit Thor.
-VOUS AUTRES DIEUX ÊTES SI PRESSÉS, ÇA EN DEVIENT DÉRANGEANT, grommela le géant en s’asseyant sur un rocher voisin. JE VOUS SERAIS GRÉS DE ME LAISSER M’ENTRETENIR AVEC LA MAGNIFIQUE SÉPHIRA. JE N’AI QUE PEU DE VISITES, SAVEZ-VOUS ? MAIS BIEN SÛR, QUE VOUS LE SAVEZ… »
Le géant affichait un visage rayonnant, et pas seulement à cause du feu de sa lame qu’il agitait avec délectation, mais grâce à un faciès radieux qu’il arborait dès que ses yeux rouges vifs effleuraient Séphira. Il semblait prendre un plaisir tout à fait sadique à se jouer des Dieux, et ceux-ci commençaient à perdre patience.
« Géant Surt, tonna Thor, nous sommes effectivement pressé par le temps, et cette affaire en prendra encore beaucoup avant d’être élucidée, alors si nous pouvions abréger les conversations afin que nous puissions obtenir les informations que nous désirons, Odin lui-même vous en sera reconnaissant.
-ODIN LUI-MÊME ? déclama le géant, en faignant la surprise. ET QUE VA-T-IL M’APPORTER, À PART DES ENNUIS ? VA-T-IL ME LÉGUER UNE PARTIE DE SON ARMÉE POUR ME DIVERTIR ? CELA M’ÉTONNERAIT FORTEMENT. ALORS QU’AURAIS-JE EN CONTREPARTIE DE MON AIDE ? »
Les Dieux restèrent muet, et le géant partit d’un rire qui ressemblait à une avalanche de pierre, un rire qui résonnait dans ce monde comme une sinistre mélopée mortelle.
« Vous désirez de la compagnie, c’est bien cela ? » s’avança Loki. Le géant cessa de rire et examina l’intervenant avec un œil critique.
« LOKI, FILS DE FARBAUTI, UN GÉANT TOUT COMME MOI, QUE ME PROPOSES-TU EN ÉCHANGE DE CE QUE JE SAIS, SI JE SAIS QUELQUE CHOSE ?
-Vous aurez la jeune personne sur laquelle vous avez manifestement jeté votre dévolu. »
Séphira sentit un frisson glacé la parcourir, malgré la chaleur de l’endroit où elle se trouvait. Elle jeta un regard noir vers Loki, mais celui-ci l’ignora. Elle s’avança et s’adressa directement au géant. Ses jambes tremblaient, mais elle réussit à contenir l’émotion dans sa voix, sans néanmoins savoir comment.
« Vous me voyez ravie d’être l’objet de tant d’honneurs de votre part, dit-elle en tentant de se mettre au niveau de l’éloquence raffinée des Dieux, mais devenir ainsi votre compagne m’est impossible, car je suis déjà promise à quelqu’un. »
Elle attrapa le bras de Soulblighter et se tint tout contre lui. Soulblighter évita de faire basculer son eau, qui tiédissait rapidement, et leva finalement les yeux sur le géant. Surt prit ceci pour un défi, alors que Soulblighter faisait simplement craquer sa nuque.
« VOUS M’EN VOYEZ FORT CONTRIT, Ô FEMME À LA DOUCE VOIX. MAIS JE RESPECTE VOTRE ENGAGEMENT, ET LE COMBAT DEVIENT LA SEULE ISSUE À NOTRE DIFFÉRENT. »
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Localisation : Dans les limbes torturées d'un esprit dérangé.
Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
Thourn passa difficilement par dessus le muret, une fois la nuit tombée. Ce n’était pas dans ses habitudes de faire le mur, surtout celui d’un cimetière, mais il voulait vraiment en avoir le cœur net. Si ces jeunes gens s’étaient réunis pour un enterrement, alors la personne décédée devait être dans le coin, et cet endroit était le cimetière le plus proche.
Il sauta à terre en soufflant. C’est plus de mon âge, toutes ces conneries. Le lieu était sinistre, et la lueur fantomatique de la lune donnait à la scène un aspect irréel, digne des plus grands films d’horreur. Serge s’attendait presque à voir des mains sortir des tombes, déplaçant les couvercles des cercueils et creusant le sol en s’arrachant les ongles pour revenir à la surface, attirés par l’odeur de vivant.
Thourn se secoua mentalement la tête. Il n’avait pas à songer à ce genre de chose, surtout ici et à cette heure avancée de la nuit. Il s’avança jusqu’à la maisonnette qui servait de logis au gardien du cimetière sans faire de bruit. Il se colla au mur, près de la fenêtre entrouverte, et tendit l’oreille. La télévision marchait, donnant les informations de la nuit.
« …édition de minuit. Au sommaire de ce journal, une mort mystérieuse en Australie, qui en a provoquée d’autres sur une autoroute de la capitale. La jeune femme, au volant de son 4X4, aurait manifestement perdu le contrôle de son tout-terrain et aurait provoqué un terrible accident impliquant plus d’une trentaine de véhicules, donc un bus scolaire.
-Merde, commenta le gardien, avant de bailler.
-Les circonstances de la mort de la jeune femme de trente-six ans seraient encore floues, et l’autopsie semble indiquer que le cœur se serait arrêté peu avant l’accident. D’autres détails lors de l’enquête menée actuellement qui…
-Déjà minuit, songea le commissaire, contrarié. Je suis resté plus longtemps que je ne l’aurais pensé, chez ces poivrots. »
Il s’éloigna de l’habitation succincte, et sortit sa lampe torche alors qu’il marchait dans les allées de graviers. Ses pas étaient bruyants, mais le poste de télévision était encore audible de là où il se trouvait, et Serge doutait que le gardien puisse entendre par-dessus la voix monocorde du présentateur. Il évita simplement de braquer le faisceau de la lampe dans la direction de la fenêtre, seule autre lumière dans le cimetière.
Sans se presser, il passa en revue les pierres tombales une à une, sans se décourager non plus. Le temps jouait en sa faveur : Personne ne viendrait le déranger. De temps à autre, il jetait un coup d’œil en direction de la cabane du gardien, pour vérifier s’il était assez discret. Ce qui était le cas. Il se voyait mal fuir en courant à son âge, bien qu’il soupçonnait que celui du gardien devait être plus élevé que le sien.
Les noms se succédaient, mais aucune date ne correspondait à une mort de quelques mois. Les tombes se suivaient et ne se ressemblaient pas, certaines étant richement décorées, fleuries et propres, et d’autres laissées à l’abandon par une famille irrespectueuse. Thourn s’attarda un moment sur une simple croix faite de bois, qui ne portait aucune inscription. Il se baissa et redressa la simple rose qui décorait la tombe, posée à même le sol. Une vieille carte y était posée, devenue illisible sous les multiples intempéries. Il soupira, puis poursuivit.
Au bout d’une heure et demie de recherche, il avait finalement trouvé plusieurs tombes qui pouvaient correspondre. Les noms, les dates de naissance et de décès étaient notés sur son carnet afin d’effectuer les recherches, et Thourn commençait à se sentir harassé. Harassé et abattu par l’ampleur de la recherche qu’il avait à accomplir. Mais s’il voulait retrouver Mr.Magnum, alias tant de pseudos, il devait poursuivre.
Il atteignit le bout de l’allée, là où se trouvaient l’herbe encore vierge de toute fosse destinée à loger un nouveau trépassé. Il retira son carnet de sa poche et l’examina. Quatre noms, deux filles et deux garçons. Il fit demi tour, toujours en surveillant la fenêtre encore allumée du gardien, et rebroussa chemin en examinant l’ultime rangée de tombes au pied du mur d’enceinte. L’une d’elle attira finalement son attention.
Elle était récente, et donc relativement propre. De nombreux bouquets de fleurs encore fraîches ornaient le tombeau, et Thourn se pencha pour se saisir d’une des cartes les accompagnant.
« A ma très chère Séphy-Roshou, nous te retrouverons. »
Serge eut un hoquet de rire nerveux. Nous te retrouverons. Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Et c’est quoi, ce nom : Séphy-Roshou ? Il regarda le bouquet de roses rouges, et le retourna. Les fleurs venaient de Brest, ou de la banlieue proche. Département 29, Finistère, se souvint Thourn. Le code postal correspondait. Il fourra rapidement la carte dans sa poche, et nota tout ce qui était intéressant sur son carnet. Son cœur battait la chamade.
Au fond de lui, il savait que cette tombe était importante, et ce qui suit le confirma.
« Abandonnez. »
Les mots tombèrent comme une chape de béton, et glacèrent Thourn, comme un enfant prit les mains dans un pot de confiture. Une sensation de métal gelé lui coulant le long du dos s’empara de lui, et Thourn n’osait maintenant plus remuer d’un pouce, la main dans la poche, serrant la carte manuscrite, et l’autre tenant le carnet.
Puis ses réflexes de commissaire reprirent le dessus. Il se calma rapidement, et examina la situation non pas avec l’œil apeuré du fautif, mais avec l’œil de l’enquêteur. Sans faire de bruit, il examina les alentours, mais comme il s’y était attendu, ne vit rien. Le propriétaire de la voix était invisible.
Il se repassa l’unique mot proféré par l’inconnu. Abandonnez. La voix était jeune, grave mais elle était sans commune mesure avec celle qui lui avait parlé en rêve. Inconsciemment, il dissocia les deux personnages : La Voix de son rêve était suave mais possédait des tonalités horripilantes, qui pouvaient rapidement rendre fou à forte doses. Cette voix était normale, humaine, qui parlait lentement mais fermement.
« Abandonnez cette enquête, commissaire, reprit la voix. Elle ne vous mènera qu’à des ennuis supplémentaires.
-Ce sont des menaces ? » dit Thourn calmement. Son interlocuteur sembla réfléchir, puis répondit sur le même ton :
« Pas encore, mais nous ne vous préviendrons pas lorsqu’elles seront mises en exécution. Rentrez dans votre département, et laissez les morts à leurs places.
-C’est digne d’une mauvaise série B, votre réplique, se moqua Thourn.
-Ne prenez pas mes paroles à la légère, ou vous risquez de vous en mordre les doigts, commissaire. N’oubliez pas ce que je viens de vous dire. »
Thourn s’élança sur l’arbre d’où provenait la voix. Il lui fallu moins d’une seconde pour dégainer, et une autre pour mettre en joue le tronc de l’autre coté. Personne. Il souffla et rangea son arme, jetant un nouveau regard vers la cabane du gardien. Celui-ci fermait les volets, et ce n’était donc pas lui qui s’était tenu là un instant auparavant. Serge Thourn se pencha et regarda l’herbe foulée au pied de l’arbre.
Il y avait bien eu quelqu’un.
Lorsqu’il sauta le mur pour ressortir du cimetière, s’était assuré avant que personne ne pouvait le voir, il songea de nouveau à la voix qui l’avait prévenue. Menacée même. Juste lorsqu’il s’intéressait à cette tombe. Son agresseur n’avait fait qu’éveiller ses soupçons. Il regarda son carnet, et fila vers son hôtel.
Il avait maintenant plusieurs pistes. Séphy-Roshou, la Bretagne, Mr.Magnum, la jeune femme brune à la natte, et je crois que je peux foutre en l’air les autres noms notés sur mon carnet. Celui-ci suffira amplement. Demain, après une bonne nuit, j’irais à la piscine, en espérant que ce saoulard ne racontais pas de conneries.
*
* *
Les Dieux débarquèrent sur un sol de pierres dures, seul îlot sur la mer de lave bouillonnante. Mais c’était un vaste îlot, car le géant Surt, qui avait poussé sans peine le navire jusqu’ici, pouvait facilement s’ébattre sur cette plaine de roches refroidies si l’envie lui prenait. Le navire reposait sur le flanc, posé là par le géant comme un enfant pose un jouet, et les Ases, les deux Trauméniens ainsi que l’équipage se retrouvaient à terre.
Si les Dieux ne manifestaient aucune incommodité à passer de l’élément liquide à solide, les Trauméniens et les membres d’équipage, eux, avaient fort à faire avec leur estomac qui se rebiffait vaillamment. Surt grimpa sur l’île à son tour, faisant trembler le sol fragile, et se tint face au groupe.
Loki regarda le géant, ainsi que son épée enflammée, et eut un sourire mauvais. Un sourire diabolique, si tant est que le terme puisse être adapté à la religion scandinave. Il tournait et retournait la situation présente dans sa tête, et il y trouvait toujours son compte. Bien sûr, si jamais le petit humain arrive à vaincre le géant, alors mon plan tombera à l’eau. Mais ça ne risque pas d’arriver. Si l’humain se fait battre, alors tout sera gagné : La fille restera avec le Géant amoureux, et lui sera coincé ici, comme esclave à tout les coups. J’arriverai à convaincre Surt de le garder.
« BIEN, CE TERRAIN SERA NOTRE ARÈNE DE COMBAT. TOUS LES COUPS SONT PERMIS, MÊME SI JE SUIS PRESQUE ASSURÉ QUE MON PREMIER COUP SERA ÉGALEMENT LE DERNIER. PERSONNE N’A LE DROIT D’INTERVENIR, QUE CE SOIT EN MA FAVEUR OU EN SA FAVEUR, EST-CE BIEN CLAIR ? »
Les Ases acceptèrent, presque à contre cœur. Thor espérait que le principe du Valhalla, qui consistait à la guérison en une journée de toute blessure aussi grave soit-elle, fonctionnait également dans les autres mondes de l’Yggdrasil, mais le Dieu n’en était pas sûr. Heimdall, lui, gardait sa hache en main, près à braver l’interdiction du géant pour sauver Soulblighter.
« Tu n’iras pas, Heimdall, même si le géant l’abat, tu n’iras pas.
-Mais Thor, ce vol est peut-être important, mais n’oublie pas que je suis le protecteur des humains, et même morts, ils restent sous mon joug.
-Mais s’ils doivent mourir de la main de ce géant, ou simplement rester ici enchaînés à lui à jamais, ce n’est pas à nous de le décider. » Thor se tu, puis ajouta finalement : « Même si je préfèrerais qu’ils puissent poursuivre avec nous. J’ai l’intuition que ces deux là sont forts différents des autres humains du Valhalla. »
Le géant se posta face à Soulblighter, le dominant comme un immeuble de trente étages domine une maisonnette de plein pied, et fit virevolter son épée. Les coups passaient à quelques mètres de Soulblighter qui ne remuait pas d’un cil. La chaleur dégagée par les coups était suffocante pour Séphira Strife, qui était restée près du navire avec les Dieux, bien loin du combat. Elle n’osait imaginer ce que ressentait Soulblighter.
« EH BIEN, EH BIEN, TU AS DU CRAN, JE PEUX AU MOINS T’ACCORDER CECI, PETIT HUMAIN. MAIS TU RIRAS MOINS LORSQUE J’ABATTRAIS MON POING SUR TA MISÉRABLE CARCASSE. »
Pour seule réponse, Soulblighter leva les poings, et s’autorisa un sourire. Surt découvrit également ses dents toujours aussi blanches, et planta son épée dans le sol, les yeux écarlates rivés sur son adversaire. Puis il se frotta les mains, envoyant des morceaux de roche en fusion tout autour de lui.
« JE VAIS TE FAIRE UNE FAVEUR : JE N’UTILISERAI PAS MON ÉPÉE DURANT CE COMBAT. TU POURRAS DIRE QUE TU AS ÉTÉ VAINCU DE MES PROPRES MAINS.
-Ferme-la un peu, et vient te battre. »
Il est complètement fou, songea Séphira Strife. Les Dieux à ses cotés semblaient penser la même chose qu’elle, car leurs yeux exorbités trahissaient leur étonnement. C’était la première fois qu’un humain osait sans peur braver un des antiques géants.
Il sauta à terre en soufflant. C’est plus de mon âge, toutes ces conneries. Le lieu était sinistre, et la lueur fantomatique de la lune donnait à la scène un aspect irréel, digne des plus grands films d’horreur. Serge s’attendait presque à voir des mains sortir des tombes, déplaçant les couvercles des cercueils et creusant le sol en s’arrachant les ongles pour revenir à la surface, attirés par l’odeur de vivant.
Thourn se secoua mentalement la tête. Il n’avait pas à songer à ce genre de chose, surtout ici et à cette heure avancée de la nuit. Il s’avança jusqu’à la maisonnette qui servait de logis au gardien du cimetière sans faire de bruit. Il se colla au mur, près de la fenêtre entrouverte, et tendit l’oreille. La télévision marchait, donnant les informations de la nuit.
« …édition de minuit. Au sommaire de ce journal, une mort mystérieuse en Australie, qui en a provoquée d’autres sur une autoroute de la capitale. La jeune femme, au volant de son 4X4, aurait manifestement perdu le contrôle de son tout-terrain et aurait provoqué un terrible accident impliquant plus d’une trentaine de véhicules, donc un bus scolaire.
-Merde, commenta le gardien, avant de bailler.
-Les circonstances de la mort de la jeune femme de trente-six ans seraient encore floues, et l’autopsie semble indiquer que le cœur se serait arrêté peu avant l’accident. D’autres détails lors de l’enquête menée actuellement qui…
-Déjà minuit, songea le commissaire, contrarié. Je suis resté plus longtemps que je ne l’aurais pensé, chez ces poivrots. »
Il s’éloigna de l’habitation succincte, et sortit sa lampe torche alors qu’il marchait dans les allées de graviers. Ses pas étaient bruyants, mais le poste de télévision était encore audible de là où il se trouvait, et Serge doutait que le gardien puisse entendre par-dessus la voix monocorde du présentateur. Il évita simplement de braquer le faisceau de la lampe dans la direction de la fenêtre, seule autre lumière dans le cimetière.
Sans se presser, il passa en revue les pierres tombales une à une, sans se décourager non plus. Le temps jouait en sa faveur : Personne ne viendrait le déranger. De temps à autre, il jetait un coup d’œil en direction de la cabane du gardien, pour vérifier s’il était assez discret. Ce qui était le cas. Il se voyait mal fuir en courant à son âge, bien qu’il soupçonnait que celui du gardien devait être plus élevé que le sien.
Les noms se succédaient, mais aucune date ne correspondait à une mort de quelques mois. Les tombes se suivaient et ne se ressemblaient pas, certaines étant richement décorées, fleuries et propres, et d’autres laissées à l’abandon par une famille irrespectueuse. Thourn s’attarda un moment sur une simple croix faite de bois, qui ne portait aucune inscription. Il se baissa et redressa la simple rose qui décorait la tombe, posée à même le sol. Une vieille carte y était posée, devenue illisible sous les multiples intempéries. Il soupira, puis poursuivit.
Au bout d’une heure et demie de recherche, il avait finalement trouvé plusieurs tombes qui pouvaient correspondre. Les noms, les dates de naissance et de décès étaient notés sur son carnet afin d’effectuer les recherches, et Thourn commençait à se sentir harassé. Harassé et abattu par l’ampleur de la recherche qu’il avait à accomplir. Mais s’il voulait retrouver Mr.Magnum, alias tant de pseudos, il devait poursuivre.
Il atteignit le bout de l’allée, là où se trouvaient l’herbe encore vierge de toute fosse destinée à loger un nouveau trépassé. Il retira son carnet de sa poche et l’examina. Quatre noms, deux filles et deux garçons. Il fit demi tour, toujours en surveillant la fenêtre encore allumée du gardien, et rebroussa chemin en examinant l’ultime rangée de tombes au pied du mur d’enceinte. L’une d’elle attira finalement son attention.
Elle était récente, et donc relativement propre. De nombreux bouquets de fleurs encore fraîches ornaient le tombeau, et Thourn se pencha pour se saisir d’une des cartes les accompagnant.
« A ma très chère Séphy-Roshou, nous te retrouverons. »
Serge eut un hoquet de rire nerveux. Nous te retrouverons. Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Et c’est quoi, ce nom : Séphy-Roshou ? Il regarda le bouquet de roses rouges, et le retourna. Les fleurs venaient de Brest, ou de la banlieue proche. Département 29, Finistère, se souvint Thourn. Le code postal correspondait. Il fourra rapidement la carte dans sa poche, et nota tout ce qui était intéressant sur son carnet. Son cœur battait la chamade.
Au fond de lui, il savait que cette tombe était importante, et ce qui suit le confirma.
« Abandonnez. »
Les mots tombèrent comme une chape de béton, et glacèrent Thourn, comme un enfant prit les mains dans un pot de confiture. Une sensation de métal gelé lui coulant le long du dos s’empara de lui, et Thourn n’osait maintenant plus remuer d’un pouce, la main dans la poche, serrant la carte manuscrite, et l’autre tenant le carnet.
Puis ses réflexes de commissaire reprirent le dessus. Il se calma rapidement, et examina la situation non pas avec l’œil apeuré du fautif, mais avec l’œil de l’enquêteur. Sans faire de bruit, il examina les alentours, mais comme il s’y était attendu, ne vit rien. Le propriétaire de la voix était invisible.
Il se repassa l’unique mot proféré par l’inconnu. Abandonnez. La voix était jeune, grave mais elle était sans commune mesure avec celle qui lui avait parlé en rêve. Inconsciemment, il dissocia les deux personnages : La Voix de son rêve était suave mais possédait des tonalités horripilantes, qui pouvaient rapidement rendre fou à forte doses. Cette voix était normale, humaine, qui parlait lentement mais fermement.
« Abandonnez cette enquête, commissaire, reprit la voix. Elle ne vous mènera qu’à des ennuis supplémentaires.
-Ce sont des menaces ? » dit Thourn calmement. Son interlocuteur sembla réfléchir, puis répondit sur le même ton :
« Pas encore, mais nous ne vous préviendrons pas lorsqu’elles seront mises en exécution. Rentrez dans votre département, et laissez les morts à leurs places.
-C’est digne d’une mauvaise série B, votre réplique, se moqua Thourn.
-Ne prenez pas mes paroles à la légère, ou vous risquez de vous en mordre les doigts, commissaire. N’oubliez pas ce que je viens de vous dire. »
Thourn s’élança sur l’arbre d’où provenait la voix. Il lui fallu moins d’une seconde pour dégainer, et une autre pour mettre en joue le tronc de l’autre coté. Personne. Il souffla et rangea son arme, jetant un nouveau regard vers la cabane du gardien. Celui-ci fermait les volets, et ce n’était donc pas lui qui s’était tenu là un instant auparavant. Serge Thourn se pencha et regarda l’herbe foulée au pied de l’arbre.
Il y avait bien eu quelqu’un.
Lorsqu’il sauta le mur pour ressortir du cimetière, s’était assuré avant que personne ne pouvait le voir, il songea de nouveau à la voix qui l’avait prévenue. Menacée même. Juste lorsqu’il s’intéressait à cette tombe. Son agresseur n’avait fait qu’éveiller ses soupçons. Il regarda son carnet, et fila vers son hôtel.
Il avait maintenant plusieurs pistes. Séphy-Roshou, la Bretagne, Mr.Magnum, la jeune femme brune à la natte, et je crois que je peux foutre en l’air les autres noms notés sur mon carnet. Celui-ci suffira amplement. Demain, après une bonne nuit, j’irais à la piscine, en espérant que ce saoulard ne racontais pas de conneries.
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Les Dieux débarquèrent sur un sol de pierres dures, seul îlot sur la mer de lave bouillonnante. Mais c’était un vaste îlot, car le géant Surt, qui avait poussé sans peine le navire jusqu’ici, pouvait facilement s’ébattre sur cette plaine de roches refroidies si l’envie lui prenait. Le navire reposait sur le flanc, posé là par le géant comme un enfant pose un jouet, et les Ases, les deux Trauméniens ainsi que l’équipage se retrouvaient à terre.
Si les Dieux ne manifestaient aucune incommodité à passer de l’élément liquide à solide, les Trauméniens et les membres d’équipage, eux, avaient fort à faire avec leur estomac qui se rebiffait vaillamment. Surt grimpa sur l’île à son tour, faisant trembler le sol fragile, et se tint face au groupe.
Loki regarda le géant, ainsi que son épée enflammée, et eut un sourire mauvais. Un sourire diabolique, si tant est que le terme puisse être adapté à la religion scandinave. Il tournait et retournait la situation présente dans sa tête, et il y trouvait toujours son compte. Bien sûr, si jamais le petit humain arrive à vaincre le géant, alors mon plan tombera à l’eau. Mais ça ne risque pas d’arriver. Si l’humain se fait battre, alors tout sera gagné : La fille restera avec le Géant amoureux, et lui sera coincé ici, comme esclave à tout les coups. J’arriverai à convaincre Surt de le garder.
« BIEN, CE TERRAIN SERA NOTRE ARÈNE DE COMBAT. TOUS LES COUPS SONT PERMIS, MÊME SI JE SUIS PRESQUE ASSURÉ QUE MON PREMIER COUP SERA ÉGALEMENT LE DERNIER. PERSONNE N’A LE DROIT D’INTERVENIR, QUE CE SOIT EN MA FAVEUR OU EN SA FAVEUR, EST-CE BIEN CLAIR ? »
Les Ases acceptèrent, presque à contre cœur. Thor espérait que le principe du Valhalla, qui consistait à la guérison en une journée de toute blessure aussi grave soit-elle, fonctionnait également dans les autres mondes de l’Yggdrasil, mais le Dieu n’en était pas sûr. Heimdall, lui, gardait sa hache en main, près à braver l’interdiction du géant pour sauver Soulblighter.
« Tu n’iras pas, Heimdall, même si le géant l’abat, tu n’iras pas.
-Mais Thor, ce vol est peut-être important, mais n’oublie pas que je suis le protecteur des humains, et même morts, ils restent sous mon joug.
-Mais s’ils doivent mourir de la main de ce géant, ou simplement rester ici enchaînés à lui à jamais, ce n’est pas à nous de le décider. » Thor se tu, puis ajouta finalement : « Même si je préfèrerais qu’ils puissent poursuivre avec nous. J’ai l’intuition que ces deux là sont forts différents des autres humains du Valhalla. »
Le géant se posta face à Soulblighter, le dominant comme un immeuble de trente étages domine une maisonnette de plein pied, et fit virevolter son épée. Les coups passaient à quelques mètres de Soulblighter qui ne remuait pas d’un cil. La chaleur dégagée par les coups était suffocante pour Séphira Strife, qui était restée près du navire avec les Dieux, bien loin du combat. Elle n’osait imaginer ce que ressentait Soulblighter.
« EH BIEN, EH BIEN, TU AS DU CRAN, JE PEUX AU MOINS T’ACCORDER CECI, PETIT HUMAIN. MAIS TU RIRAS MOINS LORSQUE J’ABATTRAIS MON POING SUR TA MISÉRABLE CARCASSE. »
Pour seule réponse, Soulblighter leva les poings, et s’autorisa un sourire. Surt découvrit également ses dents toujours aussi blanches, et planta son épée dans le sol, les yeux écarlates rivés sur son adversaire. Puis il se frotta les mains, envoyant des morceaux de roche en fusion tout autour de lui.
« JE VAIS TE FAIRE UNE FAVEUR : JE N’UTILISERAI PAS MON ÉPÉE DURANT CE COMBAT. TU POURRAS DIRE QUE TU AS ÉTÉ VAINCU DE MES PROPRES MAINS.
-Ferme-la un peu, et vient te battre. »
Il est complètement fou, songea Séphira Strife. Les Dieux à ses cotés semblaient penser la même chose qu’elle, car leurs yeux exorbités trahissaient leur étonnement. C’était la première fois qu’un humain osait sans peur braver un des antiques géants.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
« PETIT PRÉSOMPTUEUX. »
Le géant lança sa main à une vitesse surprenante sur Soulblighter, qui ne vit rien venir. L’immense masse brûlante de plusieurs centaines de tonnes s’écrasa violement sur lui, enfonçant le sol sur un bon mètre. Séphira étouffa un cri, et Thor du retenir Heimdall qui voulait s’élancer. Surt souriait toujours.
Il se mit à rire, un rire grave et horriblement fort, qui fit trembler l’épave de navire du pont à la cale, ainsi que les spectateur du combat qui avait tourné court. Un groupe d’oiseaux de pierre, au loin, préféra s’éloigner de ce rire et décolla.
« CE FUT BREF, MAIS INTENSE, brailla le géant Surt, manifestement au comble de la joie. LORSQU’IL REVIENDRA À LA VIE, JE LE GARDERAI EN TANT QU’ESCLAVE. S’IL EST ENCORE EN ÉTAT ! »
Loki exultait intérieurement, et regarda Séphira. Celle-ci réfléchissait à un moyen de s’en tirer. Elle pouvait prendre la pilule immédiatement, mais elle n’avait encore rien apprit d’intéressant, et elle ne voulait pas laisser Soulblighter dans un tel pétrin. Le géant, la main toujours plaqué sur le sol, eut un sursaut.
« QUE… »
La main se souleva en tremblant, et Soulblighter apparu, égratigné et salit de toute part, mais bel et bien vivant. Et souriant. Un rictus lui couvrait le visage, balayant toute trace de fragilité et de gentillesse. Ses yeux étaient deux boules de fureur axées sur le géant. Il banda ses muscles et repoussa la main sur le coté. Surt, déséquilibré, fit un pas de coté – qui réduisit un pan de la roche de l’îlot à néant – et finit par se redresser.
« Mais encore ? railla Soulblighter. Si c’est tout ce dont tu es capable, alors… »
Le géant couvrit la fin de la phrase de Soulblighter en hurlant. Il s’élança sur lui et lui décocha un immense coup de pied qui le fit voler au dessus du groupe de Dieux. Thor vit fugacement un détail qui lui glaça le sang : Soulblighter souriait encore plus.
Le corps de pantin désarticulé vola en direction d’un gigantesque lac de lave, prenant peu à peu de la hauteur, mais sans pour autant oublier de redescendre une fois l’apogée de son arc de cercle atteint. Soulblighter attrapa un des rapaces de pierre qui avait eu le malheur de voler dans les environs, qui s’accrocha à ses serres. Le volatile fit un looping agité avant d’accélérer pour déloger son hôte.
Il fonçait droit sur le géant, mais ne s’en rendait pas compte, trop occupé à essayer de donner des coups de bec aux phalanges maintenant ensanglantés de Soulblighter. Surt le vit arriver, et rejoignit ses deux mains sur le rapace en colère, le réduisant à un tas de pierre en une fraction de seconde. L’immense applaudissement résonna dans tout le Muspellheim, et des montagnes s’effondrèrent et des îles s’engloutirent par la force de l’impact.
« Il est là ! jubila Heimdall en prenant le bras de Thor comme une fillette surexcité devant un boy’s band. Il est vivant !! »
En effet, Soulblighter était vivant, au moins dans ce monde-ci. Il courait sur le bras du géant, un rictus de dément vissé aux lèvres. Ses yeux pétillaient et roulaient en tout sens, tandis qu’il atteignait l’épaule du géant. Ce dernier chercha à le déloger en se jetant sur le dos, mais Soulblighter s’accrocha à la clavicule. Il riait à gorge déployée maintenant.
Un rire de fou, un rire d’aliéné, un rire de défoncé qui est partit dans son monde de rêves, un rire effroyable à entendre. Le géant, lui, ne souriait plus, et s’envoyait des claques. De loin, la vision était celle d’un homme tentant d’écraser une fourmi, sans y arriver. Et l’image convenait parfaitement.
Soulblighter arriva sur la joue de Surt et hurla en plongeant ses mains dans l’épaisse peau. La croûte de lave séchée craqua et il pu enfoncer ses doigts dans l’épiderme même du géant. Il serra un câble invisible, peut-être un muscle ou une veine géante, et tira de toutes ses forces. Ses muscles se bandèrent, ses tatouages ondulèrent sur ses biceps mit à l’épreuve, et il arracha une partie de la joue.
Une infime partie physique du géant, mais une colossale partie de son amour propre.
« ESPÈCE DE SALE PETITE VERMINE !!! » s’énerva Surt en envoyant son poing sur son œil. Il ne réussit qu’à se rendre borgne en s’aplatissant la paupière de manière violente, et la tête lui tourna.
Depuis le navire, Séphira n’en croyait pas ses yeux. Elle assistait à un combat assez dantesque, et c’était son compagnon de voyage qui pour le moment menait le jeu. Elle songea à David contre Goliath, et reprit espoir. Elle n’était pas du genre à clamer haut et fort sa joie, ou à scander des encouragements sous forme de slogan, donc elle se contenta de croiser les doigts. Heimdall, lui, hurlait.
« Vas-y petit !! Tu vas l’avoir !! Continue comme ça !!
-Tu ne peux pas te calmer un peu, le vieux ? » grogna Loki, qui songeait déjà à un autre plan, dans la mesure ou celui-ci se consumait peu à peu, sans mauvais jeu de mot. Thor, lui, restait impassible. Mais un examinateur attentif pouvait remarquer un reliquat de sourire sur son visage du coup moins austère.
« Alors, mon gros tas de lave, tu n’arrives pas à m’attraper ? » Soulblighter se tenait sur le sourcil de l’oeil encore valide du géant, et Surt le regardait avec une haine féroce. « Je te remercie pour les deux baffes que tu m’as mises, en tout cas. Tu ne savais sans doute pas que j’avais une capacité d’assimilation de la douleur hors normes ? Et que chacun des coups que je reçois ne fait que me rendre plus vif, plus fort, plus… »
Il sortit son verre d’eau toujours à moitié plein, et le tint en l’air.
« …dingue ? »
Soulblighter jeta l’eau tiède dans l’œil du géant, qui hurla de douleur. Il porta ses deux immenses mains à son visage, et son petit adversaire en profita pour descendre du géant comme sur le plus gros toboggan du monde. Des mondes. Une fois à terre, il regarda le géant s’effondrer en braillant. La souffrance lui avait fait oublier le combat, mais la chaleur environnante aurait tôt fait de guérir la plaie froide.
Soulblighter avisa l’épée du géant, planté près de sa tête qui fumait, et trouva rapidement la solution. Le géant avait chuté selon les estimations de Soulblighter, et ce dernier acheva son plan en courant de toutes ses forces vers l’épée de feu, avant de sauter sur le pommeau. La vitesse renversa l’épée qui se retrouva bloquée à quelques mètres de la gorge du géant à présent vaincu.
« Surt ! beugla Soulblighter, avec son visage de forcené braqué sur lui. Il suffirait que je saute une fois, une seule et unique fois sur ce manche, pour te trancher la tête. Est-ce que tu admets ta défaite, ou veux-tu crever de ma main et de ta propre lame ? »
Surt ouvrit son unique œil rouge, encore embué par l’eau qui s’évaporait, et regarda Soulblighter. Un instant, celui-ci songea qu’il n’allait pas se rendre, mais le géant savait accepter sa défaite, et leva les mains en signe de reddition.
*
* *
Le jeune homme ouvrit la porte précipitamment et la referma sans faire de bruit derrière lui. Il avait le souffle court après le trajet qu’il venait de faire en courant. Il souffla un instant devant la porte d’entrée, et retira finalement son manteau qu’il jeta sur son lit. Il s’essuya le front sur sa manche, et s’éventa les joues écarlates en se dirigeant vers le petit frigo qui jouxtait la fenêtre. Il se félicita d’avoir prit une chambre d’hôtel avec minibar.
Il ouvrit le frigo et en sortit une canette d’Orangina, qu’il vida d’un trait, avant de la jeter dans la poubelle. Celle-ci retomba bruyamment, et il rentra sa tête dans ses épaules. Le bruit lui vrilla les tympans, dans le silence de la chambre. Il s’assit sur son lit, et reprit lentement son souffle.
« Ce mec commence à me courir, à farfouiller partout, dit-il à voix haute en se penchant pour sortir une seconde canette. S’il continue, je vais devoir sévir. Surtout s’il s’approche de Nina. En plus, il m’a fait courir, je ne pensais pas qu’il était encore capable de remuer aussi vite ! »
Il s’essuya une nouvelle fois le front, et but deux gorgées de sa boisson, tout en pensant que sa filature allait tout de même devoir continuer le lendemain. Il avait le pressentiment que cet homme, ce commissaire, ne lâchait pas prise aussi facilement.
Et Aran Valentine suivait toujours ses pressentiments.
*
* *
Thor s’avança vers le géant, qui se frottait l’œil endolori avec de la lave. La solution qu’il s’appliquait devait le soulager, car l’état semi comateux dans lequel il se trouvait le rendait plus enclin à parler. Et à révéler ce qu’il savait.
« Alors, géant Surt, gardien du Muspellheim, nies-tu sa victoire ?
-CET HUMAIN, QUI QU’IL SOIT, A BIEN COMBATTU. J’AI ÉTÉ TROP SÛR DE MOI. JE NE REFERAIS PAS LA MÊME ERREUR SI UNE AUTRE OCCASION SE PROFILAIT. JE ME BATTRAIS DE TOUTES MES FORCES.
-Si tu as pu en tirer leçon, dit Thor en regardant Soulblighter, alors cette rencontre aura été profitable pour nos deux groupes. Raconte-nous maintenant ce que tu sais. »
Le géant prit une nouvelle boule de lave entre ses doigts et se l’étala sur l’œil, avant de commencer son récit. Heimdall, Séphira et Soulblighter s’approchèrent, tandis que Loki restait un peu en retrait. Attentif tout de même, mais en retrait.
« DEUX FEMMES SONT VENUES, commença Surt. ELLES ÉTAIENT HUMAINES, TOUTES LES DEUX, MAIS J’AI SENTI QUE LA PLUS JEUNE ÉTAIT DIFFÉRENTE. DIFFÉRENTE DE TOUS LES HUMAINS VENUS ICI, UN PEU COMME VOUS DEUX. »
Il désigna de son énorme doigt Soulblighter et Séphira Strife. Soulblighter s’était calmé et son sourire avait presque disparu de son visage. Il apparaissait encore légèrement lorsqu’il regardait le géant à terre. Séphira regarda son compagnon, se demandant s’il pensait à la même chose qu’elle. Soulblighter hocha la tête.
« ELLES ÉTAIENT MANIFESTEMENT D’HUMEUR JOYEUSE, EN VENANT DU SVARTALFHEIM. ELLE RIAIENT EN CHŒUR. JE NE LES AI PAS APPROCHÉES, JE ME SUIS CONTENTÉ DE LES OBSERVER DE LOIN.
-Comment étaient-elles ? s’avança Séphira Strife.
-LA VIEILLE ÉTAIT HABILLÉE ÉTRANGEMENT, DANS UNE ROBE NOIRE COMME CELLES DES MORTES CIVILES DE HEL. MAIS ELLE AVAIT UN TEMPÉRAMENT DE GUERRIÈRE, POURTANT. ET ELLE AVAIT UN SAC EN BANDOUILLÈRE ASSEZ LARGE ET PLEIN. PEUT-ÊTRE SAGISSAIT-IL DU LARCIN QU’ELLES AVAIENT COMMISES ?
-Elles n’étaient que deux ? demanda Thor.
-OUI. DEUX FEMMES. LA JEUNE, ELLE, AVAIT DES VÊTEMENTS ASSEZ… »
Il est difficile de voir un géant de lave, qui a une couleur de peau particulièrement hétéroclite allant du rouge foncé croûteux au cramoisi vif, il est donc difficile d’imaginer voir une peau ainsi faite rougir de honte. Et c’est pourtant que ce remarquèrent les Dieux et les Trauméniens réunis : Le géant rougit, avant de balbutier :
« …ASSEZ OSÉS. ILS NE CACHAIENT PAS GRAND-CHOSE DE SON ANATOMIE AVANTAGEUSE. JE PENSE QUE C’ÉTAIT ELLE QUI MENAIT LE GROUPE, QUI ENTRAÎNAIT LA VIEILLE.
-Ses cheveux, s’empressa de demander Séphira. Comment étaient ses cheveux ? De quelle couleur, vous vous en souvenez ?
-ARGENTÉS, AUCUN DOUTE LÀ-DESSUS. »
Cette fois-ci, ils en étaient sûrs. Séphy-Roshou était passée par ce monde, et accompagnée d’une veille femme. On pouvait facilement inférer le vol de l’arme chez les nains, la veille femme séduisant Hrumir et Séphy-Roshou dérobant le trésor après s’être fait enfermer dans le coffre. Il ne restait plus qu’à les retrouver.
« Par où sont-elles allées, ensuite ?
-ELLES SONT PARTIES VERS LES RAMURES DE L’YGGDRASIL, MAIS JE PENSE QU’ELLES ONT DUES PASSER PAR ALFHEIM AUPARAVANT. C’EST LE MOYEN LE PLUS COURT DE REJOINDRE LES BRANCHES EXTÉRIEURES, SELON MOI. MAIS JE NE SUIS SÛR DE RIEN.
-Alfheim, répéta Heimdall. Le monde des elfes blonds. Espérons qu’ils puissent nous renseigner. Ou au moins nous offrir l’hospitalité.
-Si nous ne trouvons rien sur place, nous irons à la cime demander à l’aigle et au faucon, annonça Thor. Ils devraient avoir vu ces deux intruses.
-Géant Surt, reprit Séphira Strife. Vous dîtes qu’elles sont passées par votre domaine, mais comment ont-elles fait ? Nous étions sur ce navire pour notre venue, et les habitants du Svartalfheim ne nous ont pas parlé d’un vol de bateau, en plus de celui de l’arme. »
Les Dieux se tournèrent vers le géant. Celui-ci regardait la petite Trauménienne avec encore un peu de convoitise dans le regard, mais il se retenait.
« VOUS ME DONNEREZ QUOI, EN ÉCHANGE ?
-Imagine plutôt ce que je te donnerai si tu ne réponds pas. » dit Soulblighter en faisant craquer ses jointures ostensiblement. Et en souriant. On ne pouvait décemment pas oublier un sourire aussi mauvais que le siens.
« JE PLAISANTAIS, HUMAIN VALEUREUX. MAIS JE NE VOIS PAS EN QUOI LEUR MOYEN DE TRANSPORT PEUT VOUS AIDER.
-Répondez tout de même…
-ILS ÉTAIENT À DOS DE CERFS. DEUX DES QUATRE CERFS DE l’YGGDRASIL, À LA DEMANDE DE NIDHÖGG, LE SERPENT MAUDIT, QUI VIT DANS LE NIFELHEIM. »
PS: Ce chapitre est en trois tronçons, il ne tenait pas en deux!! Mwaha!! J'écris trop!
Le géant lança sa main à une vitesse surprenante sur Soulblighter, qui ne vit rien venir. L’immense masse brûlante de plusieurs centaines de tonnes s’écrasa violement sur lui, enfonçant le sol sur un bon mètre. Séphira étouffa un cri, et Thor du retenir Heimdall qui voulait s’élancer. Surt souriait toujours.
Il se mit à rire, un rire grave et horriblement fort, qui fit trembler l’épave de navire du pont à la cale, ainsi que les spectateur du combat qui avait tourné court. Un groupe d’oiseaux de pierre, au loin, préféra s’éloigner de ce rire et décolla.
« CE FUT BREF, MAIS INTENSE, brailla le géant Surt, manifestement au comble de la joie. LORSQU’IL REVIENDRA À LA VIE, JE LE GARDERAI EN TANT QU’ESCLAVE. S’IL EST ENCORE EN ÉTAT ! »
Loki exultait intérieurement, et regarda Séphira. Celle-ci réfléchissait à un moyen de s’en tirer. Elle pouvait prendre la pilule immédiatement, mais elle n’avait encore rien apprit d’intéressant, et elle ne voulait pas laisser Soulblighter dans un tel pétrin. Le géant, la main toujours plaqué sur le sol, eut un sursaut.
« QUE… »
La main se souleva en tremblant, et Soulblighter apparu, égratigné et salit de toute part, mais bel et bien vivant. Et souriant. Un rictus lui couvrait le visage, balayant toute trace de fragilité et de gentillesse. Ses yeux étaient deux boules de fureur axées sur le géant. Il banda ses muscles et repoussa la main sur le coté. Surt, déséquilibré, fit un pas de coté – qui réduisit un pan de la roche de l’îlot à néant – et finit par se redresser.
« Mais encore ? railla Soulblighter. Si c’est tout ce dont tu es capable, alors… »
Le géant couvrit la fin de la phrase de Soulblighter en hurlant. Il s’élança sur lui et lui décocha un immense coup de pied qui le fit voler au dessus du groupe de Dieux. Thor vit fugacement un détail qui lui glaça le sang : Soulblighter souriait encore plus.
Le corps de pantin désarticulé vola en direction d’un gigantesque lac de lave, prenant peu à peu de la hauteur, mais sans pour autant oublier de redescendre une fois l’apogée de son arc de cercle atteint. Soulblighter attrapa un des rapaces de pierre qui avait eu le malheur de voler dans les environs, qui s’accrocha à ses serres. Le volatile fit un looping agité avant d’accélérer pour déloger son hôte.
Il fonçait droit sur le géant, mais ne s’en rendait pas compte, trop occupé à essayer de donner des coups de bec aux phalanges maintenant ensanglantés de Soulblighter. Surt le vit arriver, et rejoignit ses deux mains sur le rapace en colère, le réduisant à un tas de pierre en une fraction de seconde. L’immense applaudissement résonna dans tout le Muspellheim, et des montagnes s’effondrèrent et des îles s’engloutirent par la force de l’impact.
« Il est là ! jubila Heimdall en prenant le bras de Thor comme une fillette surexcité devant un boy’s band. Il est vivant !! »
En effet, Soulblighter était vivant, au moins dans ce monde-ci. Il courait sur le bras du géant, un rictus de dément vissé aux lèvres. Ses yeux pétillaient et roulaient en tout sens, tandis qu’il atteignait l’épaule du géant. Ce dernier chercha à le déloger en se jetant sur le dos, mais Soulblighter s’accrocha à la clavicule. Il riait à gorge déployée maintenant.
Un rire de fou, un rire d’aliéné, un rire de défoncé qui est partit dans son monde de rêves, un rire effroyable à entendre. Le géant, lui, ne souriait plus, et s’envoyait des claques. De loin, la vision était celle d’un homme tentant d’écraser une fourmi, sans y arriver. Et l’image convenait parfaitement.
Soulblighter arriva sur la joue de Surt et hurla en plongeant ses mains dans l’épaisse peau. La croûte de lave séchée craqua et il pu enfoncer ses doigts dans l’épiderme même du géant. Il serra un câble invisible, peut-être un muscle ou une veine géante, et tira de toutes ses forces. Ses muscles se bandèrent, ses tatouages ondulèrent sur ses biceps mit à l’épreuve, et il arracha une partie de la joue.
Une infime partie physique du géant, mais une colossale partie de son amour propre.
« ESPÈCE DE SALE PETITE VERMINE !!! » s’énerva Surt en envoyant son poing sur son œil. Il ne réussit qu’à se rendre borgne en s’aplatissant la paupière de manière violente, et la tête lui tourna.
Depuis le navire, Séphira n’en croyait pas ses yeux. Elle assistait à un combat assez dantesque, et c’était son compagnon de voyage qui pour le moment menait le jeu. Elle songea à David contre Goliath, et reprit espoir. Elle n’était pas du genre à clamer haut et fort sa joie, ou à scander des encouragements sous forme de slogan, donc elle se contenta de croiser les doigts. Heimdall, lui, hurlait.
« Vas-y petit !! Tu vas l’avoir !! Continue comme ça !!
-Tu ne peux pas te calmer un peu, le vieux ? » grogna Loki, qui songeait déjà à un autre plan, dans la mesure ou celui-ci se consumait peu à peu, sans mauvais jeu de mot. Thor, lui, restait impassible. Mais un examinateur attentif pouvait remarquer un reliquat de sourire sur son visage du coup moins austère.
« Alors, mon gros tas de lave, tu n’arrives pas à m’attraper ? » Soulblighter se tenait sur le sourcil de l’oeil encore valide du géant, et Surt le regardait avec une haine féroce. « Je te remercie pour les deux baffes que tu m’as mises, en tout cas. Tu ne savais sans doute pas que j’avais une capacité d’assimilation de la douleur hors normes ? Et que chacun des coups que je reçois ne fait que me rendre plus vif, plus fort, plus… »
Il sortit son verre d’eau toujours à moitié plein, et le tint en l’air.
« …dingue ? »
Soulblighter jeta l’eau tiède dans l’œil du géant, qui hurla de douleur. Il porta ses deux immenses mains à son visage, et son petit adversaire en profita pour descendre du géant comme sur le plus gros toboggan du monde. Des mondes. Une fois à terre, il regarda le géant s’effondrer en braillant. La souffrance lui avait fait oublier le combat, mais la chaleur environnante aurait tôt fait de guérir la plaie froide.
Soulblighter avisa l’épée du géant, planté près de sa tête qui fumait, et trouva rapidement la solution. Le géant avait chuté selon les estimations de Soulblighter, et ce dernier acheva son plan en courant de toutes ses forces vers l’épée de feu, avant de sauter sur le pommeau. La vitesse renversa l’épée qui se retrouva bloquée à quelques mètres de la gorge du géant à présent vaincu.
« Surt ! beugla Soulblighter, avec son visage de forcené braqué sur lui. Il suffirait que je saute une fois, une seule et unique fois sur ce manche, pour te trancher la tête. Est-ce que tu admets ta défaite, ou veux-tu crever de ma main et de ta propre lame ? »
Surt ouvrit son unique œil rouge, encore embué par l’eau qui s’évaporait, et regarda Soulblighter. Un instant, celui-ci songea qu’il n’allait pas se rendre, mais le géant savait accepter sa défaite, et leva les mains en signe de reddition.
*
* *
Le jeune homme ouvrit la porte précipitamment et la referma sans faire de bruit derrière lui. Il avait le souffle court après le trajet qu’il venait de faire en courant. Il souffla un instant devant la porte d’entrée, et retira finalement son manteau qu’il jeta sur son lit. Il s’essuya le front sur sa manche, et s’éventa les joues écarlates en se dirigeant vers le petit frigo qui jouxtait la fenêtre. Il se félicita d’avoir prit une chambre d’hôtel avec minibar.
Il ouvrit le frigo et en sortit une canette d’Orangina, qu’il vida d’un trait, avant de la jeter dans la poubelle. Celle-ci retomba bruyamment, et il rentra sa tête dans ses épaules. Le bruit lui vrilla les tympans, dans le silence de la chambre. Il s’assit sur son lit, et reprit lentement son souffle.
« Ce mec commence à me courir, à farfouiller partout, dit-il à voix haute en se penchant pour sortir une seconde canette. S’il continue, je vais devoir sévir. Surtout s’il s’approche de Nina. En plus, il m’a fait courir, je ne pensais pas qu’il était encore capable de remuer aussi vite ! »
Il s’essuya une nouvelle fois le front, et but deux gorgées de sa boisson, tout en pensant que sa filature allait tout de même devoir continuer le lendemain. Il avait le pressentiment que cet homme, ce commissaire, ne lâchait pas prise aussi facilement.
Et Aran Valentine suivait toujours ses pressentiments.
*
* *
Thor s’avança vers le géant, qui se frottait l’œil endolori avec de la lave. La solution qu’il s’appliquait devait le soulager, car l’état semi comateux dans lequel il se trouvait le rendait plus enclin à parler. Et à révéler ce qu’il savait.
« Alors, géant Surt, gardien du Muspellheim, nies-tu sa victoire ?
-CET HUMAIN, QUI QU’IL SOIT, A BIEN COMBATTU. J’AI ÉTÉ TROP SÛR DE MOI. JE NE REFERAIS PAS LA MÊME ERREUR SI UNE AUTRE OCCASION SE PROFILAIT. JE ME BATTRAIS DE TOUTES MES FORCES.
-Si tu as pu en tirer leçon, dit Thor en regardant Soulblighter, alors cette rencontre aura été profitable pour nos deux groupes. Raconte-nous maintenant ce que tu sais. »
Le géant prit une nouvelle boule de lave entre ses doigts et se l’étala sur l’œil, avant de commencer son récit. Heimdall, Séphira et Soulblighter s’approchèrent, tandis que Loki restait un peu en retrait. Attentif tout de même, mais en retrait.
« DEUX FEMMES SONT VENUES, commença Surt. ELLES ÉTAIENT HUMAINES, TOUTES LES DEUX, MAIS J’AI SENTI QUE LA PLUS JEUNE ÉTAIT DIFFÉRENTE. DIFFÉRENTE DE TOUS LES HUMAINS VENUS ICI, UN PEU COMME VOUS DEUX. »
Il désigna de son énorme doigt Soulblighter et Séphira Strife. Soulblighter s’était calmé et son sourire avait presque disparu de son visage. Il apparaissait encore légèrement lorsqu’il regardait le géant à terre. Séphira regarda son compagnon, se demandant s’il pensait à la même chose qu’elle. Soulblighter hocha la tête.
« ELLES ÉTAIENT MANIFESTEMENT D’HUMEUR JOYEUSE, EN VENANT DU SVARTALFHEIM. ELLE RIAIENT EN CHŒUR. JE NE LES AI PAS APPROCHÉES, JE ME SUIS CONTENTÉ DE LES OBSERVER DE LOIN.
-Comment étaient-elles ? s’avança Séphira Strife.
-LA VIEILLE ÉTAIT HABILLÉE ÉTRANGEMENT, DANS UNE ROBE NOIRE COMME CELLES DES MORTES CIVILES DE HEL. MAIS ELLE AVAIT UN TEMPÉRAMENT DE GUERRIÈRE, POURTANT. ET ELLE AVAIT UN SAC EN BANDOUILLÈRE ASSEZ LARGE ET PLEIN. PEUT-ÊTRE SAGISSAIT-IL DU LARCIN QU’ELLES AVAIENT COMMISES ?
-Elles n’étaient que deux ? demanda Thor.
-OUI. DEUX FEMMES. LA JEUNE, ELLE, AVAIT DES VÊTEMENTS ASSEZ… »
Il est difficile de voir un géant de lave, qui a une couleur de peau particulièrement hétéroclite allant du rouge foncé croûteux au cramoisi vif, il est donc difficile d’imaginer voir une peau ainsi faite rougir de honte. Et c’est pourtant que ce remarquèrent les Dieux et les Trauméniens réunis : Le géant rougit, avant de balbutier :
« …ASSEZ OSÉS. ILS NE CACHAIENT PAS GRAND-CHOSE DE SON ANATOMIE AVANTAGEUSE. JE PENSE QUE C’ÉTAIT ELLE QUI MENAIT LE GROUPE, QUI ENTRAÎNAIT LA VIEILLE.
-Ses cheveux, s’empressa de demander Séphira. Comment étaient ses cheveux ? De quelle couleur, vous vous en souvenez ?
-ARGENTÉS, AUCUN DOUTE LÀ-DESSUS. »
Cette fois-ci, ils en étaient sûrs. Séphy-Roshou était passée par ce monde, et accompagnée d’une veille femme. On pouvait facilement inférer le vol de l’arme chez les nains, la veille femme séduisant Hrumir et Séphy-Roshou dérobant le trésor après s’être fait enfermer dans le coffre. Il ne restait plus qu’à les retrouver.
« Par où sont-elles allées, ensuite ?
-ELLES SONT PARTIES VERS LES RAMURES DE L’YGGDRASIL, MAIS JE PENSE QU’ELLES ONT DUES PASSER PAR ALFHEIM AUPARAVANT. C’EST LE MOYEN LE PLUS COURT DE REJOINDRE LES BRANCHES EXTÉRIEURES, SELON MOI. MAIS JE NE SUIS SÛR DE RIEN.
-Alfheim, répéta Heimdall. Le monde des elfes blonds. Espérons qu’ils puissent nous renseigner. Ou au moins nous offrir l’hospitalité.
-Si nous ne trouvons rien sur place, nous irons à la cime demander à l’aigle et au faucon, annonça Thor. Ils devraient avoir vu ces deux intruses.
-Géant Surt, reprit Séphira Strife. Vous dîtes qu’elles sont passées par votre domaine, mais comment ont-elles fait ? Nous étions sur ce navire pour notre venue, et les habitants du Svartalfheim ne nous ont pas parlé d’un vol de bateau, en plus de celui de l’arme. »
Les Dieux se tournèrent vers le géant. Celui-ci regardait la petite Trauménienne avec encore un peu de convoitise dans le regard, mais il se retenait.
« VOUS ME DONNEREZ QUOI, EN ÉCHANGE ?
-Imagine plutôt ce que je te donnerai si tu ne réponds pas. » dit Soulblighter en faisant craquer ses jointures ostensiblement. Et en souriant. On ne pouvait décemment pas oublier un sourire aussi mauvais que le siens.
« JE PLAISANTAIS, HUMAIN VALEUREUX. MAIS JE NE VOIS PAS EN QUOI LEUR MOYEN DE TRANSPORT PEUT VOUS AIDER.
-Répondez tout de même…
-ILS ÉTAIENT À DOS DE CERFS. DEUX DES QUATRE CERFS DE l’YGGDRASIL, À LA DEMANDE DE NIDHÖGG, LE SERPENT MAUDIT, QUI VIT DANS LE NIFELHEIM. »
PS: Ce chapitre est en trois tronçons, il ne tenait pas en deux!! Mwaha!! J'écris trop!
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Re: Traumenschar
6. Nifelheim.
IL recommença.
Halvorc, en retrait, suivit une nouvelle fois la scène – identique à celle qui s’était passée quelques minutes plus tôt et à celle qui se passerait dans quelques minutes – où Shannia se retournait vers IL en prenant un air outré et lui envoyait une claque bruyante sur la joue. Une fois sur deux, le coup portait et IL souriait de contentement, appréciant la douleur de la gifle féminine comme on déguste un bon vin. Dans le cas contraire, il évitait le soufflet et lui pinçait une deuxième fois la fesse.
Halvorc soupira.
Les spectacles et autres distractions amusantes étaient rares ces dernières heures, depuis leur départ du Svartalfheim, et même une scène aussi banale et redondante que celle-ci suffisait à faire sourire Halvorc et les Vanes qui le suivaient. Njörd et Freyja regardaient les deux humains qui se chamaillaient maintenant.
Halvorc ralentit l’allure pour se mettre à hauteur des Dieux, qui cessèrent de parler à voix basse dès son approche. Il ne s’en formalisa pas et resta auprès d’eux, silencieux, quelques minutes, s’armant de patience. Njörd céda avant lui.
« Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il.
-Hmm ? dit Halvorc en feignant de sortir de ses pensées. Moi ? Oh, rien, rien du tout. Je voulais simplement savoir de quoi vous parliez, mais je n’en ai manifestement pas le droit.
-Bonne déduction. » conclut Njörd en n’ajoutant rien. Devant, IL reprit son manège et n’évita pas la claque. Halvorc attendit la fin de son râle de jouissance simulé pour retourner à l’attaque.
« Pourrions-nous au moins savoir les détails de l’affaire ? Depuis que le nain vous a parlé en privé, nous n’avons pas eu la moindre information.
-C’est voulu, l’informa Njörd. De simples humains, même combattant, n’ont d’ordinaire rien à faire en pèlerinage avec des Dieux. Vous êtes des privilégiés, vous en rendez-vous compte, au moins ?
-Mouais, grommela Halvorc. Mais nous ne pourrons pas vous aider si vous nous dissimulez des indices.
-Mais nous ne voulons pas de votre aide ! » s’emporta le souverain des Vanes. Freyja le retint par le bras, et lui intima par un regard de se calmer, comme seules les femmes savent le faire : Parler par les yeux avec une précision chirurgicale. Halvorc resta encore un moment à leur hauteur, puis reprit sa place en avant des Vanes. Il frissonna.
Depuis qu’ils avaient traversés un long pont vétuste mais solide pour quitter la forge des Dieux, la température avait chuté sensiblement, comme on pouvait s’y attendre. Le décor avait changé petit à petit, passant de parois de pierre aux reliefs désolés d’une végétation à l’abandon, puis d’une forêt sinistre et marécageuse. Une nappe de brume recouvrait le sol jusqu’au chevilles des marcheurs, leur glaçant les pieds.
Les alentours étaient constitués d’arbres clairsemés reliés par une foultitude de lianes humides dégoulinantes de lichen aqueux et moisit. L’humidité les pénétrait à chaque respiration, chaque pas, chaque mouvement. Quelques rares bestioles indéterminées s’enfuyaient dans la brume à leur arrivée, ne laissant entrapercevoir qu’une queue flasque ou un membre affolé. Le tout n’était guère appréciable.
« Mais arrête enfin ! geignit Shannia en décollant une ultime baffe à IL.
-Comment veux-tu que je résiste à une croupe aussi sublime ? » Accompagnant le geste à la parole, il attrapa une fesse rebondie dans une de ses mains, ce qui déclencha un nouveau cri outragé de sa victime. Ce cri fendit l’air saturé de gouttelettes froides et quelque chose d’immense remua dans le lointain, écrasant des branchages pourris sur le sol et renversant des souches avec moult craquements.
Njörd s’arrêta et tendit l’oreille. Il savait pertinemment qui pouvait faire autant de vacarmes en ces lieux inhospitaliers, et c’était même le but de leur venue ici, outre le fait que passer par le Nifelheim, pays de la brume et du froid originel, était le chemin le plus court pour aller voir Hel. Mais si le Vanes pouvait éviter de voir le principal occupant du Nifelheim, alors il ne s’en plaindrait pas.
« Un peu moins de bruit, vous deux devant, grogna-t-il. Si vous vouliez vous amuser à ce type de jeux, alors vous auriez mieux fait de rester au palais.
-Excusez-nous, Ô Njörd notre Dieu. » dit respectueusement Shannia en regardant ses pieds, rouge de bas en haut. IL, près d’elle, regardait le ciel couvert et chargé d’eau en se curant le nez. Halvorc ne pu retenir un sourire.
Dans le lointain, un arbre bascula à nouveau, arrachant les lianes. Le bruit ressemblait à une jambe broyée, et on imaginait aisément les éclats d’os voleter sous l’impact. L’arbre était encore loin, mais Njörd savait – sentait – qu’il se rapprochait. Il commença à presser le pas, accompagné de Freyja qui comprit rapidement. Halvorc se fit dépasser.
« Pourquoi accélérons-nous, soudainement ? demanda-t-il sans augmenter la cadence.
-Il y a… …quelque chose, ici, hésita Freyja. Quelque chose que nous aimerions éviter. Si nous ne le rencontrons pas, alors nous vous expliquerons.
-Freyja, s’insurgea Njörd.
-Mais pour ça, continua la Valkyrie, nous devons nous hâter de traverser le Nifelheim.
-Mais peut-être que Nidhögg saura quelque chose, sur cette arme ? »
Les Vanes s’arrêtèrent et dévisagèrent IL, qui affichait un sourire méprisant. Le sourire d’un homme qui vient de démasquer une supercherie et qui montre qu’il a les clefs en mains depuis un moment. Un sourire à la fois malicieux, charmeur, mais également terrifiant de méchanceté sous-jacente.
Un autre arbre, plus proche, beaucoup plus proche, tomba.
Le temps semblait s’être arrêté sur les derniers mots d’IL. Les Vanes restaient interdits, ne sachant plus s’ils devaient fuir Nidhögg ou cet effrayant humain. Halvorc se rapprocha de IL en regardant les alentours. Nouveau craquement beaucoup plus près. Shannia jetait des regards affolés autours d’elle, accrochée au bras d’un IL hautain, qui fixait Njörd du regard.
Un regard aussi froid que les brumes gelées du Nifelheim.
Et derrière IL surgit le serpent géant Nidhögg, le dévoreur de racines de l’Yggdrasil, la bête nécrophile qui se nourrit des cadavres de Midgard, un des fils monstrueux de Loki rejeté dans les tréfonds du monde des Dieux nordiques. Il survint comme une flèche, émergeant de la brume et éventrant plusieurs arbres sur son passage.
Il se redressa de toute sa hauteur, ses écailles luisantes et moites brillantes sous une lumière blafarde, et ouvrit une gueule gigantesque, dépassant de loin la taille devenue ridicule des Dieux. Il découvrit deux immenses crocs qu’une langue violette fourchue lécha avidement. Une goutte de venin vint s’écraser près des deux Trauméniens, et ils la regardèrent transformer une pierre en une bouillie liquide et fumante.
Nidhögg ferma sa gueule, et fixa tour à tour ses invités d’un regard de prédateur affamé. Et lorsqu’il parlait, ce fut d’une voix sifflante et acide comme son poison.
« Voyons sssssa, qui avons-nous là pour le repas de ssssse sssssoir… »
*
* *
(Traduit de l’Italien)
LE MILAN DAILY :
DÉCÈS DE PAOLO CARNE DANS DES CIRCONSTANCES AMBIGUËS.
Le célèbre acteur italien Paolo Carne est décédé ce matin même dans sa propriété situé sur les hauteurs de Milan. Sa femme de chambre l’aurai retrouvé attablé à son bureau, la tête plongée dans son assiette constituée de deux œufs sur le plat qu’elle venait de lui cuisiner pour son petit déjeuner. « Il allait bien lorsque je lui ai donné, je vous le jure ! » déclara-t-elle aux services de polices, qui privilégient plutôt la piste d’un simple malaise qui aurait mal tourné. Les médecins qui ont examinés le corps aurait pour le moment conclu à un arrêt cardiaque, sans en déterminer les conséquences qui […]
*
* *
« Oh, alors ssssse n’est qu’une sssssimple visite de politessssse, rien de plusssss ?
-Nous sommes désolés de ne pouvoir rester plus longtemps avec vous, serpent Nidhögg, mais le temps nous fait défaut, éluda poliment Njörd. Nous venons d’apprendre une terrible nouvelle et…
-Le vol d’une arme chez les Nains, au Sssssvartalfheim ? »
Njörd sentit une vague de froid lui déferler dans le dos, comme si la brume qui se bornait à glacer ses pieds lui était grimpée dessus. Le serpent n’avait pas eu l’air d’en attenter à leur vie depuis son arrivée, et il se bornait à converser presque gentiment avec eux cinq. De temps à autre, sa queue apparaissait de nulle part, un coup ici, un coup là, et lui apportait de quoi se nourrir.
La punition, ou le loisir selon les interprétations de la légende, de Nidhögg lui valait de se nourrir de cadavres venant de Midgard. De la Terre. Une vision de l’enfer comme une autre, mais elle déplut fortement à Halvorc lorsque le serpent géant croqua dans l’abdomen d’un mort à la peau grise et flasque.
« Les nouvelles vont vite par isssssi, ausssssi vite qu’une attaque de ssssserpent. » dit Nidhögg en avalant d’un trait les organes à moitié putréfiés. IL conservera un bon moment l’image d’un long spaghetti – certainement les intestins – qui pendouillait de la mâchoire de l’avaleur des morts.
« Nous cherchons donc à rejoindre Helheim pour demander quelques précisions à la maîtresse des lieux, continua Njörd sans faire plus attention au sang noirâtre qui dégouttait sur les écailles du serpent.
-Helheim ? répéta Nidhögg. Vous pensssssez que cette petite bâtarde de Hel vous sssssera d’une quelconque utilité sssssur sssssette affaire ssssspéciale ?
-C’est possible, répondit évasivement Njörd.
-Et ne vous est-il pas venu à l’idée que moi ausssssi je pouvais sssssavoir quelque chose sssssur ce vol ? Sssssi le ou les voleurs venaient de Helheim, alors il ssssse pourrait qu’ils sssssoient passsssés par isssssi, non ? »
Freyja et Njörd s’entreregardèrent, puis haussèrent les épaules. Il n’y avait pas de mal à lui demander, également, songea le Vanes. Le serpent s’accorda une mimique très humaine en faisant semblant de réfléchir à quelque chose en attendant la réponse de Njörd, tout en étant à l’affût du moindre mouvement de fuite.
Shannia était toujours soudée à IL mais elle tremblait moins que tout à l’heure. Elle ne quittait pas le serpent des yeux, de peur que celui-ci ne veuille soudainement se mettre à goûter la chaire vivante, et elle sursautait dès que la longue queue émergeait de la brume pour lui apporter son innommable pitance.
Halvorc ignorait consciemment le serpent, préférant examiner méticuleusement ses mains, des ongles à la paume, certainement dans un souci de propreté. Ce dédain affiché pour sa personne mettait Nidhögg hors de lui, mais il n’en montrait rien à ses hôtes. Seulement il leur réservait une petite sssssurprise de son cru.
« Dans mon domaine, commença-t-il en laissant de coté Njörd et Freyja qui ne lui avaient toujours pas donné de réponse, il est très impoli d’ignorer le ssssseigneur des lieux, sssssavez-vous ? »
Halvorc daigna lui lancer un regard innocent, et marmonna un Hmm ? peu intéressé, ce à quoi le serpent géant répondit en se jetant sur lui. IL et Shannia furent brusquement repoussés par la force colossale du reptile. IL chuta lourdement dans la brume, protégeant malgré tout Shannia d’un choc trop violent. Njörd et Freyja n’eurent pas le temps de cligner des yeux que l’attaque était déjà terminée.
« Alors sssssale petit insssssecte, dit Nidhögg en enserrant peu à peu sa prise. Ton insssssipide sssssourire sssss’est disssssipé de ta fassssse, n’est-ssssse pas ? »
La langue froide du serpent caressait à chaque son en [-s] les joues et le visage d’Halvorc, qui tentait de se soustraire au serpent en gigotant. Sans résultat. Nidhögg recula sa tête aplatie et montra les crocs.
« Si tu crois m’impressionner, c’est raté, éructa Halvorc.
-Je crois sssssurtout que tu n’es plus ssssspésssssialement en posisssssion de demander quoi que ssssse sssssoit. » Il se tourna vers ceux restés à terre. « Et vous non plus, dorénavant. Sssssi je sssssais quelque chose, il vous faudra sssssatisssssfaire mes caprissssses. Et quoi que vous fasssssiez, de toute fassssson.
-Qu’entendez-vous par là, seigneur Nidhögg ? déclama Njörd sur son ton de souverain. Si c’est cet humain inopportun qui mous intéresse, alors je vous le lègue. »
IL se tourna vers Njörd, qui regardait le serpent droit dans les yeux. Celui-ci le fixa également, semblant peser le pour et le contre de cette idée. Halvorc commença à ouvrir la bouche pour parler, mais Nidhögg resserra son étreinte et il ne pu qu’expirer longuement, sans qu’aucun son ne sorte.
IL recommença.
Halvorc, en retrait, suivit une nouvelle fois la scène – identique à celle qui s’était passée quelques minutes plus tôt et à celle qui se passerait dans quelques minutes – où Shannia se retournait vers IL en prenant un air outré et lui envoyait une claque bruyante sur la joue. Une fois sur deux, le coup portait et IL souriait de contentement, appréciant la douleur de la gifle féminine comme on déguste un bon vin. Dans le cas contraire, il évitait le soufflet et lui pinçait une deuxième fois la fesse.
Halvorc soupira.
Les spectacles et autres distractions amusantes étaient rares ces dernières heures, depuis leur départ du Svartalfheim, et même une scène aussi banale et redondante que celle-ci suffisait à faire sourire Halvorc et les Vanes qui le suivaient. Njörd et Freyja regardaient les deux humains qui se chamaillaient maintenant.
Halvorc ralentit l’allure pour se mettre à hauteur des Dieux, qui cessèrent de parler à voix basse dès son approche. Il ne s’en formalisa pas et resta auprès d’eux, silencieux, quelques minutes, s’armant de patience. Njörd céda avant lui.
« Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il.
-Hmm ? dit Halvorc en feignant de sortir de ses pensées. Moi ? Oh, rien, rien du tout. Je voulais simplement savoir de quoi vous parliez, mais je n’en ai manifestement pas le droit.
-Bonne déduction. » conclut Njörd en n’ajoutant rien. Devant, IL reprit son manège et n’évita pas la claque. Halvorc attendit la fin de son râle de jouissance simulé pour retourner à l’attaque.
« Pourrions-nous au moins savoir les détails de l’affaire ? Depuis que le nain vous a parlé en privé, nous n’avons pas eu la moindre information.
-C’est voulu, l’informa Njörd. De simples humains, même combattant, n’ont d’ordinaire rien à faire en pèlerinage avec des Dieux. Vous êtes des privilégiés, vous en rendez-vous compte, au moins ?
-Mouais, grommela Halvorc. Mais nous ne pourrons pas vous aider si vous nous dissimulez des indices.
-Mais nous ne voulons pas de votre aide ! » s’emporta le souverain des Vanes. Freyja le retint par le bras, et lui intima par un regard de se calmer, comme seules les femmes savent le faire : Parler par les yeux avec une précision chirurgicale. Halvorc resta encore un moment à leur hauteur, puis reprit sa place en avant des Vanes. Il frissonna.
Depuis qu’ils avaient traversés un long pont vétuste mais solide pour quitter la forge des Dieux, la température avait chuté sensiblement, comme on pouvait s’y attendre. Le décor avait changé petit à petit, passant de parois de pierre aux reliefs désolés d’une végétation à l’abandon, puis d’une forêt sinistre et marécageuse. Une nappe de brume recouvrait le sol jusqu’au chevilles des marcheurs, leur glaçant les pieds.
Les alentours étaient constitués d’arbres clairsemés reliés par une foultitude de lianes humides dégoulinantes de lichen aqueux et moisit. L’humidité les pénétrait à chaque respiration, chaque pas, chaque mouvement. Quelques rares bestioles indéterminées s’enfuyaient dans la brume à leur arrivée, ne laissant entrapercevoir qu’une queue flasque ou un membre affolé. Le tout n’était guère appréciable.
« Mais arrête enfin ! geignit Shannia en décollant une ultime baffe à IL.
-Comment veux-tu que je résiste à une croupe aussi sublime ? » Accompagnant le geste à la parole, il attrapa une fesse rebondie dans une de ses mains, ce qui déclencha un nouveau cri outragé de sa victime. Ce cri fendit l’air saturé de gouttelettes froides et quelque chose d’immense remua dans le lointain, écrasant des branchages pourris sur le sol et renversant des souches avec moult craquements.
Njörd s’arrêta et tendit l’oreille. Il savait pertinemment qui pouvait faire autant de vacarmes en ces lieux inhospitaliers, et c’était même le but de leur venue ici, outre le fait que passer par le Nifelheim, pays de la brume et du froid originel, était le chemin le plus court pour aller voir Hel. Mais si le Vanes pouvait éviter de voir le principal occupant du Nifelheim, alors il ne s’en plaindrait pas.
« Un peu moins de bruit, vous deux devant, grogna-t-il. Si vous vouliez vous amuser à ce type de jeux, alors vous auriez mieux fait de rester au palais.
-Excusez-nous, Ô Njörd notre Dieu. » dit respectueusement Shannia en regardant ses pieds, rouge de bas en haut. IL, près d’elle, regardait le ciel couvert et chargé d’eau en se curant le nez. Halvorc ne pu retenir un sourire.
Dans le lointain, un arbre bascula à nouveau, arrachant les lianes. Le bruit ressemblait à une jambe broyée, et on imaginait aisément les éclats d’os voleter sous l’impact. L’arbre était encore loin, mais Njörd savait – sentait – qu’il se rapprochait. Il commença à presser le pas, accompagné de Freyja qui comprit rapidement. Halvorc se fit dépasser.
« Pourquoi accélérons-nous, soudainement ? demanda-t-il sans augmenter la cadence.
-Il y a… …quelque chose, ici, hésita Freyja. Quelque chose que nous aimerions éviter. Si nous ne le rencontrons pas, alors nous vous expliquerons.
-Freyja, s’insurgea Njörd.
-Mais pour ça, continua la Valkyrie, nous devons nous hâter de traverser le Nifelheim.
-Mais peut-être que Nidhögg saura quelque chose, sur cette arme ? »
Les Vanes s’arrêtèrent et dévisagèrent IL, qui affichait un sourire méprisant. Le sourire d’un homme qui vient de démasquer une supercherie et qui montre qu’il a les clefs en mains depuis un moment. Un sourire à la fois malicieux, charmeur, mais également terrifiant de méchanceté sous-jacente.
Un autre arbre, plus proche, beaucoup plus proche, tomba.
Le temps semblait s’être arrêté sur les derniers mots d’IL. Les Vanes restaient interdits, ne sachant plus s’ils devaient fuir Nidhögg ou cet effrayant humain. Halvorc se rapprocha de IL en regardant les alentours. Nouveau craquement beaucoup plus près. Shannia jetait des regards affolés autours d’elle, accrochée au bras d’un IL hautain, qui fixait Njörd du regard.
Un regard aussi froid que les brumes gelées du Nifelheim.
Et derrière IL surgit le serpent géant Nidhögg, le dévoreur de racines de l’Yggdrasil, la bête nécrophile qui se nourrit des cadavres de Midgard, un des fils monstrueux de Loki rejeté dans les tréfonds du monde des Dieux nordiques. Il survint comme une flèche, émergeant de la brume et éventrant plusieurs arbres sur son passage.
Il se redressa de toute sa hauteur, ses écailles luisantes et moites brillantes sous une lumière blafarde, et ouvrit une gueule gigantesque, dépassant de loin la taille devenue ridicule des Dieux. Il découvrit deux immenses crocs qu’une langue violette fourchue lécha avidement. Une goutte de venin vint s’écraser près des deux Trauméniens, et ils la regardèrent transformer une pierre en une bouillie liquide et fumante.
Nidhögg ferma sa gueule, et fixa tour à tour ses invités d’un regard de prédateur affamé. Et lorsqu’il parlait, ce fut d’une voix sifflante et acide comme son poison.
« Voyons sssssa, qui avons-nous là pour le repas de ssssse sssssoir… »
*
* *
(Traduit de l’Italien)
LE MILAN DAILY :
DÉCÈS DE PAOLO CARNE DANS DES CIRCONSTANCES AMBIGUËS.
Le célèbre acteur italien Paolo Carne est décédé ce matin même dans sa propriété situé sur les hauteurs de Milan. Sa femme de chambre l’aurai retrouvé attablé à son bureau, la tête plongée dans son assiette constituée de deux œufs sur le plat qu’elle venait de lui cuisiner pour son petit déjeuner. « Il allait bien lorsque je lui ai donné, je vous le jure ! » déclara-t-elle aux services de polices, qui privilégient plutôt la piste d’un simple malaise qui aurait mal tourné. Les médecins qui ont examinés le corps aurait pour le moment conclu à un arrêt cardiaque, sans en déterminer les conséquences qui […]
*
* *
« Oh, alors ssssse n’est qu’une sssssimple visite de politessssse, rien de plusssss ?
-Nous sommes désolés de ne pouvoir rester plus longtemps avec vous, serpent Nidhögg, mais le temps nous fait défaut, éluda poliment Njörd. Nous venons d’apprendre une terrible nouvelle et…
-Le vol d’une arme chez les Nains, au Sssssvartalfheim ? »
Njörd sentit une vague de froid lui déferler dans le dos, comme si la brume qui se bornait à glacer ses pieds lui était grimpée dessus. Le serpent n’avait pas eu l’air d’en attenter à leur vie depuis son arrivée, et il se bornait à converser presque gentiment avec eux cinq. De temps à autre, sa queue apparaissait de nulle part, un coup ici, un coup là, et lui apportait de quoi se nourrir.
La punition, ou le loisir selon les interprétations de la légende, de Nidhögg lui valait de se nourrir de cadavres venant de Midgard. De la Terre. Une vision de l’enfer comme une autre, mais elle déplut fortement à Halvorc lorsque le serpent géant croqua dans l’abdomen d’un mort à la peau grise et flasque.
« Les nouvelles vont vite par isssssi, ausssssi vite qu’une attaque de ssssserpent. » dit Nidhögg en avalant d’un trait les organes à moitié putréfiés. IL conservera un bon moment l’image d’un long spaghetti – certainement les intestins – qui pendouillait de la mâchoire de l’avaleur des morts.
« Nous cherchons donc à rejoindre Helheim pour demander quelques précisions à la maîtresse des lieux, continua Njörd sans faire plus attention au sang noirâtre qui dégouttait sur les écailles du serpent.
-Helheim ? répéta Nidhögg. Vous pensssssez que cette petite bâtarde de Hel vous sssssera d’une quelconque utilité sssssur sssssette affaire ssssspéciale ?
-C’est possible, répondit évasivement Njörd.
-Et ne vous est-il pas venu à l’idée que moi ausssssi je pouvais sssssavoir quelque chose sssssur ce vol ? Sssssi le ou les voleurs venaient de Helheim, alors il ssssse pourrait qu’ils sssssoient passsssés par isssssi, non ? »
Freyja et Njörd s’entreregardèrent, puis haussèrent les épaules. Il n’y avait pas de mal à lui demander, également, songea le Vanes. Le serpent s’accorda une mimique très humaine en faisant semblant de réfléchir à quelque chose en attendant la réponse de Njörd, tout en étant à l’affût du moindre mouvement de fuite.
Shannia était toujours soudée à IL mais elle tremblait moins que tout à l’heure. Elle ne quittait pas le serpent des yeux, de peur que celui-ci ne veuille soudainement se mettre à goûter la chaire vivante, et elle sursautait dès que la longue queue émergeait de la brume pour lui apporter son innommable pitance.
Halvorc ignorait consciemment le serpent, préférant examiner méticuleusement ses mains, des ongles à la paume, certainement dans un souci de propreté. Ce dédain affiché pour sa personne mettait Nidhögg hors de lui, mais il n’en montrait rien à ses hôtes. Seulement il leur réservait une petite sssssurprise de son cru.
« Dans mon domaine, commença-t-il en laissant de coté Njörd et Freyja qui ne lui avaient toujours pas donné de réponse, il est très impoli d’ignorer le ssssseigneur des lieux, sssssavez-vous ? »
Halvorc daigna lui lancer un regard innocent, et marmonna un Hmm ? peu intéressé, ce à quoi le serpent géant répondit en se jetant sur lui. IL et Shannia furent brusquement repoussés par la force colossale du reptile. IL chuta lourdement dans la brume, protégeant malgré tout Shannia d’un choc trop violent. Njörd et Freyja n’eurent pas le temps de cligner des yeux que l’attaque était déjà terminée.
« Alors sssssale petit insssssecte, dit Nidhögg en enserrant peu à peu sa prise. Ton insssssipide sssssourire sssss’est disssssipé de ta fassssse, n’est-ssssse pas ? »
La langue froide du serpent caressait à chaque son en [-s] les joues et le visage d’Halvorc, qui tentait de se soustraire au serpent en gigotant. Sans résultat. Nidhögg recula sa tête aplatie et montra les crocs.
« Si tu crois m’impressionner, c’est raté, éructa Halvorc.
-Je crois sssssurtout que tu n’es plus ssssspésssssialement en posisssssion de demander quoi que ssssse sssssoit. » Il se tourna vers ceux restés à terre. « Et vous non plus, dorénavant. Sssssi je sssssais quelque chose, il vous faudra sssssatisssssfaire mes caprissssses. Et quoi que vous fasssssiez, de toute fassssson.
-Qu’entendez-vous par là, seigneur Nidhögg ? déclama Njörd sur son ton de souverain. Si c’est cet humain inopportun qui mous intéresse, alors je vous le lègue. »
IL se tourna vers Njörd, qui regardait le serpent droit dans les yeux. Celui-ci le fixa également, semblant peser le pour et le contre de cette idée. Halvorc commença à ouvrir la bouche pour parler, mais Nidhögg resserra son étreinte et il ne pu qu’expirer longuement, sans qu’aucun son ne sorte.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Localisation : Dans les limbes torturées d'un esprit dérangé.
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Re: Traumenschar
Je ne savais pas qu’on pouvait mourir étouffé une fois mort, songea-t-il tandis que son esprit dérivait peu à peu vers l’inconscience. Je vais être un nouveau pionnier : La mort après la mort ! Je serais célèbre, après ça, pour sûr ! Sa tête retomba sur le coté.
IL ne disait rien. Sa première réaction avait été de vouloir libérer Halvorc, mais finalement ce retournement imprévu de situation pouvait servir ses desseins. Shannia, elle, regardait IL en se demandant pourquoi son compagnon ne tentait pas de son sauver son ami, et une image lui revint à l’esprit : IL qui effaçait une trace de brûlure sur le coffre de l’arme volée, et qui regardait si Halvorc l’avait vu. Elle décida rapidement.
« Relâchez-le ! brailla-t-elle contre toute attente. Il ne vous a rien fait ! IL, mais fait donc quelque chose pour ton ami !! »
IL se trouva désarçonné. Le regard qu’il lança à Shannia était empli d’incertitude, et celle-ci lui répondit silencieusement en lui intimant de se dépêcher. Elle craignait qu’Halvorc n’aie des séquelles s’il restait trop longtemps sans oxygène. Même s’il était déjà mort.
« N’ayez crainte, ssssstupide humaine désssssédée, lui dit Nidhögg comme s’il avait lu ses pensées. Il ne risssssque qu’une ssssseule chose sssss’il ressssste sssssous mon emprise : De demeurer à jamais mon esssssclave. »
Encore mieux, pensa IL. Il ne me restera plus qu’à me débarrasser des deux autres, ainsi que de cette cruche, et je pourrais rentrer tranquillement. Puis IL ajouta, toujours mentalement : Ainsi, je serais enfin dans Ses petits papiers, au même titre que Lord FireFly ou Radamenthe. J’occuperais une fonction plus importante dans Son plan.
« Laissez-nous une chance de le sauver, alors ! » dit Shannia en prenant son courage à deux mains. Elle commençait à envisager que son soupirant, IL, était peut-être animé de mauvaises intentions, et qu’IL ne l’aiderait probablement pas. Elle regarda en direction de Njörd et Freyja mais ne trouva aucune aide d’eux.
Le serpent relâcha un peu sa pression et Halvorc toussa. Shannia attrapa IL par les épaules et le secoua.
« Mais ne vas-tu donc rien faire pour le sauver ? hurla-t-elle.
-Il n’y a malheureusement pas grand-chose à faire, répondit-IL d’une voix sèche. Attendons vois ce que demande Nidhögg.
-Mais tu pourrais au moins essayer de… » IL l’interrompit en lui envoyant une claque qui lui coupa le souffle. Elle restait, incrédule, à regarder IL droit dans les yeux, et celui-ci avait le pire sourire qu’elle n’avait jamais vu. Plus tard, dans la nuit qui suivra, elle verra de longues heures durant cette scène qu’elle n’avait malheureusement pas imaginée :
Les yeux de IL qui la regardaient et qui changeaient, comme si des voiles noires passaient devant et derrière l’iris, transformant son regard en un abyme de ténèbres.
« Je vais vous proposer trois énigmes, très sssssimples, reprit Nidhögg. Une pour la vie de ssssse jeune garssssson, la ssssseconde pour vous laisssssez repartir de mon royaume, et la dernière afin de répondre sur la quessssstion de l’arme dérobée. Des objecsssssions ? »
Personne ne souffla mot. Shannia se frottait la joue en regardant ses pieds, Njörd et Freyja restèrent immobiles à attendre l’énigme, et IL se demandait s’il ne valait pas mieux garder Halvorc encore quelques temps avant de s’en débarrasser. Halvorc, lui, reprenait peu à peu son souffle.
« Très bien, alors commençons les hossssstilités. »
Nidhögg se plaça plus confortablement et sembla réfléchir à l’énigme à choisir. Ses yeux s’ouvrirent soudainement, signe qu’il en avait trouvé une qui correspondait à ses attentes, puis il l’énonça à voix haute :
« Un ssssseigneur déssssside de faire une faveur à un condamné à mort. Il dit à ssssse condamné qu'il a le droit de prononssssser une phrase, et une ssssseule, avant de déssssséder. Sssssi sssssette phrase est un mensssssonge, alors il sssssera pendu. Sssssi par contre sssssette ultime tirade est vraie, alors il sssssera sssssimplement noyé. Que doit dire le condamné pour que ssssson bourreau sssssoit dans l’imposssssibilité de prossssséder à une exécution présssssise ? Vous avez tout votre temps. »
*
* *
(Traduit de l’Américain)
DENVER POST :
UN MOTEL DEVIENT LE THÉATRE D’UNE MORT SPECTACULAIRE.
Au fin fond du Colorado, hier soir, Betty Spinell a été le témoin d’un cas de mort spontanée, alors qu’elle encaissait l’argent d’un client. Ledit client s’était présenté comme étant un représentant en article électroménagers, et il venait de régler la pension pour la nuit en liquide lorsqu’il s’était effondré sans crier gare. La découverte des papiers d’identités du soi-disant représentant devait finalement révéler que. […]
*
* *
« Je… Je serais pendu… »
Tout le monde regarda avec un étonnement croissant le pauvre corps essoufflé d’Halvorc qui se redressait tant bien que mal. Nidhögg sourit, comme un serpent peut sourire, caressa de nouveau la joue de sa proie avec sa langue. Halvorc n’eut même pas la force de dégager la langue poisseuse. Il avait mal à la poitrine et sa tête lui tournait.
La réponse de l’énigme avait été donnée à peine dix minutes après la fin de l’énoncé, et par l’enjeu du débat qui plus est. Shannia remit la réponse dans son contexte, et battit vivement des mains, en sautant sur place.
« C’est ça ! Halvorc a raison ! Si le condamné dit qu’il sera pendu, alors le bourreau ne peut rien faire ! S’il considère que c’est la vérité, il le noiera, donc ça deviendra un mensonge. Et si ce que dit le prisonnier est un mensonge, il devra être pendu, donc…
-…ce qu’il dit aura été la vérité, c’est exact, termina Njörd. La petite a raison, maintenant dites-nous ce que vous savez sur le vol de l’arme, serpent Nidhögg. »
Le serpent déroula son corps et Halvorc tomba face contre terre. Shannia accouru vers lui et l’aida à s’éloigner de la bête, qui riait maintenant.
« Vous venez jussssste de répondre à la devinette pour libérer votre ami, rien de plusssss. Je vous dirais ssssse que je sssssais, mais pas avant que vous ayez passsssé mes deux autres épreuves.
-Nous n’avons pas de temps à perdre pour…
-Ssssseconde quessssstion ! poursuivit Nidhögg sans tenir compte de l’interruption de Freyja. Ssssselle-sssssi conssssserne votre éventuelle liberté de sssssortir d’isssssi entier, alors je vous conssssseille de faire attensssssion. »
Freyja ouvrit de nouveau la bouche pour protester, mais Njörd le retint. Il savait parfaitement que le seul moyen de gagner du temps était de jouer le jeu du perfide serpent, et non de lui forcer la main, sans mauvais jeu de mot.
Shannia avait allongé Halvorc au pied d’un arbre, et seul son torse sortait de la brume. On aurait presque pu croire que tout le bas de son corps avait disparu, tant elle était épaisse. Shannia passa une main sur son front et dégagea les cheveux noirs d’Halvorc de ses yeux. Il reprenait des couleurs normales après son étouffement, et son souffle se calmait peu à peu.
D’un autre coté, IL regardait Halvorc se remettre doucement. Ses yeux avaient recouvrés un aspect normal, mais ils n’en restaient pas moins embués de colère. Dès qu’on en a terminé avec ce serpent, je fous en l’air cette gamine. Elle gène.
« Lorsssssqu’on en est loin, on y sssssonge pas. Mais plus en sssss’en approche, plus on y penssssse. Et, enfin, quand elle est finalement là, on n’y penssssse plus du tout. Qu’est-ssssse que sssss’est ? »
Tous se creusèrent cette fois-ci la tête à l’unisson, trop pressés de partir. Le serpent géant s’apporta un nouvel encas qu’il dégusta bruyamment morceaux par morceaux en attendant patiemment la réponse. Seule Shannia n’y réfléchissait pas assidûment, car son esprit était trop encombré de pensées contradictoires pour se concentrer sur cette devinette.
Elle revoyait les yeux de IL qui se transformaient, puis la claque, puis de nouveau les yeux, puis IL qui efface la trace sur le coffre, puis la claque, les yeux, la trace, la claque, yeux, claque, trace, yeux trace claque trace yeux claque traceyeuxclaquetracetraceclaqueyeux… Elle gémit et se prenant la tête à deux mains.
Au bout d’un certain temps, Nidhögg apporta une longue et épaisse liane qui provenait du ciel. Elle semblait battre de l’intérieur et être chargée de vie propre. Le serpent déroula sa queue et plaça sa tête sur l’immense tubercule secoué de légers tressaillements, et il se mit à le ronger, déconcentrant les autres.
« Qu’est-ce que c’est… demanda Shannia en oubliant momentanément sa migraine.
-C’est une des racines de l’Yggdrasil, répondit Halvorc en sifflant. Nidhögg ronge jour après jour une des trois grandes racines de l’arbre des mondes, afin d’anticiper sa chute.
-Ne parle pas trop…
-Ça va aller, ne t’en fais pas… » Il déglutit péniblement. « Je ne vois pas quelle est la réponse de cette énigme… L’autre, je la connaissais déjà, mais celle-ci… »
Njörd et Freyja se concertaient dans leur coin, puis hochèrent la tête et se dirigèrent vers Halvorc et Shannia. Ils invitèrent IL à les rejoindre et exposèrent leur idée :
« La réponse est peut-être la nourriture ? proposa Freyja. On n’y pense pas tout le temps, mais quand on commence à avoir faim, on a du mal à oublier. Et lorsqu’on mange, on ne pense plus à se nourrir, on le fait.
-Mouais, grogna IL. Moi je pensais au sexe, pour la même raison.
-La réponse est forcément de type féminin, puisque dans l’énoncé, Nidhögg a dit : Quand elle est finalement là, on n’y pense plus du tout. »
Tout le monde approuva l’indice de Njörd.
« Personne ne sait ? demanda Shannia. On propose quoi alors ?
-Le sexe, grogna de nouveau IL.
-Je pense que Nidhögg ne nous laissera qu’une seule réponse à donner, alors nous n’avons pas le droit à l’erreur, annonça Freyja. Je le connais, ça serait bien son style.
-Mais vous ne pouvez pas le soumettre ? demanda Shannia. Vous êtes des Dieux, tout de même. »
Un silence s’abattit sur le groupe. Les deux Vanes ne dirent rien, gênés, et Shannia préféra ne pas insister. Mais ce fut Halvorc qui répondit à leur place, proposant sa théorie sur la question : « Je pense que Nidhögg est ici chez lui, et que si les Dieux, qu’ils soient Vanes ou Ases, venaient pour le pourfendre, ou même simplement le brutaliser, ça risquerait de déclencher un conflit, dont l’issue serait le Ragnarök. L’apocalypse version nordique. »
Le serpent géant, derrière eux, mit sa racine de coté.
« Il est intelligent, ssssse petit humain. Et dire que j’ai failli le dégussssster, sssssa aurait été dommage de le laissssser partir, non ? Maintenant, cesssssons les palabres : Avez-vous la réponssssse à mon énigme, oui ou non ? »
IL se releva et s’avança vers le serpent. Les Vanes, Halvorc et Shannia retinrent leur souffle, persuadé que le Trauménien allait proposer sa version excitée de la réponse, mais il n’en fut rien. IL se campa sur ses jambes, et lança une toute autre solution.
« Il s’agit de la Mort. »
Le serpent tiqua, cette fois-ci. La première fois qu’ils avaient découvert la réponse à son énigme, il avait été content de trouver un groupe d’égarés un tant soit peu plein de jugement. Mais avoir un groupe capable de répondre correctement à deux de ses énigmes, il n’en revenait pas.
« Sssss’est exact, marmonna-t-il. Vous êtes donc libres de partir, sssssi sssssa vous chante. Mais sssssi vous voulez sssssavoir ce que je sssssais sssssur ssssse vol d’arme au Sssssvartalfheim, alors vous devrez ressssster encore un peu.
-Nous allons ressssster, railla IL. Envoie la dernière énigme, ssssserpent ! »
Nidhögg dû se retenir pour ne pas enfoncer ses crocs dans la chair de cet humain rebelle qui osait se moquer de lui. Mais Nidhögg savait parfaitement que la dernière énigme leur serait impossible à réussir. Il passa sa langue fourchue sur ses écailles autours de sa gueule, et formula sa dernière devinette.
« Un champ blanc, une sssssemence noire, 5 humains sssssèment sssssous la direcsssssion de deux autres, la meilleure nourriture qui sssssoit. Quelle est sssssette nourriture ? » Nidhögg découvrit ses crocs immaculés et ajouta :
« Hâtez-vous, ma passsssience a des limites… »
*
* *
(Traduit du Suédois)
AFTONBLADET :
MORTE À NEUF ANS.
Malgré la rapidité exemplaire des pompiers de Stockholm, la petite fille âgée seulement de neuf ans ne survivra pas à son attaque foudroyante, en pleine rue, qui l’emportera quelques minutes après l’arrivée des secours. La mère de la victime déclara aux pompiers que sa fille n’avait eu aucune maladie en rapport avec son cœur depuis sa naissance, et personne, pas même les médecins qui se sont occupés de son corps, ne comprenne ce qui a pu arriver à […]
IL ne disait rien. Sa première réaction avait été de vouloir libérer Halvorc, mais finalement ce retournement imprévu de situation pouvait servir ses desseins. Shannia, elle, regardait IL en se demandant pourquoi son compagnon ne tentait pas de son sauver son ami, et une image lui revint à l’esprit : IL qui effaçait une trace de brûlure sur le coffre de l’arme volée, et qui regardait si Halvorc l’avait vu. Elle décida rapidement.
« Relâchez-le ! brailla-t-elle contre toute attente. Il ne vous a rien fait ! IL, mais fait donc quelque chose pour ton ami !! »
IL se trouva désarçonné. Le regard qu’il lança à Shannia était empli d’incertitude, et celle-ci lui répondit silencieusement en lui intimant de se dépêcher. Elle craignait qu’Halvorc n’aie des séquelles s’il restait trop longtemps sans oxygène. Même s’il était déjà mort.
« N’ayez crainte, ssssstupide humaine désssssédée, lui dit Nidhögg comme s’il avait lu ses pensées. Il ne risssssque qu’une ssssseule chose sssss’il ressssste sssssous mon emprise : De demeurer à jamais mon esssssclave. »
Encore mieux, pensa IL. Il ne me restera plus qu’à me débarrasser des deux autres, ainsi que de cette cruche, et je pourrais rentrer tranquillement. Puis IL ajouta, toujours mentalement : Ainsi, je serais enfin dans Ses petits papiers, au même titre que Lord FireFly ou Radamenthe. J’occuperais une fonction plus importante dans Son plan.
« Laissez-nous une chance de le sauver, alors ! » dit Shannia en prenant son courage à deux mains. Elle commençait à envisager que son soupirant, IL, était peut-être animé de mauvaises intentions, et qu’IL ne l’aiderait probablement pas. Elle regarda en direction de Njörd et Freyja mais ne trouva aucune aide d’eux.
Le serpent relâcha un peu sa pression et Halvorc toussa. Shannia attrapa IL par les épaules et le secoua.
« Mais ne vas-tu donc rien faire pour le sauver ? hurla-t-elle.
-Il n’y a malheureusement pas grand-chose à faire, répondit-IL d’une voix sèche. Attendons vois ce que demande Nidhögg.
-Mais tu pourrais au moins essayer de… » IL l’interrompit en lui envoyant une claque qui lui coupa le souffle. Elle restait, incrédule, à regarder IL droit dans les yeux, et celui-ci avait le pire sourire qu’elle n’avait jamais vu. Plus tard, dans la nuit qui suivra, elle verra de longues heures durant cette scène qu’elle n’avait malheureusement pas imaginée :
Les yeux de IL qui la regardaient et qui changeaient, comme si des voiles noires passaient devant et derrière l’iris, transformant son regard en un abyme de ténèbres.
« Je vais vous proposer trois énigmes, très sssssimples, reprit Nidhögg. Une pour la vie de ssssse jeune garssssson, la ssssseconde pour vous laisssssez repartir de mon royaume, et la dernière afin de répondre sur la quessssstion de l’arme dérobée. Des objecsssssions ? »
Personne ne souffla mot. Shannia se frottait la joue en regardant ses pieds, Njörd et Freyja restèrent immobiles à attendre l’énigme, et IL se demandait s’il ne valait pas mieux garder Halvorc encore quelques temps avant de s’en débarrasser. Halvorc, lui, reprenait peu à peu son souffle.
« Très bien, alors commençons les hossssstilités. »
Nidhögg se plaça plus confortablement et sembla réfléchir à l’énigme à choisir. Ses yeux s’ouvrirent soudainement, signe qu’il en avait trouvé une qui correspondait à ses attentes, puis il l’énonça à voix haute :
« Un ssssseigneur déssssside de faire une faveur à un condamné à mort. Il dit à ssssse condamné qu'il a le droit de prononssssser une phrase, et une ssssseule, avant de déssssséder. Sssssi sssssette phrase est un mensssssonge, alors il sssssera pendu. Sssssi par contre sssssette ultime tirade est vraie, alors il sssssera sssssimplement noyé. Que doit dire le condamné pour que ssssson bourreau sssssoit dans l’imposssssibilité de prossssséder à une exécution présssssise ? Vous avez tout votre temps. »
*
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(Traduit de l’Américain)
DENVER POST :
UN MOTEL DEVIENT LE THÉATRE D’UNE MORT SPECTACULAIRE.
Au fin fond du Colorado, hier soir, Betty Spinell a été le témoin d’un cas de mort spontanée, alors qu’elle encaissait l’argent d’un client. Ledit client s’était présenté comme étant un représentant en article électroménagers, et il venait de régler la pension pour la nuit en liquide lorsqu’il s’était effondré sans crier gare. La découverte des papiers d’identités du soi-disant représentant devait finalement révéler que. […]
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« Je… Je serais pendu… »
Tout le monde regarda avec un étonnement croissant le pauvre corps essoufflé d’Halvorc qui se redressait tant bien que mal. Nidhögg sourit, comme un serpent peut sourire, caressa de nouveau la joue de sa proie avec sa langue. Halvorc n’eut même pas la force de dégager la langue poisseuse. Il avait mal à la poitrine et sa tête lui tournait.
La réponse de l’énigme avait été donnée à peine dix minutes après la fin de l’énoncé, et par l’enjeu du débat qui plus est. Shannia remit la réponse dans son contexte, et battit vivement des mains, en sautant sur place.
« C’est ça ! Halvorc a raison ! Si le condamné dit qu’il sera pendu, alors le bourreau ne peut rien faire ! S’il considère que c’est la vérité, il le noiera, donc ça deviendra un mensonge. Et si ce que dit le prisonnier est un mensonge, il devra être pendu, donc…
-…ce qu’il dit aura été la vérité, c’est exact, termina Njörd. La petite a raison, maintenant dites-nous ce que vous savez sur le vol de l’arme, serpent Nidhögg. »
Le serpent déroula son corps et Halvorc tomba face contre terre. Shannia accouru vers lui et l’aida à s’éloigner de la bête, qui riait maintenant.
« Vous venez jussssste de répondre à la devinette pour libérer votre ami, rien de plusssss. Je vous dirais ssssse que je sssssais, mais pas avant que vous ayez passsssé mes deux autres épreuves.
-Nous n’avons pas de temps à perdre pour…
-Ssssseconde quessssstion ! poursuivit Nidhögg sans tenir compte de l’interruption de Freyja. Ssssselle-sssssi conssssserne votre éventuelle liberté de sssssortir d’isssssi entier, alors je vous conssssseille de faire attensssssion. »
Freyja ouvrit de nouveau la bouche pour protester, mais Njörd le retint. Il savait parfaitement que le seul moyen de gagner du temps était de jouer le jeu du perfide serpent, et non de lui forcer la main, sans mauvais jeu de mot.
Shannia avait allongé Halvorc au pied d’un arbre, et seul son torse sortait de la brume. On aurait presque pu croire que tout le bas de son corps avait disparu, tant elle était épaisse. Shannia passa une main sur son front et dégagea les cheveux noirs d’Halvorc de ses yeux. Il reprenait des couleurs normales après son étouffement, et son souffle se calmait peu à peu.
D’un autre coté, IL regardait Halvorc se remettre doucement. Ses yeux avaient recouvrés un aspect normal, mais ils n’en restaient pas moins embués de colère. Dès qu’on en a terminé avec ce serpent, je fous en l’air cette gamine. Elle gène.
« Lorsssssqu’on en est loin, on y sssssonge pas. Mais plus en sssss’en approche, plus on y penssssse. Et, enfin, quand elle est finalement là, on n’y penssssse plus du tout. Qu’est-ssssse que sssss’est ? »
Tous se creusèrent cette fois-ci la tête à l’unisson, trop pressés de partir. Le serpent géant s’apporta un nouvel encas qu’il dégusta bruyamment morceaux par morceaux en attendant patiemment la réponse. Seule Shannia n’y réfléchissait pas assidûment, car son esprit était trop encombré de pensées contradictoires pour se concentrer sur cette devinette.
Elle revoyait les yeux de IL qui se transformaient, puis la claque, puis de nouveau les yeux, puis IL qui efface la trace sur le coffre, puis la claque, les yeux, la trace, la claque, yeux, claque, trace, yeux trace claque trace yeux claque traceyeuxclaquetracetraceclaqueyeux… Elle gémit et se prenant la tête à deux mains.
Au bout d’un certain temps, Nidhögg apporta une longue et épaisse liane qui provenait du ciel. Elle semblait battre de l’intérieur et être chargée de vie propre. Le serpent déroula sa queue et plaça sa tête sur l’immense tubercule secoué de légers tressaillements, et il se mit à le ronger, déconcentrant les autres.
« Qu’est-ce que c’est… demanda Shannia en oubliant momentanément sa migraine.
-C’est une des racines de l’Yggdrasil, répondit Halvorc en sifflant. Nidhögg ronge jour après jour une des trois grandes racines de l’arbre des mondes, afin d’anticiper sa chute.
-Ne parle pas trop…
-Ça va aller, ne t’en fais pas… » Il déglutit péniblement. « Je ne vois pas quelle est la réponse de cette énigme… L’autre, je la connaissais déjà, mais celle-ci… »
Njörd et Freyja se concertaient dans leur coin, puis hochèrent la tête et se dirigèrent vers Halvorc et Shannia. Ils invitèrent IL à les rejoindre et exposèrent leur idée :
« La réponse est peut-être la nourriture ? proposa Freyja. On n’y pense pas tout le temps, mais quand on commence à avoir faim, on a du mal à oublier. Et lorsqu’on mange, on ne pense plus à se nourrir, on le fait.
-Mouais, grogna IL. Moi je pensais au sexe, pour la même raison.
-La réponse est forcément de type féminin, puisque dans l’énoncé, Nidhögg a dit : Quand elle est finalement là, on n’y pense plus du tout. »
Tout le monde approuva l’indice de Njörd.
« Personne ne sait ? demanda Shannia. On propose quoi alors ?
-Le sexe, grogna de nouveau IL.
-Je pense que Nidhögg ne nous laissera qu’une seule réponse à donner, alors nous n’avons pas le droit à l’erreur, annonça Freyja. Je le connais, ça serait bien son style.
-Mais vous ne pouvez pas le soumettre ? demanda Shannia. Vous êtes des Dieux, tout de même. »
Un silence s’abattit sur le groupe. Les deux Vanes ne dirent rien, gênés, et Shannia préféra ne pas insister. Mais ce fut Halvorc qui répondit à leur place, proposant sa théorie sur la question : « Je pense que Nidhögg est ici chez lui, et que si les Dieux, qu’ils soient Vanes ou Ases, venaient pour le pourfendre, ou même simplement le brutaliser, ça risquerait de déclencher un conflit, dont l’issue serait le Ragnarök. L’apocalypse version nordique. »
Le serpent géant, derrière eux, mit sa racine de coté.
« Il est intelligent, ssssse petit humain. Et dire que j’ai failli le dégussssster, sssssa aurait été dommage de le laissssser partir, non ? Maintenant, cesssssons les palabres : Avez-vous la réponssssse à mon énigme, oui ou non ? »
IL se releva et s’avança vers le serpent. Les Vanes, Halvorc et Shannia retinrent leur souffle, persuadé que le Trauménien allait proposer sa version excitée de la réponse, mais il n’en fut rien. IL se campa sur ses jambes, et lança une toute autre solution.
« Il s’agit de la Mort. »
Le serpent tiqua, cette fois-ci. La première fois qu’ils avaient découvert la réponse à son énigme, il avait été content de trouver un groupe d’égarés un tant soit peu plein de jugement. Mais avoir un groupe capable de répondre correctement à deux de ses énigmes, il n’en revenait pas.
« Sssss’est exact, marmonna-t-il. Vous êtes donc libres de partir, sssssi sssssa vous chante. Mais sssssi vous voulez sssssavoir ce que je sssssais sssssur ssssse vol d’arme au Sssssvartalfheim, alors vous devrez ressssster encore un peu.
-Nous allons ressssster, railla IL. Envoie la dernière énigme, ssssserpent ! »
Nidhögg dû se retenir pour ne pas enfoncer ses crocs dans la chair de cet humain rebelle qui osait se moquer de lui. Mais Nidhögg savait parfaitement que la dernière énigme leur serait impossible à réussir. Il passa sa langue fourchue sur ses écailles autours de sa gueule, et formula sa dernière devinette.
« Un champ blanc, une sssssemence noire, 5 humains sssssèment sssssous la direcsssssion de deux autres, la meilleure nourriture qui sssssoit. Quelle est sssssette nourriture ? » Nidhögg découvrit ses crocs immaculés et ajouta :
« Hâtez-vous, ma passsssience a des limites… »
*
* *
(Traduit du Suédois)
AFTONBLADET :
MORTE À NEUF ANS.
Malgré la rapidité exemplaire des pompiers de Stockholm, la petite fille âgée seulement de neuf ans ne survivra pas à son attaque foudroyante, en pleine rue, qui l’emportera quelques minutes après l’arrivée des secours. La mère de la victime déclara aux pompiers que sa fille n’avait eu aucune maladie en rapport avec son cœur depuis sa naissance, et personne, pas même les médecins qui se sont occupés de son corps, ne comprenne ce qui a pu arriver à […]
Dernière édition par le Lun 20 Juin - 16:20, édité 1 fois
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Localisation : Dans les limbes torturées d'un esprit dérangé.
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Re: Traumenschar
Un écureuil couru de lianes en lianes, avec une agilité spectaculaire, jusqu’à ce qu’il tombe sciemment dans la brume. Il réapparu quelques secondes plus tard, aussi rapide qu’avant, et grimpa sur l’échine du serpent sans s’inquiéter outre mesure. Il escalada sans peine les écailles de la monstrueuse bête à sang froid avant de parvenir sur la tête aplatie de Nidhögg, nullement essoufflé.
Shannia le regardait sautiller sur le nez du serpent géant depuis le sol, toujours auprès d’Halvorc. Ils n’avaient pas trouvé de réponses à la dernière énigme, ni même une éventuelle idée malgré les indices lâchés par Nidhögg, contre toute attente.
« Sssssette énigme est plus sssssimple à résoudre lorsssssqu’elle est écrite. » avait-il dit au bout d’une bonne heure de recherche vaine. Puis, encore beaucoup plus tard, alors que l’après-midi était déjà bien passée, il avait donné un second indice, indiquant que c’était le dernier : « Je ne peux pas pratiquer la réponsssssse. »
Les indices étaient presque pires que la devinette, se dit Shannia. Elle regarda Halvorc, plongé dans ses pensées, qui grattait un sol invisible sous la nappe de brume. IL faisait les cents pas sans raison, semblant réfléchir, mais Shannia se surprit à penser qu’IL simulait. Elle n’avait peut-être pas tort : IL n’avait aucune idée sur la réponse.
Le petit écureuil s’arrêta de sautiller, et Nidhögg écouta ce que disait l’animal à fourrure. Puis il éclata de rire.
« Dis à ssssset ahuri de rapassssse qu’il vaut mieux avoir une longue queue qu’une paire d’ailes pour sssssertaines choses. » IL approuva distraitement.
L’écureuil opina de sa minuscule tête, et redescendit prestement du serpent avant de plonger dans la brume. Il disparut comme il était venu, sautant de lianes en lianes jusqu’à sortir du champ de vision de Shannia.
« Je ne trouve rien, rien de rien ! » Freyja lâcha un long soupir découragé. « Je suis persuadée qu’il nous a embrouillé avec des indices inutile. Laissons tomber ces informations, et allons voir Hel.
-Tu es sûre ? demanda Njörd quelque peu déçu.
-Tu as une idée de la réponse ? » répliqua violemment Freyja, dont la patience n’était pas le point fort. Njörd dû admettre que non. Il se tourna vers le serpent géant qui riait encore de sa réponse donnée à l’écureuil, et déclama d’une voix forte :
« Serpent Nidhögg, nous avons répondu juste à deux de tes énigmes, et nous avons donc gagné la récupération de l’affront fait par cet humain, et le droit de passage sur ton territoire. Nous allons donc partir. »
Le serpent paru sincèrement déçu.
« Vraiment ? Vous abandonnez ?
-Nous ne sommes pas de taille, avoua Njörd. Vous gardez donc vos renseignements, et nous passerons notre chemin. »
Le serpent secoua la tête dans une mimique parfaitement humaine, et s’étira sur toute sa hauteur. Jusqu’au dernier moment, Shannia cru qu’il allait fondre sur eux et prélever une ultime taxe pour le passage en dévorant l’un des voyageurs. Mais Nidhögg n’en fit rien. Il regarda aux alentours, son regard passant sur l’ensemble de son territoire dévasté et froid, puis tendit sa tête vers l’ouest.
« Le passsssage vers le royaume d’Helheim est par là, vous y ssssserez dans quelques heures. Vous pourrez vous reposer une fois mon domaine traversssssé, car il fera moins froid de l’autre coté. » Il découvrit une dernière fois ses crocs enduits de poison. « Sssssachez que je n’avais rien contre vous, mais je n’ai que peu de sssssurprises en ssssses lieux, alors je profite de ssssse qu’on me donne, vous comprenez ?
-Nous vous remercions, dit Njörd en reprenant sa marche accompagné de Freyja.
-Ouais, à la revoyure. » jeta IL en tournant les talons. Halvorc s’était presque complètement remit et arrivait maintenant à marcher sans être soutenu par Shannia, qui avait reprit sa place auprès de IL. Mais elle n’était plus collée à lui, maintenant, elle se tenait à quelques centimètres de celui qui lui avait donné une gifle.
Nidhögg regarda s’éloigner le groupe avec des remords. Il aurait pu en garder un, celui avec les cheveux rouges qui se moquait ouvertement de lui. Mais quelque chose dans l’attitude de ce dernier lui déplaisait, et il n’aimait pas sentir ce type d’émotions. Malheureusement pour lui, il allait devoir vivre pendant de longues semaines avec cette peur, une fois la nuit passée.
Il se ramena un autre cadavre de femme et en dévora une jambe comme un croûton de pain. « Les deux autres femmes passsssées avant vous étaient plus douées, elles avaient sssssu répondre à ssssselle-sssssi. »
*
* *
(Traduit du Japonais)
KYOTO SHIMBUN NEWSPAPER :
LE BUS ÉTAIT DEVENU INCONTRÔLABLE.
C’est ce qu’a déclaré un des passagers du bus qui s’est encastré dans la toute nouvelle façade de la Kyoto Station après avoir éviter de peu un nombre incalculable d’accidents. L’ensemble des passagers était sain et sauf, mais le conducteur était décédé. En fait, selon de multiples témoignages, le conducteur, Hideo Nataka, 42ans, était tombé le nez sur son volant avant l’accident, le provoquant lui-même. Aucune des personnes présentes ne peut par contre affirmer que la mort était survenue avant l’impact final, qui acheva certainement le malheureux homme évanoui.
Malaise ou arrêt cardiaque, la question se pose encore pour les […]
*
* *
Ils atteignirent les bords du Nifelheim avant la nuit, et Shannia n’en fut que plus heureuse. Elle n’avait aucune envie de passer un instant de plus dans cet endroit humide et gelé. Au loin, elle devinait de temps à autre les mouvements de Nidhögg qui se promenait dans son domaine. Elle l’imaginait facilement entrain de mâchonner un bras ou un tronc humain, tout en persiflant sur leur incapacité à répondre.
Halvorc s’assit au pied d’un arbre. La brume était devenue bien moins importante, et elle disparaissaient complètement quelques kilomètres plus loin. Au-delà de cette limite indéfinie s’étendait Helheim. Mais il lui fallait se reposer. Njörd et Freyja déclarèrent qu’ils allaient rester ici pour la nuit, et qu’ils attendraient le petit matin pour poursuivre.
« Il est inutile de continuer dans le noir, nous risquerions de nous perdre. De plus, je n’ai aucune confiance en ce serpent, et en sa parole. Je monterai la garde, je n’ai pas besoin de dormir, pour ma part. »
Personne n’objecta et tous se couchèrent sans un mot. Shannia s’endormit peu de temps après Halvorc, qui restait très faible après sa mésaventure. IL se leva et s’éloigna lentement du camp, sans faire de bruit.
« Où vas-tu ? demanda Njörd dans les ténèbres environnantes.
-Je fais faire un tour, histoire de me changer les idées. Je n’arrive pas à dormir. »
Njörd ne répondit rien, et IL considéra qu’il donnait son accord. Et puis, se dit-IL, je pense surtout qu’il n’en a rien à foutre si je me fais choper par ce serpent cachottier. Mais ce n’est pas lui qui va me prendre par surprise.
C’est moi.
*
* *
Nidhögg rongeait toujours la racine de l’Yggdrasil lorsqu’il entendit un bruit derrière lui. Avec la rapidité de l’éclair, il envoya sa queue balayer la source du bruit, mais il ne renversa que les arbres sans vie. Il examina le sol, puis les alentours. Rien. Je dois avoir rêvé, se dit-il. Sssssette journée a été chargée en émosssssions, ssssse qui est rare ssssses derniers temps à Nifelheim.
Il retourna à sa racine mais ce qu’il vit lui coupa l’appétit. Il y eut quelque temps après cette confrontation où le serpent Nidhögg n’osait d’ailleurs plus toucher à cette racine, de peur de le revoir accroché dessus.
IL se tenait debout sur la racine, à l’horizontal, défiant les lois de la gravité. IL souriait, exhibant des dents autrement plus effrayantes que les deux simples crocs de Nidhögg. Une aura noire l’enveloppait comme de la soie, et il dégageait un sentiment de peur, de puissance et de folie hors norme.
« Coucou, dit-il nonchalamment. C’est le facteur ! »
Il se jeta sur Nidhögg et lui attrapa une narine des deux mains. Sans appui, il appliqua une impulsion de torsion à ses poignets, et l’immense serpent virevolta dans les airs avant de retomber sur le sol, sur le dos.
« Sur le sol ou sur le do ? dit IL en mimant avec ses doigts les mouvements d’un pianiste. Il est tombé sur le sol, sur le dos ! » À chaque note citée, il imprimait une série de coups de pieds sur le gigantesque reptile qui couinait. Celui-ci s’enroula sur lui-même, et cracha. Il ne fut pas impressionné.
« Qu’est-ssssse que tu veux ?!!
-Simplement des renseignements, répondit IL calmement. Des rensssssseignements qui risque de se transformer en rensaignement, si tu refuses de me répondre. Parce que si les Dieux ne peuvent pas te tuer à cause du Ragnamachinchouette, moi je n’en ai rien à secouer, de tous vous éliminer !! »
Nidhögg s’élança sur lui, et IL fit une pirouette au dessus de sa tête qui se planta dans la brume. IL retomba lourdement dessus et s’agrippa derrière ses ouïes. Là, IL commença sa torture. Il plongea ses mains entre deux écailles et l’arracha. Le serpent hurla de douleur.
« Alors, petit scarabée ? dit-IL en prenant l’accent japonais.
-Que veux-tu sssssavoir ? »
IL jubila en entendant les intonations apeurées dans la voix du serpent. IL relâcha l’écaille à demi arrachée et tapota sur une autre avec ses ongles, produisant un rythme singulièrement agaçant.
« Eh bien, tu pourrais commencer par me dire ce que tu sais sur le vol de cette arme, au Svartalfheim ?
-Je… Je ne sssssais rien ! bredouilla Nidhögg.
-Mauvaise réponse. » IL arracha la seconde écaille avant de la replanter dans la plaie béante. Du sang froid lui gicla dessus, et IL se lécha les doigts, un sourire de satisfaction sur les lèvres. IL mit ses mains sur une autre écaille, et la titilla.
« On recommence : Que sais-tu sur…
-Je sssssais sssssimplement que deux femmes sssssont passsssées par isssssi peu de temps avant que j’entende parler de sssssette hissssstoire.
-Comment étaient-elles ?
-L’une était vieille, et l’autre jeune. Elles venaient de Helheim, et elles sssssemblaient sssss’amuser comme des folles. Elles sssssont venues me voir pour me demander un moyen de trasssssport. Elles ne voulaient plus marcher.
-Ont-elles dit où elles voulaient aller ?
-Non, je sssssuppose qu’elles sssssont allées dans le Svartalfheim, mais je n’en sssssuis pas sssssûr.
-Tu leur as donné une monture ? »
Nidhögg ne répondit pas immédiatement, et IL commença à tirer sur l’écaille. Un immonde bruit de déchirement se fit entendre, et le serpent coassa.
« Je leur ai posé la même énigme qu’à vous, mais elles ont sssssu y répondre, alors je leur ai fourni deux ssssserfs.
-Deux cerfs ? répéta IL.
-Oui, Durathor et Duneyr, deux des quatre ssssserfs qui se nourrisssssent du feuillage de l’Yggdrasil. Elles sssssont parties avec, et je n’en sssssais pas plus, je le jure. »
Il lâcha l’écaille et glissa jusqu’au sol. On peut même dire qu’il vola jusqu’au sol tant il ne touchait pas le serpent durant sa descente. Arrivé en bas, il resta en suspension au dessus de la brume et de dos au serpent.
« J’espère que tu ne m’as pas menti. »
Pour toute réponse, Nidhögg fonça sur lui, gueule ouverte. IL se retourna et banda ses muscles. Ses yeux étaient entièrement noirs, et des volutes de ténèbres en sortaient, s’effilochant en suivant le mouvement. Il attrapa le haut et le bas de la mâchoire du serpent et la maintint ouverte. Nidhögg émit un bruit de gargouillis plaintif.
Lorsqu’IL parla, ce n’était plus sa voix, mais un relent de néant.
« Si jamais il s’avère que ce n’est pas la vérité, je reviendrais te rendre une petite visite de courtoisie. Et je te conseille de prier pour que ça soit moi, et non Lui qui vienne. »
Là-dessus, IL relâcha la gueule du serpent et celui-ci couina en se redressant. Il se frotta les mains d’un air satisfait, pendant que ses yeux reprenaient peu à peu leur couleur d’origine. Puis, avant de disparaître pour rejoindre les Vanes, Shannia et Halvorc, il lui lança une dernière réplique.
« Au fait, la solution c’était l’écriture. Les cinq hommes qui sèment sont les doigts de la main qui écrivent, les deux autres qui dirigent sont les yeux qui lisent. L’écriture est effectivement la meilleure nourriture qui soit, à savoir celle de l’esprit. Et, effectivement, tu ne peux pas pratiquer l’écriture, vil serpent sans mains. »
Alors Nidhögg, pour la première fois depuis sa naissance, pleura des larmes de terreur pure face à cet immonde individu.
Shannia le regardait sautiller sur le nez du serpent géant depuis le sol, toujours auprès d’Halvorc. Ils n’avaient pas trouvé de réponses à la dernière énigme, ni même une éventuelle idée malgré les indices lâchés par Nidhögg, contre toute attente.
« Sssssette énigme est plus sssssimple à résoudre lorsssssqu’elle est écrite. » avait-il dit au bout d’une bonne heure de recherche vaine. Puis, encore beaucoup plus tard, alors que l’après-midi était déjà bien passée, il avait donné un second indice, indiquant que c’était le dernier : « Je ne peux pas pratiquer la réponsssssse. »
Les indices étaient presque pires que la devinette, se dit Shannia. Elle regarda Halvorc, plongé dans ses pensées, qui grattait un sol invisible sous la nappe de brume. IL faisait les cents pas sans raison, semblant réfléchir, mais Shannia se surprit à penser qu’IL simulait. Elle n’avait peut-être pas tort : IL n’avait aucune idée sur la réponse.
Le petit écureuil s’arrêta de sautiller, et Nidhögg écouta ce que disait l’animal à fourrure. Puis il éclata de rire.
« Dis à ssssset ahuri de rapassssse qu’il vaut mieux avoir une longue queue qu’une paire d’ailes pour sssssertaines choses. » IL approuva distraitement.
L’écureuil opina de sa minuscule tête, et redescendit prestement du serpent avant de plonger dans la brume. Il disparut comme il était venu, sautant de lianes en lianes jusqu’à sortir du champ de vision de Shannia.
« Je ne trouve rien, rien de rien ! » Freyja lâcha un long soupir découragé. « Je suis persuadée qu’il nous a embrouillé avec des indices inutile. Laissons tomber ces informations, et allons voir Hel.
-Tu es sûre ? demanda Njörd quelque peu déçu.
-Tu as une idée de la réponse ? » répliqua violemment Freyja, dont la patience n’était pas le point fort. Njörd dû admettre que non. Il se tourna vers le serpent géant qui riait encore de sa réponse donnée à l’écureuil, et déclama d’une voix forte :
« Serpent Nidhögg, nous avons répondu juste à deux de tes énigmes, et nous avons donc gagné la récupération de l’affront fait par cet humain, et le droit de passage sur ton territoire. Nous allons donc partir. »
Le serpent paru sincèrement déçu.
« Vraiment ? Vous abandonnez ?
-Nous ne sommes pas de taille, avoua Njörd. Vous gardez donc vos renseignements, et nous passerons notre chemin. »
Le serpent secoua la tête dans une mimique parfaitement humaine, et s’étira sur toute sa hauteur. Jusqu’au dernier moment, Shannia cru qu’il allait fondre sur eux et prélever une ultime taxe pour le passage en dévorant l’un des voyageurs. Mais Nidhögg n’en fit rien. Il regarda aux alentours, son regard passant sur l’ensemble de son territoire dévasté et froid, puis tendit sa tête vers l’ouest.
« Le passsssage vers le royaume d’Helheim est par là, vous y ssssserez dans quelques heures. Vous pourrez vous reposer une fois mon domaine traversssssé, car il fera moins froid de l’autre coté. » Il découvrit une dernière fois ses crocs enduits de poison. « Sssssachez que je n’avais rien contre vous, mais je n’ai que peu de sssssurprises en ssssses lieux, alors je profite de ssssse qu’on me donne, vous comprenez ?
-Nous vous remercions, dit Njörd en reprenant sa marche accompagné de Freyja.
-Ouais, à la revoyure. » jeta IL en tournant les talons. Halvorc s’était presque complètement remit et arrivait maintenant à marcher sans être soutenu par Shannia, qui avait reprit sa place auprès de IL. Mais elle n’était plus collée à lui, maintenant, elle se tenait à quelques centimètres de celui qui lui avait donné une gifle.
Nidhögg regarda s’éloigner le groupe avec des remords. Il aurait pu en garder un, celui avec les cheveux rouges qui se moquait ouvertement de lui. Mais quelque chose dans l’attitude de ce dernier lui déplaisait, et il n’aimait pas sentir ce type d’émotions. Malheureusement pour lui, il allait devoir vivre pendant de longues semaines avec cette peur, une fois la nuit passée.
Il se ramena un autre cadavre de femme et en dévora une jambe comme un croûton de pain. « Les deux autres femmes passsssées avant vous étaient plus douées, elles avaient sssssu répondre à ssssselle-sssssi. »
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(Traduit du Japonais)
KYOTO SHIMBUN NEWSPAPER :
LE BUS ÉTAIT DEVENU INCONTRÔLABLE.
C’est ce qu’a déclaré un des passagers du bus qui s’est encastré dans la toute nouvelle façade de la Kyoto Station après avoir éviter de peu un nombre incalculable d’accidents. L’ensemble des passagers était sain et sauf, mais le conducteur était décédé. En fait, selon de multiples témoignages, le conducteur, Hideo Nataka, 42ans, était tombé le nez sur son volant avant l’accident, le provoquant lui-même. Aucune des personnes présentes ne peut par contre affirmer que la mort était survenue avant l’impact final, qui acheva certainement le malheureux homme évanoui.
Malaise ou arrêt cardiaque, la question se pose encore pour les […]
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Ils atteignirent les bords du Nifelheim avant la nuit, et Shannia n’en fut que plus heureuse. Elle n’avait aucune envie de passer un instant de plus dans cet endroit humide et gelé. Au loin, elle devinait de temps à autre les mouvements de Nidhögg qui se promenait dans son domaine. Elle l’imaginait facilement entrain de mâchonner un bras ou un tronc humain, tout en persiflant sur leur incapacité à répondre.
Halvorc s’assit au pied d’un arbre. La brume était devenue bien moins importante, et elle disparaissaient complètement quelques kilomètres plus loin. Au-delà de cette limite indéfinie s’étendait Helheim. Mais il lui fallait se reposer. Njörd et Freyja déclarèrent qu’ils allaient rester ici pour la nuit, et qu’ils attendraient le petit matin pour poursuivre.
« Il est inutile de continuer dans le noir, nous risquerions de nous perdre. De plus, je n’ai aucune confiance en ce serpent, et en sa parole. Je monterai la garde, je n’ai pas besoin de dormir, pour ma part. »
Personne n’objecta et tous se couchèrent sans un mot. Shannia s’endormit peu de temps après Halvorc, qui restait très faible après sa mésaventure. IL se leva et s’éloigna lentement du camp, sans faire de bruit.
« Où vas-tu ? demanda Njörd dans les ténèbres environnantes.
-Je fais faire un tour, histoire de me changer les idées. Je n’arrive pas à dormir. »
Njörd ne répondit rien, et IL considéra qu’il donnait son accord. Et puis, se dit-IL, je pense surtout qu’il n’en a rien à foutre si je me fais choper par ce serpent cachottier. Mais ce n’est pas lui qui va me prendre par surprise.
C’est moi.
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Nidhögg rongeait toujours la racine de l’Yggdrasil lorsqu’il entendit un bruit derrière lui. Avec la rapidité de l’éclair, il envoya sa queue balayer la source du bruit, mais il ne renversa que les arbres sans vie. Il examina le sol, puis les alentours. Rien. Je dois avoir rêvé, se dit-il. Sssssette journée a été chargée en émosssssions, ssssse qui est rare ssssses derniers temps à Nifelheim.
Il retourna à sa racine mais ce qu’il vit lui coupa l’appétit. Il y eut quelque temps après cette confrontation où le serpent Nidhögg n’osait d’ailleurs plus toucher à cette racine, de peur de le revoir accroché dessus.
IL se tenait debout sur la racine, à l’horizontal, défiant les lois de la gravité. IL souriait, exhibant des dents autrement plus effrayantes que les deux simples crocs de Nidhögg. Une aura noire l’enveloppait comme de la soie, et il dégageait un sentiment de peur, de puissance et de folie hors norme.
« Coucou, dit-il nonchalamment. C’est le facteur ! »
Il se jeta sur Nidhögg et lui attrapa une narine des deux mains. Sans appui, il appliqua une impulsion de torsion à ses poignets, et l’immense serpent virevolta dans les airs avant de retomber sur le sol, sur le dos.
« Sur le sol ou sur le do ? dit IL en mimant avec ses doigts les mouvements d’un pianiste. Il est tombé sur le sol, sur le dos ! » À chaque note citée, il imprimait une série de coups de pieds sur le gigantesque reptile qui couinait. Celui-ci s’enroula sur lui-même, et cracha. Il ne fut pas impressionné.
« Qu’est-ssssse que tu veux ?!!
-Simplement des renseignements, répondit IL calmement. Des rensssssseignements qui risque de se transformer en rensaignement, si tu refuses de me répondre. Parce que si les Dieux ne peuvent pas te tuer à cause du Ragnamachinchouette, moi je n’en ai rien à secouer, de tous vous éliminer !! »
Nidhögg s’élança sur lui, et IL fit une pirouette au dessus de sa tête qui se planta dans la brume. IL retomba lourdement dessus et s’agrippa derrière ses ouïes. Là, IL commença sa torture. Il plongea ses mains entre deux écailles et l’arracha. Le serpent hurla de douleur.
« Alors, petit scarabée ? dit-IL en prenant l’accent japonais.
-Que veux-tu sssssavoir ? »
IL jubila en entendant les intonations apeurées dans la voix du serpent. IL relâcha l’écaille à demi arrachée et tapota sur une autre avec ses ongles, produisant un rythme singulièrement agaçant.
« Eh bien, tu pourrais commencer par me dire ce que tu sais sur le vol de cette arme, au Svartalfheim ?
-Je… Je ne sssssais rien ! bredouilla Nidhögg.
-Mauvaise réponse. » IL arracha la seconde écaille avant de la replanter dans la plaie béante. Du sang froid lui gicla dessus, et IL se lécha les doigts, un sourire de satisfaction sur les lèvres. IL mit ses mains sur une autre écaille, et la titilla.
« On recommence : Que sais-tu sur…
-Je sssssais sssssimplement que deux femmes sssssont passsssées par isssssi peu de temps avant que j’entende parler de sssssette hissssstoire.
-Comment étaient-elles ?
-L’une était vieille, et l’autre jeune. Elles venaient de Helheim, et elles sssssemblaient sssss’amuser comme des folles. Elles sssssont venues me voir pour me demander un moyen de trasssssport. Elles ne voulaient plus marcher.
-Ont-elles dit où elles voulaient aller ?
-Non, je sssssuppose qu’elles sssssont allées dans le Svartalfheim, mais je n’en sssssuis pas sssssûr.
-Tu leur as donné une monture ? »
Nidhögg ne répondit pas immédiatement, et IL commença à tirer sur l’écaille. Un immonde bruit de déchirement se fit entendre, et le serpent coassa.
« Je leur ai posé la même énigme qu’à vous, mais elles ont sssssu y répondre, alors je leur ai fourni deux ssssserfs.
-Deux cerfs ? répéta IL.
-Oui, Durathor et Duneyr, deux des quatre ssssserfs qui se nourrisssssent du feuillage de l’Yggdrasil. Elles sssssont parties avec, et je n’en sssssais pas plus, je le jure. »
Il lâcha l’écaille et glissa jusqu’au sol. On peut même dire qu’il vola jusqu’au sol tant il ne touchait pas le serpent durant sa descente. Arrivé en bas, il resta en suspension au dessus de la brume et de dos au serpent.
« J’espère que tu ne m’as pas menti. »
Pour toute réponse, Nidhögg fonça sur lui, gueule ouverte. IL se retourna et banda ses muscles. Ses yeux étaient entièrement noirs, et des volutes de ténèbres en sortaient, s’effilochant en suivant le mouvement. Il attrapa le haut et le bas de la mâchoire du serpent et la maintint ouverte. Nidhögg émit un bruit de gargouillis plaintif.
Lorsqu’IL parla, ce n’était plus sa voix, mais un relent de néant.
« Si jamais il s’avère que ce n’est pas la vérité, je reviendrais te rendre une petite visite de courtoisie. Et je te conseille de prier pour que ça soit moi, et non Lui qui vienne. »
Là-dessus, IL relâcha la gueule du serpent et celui-ci couina en se redressant. Il se frotta les mains d’un air satisfait, pendant que ses yeux reprenaient peu à peu leur couleur d’origine. Puis, avant de disparaître pour rejoindre les Vanes, Shannia et Halvorc, il lui lança une dernière réplique.
« Au fait, la solution c’était l’écriture. Les cinq hommes qui sèment sont les doigts de la main qui écrivent, les deux autres qui dirigent sont les yeux qui lisent. L’écriture est effectivement la meilleure nourriture qui soit, à savoir celle de l’esprit. Et, effectivement, tu ne peux pas pratiquer l’écriture, vil serpent sans mains. »
Alors Nidhögg, pour la première fois depuis sa naissance, pleura des larmes de terreur pure face à cet immonde individu.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
7. Alfheim.
Laekh marchait à grandes enjambées sur le tapis du couloir, slalomant entres les meubles et les piles de dossiers posés à même le sol avec dextérité. Il avait une mine soucieuse mais déterminée. Il s’approcha du paravent qui masquait le bureau où se trouvait l’ordinateur et se glissa derrière le siège sans trop de bruit.
Il toucha DragonNoir à l’épaule et celui-ci sursauta. L’enchaînement des derniers évènements, avec la mutinerie d’Halvorc, la condamnation de son salon au profit d’une chambre froide et la disparition de Séphira Strife, tout ceci conjugué mettait DragonNoir dans un état d’épuisement incommensurable. Il était sur les nerfs, dormait peu, s’alimentait encore plus succinctement qu’avant et ne cessait de réfléchir à un moyen de faire revenir l’idée de Mr.Magnum sur ses rails de départ.
Plus rien de va. Nous avons des Trauméniens égarés parmi les limbes des multiples au-delà, un groupe ici, un autre là, d’autres qui ont été séparés comme Hilde ou Youfie dont nous sommes sans nouvelles, et je sens que je ne vais pas tenir le coup bien longtemps. Il nous faudrait des informations autrement plus importantes que les maigres indices dispensés par Gorgon_Roo, bien que cela constitue un début non négligeable.
DragonNoir en était à ces pensées lorsque Laekh l’interrompit.
« Excuse-moi de te déranger, mais sais-tu quand Angie et DarKenshin vont rentrer ? Elles sont parties depuis quelques jours, maintenant, et nous n’avons pas de nouvelles…
-Tu as tenté de les appeler ? demanda DragonNoir en se grattant la joue, hérissée d’un début de barbe hirsute.
-Aucune réponse. Je tombe directement sur la messagerie, et le portable de DarKenshin est resté ici, rappelle-toi. »
DragonNoir jura, tandis que Radamenthe passait près d’eux. Celui-ci se dirigea vers la salle à manger en passant par le salon. Sa main glissa sur trois des quatre congélateurs qui ronronnaient doucement, et sourit. Un sourire enjoué, démontrant parfaitement son état d’esprit : Tout se déroulait comme il le souhaitait. Comme Il le souhaitait, rectifia-t-il mentalement. Même dans ses pensées, Radamenthe pensait à Lui avec une majuscule.
Il pénétra dans la salle de déjeuner qu’il trouva vide à l’exception de Lord FireFly, attablé et pensif. Radamenthe tira une chaise et s’assit en face de son collègue, qui afficha également un sourire radieux en entendant les quelques mots que prononça Radamenthe.
« C’est ok, ils avaient été récupérés bien avant que la salamandre n’y pense, et ils sont en sûreté. Chez Lui. »
Lord FireFly hocha la tête, élargissant son sourire, puis la porte s’ouvrit en un violent claquement, et l’un comme l’autre tournèrent la tête vers Viper Dragoon qui braillait, dans un état d’excitation aucunement simulé :
« Elles sont revenues, venez vite ! »
Viper Dragoon ne resta pas plus longtemps en place et rejoignit l’attroupement dans l’entrée. Q-Po, Lord Satana et Arkh étaient là aussi, pendant que DragonNoir demandait un peu de calme à l’assemblée. Laekh s’était jeté sur Angie et lui tenait les mains comme si elles risquaient de s’envoler.
« J’ai vraiment cru que je t’avais perdue, comme les autres, lui dit-il. Tu as toujours ta pilule sur toi ? » Elle hocha la tête, et attendit que le silence soit revenu. Sur quoi elle inspira longuement, regarda DarKenshin qui lui intima de commencer, et ouvrit la bouche sur une phrase qui fit presque monter les larmes aux yeux de DragonNoir, de dépit.
« Nous n’avons pas de bonnes nouvelles, annonça-t-elle d’un ton froid.
-Vous n’avez pas retrouvé les corps ? demanda Lord FireFly, prenant un air inquiet.
-Aucun corps. Celui de Youfie est introuvable, malgré que DarKenshin l’ait suivie durant son ultime trajet, et celui de Squall avait lui aussi disparu. J’ai eu énormément de mal à retrouver une trace de son accident.
-Mais ils n’ont pas pu trépasser sans laisser de corps, et même s’ils s’étaient intégralement consumés, nous aurions pu dénicher des cendres, ajouta DarKenshin. Mais il n’y avait rien.
-Et pour le premier groupe, celui avec Magnum, Fury, Erwan, K-Ro et Haschatan ? dit Q-Po. Vous n’avez pas découvert des restes ?
-Nous avons inspectés les restes de la Renault de Magnum, si tu veux parler de restes. Mais aucun humain n’était à l’intérieur, selon les rapports que nous avons pu consulter. »
Cette dernière complication plongea l’ensemble de la communauté dans un abyme de perplexité, et personne n’osa ajouter un mot. Ils n’avaient plus de liaison avec les corps spectraux de ces Trauméniens, et maintenant plus non plus de liens physiques ne serait-ce qu’avec les cadavres.
La désolation générale atteignit son paroxysme lorsque Angie prononça haut et fort les sombres pensées de chacun :
« Je pense que nous devons les considérer comme perdus. »
Au fond du groupe, Lord FireFly et Radamenthe ricanèrent silencieusement.
« Pas pour tout le monde… » ajoutèrent-ils tout bas.
*
* *
Heimdall divisa le rocher en deux sans même faire d’efforts visibles. Si on avait demandé à Séphira Strife de décrire la scène, elle aurait simplement dit que Heimdall avait levé sa hache et l’avait plongé dans le rocher comme s’il avait fendu une simple bûche. Il releva sa hache qui était plus large que les deux Trauméniens réunit et la replaça sur son dos, grâce à un impressionnant harnachement.
« Quelle force, s’étonna Soulblighter dont le combat contre le géant Surt avait réveillé la langue. Je suis curieux de voir ce que ça donnerait en combat, cette arme. »
Pour toute réponse, Heimdall s’autorisa un sourire et déplaça les deux demi rochers de part et autre de la sortie. La seule sortie du Muspellheim, qui venait d’être bloqué par la chute du géant lorsque Séphira Strife avait refusé de lui donner un baiser avant de partir.
« MAIS POURQUOI DONC ? SUIS-JE DONC SI REPOUSSANT ? lui avait-il dit.
-Disons que votre tempérament est trop ardent à mon goût, et j’ai peur de me brûler les ailes si je vous côtoie de plus près. » C’était cette remarque qui avait déclenché le relent de colère du géant, qui avait donné un coup de pied dans une montagne avoisinante, de dépit certainement, avant de leur indiquer le chemin, boudeur.
« Allons-y, entrons tous dans cette caverne, dit Thor en reprenant les rennes de la troupe. Nous atteindrons Alfheim dans peu de temps, et il y fera certainement moins chaud.
-Je fermerais la marche, j’ai toujours préféré être derrière. »
Séphira Strife se retourna brutalement, croyant voir un IL hilare, mais elle ne vit que Loki, lui adressant un sourire lourd de sous entendu.
« Qu’y a-t-il ? demanda-t-il.
-Hum. Rien. Vous n’auriez pas un fils ? »
Leur arrivée dans l’Alfheim leur causa un choc : L’environnement du Muspellheim était caniculaire, doté de la quasi-totalité des tons orangés, rouges et bruns. L’air y était étouffant et sec, la faune relativement hostile, et la flore assez peu présente. Pour ne pas dire inexistante tant la seule chose qui poussait chez le géant Surt était les éruptions de lave.
Donc, en toute logique, lorsqu’ils débouchèrent sur une clairière verdoyante au beau milieu d’une forêt ensoleillée, non loin d’un ruisseau dont Soulblighter arrivait presque à ressentir la fraîcheur, la transition fut assez brutale pour leur arracher un hoquet de surprise. Autant aux Dieux qu’aux Trauméniens.
« C’est stupéfiant, dit Séphira Strife en avançant au centre de l’étendue non boisée. Comment deux mondes aussi différents peuvent-ils se côtoyer ?
-Il faut remarquer que le dépaysement est un peu violent, effectivement, approuva Loki en forçant un peu trop sur les ronds de jambe.
-Mais vous avez l’air aussi étonnés que nous ? remarqua Séphira.
-Nous le sommes, affirma Thor en examinant les alentours. Nous n’avons pas l’habitude de passer d’un monde à l’autre. Nous préférons nous rendre directement dans le monde où nous avons une question à régler.
-Nous ne nous baladons pas. » précisa Heimdall en insistant sur le mot ‘baladons’.
Soulblighter renifla un moment, les yeux clos, puis se dirigea vers un arbre avec la manifeste intention de se soulager. Il avait trop abusé de la carafe du bateau. Il s’approcha d’un arbre, et poussa un soupir de contentement.
« Euh… dit l’arbre.
-Euh ? répéta Soulblighter tout en poursuivant son office.
-Vous… euh… …sur mon pied…
-Oh pardon. » Il dévia le jet. L’arbre le remercia gracieusement, puis Soulblighter vit deux bras qui se croisaient à hauteur de son visage. Il leva alors les yeux sur un visage écarlate – il ne su dire si c’était de honte ou de colère, sur le coup – coiffé d’une superbe chevelure blonde et lisse.
« Soyez les bienvenus dans Alfheim, le royaume des elfes blonds. » dit l’elfe.
Le soleil était déjà très bas dans le ciel lorsque les Ases et les Trauméniens atteignirent le village où résidait Elk’Al, l’arbre arrosé par Soulblighter. Après maintes explications de la part des deux camps ; où Soulblighter avait décrit les nombreux verres d’eau ingurgités sur le bateau dans la fournaise du Muspellheim, et où Elk’Al lui avait démontrer les principes d’une observation cachée sous un déguisement ; l’elfe blond avait finalement accepté de les guider jusqu’à Drïmfal.
La nuit s’était presque installée lorsque Elk’Al s’était arrêté sans un mot. Séphira Strife l’avait rejoint, et elle avait regardé autour d’elle, sans rien distinguer. La pénombre s’étendait rapidement, et elle doutait d’arriver à trouver la cité elfe une fois l’obscurité établie. Elk’Al souriait, la dominant de toute sa hauteur.
Sa taille avait aussi été l’objet d’abondants pourparlers quant à l’erreur de Soulblighter, qui n’avait vu son visage qu’une fois son regard levé à plus de cinquante degrés depuis la ligne d’horizon, selon les calculs approximatifs de Soulblighter. Et l’elfe avait répliqué qu’il était grand pour son âge, mais que cette hauteur ne l’avait nullement empêché de sentir l’humidité sur sa jambe.
Pour conclure, Elk’Al était grand.
« Nous sommes arrivés ? demanda Séphira Strife. Je ne vois rien.
-Moi non plus, ajouta Soulblighter un peu en retrait. Et n’essaye pas de nous jouer un tour, j’ai vaincu un géant, moi ! »
Heimdall posa une main sur l’épaule de Soulblighter, qui se retourna vers le Dieu. Soulblighter haussa un sourcil en voyant Heimdall lever un index vers les branches, puis suivit la direction du doigt. Il poussa un râle d’étonnement en distinguant les innombrables cahutes qui étaient juchés sur les ramures des arbres.
Elk’Al leva une main et hurla haut et fort :
« Habitants de Drïmfal, voici des voyageurs venus passez la nuit dans notre modeste ville. Les accepterez-vous en tant qu’invités ? »
Une acclamation résolument positive éclata du sommet des arbres, et bientôt, un fourmillement d’animation parcouru les feuillages au-dessus d’eux. En quelques secondes, ils étaient entourés de visages amicaux, tous blonds et tous souriants.
Et ils les emmenèrent dans le village de Drïmfal.
Laekh marchait à grandes enjambées sur le tapis du couloir, slalomant entres les meubles et les piles de dossiers posés à même le sol avec dextérité. Il avait une mine soucieuse mais déterminée. Il s’approcha du paravent qui masquait le bureau où se trouvait l’ordinateur et se glissa derrière le siège sans trop de bruit.
Il toucha DragonNoir à l’épaule et celui-ci sursauta. L’enchaînement des derniers évènements, avec la mutinerie d’Halvorc, la condamnation de son salon au profit d’une chambre froide et la disparition de Séphira Strife, tout ceci conjugué mettait DragonNoir dans un état d’épuisement incommensurable. Il était sur les nerfs, dormait peu, s’alimentait encore plus succinctement qu’avant et ne cessait de réfléchir à un moyen de faire revenir l’idée de Mr.Magnum sur ses rails de départ.
Plus rien de va. Nous avons des Trauméniens égarés parmi les limbes des multiples au-delà, un groupe ici, un autre là, d’autres qui ont été séparés comme Hilde ou Youfie dont nous sommes sans nouvelles, et je sens que je ne vais pas tenir le coup bien longtemps. Il nous faudrait des informations autrement plus importantes que les maigres indices dispensés par Gorgon_Roo, bien que cela constitue un début non négligeable.
DragonNoir en était à ces pensées lorsque Laekh l’interrompit.
« Excuse-moi de te déranger, mais sais-tu quand Angie et DarKenshin vont rentrer ? Elles sont parties depuis quelques jours, maintenant, et nous n’avons pas de nouvelles…
-Tu as tenté de les appeler ? demanda DragonNoir en se grattant la joue, hérissée d’un début de barbe hirsute.
-Aucune réponse. Je tombe directement sur la messagerie, et le portable de DarKenshin est resté ici, rappelle-toi. »
DragonNoir jura, tandis que Radamenthe passait près d’eux. Celui-ci se dirigea vers la salle à manger en passant par le salon. Sa main glissa sur trois des quatre congélateurs qui ronronnaient doucement, et sourit. Un sourire enjoué, démontrant parfaitement son état d’esprit : Tout se déroulait comme il le souhaitait. Comme Il le souhaitait, rectifia-t-il mentalement. Même dans ses pensées, Radamenthe pensait à Lui avec une majuscule.
Il pénétra dans la salle de déjeuner qu’il trouva vide à l’exception de Lord FireFly, attablé et pensif. Radamenthe tira une chaise et s’assit en face de son collègue, qui afficha également un sourire radieux en entendant les quelques mots que prononça Radamenthe.
« C’est ok, ils avaient été récupérés bien avant que la salamandre n’y pense, et ils sont en sûreté. Chez Lui. »
Lord FireFly hocha la tête, élargissant son sourire, puis la porte s’ouvrit en un violent claquement, et l’un comme l’autre tournèrent la tête vers Viper Dragoon qui braillait, dans un état d’excitation aucunement simulé :
« Elles sont revenues, venez vite ! »
Viper Dragoon ne resta pas plus longtemps en place et rejoignit l’attroupement dans l’entrée. Q-Po, Lord Satana et Arkh étaient là aussi, pendant que DragonNoir demandait un peu de calme à l’assemblée. Laekh s’était jeté sur Angie et lui tenait les mains comme si elles risquaient de s’envoler.
« J’ai vraiment cru que je t’avais perdue, comme les autres, lui dit-il. Tu as toujours ta pilule sur toi ? » Elle hocha la tête, et attendit que le silence soit revenu. Sur quoi elle inspira longuement, regarda DarKenshin qui lui intima de commencer, et ouvrit la bouche sur une phrase qui fit presque monter les larmes aux yeux de DragonNoir, de dépit.
« Nous n’avons pas de bonnes nouvelles, annonça-t-elle d’un ton froid.
-Vous n’avez pas retrouvé les corps ? demanda Lord FireFly, prenant un air inquiet.
-Aucun corps. Celui de Youfie est introuvable, malgré que DarKenshin l’ait suivie durant son ultime trajet, et celui de Squall avait lui aussi disparu. J’ai eu énormément de mal à retrouver une trace de son accident.
-Mais ils n’ont pas pu trépasser sans laisser de corps, et même s’ils s’étaient intégralement consumés, nous aurions pu dénicher des cendres, ajouta DarKenshin. Mais il n’y avait rien.
-Et pour le premier groupe, celui avec Magnum, Fury, Erwan, K-Ro et Haschatan ? dit Q-Po. Vous n’avez pas découvert des restes ?
-Nous avons inspectés les restes de la Renault de Magnum, si tu veux parler de restes. Mais aucun humain n’était à l’intérieur, selon les rapports que nous avons pu consulter. »
Cette dernière complication plongea l’ensemble de la communauté dans un abyme de perplexité, et personne n’osa ajouter un mot. Ils n’avaient plus de liaison avec les corps spectraux de ces Trauméniens, et maintenant plus non plus de liens physiques ne serait-ce qu’avec les cadavres.
La désolation générale atteignit son paroxysme lorsque Angie prononça haut et fort les sombres pensées de chacun :
« Je pense que nous devons les considérer comme perdus. »
Au fond du groupe, Lord FireFly et Radamenthe ricanèrent silencieusement.
« Pas pour tout le monde… » ajoutèrent-ils tout bas.
*
* *
Heimdall divisa le rocher en deux sans même faire d’efforts visibles. Si on avait demandé à Séphira Strife de décrire la scène, elle aurait simplement dit que Heimdall avait levé sa hache et l’avait plongé dans le rocher comme s’il avait fendu une simple bûche. Il releva sa hache qui était plus large que les deux Trauméniens réunit et la replaça sur son dos, grâce à un impressionnant harnachement.
« Quelle force, s’étonna Soulblighter dont le combat contre le géant Surt avait réveillé la langue. Je suis curieux de voir ce que ça donnerait en combat, cette arme. »
Pour toute réponse, Heimdall s’autorisa un sourire et déplaça les deux demi rochers de part et autre de la sortie. La seule sortie du Muspellheim, qui venait d’être bloqué par la chute du géant lorsque Séphira Strife avait refusé de lui donner un baiser avant de partir.
« MAIS POURQUOI DONC ? SUIS-JE DONC SI REPOUSSANT ? lui avait-il dit.
-Disons que votre tempérament est trop ardent à mon goût, et j’ai peur de me brûler les ailes si je vous côtoie de plus près. » C’était cette remarque qui avait déclenché le relent de colère du géant, qui avait donné un coup de pied dans une montagne avoisinante, de dépit certainement, avant de leur indiquer le chemin, boudeur.
« Allons-y, entrons tous dans cette caverne, dit Thor en reprenant les rennes de la troupe. Nous atteindrons Alfheim dans peu de temps, et il y fera certainement moins chaud.
-Je fermerais la marche, j’ai toujours préféré être derrière. »
Séphira Strife se retourna brutalement, croyant voir un IL hilare, mais elle ne vit que Loki, lui adressant un sourire lourd de sous entendu.
« Qu’y a-t-il ? demanda-t-il.
-Hum. Rien. Vous n’auriez pas un fils ? »
Leur arrivée dans l’Alfheim leur causa un choc : L’environnement du Muspellheim était caniculaire, doté de la quasi-totalité des tons orangés, rouges et bruns. L’air y était étouffant et sec, la faune relativement hostile, et la flore assez peu présente. Pour ne pas dire inexistante tant la seule chose qui poussait chez le géant Surt était les éruptions de lave.
Donc, en toute logique, lorsqu’ils débouchèrent sur une clairière verdoyante au beau milieu d’une forêt ensoleillée, non loin d’un ruisseau dont Soulblighter arrivait presque à ressentir la fraîcheur, la transition fut assez brutale pour leur arracher un hoquet de surprise. Autant aux Dieux qu’aux Trauméniens.
« C’est stupéfiant, dit Séphira Strife en avançant au centre de l’étendue non boisée. Comment deux mondes aussi différents peuvent-ils se côtoyer ?
-Il faut remarquer que le dépaysement est un peu violent, effectivement, approuva Loki en forçant un peu trop sur les ronds de jambe.
-Mais vous avez l’air aussi étonnés que nous ? remarqua Séphira.
-Nous le sommes, affirma Thor en examinant les alentours. Nous n’avons pas l’habitude de passer d’un monde à l’autre. Nous préférons nous rendre directement dans le monde où nous avons une question à régler.
-Nous ne nous baladons pas. » précisa Heimdall en insistant sur le mot ‘baladons’.
Soulblighter renifla un moment, les yeux clos, puis se dirigea vers un arbre avec la manifeste intention de se soulager. Il avait trop abusé de la carafe du bateau. Il s’approcha d’un arbre, et poussa un soupir de contentement.
« Euh… dit l’arbre.
-Euh ? répéta Soulblighter tout en poursuivant son office.
-Vous… euh… …sur mon pied…
-Oh pardon. » Il dévia le jet. L’arbre le remercia gracieusement, puis Soulblighter vit deux bras qui se croisaient à hauteur de son visage. Il leva alors les yeux sur un visage écarlate – il ne su dire si c’était de honte ou de colère, sur le coup – coiffé d’une superbe chevelure blonde et lisse.
« Soyez les bienvenus dans Alfheim, le royaume des elfes blonds. » dit l’elfe.
Le soleil était déjà très bas dans le ciel lorsque les Ases et les Trauméniens atteignirent le village où résidait Elk’Al, l’arbre arrosé par Soulblighter. Après maintes explications de la part des deux camps ; où Soulblighter avait décrit les nombreux verres d’eau ingurgités sur le bateau dans la fournaise du Muspellheim, et où Elk’Al lui avait démontrer les principes d’une observation cachée sous un déguisement ; l’elfe blond avait finalement accepté de les guider jusqu’à Drïmfal.
La nuit s’était presque installée lorsque Elk’Al s’était arrêté sans un mot. Séphira Strife l’avait rejoint, et elle avait regardé autour d’elle, sans rien distinguer. La pénombre s’étendait rapidement, et elle doutait d’arriver à trouver la cité elfe une fois l’obscurité établie. Elk’Al souriait, la dominant de toute sa hauteur.
Sa taille avait aussi été l’objet d’abondants pourparlers quant à l’erreur de Soulblighter, qui n’avait vu son visage qu’une fois son regard levé à plus de cinquante degrés depuis la ligne d’horizon, selon les calculs approximatifs de Soulblighter. Et l’elfe avait répliqué qu’il était grand pour son âge, mais que cette hauteur ne l’avait nullement empêché de sentir l’humidité sur sa jambe.
Pour conclure, Elk’Al était grand.
« Nous sommes arrivés ? demanda Séphira Strife. Je ne vois rien.
-Moi non plus, ajouta Soulblighter un peu en retrait. Et n’essaye pas de nous jouer un tour, j’ai vaincu un géant, moi ! »
Heimdall posa une main sur l’épaule de Soulblighter, qui se retourna vers le Dieu. Soulblighter haussa un sourcil en voyant Heimdall lever un index vers les branches, puis suivit la direction du doigt. Il poussa un râle d’étonnement en distinguant les innombrables cahutes qui étaient juchés sur les ramures des arbres.
Elk’Al leva une main et hurla haut et fort :
« Habitants de Drïmfal, voici des voyageurs venus passez la nuit dans notre modeste ville. Les accepterez-vous en tant qu’invités ? »
Une acclamation résolument positive éclata du sommet des arbres, et bientôt, un fourmillement d’animation parcouru les feuillages au-dessus d’eux. En quelques secondes, ils étaient entourés de visages amicaux, tous blonds et tous souriants.
Et ils les emmenèrent dans le village de Drïmfal.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
Une immense lune éclairait les cimes des arbres, qui vu de haut recouvraient plus de quatre-vingt dix pour cent de Alfheim. La végétation, même sous cette lueur blafarde et blanche, avait un aspect irréel verdoyant et plein de vie. A de multiples endroits, des petites lueurs flottaient, comme autant d’yeux fixés sur un ciel étoilé et sans un nuage.
Mais en approchant, on se rendait compte que ces yeux étaient en réalité les feux des villes, des villages et des attroupements dans les branchages. Des cités elfes, animés et bruyantes une fois la nuit venue, comme pour contrer les éventuelles menaces des ténèbres. L’un des points était bien plus brillant et plus éclatant que les autres.
C’était Drïmfal. Ici, dans ce village, la fête battait son plein. Les chansons elfiques étaient reprises en chœur par des dizaines d’elfes. La boisson coulait à flot, ainsi que la nourriture qui abondait où qu’on aille. Pas un endroit n’était calme, pas un endroit où des chants ne résonnaient pas, où des fou rires étaient absents, où la gaieté ne rayonnait.
Pas un endroit, sauf un immense balcon, situé aux abords de Drïmfal, suffisamment éloigné de l’épicentre des réjouissances pour préserver un tantinet de silence. Et, accoudée à la balustrade, se tenait Séphira Strife. Elle contemplait distraitement les étoiles qui, vues d’ici, ressemblaient à ces innombrables lueurs distinguées dans les forêts de Alfheim.
En fait, elle réfléchissait. Elle pensait. Elle songeait. On ne peut pas dire qu’elle rêvassait, mais son esprit vagabondait. Elle revivait les dernières péripéties depuis sa mort, elle ressassait ses derniers instants sur Terre, face à un Halvorc armé, elle songeait à DragonNoir… Séphira pensait à lui, et il lui manquait. Terriblement. Terriblement plus qu’elle ne l’aurait cru de prime abord, qu’elle ne le se serait autorisée, si elle avait pu maîtriser son manque.
Soulblighter arriva à ce moment précis, et Séphira réalisera dans quelques minutes que s’il était apparu quelques temps plus tard, il l’aurait certainement trouvé en larme. Elle se permit un reniflement attristé, et ferma les yeux. Arrivé auprès d’elle, Soulblighter leva à son tour les yeux au ciel. Puis ce fut le silence.
« Ça va ? demanda-t-il maladroitement.
-J’ai connu mieux. Mais en tant que morte, je n’ai pas à me plaindre.
-Hmm. »
Discuter n’avait jamais été le point fort de Soulblighter. Se battre, il savait. Insulter, il savait. Cracher, vomir ou bien hurler de rage, il n’avait aucun problème. Mais discuter, il réservait ça pour les cas critiques. Et à voir Séphira seule sur ce balcon de bois, il savait le cas critique. Il serra donc les dents et poursuivit, tant bien que mal.
« Si tu veux, tu peux me parler de tes…
-Je n’ai pas de problèmes, ça va. »
Évidemment, si en plus on lui mettait des bâtons dans les roues, Soulblighter n’allaient pas non plus s’enliser encore plus. Il ferma donc sa bouche, ravalant ses mots, et regarda le ciel. Séphira Strife, dont la réflexion avait été un ton plus sec que prévue, posa sa tête sur ses mains dans un signe d’absolution. On aurait pu croire à une prière.
« Excuse-moi, je ne voulais pas te parler aussi méchamment, avoua-t-elle.
-Pas grave.
-Je pense que j’ai un peu le blues, c’est tout. J’ai envie de revoir la Terre, la vie, mes amis, le Québec… Raph… … …DragonNoir aussi. » Séphira Strife étrangla le pseudo et préféra clore ses lèvres pour un instant.
« Je comprends. » répondit Soulblighter, ne sachant si c’était une réponse approprié ou non. Comprenait-il vraiment ? Il pouvait certainement écouter Séphira Strife, visualiser sa douleur, mais de là à la comprendre, il en doutait. Non qu’il n’avait pas les capacités pour, il était même bien plus intelligent que le laissait paraître son manque de conversation, mais c’était le contexte qui lui faisait défaut.
Soulblighter, lui, ne manquait à personne et personne ne lui manquait.
« Tu veux que je te laisse ? » demanda Soulblighter, gentiment, ce qui provoqua un sourire sur le visage tiré de Séphira Strife.
« Non, ça va aller. À moins que tu ne veuilles retourner t’amuser avec ton ami Elk’Al et ses camarades ? » Elle désigna d’un mouvement de tête la chope qu’il tenait encore en main. Elle était à demi pleine d’un liquide foncé et sucré, qui ressemblait, selon les papilles de Soulblighter, un de la liqueur de prune légèrement modifiée. Mais tout ce qui comptait, c’était qu’il aimait ça.
« Ce n’est pas mon ami, donna-t-il pour toute réponse. Et je n’ai plus envie de boire. »
C’était un mensonge, et Séphira Strife le savait. Mais lorsqu’il vida – à contrecoeur – sa chope dans les feuillages en contrebas, elle apprécia le geste, et sourit de plus belle. Un silence s’installa, seulement ponctué par quelques braillements provenant du cœur du village perché, de temps en temps.
Au bout de quelques minutes, Séphira le rompit.
« Je me demande où se trouvent Halvorc et IL, tout de même.
-Sûrement dans le Valhalla des autres Dieux, à s’empiffrer et à boire. » On devinait une note de regret dans sa voix. S’ils avaient su qu’au même moment Halvorc commençait seulement à s’endormir et IL préparait sa visite nocturne particulière à Nidhögg, ils ne l’auraient pas cru le moins du monde.
« Sûrement, oui, répéta Séphira. Tu penses qu’ils ont trouvé des informations sur Séphy-Roshou ?
-Autres que les nôtres ? précisa Soulblighter. Je ne sais pas.
-Disons qu’ils savent peut-être qui est cette vieille femme qui est censée accompagner Séphy-Roshou durant son périple ? Ou bien qu’ils savent si c’est réellement elle qui a volé cette arme chez les nains ? Et ce qu’elle voulait en faire ? Et également ce… » Elle s’interrompit d’elle-même. « Plus on avance, moins on en sait.
-Ouais, acquiesça Soulblighter sans grand effort.
-Même cette arme volée qu’on recherche, on ne sait même pas ce que c’est ! Le nain, monsieur Krr, ne nous a même pas confié sa nature exacte !
-C’est vrai.
-Du coup, nous voilà à la recherche d’une arme dont on ignore tout, fabriquée pour on ne sait qui, pour on ne sait quelle raison, c’est précis non ?
-Non. » Soulblighter, dont les engrenages tournaient à fond dans sa cervelle, se contentait du strict minimum pour les réponses. Il avait remarqué ces divers éléments obscurs les uns après les autres, mais une fois ceux-ci énumérés à la suite, les questions se multipliaient. Quelque chose clochait.
« Il faudra en parler aux Dieux, demain, dit-il.
-Leur parler de quoi ?
-Du fait que nous n’en savons pas assez pour mener des recherches précises. Comme si… » Il s’arrêta, perplexe de ne pas y avoir songé plus tôt. Cette idée devenait pour lui une évidence, maintenant. Il hésitait presque à la formuler à haute voix, de peur de perturber inutilement Séphira Strife, dans le cas où il se serait trompé.
Néanmoins, malgré toutes ces considérations, il lui donna le fond de sa pensée.
« … comme si les Nains ne désiraient pas qu’on trouve cette arme. Comme si ils n’avaient jamais voulu de notre aide. »
*
* *
Serge Thourn gara sa voiture sur le parking de la piscine. Sa jauge d’essence était au plus bas, mais il ne voulait pas perdre de temps à remplir le réservoir avant d’en savoir plus sur cette jeune fille brune à la natte. Il se dirigea vers l’entrée de la piscine municipale en se demandant s’il allait devoir user de son badge de commissaire, ou s’il pouvait obtenir ce qu’il désirait sans tout dévoiler dès le départ.
Il agrippa la poignée et poussa le battant, qui résista. Lancé, le commissaire s’écrasa sur la porte et se cogna le front et le nez. Il cracha une demi-douzaine de jurons en se massant les deux endroits endoloris et consentit à regarder les horaires. Puis sa montre. Puis, de nouveau, les horaires d’ouverture.
« Merde, encore un quart d’heure avant que ça ouvre. »
Il fit demi tour et retourna à sa voiture, s’accordant quelques minutes de réflexion sur le mystérieux homme de la veille au soir, celui du cimetière qui l’avait clairement menacé s’il continuait. Celui-ci s’était manifesté lorsqu’il s’était approché de la dernière tombe ‘intéressante’ qu’il avait vu, et Thourn sentait que c’était précisément celle-ci que l’homme cherchait à protéger.
« Tu as fait une belle connerie, si c’est ça. Si tu n’avais rien dit, alors j’aurais très bien pu m’intéresser aux autres avant, mais du coup c’est celle-ci que je vais étudier de près en premier, ça tu peux le croire ! »
Il tapota un moment sur son volant selon un rythme imaginaire et assez peu équilibré, puis aperçut une jeune femme qui se dirigeait vers la porte de la piscine. Il consulta sa montre, et songea qu’elle aussi allait se casser le nez. C’est en se frottant le sien qu’il s’aperçut d’un détail qui donnait un avantage certain à la jeune femme.
Elle avait les clefs.
Mais en approchant, on se rendait compte que ces yeux étaient en réalité les feux des villes, des villages et des attroupements dans les branchages. Des cités elfes, animés et bruyantes une fois la nuit venue, comme pour contrer les éventuelles menaces des ténèbres. L’un des points était bien plus brillant et plus éclatant que les autres.
C’était Drïmfal. Ici, dans ce village, la fête battait son plein. Les chansons elfiques étaient reprises en chœur par des dizaines d’elfes. La boisson coulait à flot, ainsi que la nourriture qui abondait où qu’on aille. Pas un endroit n’était calme, pas un endroit où des chants ne résonnaient pas, où des fou rires étaient absents, où la gaieté ne rayonnait.
Pas un endroit, sauf un immense balcon, situé aux abords de Drïmfal, suffisamment éloigné de l’épicentre des réjouissances pour préserver un tantinet de silence. Et, accoudée à la balustrade, se tenait Séphira Strife. Elle contemplait distraitement les étoiles qui, vues d’ici, ressemblaient à ces innombrables lueurs distinguées dans les forêts de Alfheim.
En fait, elle réfléchissait. Elle pensait. Elle songeait. On ne peut pas dire qu’elle rêvassait, mais son esprit vagabondait. Elle revivait les dernières péripéties depuis sa mort, elle ressassait ses derniers instants sur Terre, face à un Halvorc armé, elle songeait à DragonNoir… Séphira pensait à lui, et il lui manquait. Terriblement. Terriblement plus qu’elle ne l’aurait cru de prime abord, qu’elle ne le se serait autorisée, si elle avait pu maîtriser son manque.
Soulblighter arriva à ce moment précis, et Séphira réalisera dans quelques minutes que s’il était apparu quelques temps plus tard, il l’aurait certainement trouvé en larme. Elle se permit un reniflement attristé, et ferma les yeux. Arrivé auprès d’elle, Soulblighter leva à son tour les yeux au ciel. Puis ce fut le silence.
« Ça va ? demanda-t-il maladroitement.
-J’ai connu mieux. Mais en tant que morte, je n’ai pas à me plaindre.
-Hmm. »
Discuter n’avait jamais été le point fort de Soulblighter. Se battre, il savait. Insulter, il savait. Cracher, vomir ou bien hurler de rage, il n’avait aucun problème. Mais discuter, il réservait ça pour les cas critiques. Et à voir Séphira seule sur ce balcon de bois, il savait le cas critique. Il serra donc les dents et poursuivit, tant bien que mal.
« Si tu veux, tu peux me parler de tes…
-Je n’ai pas de problèmes, ça va. »
Évidemment, si en plus on lui mettait des bâtons dans les roues, Soulblighter n’allaient pas non plus s’enliser encore plus. Il ferma donc sa bouche, ravalant ses mots, et regarda le ciel. Séphira Strife, dont la réflexion avait été un ton plus sec que prévue, posa sa tête sur ses mains dans un signe d’absolution. On aurait pu croire à une prière.
« Excuse-moi, je ne voulais pas te parler aussi méchamment, avoua-t-elle.
-Pas grave.
-Je pense que j’ai un peu le blues, c’est tout. J’ai envie de revoir la Terre, la vie, mes amis, le Québec… Raph… … …DragonNoir aussi. » Séphira Strife étrangla le pseudo et préféra clore ses lèvres pour un instant.
« Je comprends. » répondit Soulblighter, ne sachant si c’était une réponse approprié ou non. Comprenait-il vraiment ? Il pouvait certainement écouter Séphira Strife, visualiser sa douleur, mais de là à la comprendre, il en doutait. Non qu’il n’avait pas les capacités pour, il était même bien plus intelligent que le laissait paraître son manque de conversation, mais c’était le contexte qui lui faisait défaut.
Soulblighter, lui, ne manquait à personne et personne ne lui manquait.
« Tu veux que je te laisse ? » demanda Soulblighter, gentiment, ce qui provoqua un sourire sur le visage tiré de Séphira Strife.
« Non, ça va aller. À moins que tu ne veuilles retourner t’amuser avec ton ami Elk’Al et ses camarades ? » Elle désigna d’un mouvement de tête la chope qu’il tenait encore en main. Elle était à demi pleine d’un liquide foncé et sucré, qui ressemblait, selon les papilles de Soulblighter, un de la liqueur de prune légèrement modifiée. Mais tout ce qui comptait, c’était qu’il aimait ça.
« Ce n’est pas mon ami, donna-t-il pour toute réponse. Et je n’ai plus envie de boire. »
C’était un mensonge, et Séphira Strife le savait. Mais lorsqu’il vida – à contrecoeur – sa chope dans les feuillages en contrebas, elle apprécia le geste, et sourit de plus belle. Un silence s’installa, seulement ponctué par quelques braillements provenant du cœur du village perché, de temps en temps.
Au bout de quelques minutes, Séphira le rompit.
« Je me demande où se trouvent Halvorc et IL, tout de même.
-Sûrement dans le Valhalla des autres Dieux, à s’empiffrer et à boire. » On devinait une note de regret dans sa voix. S’ils avaient su qu’au même moment Halvorc commençait seulement à s’endormir et IL préparait sa visite nocturne particulière à Nidhögg, ils ne l’auraient pas cru le moins du monde.
« Sûrement, oui, répéta Séphira. Tu penses qu’ils ont trouvé des informations sur Séphy-Roshou ?
-Autres que les nôtres ? précisa Soulblighter. Je ne sais pas.
-Disons qu’ils savent peut-être qui est cette vieille femme qui est censée accompagner Séphy-Roshou durant son périple ? Ou bien qu’ils savent si c’est réellement elle qui a volé cette arme chez les nains ? Et ce qu’elle voulait en faire ? Et également ce… » Elle s’interrompit d’elle-même. « Plus on avance, moins on en sait.
-Ouais, acquiesça Soulblighter sans grand effort.
-Même cette arme volée qu’on recherche, on ne sait même pas ce que c’est ! Le nain, monsieur Krr, ne nous a même pas confié sa nature exacte !
-C’est vrai.
-Du coup, nous voilà à la recherche d’une arme dont on ignore tout, fabriquée pour on ne sait qui, pour on ne sait quelle raison, c’est précis non ?
-Non. » Soulblighter, dont les engrenages tournaient à fond dans sa cervelle, se contentait du strict minimum pour les réponses. Il avait remarqué ces divers éléments obscurs les uns après les autres, mais une fois ceux-ci énumérés à la suite, les questions se multipliaient. Quelque chose clochait.
« Il faudra en parler aux Dieux, demain, dit-il.
-Leur parler de quoi ?
-Du fait que nous n’en savons pas assez pour mener des recherches précises. Comme si… » Il s’arrêta, perplexe de ne pas y avoir songé plus tôt. Cette idée devenait pour lui une évidence, maintenant. Il hésitait presque à la formuler à haute voix, de peur de perturber inutilement Séphira Strife, dans le cas où il se serait trompé.
Néanmoins, malgré toutes ces considérations, il lui donna le fond de sa pensée.
« … comme si les Nains ne désiraient pas qu’on trouve cette arme. Comme si ils n’avaient jamais voulu de notre aide. »
*
* *
Serge Thourn gara sa voiture sur le parking de la piscine. Sa jauge d’essence était au plus bas, mais il ne voulait pas perdre de temps à remplir le réservoir avant d’en savoir plus sur cette jeune fille brune à la natte. Il se dirigea vers l’entrée de la piscine municipale en se demandant s’il allait devoir user de son badge de commissaire, ou s’il pouvait obtenir ce qu’il désirait sans tout dévoiler dès le départ.
Il agrippa la poignée et poussa le battant, qui résista. Lancé, le commissaire s’écrasa sur la porte et se cogna le front et le nez. Il cracha une demi-douzaine de jurons en se massant les deux endroits endoloris et consentit à regarder les horaires. Puis sa montre. Puis, de nouveau, les horaires d’ouverture.
« Merde, encore un quart d’heure avant que ça ouvre. »
Il fit demi tour et retourna à sa voiture, s’accordant quelques minutes de réflexion sur le mystérieux homme de la veille au soir, celui du cimetière qui l’avait clairement menacé s’il continuait. Celui-ci s’était manifesté lorsqu’il s’était approché de la dernière tombe ‘intéressante’ qu’il avait vu, et Thourn sentait que c’était précisément celle-ci que l’homme cherchait à protéger.
« Tu as fait une belle connerie, si c’est ça. Si tu n’avais rien dit, alors j’aurais très bien pu m’intéresser aux autres avant, mais du coup c’est celle-ci que je vais étudier de près en premier, ça tu peux le croire ! »
Il tapota un moment sur son volant selon un rythme imaginaire et assez peu équilibré, puis aperçut une jeune femme qui se dirigeait vers la porte de la piscine. Il consulta sa montre, et songea qu’elle aussi allait se casser le nez. C’est en se frottant le sien qu’il s’aperçut d’un détail qui donnait un avantage certain à la jeune femme.
Elle avait les clefs.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Age : 42
Localisation : Dans les limbes torturées d'un esprit dérangé.
Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
« Excusez-moi, l’aborda-t-il soudainement. Vous êtes la gardienne de la piscine ? »
La femme, pas si jeune que Thourn l’avait cru au premier abord, mais relativement bien conservée de corps, leva des yeux soupçonneux sur lui. Il reconnu la pensée qui passa par l’esprit de la femme, qui comportait beaucoup de ‘Mais qui est-ce ?’ avec un léger ‘Serait-ce un pervers ?’ et un zeste de ‘Il est vieux pour aller nager…’.
Serge Thourn s’arma de son plus beau sourire, celui du gentil-commissaire-qui-ne-cherche-que-des-informations-bénignes.
« À qui ai-je l’honneur, répliqua la femme, cinglante.
-Je m’appelle Serge Thourn, et je suis à la recherche d’une jeune femme qui fait de la piscine ici. J’ai simplement sa description, mais aucune coordonnée… »
Avant qu’il n’ait terminé sa phrase, Thourn était assuré de trois choses : La femme venait de le classer dans les pervers, sa technique d’approche était mauvaise, et il allait devoir exhiber sa plaque de commissaire pour s’en sortir. Il mit la main dans sa poche, et la femme eut un mouvement de recul apeuré.
« N’ayez pas peur, s’empressa de dire Thourn en sortant son badge. Je suis de la police, sur une enquête, et je voudrais simplement quelques renseignements. »
La femme examina consciencieusement la plaque du commissaire, puis se détendit sensiblement, s’autorisant même un sourire.
« Pourquoi ne me l’avez-vous pas montré plus tôt ? J’ai cru que vous étiez un de ces pervers qui cherchent à avoir les adresses des filles qui nagent ici.
-Rien ne m’empêche d’être un commissaire pervers ! » La boutade était osée, mais la femme partit d’un rire franc qui rassura le commissaire : Elle avait maintenant assez confiance en lui. Il désigna le lieu d’un geste large.
« Vous êtes donc bien la gardienne ?
-Depuis deux ans seulement, oui, acquiesça la femme. Alexandra Dérata, se présenta-t-elle en tendant une main encore ferme.
-Toujours Serge Thourn, répéta le commissaire en lui serrant la main. Je peux vous suivre à l’intérieur ?
-Avec plaisir, la piscine n’ouvre que dans cinq bonnes minutes, et nous serons plus tranquilles pour discuter. »
Ils se dirigèrent vers le bureau de la gardienne, et Alexandra Dérata fit asseoir Thourn devant le bureau parfaitement rangé. Thourn songea un instant au sien, remplit de paperasses et autres dossiers en cours, et chassa l’image chaotique de son esprit.
« Que désirez-vous savoir ?
-Vous tenez des fiches concernant les utilisateurs de la piscine ?
-Pas tous, non. » Elle réfléchit un instant. « En fait, seulement ceux qui font partie d’un club, ou ceux qui habitent dans la région et qui veulent bien remplir la fiche. »
Serge se renfonça dans son siège, qui était fort confortable. Il n’avait pas songé à l’éventualité que la jeune fille à la natte puisse ne pas être fichée ici. Il décida de poser directement la question à la gardienne.
« Madame Dérata… commença Thourn.
-Appelez-moi Alexandra, voyons. »
Serge songea brièvement que la plaque de police ouvrait énormément de portes, et peut-être même autre chose.
« Alexandra, reprit Thourn. Est-ce qu’une jeune fille brune, entre quinze et vingt-cinq ans, vient nager de temps à autre ici ?
-Autant vous dire que bon nombre des femmes qui viennent ici sont soit brunes, soit blondes, donc ça fait énormément de suspectes. » Elle ajouta un clin d’œil à sa sortie, et Thourn lui rendit un sourire poli. « Mais je vais regarder dans mes fiches Est-ce que vous auriez d’autres renseignements plus… …précis ?
-Hélas non. Elle porte les cheveux en natte, une longue natte.
-Je vais voir. » Elle se pencha en avant, découvrant un décolleté plongeant vers le commissaire, qui détourna les yeux en soupirant discrètement. Il n’était pas là pour ça, et la dernière fois qu’une femme lui avait fait du rentre-dedans, c’était pour l’assassiner, alors il préférait se méfier.
Alexandra Dérata sortit un cahier fourni de fiches, et se mit à le feuilleter. Serge se tourna vers l’entrée, qui accueillait maintenant les nageurs et autres touristes qui venaient profiter de la piscine. C’est dans ce laps de temps, entre le moment où Serge regarda déambuler les nouveaux venus et le moment où il se retourna en entendant une fiche de papier tomber au sol, que ça se passa.
Il ramassa la fiche et se redressa.
« Vous avez fait tomber celle-ci, Alexan… » Il s’interrompit, posa rapidement la feuille sur le bureau et en fit le tour. Elle était affalée sur le dossier, dans une posture sans équivoque. Thourn l’attrapa par les épaules et la fit pivoter. La tête retomba mollement sur le coté, et un filet de bave coula d’entre ses lèvres.
Serge tâta le pouls, sans résultats, puis examina les iris en soulevant les paupières. « Aucune réaction. Merde de merde, elle est morte… » Thourn reposa le corps dans la position initiale, puis attrapa le téléphone avec un mouchoir avant de composer le numéro de la police locale.
Avant leur arrivée, il avait mis dans sa poche la fiche tombée au sol, qu’Alexandra lui avait tendu avant de succomber. Celle d’une fille brune, avec une grande natte.
*
* *
Un rayon de soleil atteignit paresseusement l’œil de Séphira Strife, qui était entrain de dormir. Dans son rêve, elle était de nouveau face au géant Surt, qui voulait l’embrasser. Il s’approchait de plus en plus, sa bouche rougeoyante dont émanaient des remugles de feu, et il finissait par lui envoyer une langue enflammée dans l’œil. Elle s’éveilla en sursaut.
« N’ayez pas peur, dit une voix douce. Je ne vous veux aucun mal. »
Séphira plissa les yeux, et n’arriva à distinguer qu’une vague silhouette qui se tenait face à elle. Elle ne semblait pas armée, ni animée d’intentions belliqueuses, mais Séphira n’en avait pas moins le cœur qui battait à deux cents à l’heure. Un bruit derrière elle lui fit comprendre que Soulblighter s’était éveillé.
« Soulblighter ! Il y a quelqu’un d’autre dans la chambre !
-Je sais. Je le vois. »
Rassurée par le calme dans la voix de son compagnon, Séphira Strife prit le temps de se frotter les yeux. La vague silhouette devint un elfe blond. Un elfe blond nerveux, même. Séphira remarqua qu’il tremblait des mains, et qu’il ne cessait de regarder par-dessus son épaule. Dehors, l’absence de bruit était totale.
« Tout le monde dort encore, l’informa l’elfe.
-Sauf toi, dit Soulblighter. Qu’est-ce que tu veux ?
-Hier soir, sur la place de Frejël, je vous ai entendu parler. Je ne voulais pas vous espionner, comprenez, mais j’ai entendu une partie de votre conversation sans le vouloir. Et je me suis dit que je pouvais peut-être vous aider. Mais il ne faut pas que vous le disiez à qui que ce soit, je pourrais être banni de Drïmfal. »
Séphira regarda Soulblighter, qui haussa les épaules.
« Nous t’écoutons, dit-elle finalement.
-J’ai un cousin qui est elfe noir. » commença-t-il. Il avait encore baissé d’un ton, et Séphira en conclu qu’avoir de la famille chez les elfe noirs était probablement très mal vu. Voire même mortel, étant donné l’état de nervosité de leur interlocuteur.
« Il m’a parlé de ce vol, au Svartalfheim. Il a même participé à l’élaboration de cette arme, pour tout vous dire.
-Est-ce qu’il sait ce que c’est comme arme ? s’empressa de demander Séphira Strife, qui sentait que la discussion prenait une tournure intéressante.
-C’est justement pour cela que je suis venu vous voir : Vous êtes avec des Dieux extrêmement puissants, et des Ases, qui plus est. Je déteste les Vanes. » Il avait encore baissé le volume, et sa voix ne se résumait qu’à un chuchotement. « C’est pourquoi je voulais vous dire ce que j’ai appris.
-L’arme ! insista Séphira.
-Oui, oui, excusez-moi. Cette arme a été forgée par sept elfes noirs, et les meilleurs, dont mon cousin. Il s’agissait d’un arc capable de perforer tout type d’obstacle, de traverser le meilleur métal, de tuer le plus puissant des ennemis. Cet arc avait une réserve des flèches quasi-infinie, selon mon cousin. Il marchait à la haine : Si le détenteur est animé par une haine incommensurable, il pourra tirer une infinité de flèches. »
Terrible, songea Séphira Strife en regardant Soulblighter à nouveau. Celui-ci imaginait également les éventuels dégâts possibles avec un tel engin de destruction.
« Et ceux qui l’ont commandé sont les… »
Un bruit fit se retourner l’elfe blond. Quelqu’un gravissait les marches menant à la cabane d’à-côté. Le temps que Séphira regarde par la fenêtre, l’elfe blond était déjà entrain de repartir. Mais Soulblighter s’était élancé, et il l’attrapa par le bras avant de le tirer à lui. L’elfe blond tremblait maintenant de tout son corps, et des larmes perlaient à ses yeux. Séphira en eut presque pitié.
« Dis-moi, dis-moi juste qui sont les commanditaires. » dit Soulblighter en le maintenant par les poignets, tout contre lui. L’elfe blond déglutit, puis secoua la tête. Soulblighter serra les dents et le secoua tout entier. Séphira l’arrêta, de peur que son compagnon ne lui fasse faire un arrêt cardiaque, ou quelque chose dans le genre.
« Dis-moi juste qui sont ceux qui désiraient cette arme !
-N… Non !
-Soulblighter, arrête !
-Juste un nom, donne-moi un nom !
-Arrêtez je…
-Soulblighter !!
-Je…
-Donne-moi un nom !!
-Ce sont les Vanes !!! »
L’elfe blond agrippa le bras de Soulblighter et se faufila entre ses jambes écartées, puis il lui grimpa littéralement sur le dos, avant de prendre appui sur son épaule et sauter par la fenêtre. Séphira se précipita pour regarder où était atterri l’informateur, mais elle ne vit rien d’autre que les feuilles secouées par le vent.
Soulblighter s’approcha, redevenu calme.
« Les Vanes.
-Oui. » Séphira Strife s’appuya sur le rebord de la fenêtre. « Ce sont les Vanes qui ont commandé cette arme. »
En arrivant ici, Séphira avait assimilé dans son esprit le nom de Drïmfal en un homonyme anglais : Dream Fall. La chute du rêve, ou la chute de Traumen, selon les traductions. Elle avait eu un mauvais pressentiment en arrivant dans cette ville, et celui-ci ne faisait que s’amplifier.
La femme, pas si jeune que Thourn l’avait cru au premier abord, mais relativement bien conservée de corps, leva des yeux soupçonneux sur lui. Il reconnu la pensée qui passa par l’esprit de la femme, qui comportait beaucoup de ‘Mais qui est-ce ?’ avec un léger ‘Serait-ce un pervers ?’ et un zeste de ‘Il est vieux pour aller nager…’.
Serge Thourn s’arma de son plus beau sourire, celui du gentil-commissaire-qui-ne-cherche-que-des-informations-bénignes.
« À qui ai-je l’honneur, répliqua la femme, cinglante.
-Je m’appelle Serge Thourn, et je suis à la recherche d’une jeune femme qui fait de la piscine ici. J’ai simplement sa description, mais aucune coordonnée… »
Avant qu’il n’ait terminé sa phrase, Thourn était assuré de trois choses : La femme venait de le classer dans les pervers, sa technique d’approche était mauvaise, et il allait devoir exhiber sa plaque de commissaire pour s’en sortir. Il mit la main dans sa poche, et la femme eut un mouvement de recul apeuré.
« N’ayez pas peur, s’empressa de dire Thourn en sortant son badge. Je suis de la police, sur une enquête, et je voudrais simplement quelques renseignements. »
La femme examina consciencieusement la plaque du commissaire, puis se détendit sensiblement, s’autorisant même un sourire.
« Pourquoi ne me l’avez-vous pas montré plus tôt ? J’ai cru que vous étiez un de ces pervers qui cherchent à avoir les adresses des filles qui nagent ici.
-Rien ne m’empêche d’être un commissaire pervers ! » La boutade était osée, mais la femme partit d’un rire franc qui rassura le commissaire : Elle avait maintenant assez confiance en lui. Il désigna le lieu d’un geste large.
« Vous êtes donc bien la gardienne ?
-Depuis deux ans seulement, oui, acquiesça la femme. Alexandra Dérata, se présenta-t-elle en tendant une main encore ferme.
-Toujours Serge Thourn, répéta le commissaire en lui serrant la main. Je peux vous suivre à l’intérieur ?
-Avec plaisir, la piscine n’ouvre que dans cinq bonnes minutes, et nous serons plus tranquilles pour discuter. »
Ils se dirigèrent vers le bureau de la gardienne, et Alexandra Dérata fit asseoir Thourn devant le bureau parfaitement rangé. Thourn songea un instant au sien, remplit de paperasses et autres dossiers en cours, et chassa l’image chaotique de son esprit.
« Que désirez-vous savoir ?
-Vous tenez des fiches concernant les utilisateurs de la piscine ?
-Pas tous, non. » Elle réfléchit un instant. « En fait, seulement ceux qui font partie d’un club, ou ceux qui habitent dans la région et qui veulent bien remplir la fiche. »
Serge se renfonça dans son siège, qui était fort confortable. Il n’avait pas songé à l’éventualité que la jeune fille à la natte puisse ne pas être fichée ici. Il décida de poser directement la question à la gardienne.
« Madame Dérata… commença Thourn.
-Appelez-moi Alexandra, voyons. »
Serge songea brièvement que la plaque de police ouvrait énormément de portes, et peut-être même autre chose.
« Alexandra, reprit Thourn. Est-ce qu’une jeune fille brune, entre quinze et vingt-cinq ans, vient nager de temps à autre ici ?
-Autant vous dire que bon nombre des femmes qui viennent ici sont soit brunes, soit blondes, donc ça fait énormément de suspectes. » Elle ajouta un clin d’œil à sa sortie, et Thourn lui rendit un sourire poli. « Mais je vais regarder dans mes fiches Est-ce que vous auriez d’autres renseignements plus… …précis ?
-Hélas non. Elle porte les cheveux en natte, une longue natte.
-Je vais voir. » Elle se pencha en avant, découvrant un décolleté plongeant vers le commissaire, qui détourna les yeux en soupirant discrètement. Il n’était pas là pour ça, et la dernière fois qu’une femme lui avait fait du rentre-dedans, c’était pour l’assassiner, alors il préférait se méfier.
Alexandra Dérata sortit un cahier fourni de fiches, et se mit à le feuilleter. Serge se tourna vers l’entrée, qui accueillait maintenant les nageurs et autres touristes qui venaient profiter de la piscine. C’est dans ce laps de temps, entre le moment où Serge regarda déambuler les nouveaux venus et le moment où il se retourna en entendant une fiche de papier tomber au sol, que ça se passa.
Il ramassa la fiche et se redressa.
« Vous avez fait tomber celle-ci, Alexan… » Il s’interrompit, posa rapidement la feuille sur le bureau et en fit le tour. Elle était affalée sur le dossier, dans une posture sans équivoque. Thourn l’attrapa par les épaules et la fit pivoter. La tête retomba mollement sur le coté, et un filet de bave coula d’entre ses lèvres.
Serge tâta le pouls, sans résultats, puis examina les iris en soulevant les paupières. « Aucune réaction. Merde de merde, elle est morte… » Thourn reposa le corps dans la position initiale, puis attrapa le téléphone avec un mouchoir avant de composer le numéro de la police locale.
Avant leur arrivée, il avait mis dans sa poche la fiche tombée au sol, qu’Alexandra lui avait tendu avant de succomber. Celle d’une fille brune, avec une grande natte.
*
* *
Un rayon de soleil atteignit paresseusement l’œil de Séphira Strife, qui était entrain de dormir. Dans son rêve, elle était de nouveau face au géant Surt, qui voulait l’embrasser. Il s’approchait de plus en plus, sa bouche rougeoyante dont émanaient des remugles de feu, et il finissait par lui envoyer une langue enflammée dans l’œil. Elle s’éveilla en sursaut.
« N’ayez pas peur, dit une voix douce. Je ne vous veux aucun mal. »
Séphira plissa les yeux, et n’arriva à distinguer qu’une vague silhouette qui se tenait face à elle. Elle ne semblait pas armée, ni animée d’intentions belliqueuses, mais Séphira n’en avait pas moins le cœur qui battait à deux cents à l’heure. Un bruit derrière elle lui fit comprendre que Soulblighter s’était éveillé.
« Soulblighter ! Il y a quelqu’un d’autre dans la chambre !
-Je sais. Je le vois. »
Rassurée par le calme dans la voix de son compagnon, Séphira Strife prit le temps de se frotter les yeux. La vague silhouette devint un elfe blond. Un elfe blond nerveux, même. Séphira remarqua qu’il tremblait des mains, et qu’il ne cessait de regarder par-dessus son épaule. Dehors, l’absence de bruit était totale.
« Tout le monde dort encore, l’informa l’elfe.
-Sauf toi, dit Soulblighter. Qu’est-ce que tu veux ?
-Hier soir, sur la place de Frejël, je vous ai entendu parler. Je ne voulais pas vous espionner, comprenez, mais j’ai entendu une partie de votre conversation sans le vouloir. Et je me suis dit que je pouvais peut-être vous aider. Mais il ne faut pas que vous le disiez à qui que ce soit, je pourrais être banni de Drïmfal. »
Séphira regarda Soulblighter, qui haussa les épaules.
« Nous t’écoutons, dit-elle finalement.
-J’ai un cousin qui est elfe noir. » commença-t-il. Il avait encore baissé d’un ton, et Séphira en conclu qu’avoir de la famille chez les elfe noirs était probablement très mal vu. Voire même mortel, étant donné l’état de nervosité de leur interlocuteur.
« Il m’a parlé de ce vol, au Svartalfheim. Il a même participé à l’élaboration de cette arme, pour tout vous dire.
-Est-ce qu’il sait ce que c’est comme arme ? s’empressa de demander Séphira Strife, qui sentait que la discussion prenait une tournure intéressante.
-C’est justement pour cela que je suis venu vous voir : Vous êtes avec des Dieux extrêmement puissants, et des Ases, qui plus est. Je déteste les Vanes. » Il avait encore baissé le volume, et sa voix ne se résumait qu’à un chuchotement. « C’est pourquoi je voulais vous dire ce que j’ai appris.
-L’arme ! insista Séphira.
-Oui, oui, excusez-moi. Cette arme a été forgée par sept elfes noirs, et les meilleurs, dont mon cousin. Il s’agissait d’un arc capable de perforer tout type d’obstacle, de traverser le meilleur métal, de tuer le plus puissant des ennemis. Cet arc avait une réserve des flèches quasi-infinie, selon mon cousin. Il marchait à la haine : Si le détenteur est animé par une haine incommensurable, il pourra tirer une infinité de flèches. »
Terrible, songea Séphira Strife en regardant Soulblighter à nouveau. Celui-ci imaginait également les éventuels dégâts possibles avec un tel engin de destruction.
« Et ceux qui l’ont commandé sont les… »
Un bruit fit se retourner l’elfe blond. Quelqu’un gravissait les marches menant à la cabane d’à-côté. Le temps que Séphira regarde par la fenêtre, l’elfe blond était déjà entrain de repartir. Mais Soulblighter s’était élancé, et il l’attrapa par le bras avant de le tirer à lui. L’elfe blond tremblait maintenant de tout son corps, et des larmes perlaient à ses yeux. Séphira en eut presque pitié.
« Dis-moi, dis-moi juste qui sont les commanditaires. » dit Soulblighter en le maintenant par les poignets, tout contre lui. L’elfe blond déglutit, puis secoua la tête. Soulblighter serra les dents et le secoua tout entier. Séphira l’arrêta, de peur que son compagnon ne lui fasse faire un arrêt cardiaque, ou quelque chose dans le genre.
« Dis-moi juste qui sont ceux qui désiraient cette arme !
-N… Non !
-Soulblighter, arrête !
-Juste un nom, donne-moi un nom !
-Arrêtez je…
-Soulblighter !!
-Je…
-Donne-moi un nom !!
-Ce sont les Vanes !!! »
L’elfe blond agrippa le bras de Soulblighter et se faufila entre ses jambes écartées, puis il lui grimpa littéralement sur le dos, avant de prendre appui sur son épaule et sauter par la fenêtre. Séphira se précipita pour regarder où était atterri l’informateur, mais elle ne vit rien d’autre que les feuilles secouées par le vent.
Soulblighter s’approcha, redevenu calme.
« Les Vanes.
-Oui. » Séphira Strife s’appuya sur le rebord de la fenêtre. « Ce sont les Vanes qui ont commandé cette arme. »
En arrivant ici, Séphira avait assimilé dans son esprit le nom de Drïmfal en un homonyme anglais : Dream Fall. La chute du rêve, ou la chute de Traumen, selon les traductions. Elle avait eu un mauvais pressentiment en arrivant dans cette ville, et celui-ci ne faisait que s’amplifier.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Localisation : Dans les limbes torturées d'un esprit dérangé.
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Re: Traumenschar
8. Helheim.
Le domaine de Helheim était relativement peu différent du Nifelheim. Les arbres englués dans la brume avaient cédés leur place à des arbres morts, ou en instance de décès. Les lianes avaient disparues, remplacés par quelques buissons disséminés sur un sol sec et gris. De multiples fissures minuscules recouvraient la terre dure et peu accueillante.
Il y avait néanmoins plus d’animation que dans le monde précédent, car de nombreuses villes et villages parsemaient les alentours. Des gens marchaient, se promenaient, allaient et venaient en toute liberté. On aurait presque pu croire se trouver sur Terre, mis à part le violet fiévreux du ciel illuminé par un soleil malade.
Njörd leur avait expliqué après leur réveil que Hel dirigeait ce monde d’une poigne de fer, se considérant comme une déesse rejetée et se faisant aduler comme telle.
« Mais qui sont tous ces gens, alors ? avait demandé Shannia.
-Les civils, avait répondu Freyja d’un ton neutre. Les combattants, lorsqu’ils meurent, accèdent au Vanaheim ou au Asaheim, mais les civils, les animaux et toutes les autres espèces vivantes viennent ici au moment de leur mort. »
Les personnes qu’ils avaient croisées pendant le chemin étaient effectivement aussi grises et froide que le sol, ce qui ne les empêchait pas de marcher, de travailler, de manger, de rire et de dormir. Le plus étonnant tenait dans le fait que ce monde représentait un au-delà semblable à leur vie sur Terre avant leur décès.
« Peut-être est-ce là le véritable enfer, justement, avait alors dit Halvorc. C’est de recommencer notre vie à perpétuité. »
Ils avaient traversé deux villages et une ville un peu plus grande avant d’entrapercevoir la tour d’une grande bâtisse, qu’ils avaient finit par rejoindre avant que le soleil blafard n’atteigne le zénith. L’astre pâle éclairait les scènes de la vie quotidienne des personnes comme au travers d’un filtre blanc.
IL ouvrait la marche et inspectait les alentours jusqu’à ce que son regard ne tombe sur l’immense tour qui s’élevait et qui se rapprochait lentement. La première chose à laquelle songea IL en la voyant était sa représentation personnelle de la Tour Sombre dans les nombreux romans du même nom de Stephen King. Il voyait cet immense édifice comme il avait imaginé la fameuse Tour Sombre, et IL s’attendait presque à voir surgir Roland et son ka-têt non loin d’eux.
C’est ridicule, pensa IL. Eux ne peuvent pas voyager si facilement entre les mondes.
« Il s’agit du manoir de Hel, dit Freyja. J’ai bien vu que vous n’avez aucune idée de l’endroit où nous nous trouvons, ce n’est pas bien difficile à inférer à vos têtes. »
Halvorc se contenta d’un haussement d’épaules désinvolte.
« Alors, dit-il, des petites explications ?
-Le royaume de Hel concerne uniquement les morts civiles, comme je vous l’ai précédemment expliqué. Pour toute mort de combattants, nous en sommes informés, nous autres Dieux, que nous soyons Vanes ou Ases. Mais c’est ici qu’arrivent les morts civiles.
-Vous pensez que les voleurs sont arrivés ici ? intervint Shannia.
-Comme nous n’avons pas été mis au courant de l'apparition de ces personnages, il est probable qu’ils soient arrivés ici. »
L’idée se tenait. Halvorc, pour qui l’identité d’un des voleurs était claire dans son esprit – il ne pouvait s’agir que de Séphy-Roshou, pour vouloir dérober une arme – n’attendit pas plus d’explications et poursuivit son chemin en direction de la tour. Freyja continua son récit, écoutée des autres.
« Hel règne ici et ses lois sont spéciales. Il est possible que nous rencontrions quelques obstacles sur le chemin. » Freyja s’arrêta, puis ajouta à voix basse : « Il faut dire qu’elle est la fille d’un Dieux Ases, Loki. » IL tiqua, ainsi que Shannia, mais pas pour les mêmes raisons. Shannia connaissait Loki de réputation, et si sa fille était du même acabit, ils n’auraient pas les informations facilement.
« Quel genre d’obstacles ? demanda Halvorc.
-Nous le saurons une fois arrivés, répondit Njörd. Malheureusement pas avant.
-Et c’est ainsi que l’expression Dieu seul le sait perds ici toute sa véracité. » en conclut IL avant d’éclater de rire. Personne ne l’imita.
Une fois le dernier village traversé, où de nombreuses maisons étaient en ruines et abandonnées, Halvorc remarqua que la tour aperçue au loin surplombait un véritable manoir gigantesque qui obstruait l’horizon sur des kilomètres. Les arbres se raréfiaient de plus en plus, et certains semblaient…
« …écrasés. Ou piétinés. » dit Shannia en se relevant. IL la regardait de loin, en se remémorant la jeune fille fragile qu’il avait rencontrée au Vanaheim. En quelques heures de voyage, elle avait déjà changée et s’était affirmée. Il se demanda un instant, dans un narcissisme parfaitement naturel chez lui, si ce n’était pas grâce à lui que la petite humaine s’était tant épanouie.
« Regardez là-bas ! Un fleuve ! » Halvorc tendit la main vers une immense rivière large et houleuse qui coulait quelques centaines de mètres en contrebas de la colline qu’ils venaient de monter. Njörd soupira.
« C’est la rivière Gjoll, un des obstacles évidents qui empêche les égarés de s’aventurer sur le véritable domaine réservé de Hel.
-Obstacle évident ? répéta Halvorc.
-Oui, car nous le connaissons. Mais je sais qu’elle nous réserve des surprises, en ce qui concerne les épreuves.
-J’espère juste ne pas devoir encore répondre à des énigmes… » maugréa IL.
La rivière Gjoll n’était malgré tout pas si infranchissable qu’on pouvait le croire, car c’était le passage obligé des morts qui entrait dans le royaume de Hel. Elle était souterraine par endroits, notamment à l’est d’où se trouvait le groupe de voyageurs où elle semblait jaillir du sol. Mais aucun pont n’était visible.
« Comment pouvons-nous passer ? demanda IL. En volant ? J’aurais du prendre ma cape de grosbill alors, zut.
-Il suffit de faire apparaître le pont Gjallarbruen, dit simplement Njörd.
-Oui, comme ça, en claquant des doigts. » Njörd ignora le sarcasme de IL et s’avança au bord du fleuve qui s’écoulait avec ferveur. Il leva les bras et inspira longuement.
« Ô Modgud, gardienne du Helheim et servante des Dieux, obéit à Njörd le Vanes et découvre le voile du Gjallarbruen… Maintenant ! »
Au début, rien ne se passa.
Puis, Halvorc aperçut une jeune femme sur l’autre rive, qui se tenait face à eux. Il eut du mal à en distinguer les traits, bien que celle-ci soit immobile. C’est alors que son œil fut attiré par un autre détail : Près de la jeune fille, des morceaux de bois apparaissaient. Et ces planches s’unissaient pour former un pont, un pont colossal qui enjamba la rivière en quelques secondes. Lorsque la dernière planche fut dévoilée, une voix s’éleva de derrière eux.
« Si vous voulez bien vous donner la peine de traverser… »
Halvorc se retourna vers la jeune fille qui venait de sortir de nulle part, et il comprit immédiatement pourquoi il n’avait pu distinguer ses traits : Elle n’en possédait pas. Son visage pâle n’avait ni yeux, ni nez ni bouche, et seul ses longs cheveux noirs tressés le décoraient. Pourtant, se dit Halvorc, elle vient de parler !
« Modgud… siffla Freyja.
-Vous vouliez passer, dit Modgud sans bouger. Je n’ai fait que vous obéir.
-Si jamais c’est une tentative pour…
-Les personnes qui tente de passer dans ce sens sont rares, dit Modgud en interrompant Freyja. J’ignore complètement les réactions de mon Gjoll. »
Freyja lui jeta un dernier regard torve, puis s’engagea sur le pont, suivit de Njörd, IL, Shannia et Halvorc qui fermait la marche. Modgud, elle, ne bougea pas.
Le pont craquait, mais ne tremblait pas sous les assauts de l’eau qui tempêtait en dessous. Des fines gouttelettes arrosaient les voyageurs, mais sans dommages. Le Gjallarbruen tenait bon. Il était extrêmement long mais aussi assez étroit, obligeant le groupe à avancer en file indienne. C’est lorsqu’ils furent arrivés au milieu que tout dérapa.
Une vague heurta le pont, qui tangua dangereusement. IL perdit un instant l’équilibre, mais Shannia lui tint le bras pour qu’il évite de verser par-dessus la rambarde. Njörd se retourna pour s’assurer que tout le monde était encore là, et il remarqua que Modgud avait de nouveau disparue du paysage.
Sous le pont, la rivière se déchaînait de plus en plus. De véritables vagues déferlaient sur eux, manquant à chaque instant de les renverser. Halvorc s’accrochait avec peine à la rampe de droite, trempé de la tête aux pieds. Des seaux d’eau se déversaient sur lui, lui collant ses cheveux noirs dans les yeux et alourdissant ses vêtements. Njörd fut balayé par des trombes d’eau et se retrouva allongé sur le pont.
« Accrochez-vous !! hurla IL.
-Il faut faire demi-tour ! ordonna Freyja qui s’était déjà retournée. C’est un piège !
-Nous sommes arrivés à la moitié de pont, et il est préférable de continuer ! » Freyja regarda Halvorc, qui avançait petit à petit, les mains agrippés à la balustrade. Ils se situaient effectivement au milieu du pont, et revenir sur la rive de départ à cause d’une instant de panique était complètement idiot. Elle se baissa pour soutenir Njörd et avança à son tour.
IL fermait maintenant la marche, Shannia devant lui. Le Gjallarbruen, auparavant immobile, tanguait maintenant sous les assauts des vagues. Shannia jeta un coup d’oeil derrière elle, et elle vit que IL la regardait.
« Qu’y a-t-il ?
-Rien… Si. Merci pour tout à l’heure. »
Shannia détourna le regard et continua sa marche. Elle avait retenu IL par réflexe, lorsqu’il avait failli tomber dans les eaux tumultueuses du Gjoll. Non qu’elle l’aurait abandonné à son triste sort, mais ce n’était pas pour lui qu’elle l’avait fait. Son récent changement d’attitude l’inquiétait, surtout envers son compagnon Halvorc.
« Nous sommes bientôt arrivés ! cria Njörd par-dessus le bruit de la rivière. Restez groupés et tenez-vous bien ! »
Au moment exact où IL posait le pied sur la terre ferme, le pont disparu et la rivière se calma. On aurait presque cru à une film en accéléré, tant la transition fut brève. Les bouillonnements se stoppèrent, et les vagues moururent, laissant le cours d’eau calme. Aucune trace non plus du Gjallarbruen. Ni de Modgud.
« Si jamais je la retrouve, celle-là… menaça Halvorc en reprenant son souffle.
-Elle est de l’autre coté. »
Tous suivirent des yeux l’index de Shannia pointé sur la berge d’où ils venaient, et ils virent Modgud et son visage lisse qui riait aux éclats.
*
* *
Nina éteignit sa télévision.
Elle avait remarqué les inquiétants décès surmultipliés des derniers jours, mais voir sans cesse relatées ces morts dans les journaux télévisés lui donnait la nausée. Elle préférait plutôt l’éteindre que de continuer à regarder s’empiler les cadavres. Sans qu’elle puisse en être sûre, elle avait en plus l’impression que ça avait un rapport avec elle.
Avec Traumen, et les excursions dans l’au-delà.
Elle décida d’appeler Aran.
« Allô ? répondit ce dernier au bout d’une unique sonnerie.
-C’est moi. Comment vas-tu ?
-Et toi ? Tu n’as reçu la visite de personne ? »
Nina resta quelques secondes muette, se demandant ce que signifiait cette question. Était-il jaloux, ou tout simplement inquiet ?
« Non, de personne. Pourquoi ?
-Rien. Simple intuition. Il y a des morts bizarres un peu partout, et j’avais peur pour toi, voilà. Si jamais un mec louche te tourne autour, n’hésite pas à m’en parler, hein !
-Oui ! Oui, bien sûr… Quelque chose te tracasse, toi, non ?
-Non, rien. »
Mais Nina n’était pas dupe, et elle sentait qu’Aran ne lui disait pas toute la vérité. Elle contourna l’obstacle, se promettant d’y revenir au plus vite. Elle changea son téléphone d’oreille et reprit :
« Tu es chez toi ?
-Hein ? Euh… Oui, pourquoi ?
-Tu regardes la télé, là ? »
Aran, dans sa chambre d’hôtel, alluma le poste. Il n’avait pas voulu lui dire qu’il se trouvait non loin d’elle, de peur de l’inquiéter plus encore. Tout comme il ne comptait pas lui dire qu’un policier lui tournait autour. Il espérait même que Thourn avait lâché prise, après l’épisode du cimetière la veille.
« Non, je ne regardais pas, mais maintenant ça y est. C’est les infos.
-Justement ! Tu as remarqué les divers décès un peu partout dans le monde ?
-C’est pas nouveau, tu sais. Il y a des guerres, des…
-Non, je parle des morts inexpliquées ! »
Aran ne voulait pas en parler, mais évidemment Nina était déjà au courant : Ces décès étranges se propageaient comme la peste, et Aran aussi y voyait un signe de mauvais augure. Il acquiesça à contrecœur.
« Tu penses que ça peut être en rapport avec nos excursions dans l’au-delà ? demanda-t-elle. Que c’est de notre faute ?
-Non, je ne pense pas, la rassura-t-il. À moins que nous ayons formé malgré nous une colonie de fans qui veulent mourir pour découvrir l’au-delà ! »
La touche d’humour fit mouche, et Nina se détendit. Avec le recul, elle se rendit compte que son idée n’avait aucun fondement, et qu’elle s’était fait du mouron pour pas grand-chose. Elle soupira, et au même moment la sonnette de chez elle tinta.
« Je dois te laisser, on sonne. Bye !
-Qui est-ce ? répondit immédiatement Aran. Si jamais c’est un policier, dis-lui de… » Mais Nina avait déjà raccrochée. Aran jeta le combiné sur son lit, puis s’allongea sur le dos. Il hésitait entre saisir son manteau et aller la rejoindre, ou patienter ici. Il espérait que c’était un simple ami venu lui rendre visite, mais son cœur battait la chamade.
Chez elle, Nina ouvrait la porte à un Serge Thourn souriant.
Le domaine de Helheim était relativement peu différent du Nifelheim. Les arbres englués dans la brume avaient cédés leur place à des arbres morts, ou en instance de décès. Les lianes avaient disparues, remplacés par quelques buissons disséminés sur un sol sec et gris. De multiples fissures minuscules recouvraient la terre dure et peu accueillante.
Il y avait néanmoins plus d’animation que dans le monde précédent, car de nombreuses villes et villages parsemaient les alentours. Des gens marchaient, se promenaient, allaient et venaient en toute liberté. On aurait presque pu croire se trouver sur Terre, mis à part le violet fiévreux du ciel illuminé par un soleil malade.
Njörd leur avait expliqué après leur réveil que Hel dirigeait ce monde d’une poigne de fer, se considérant comme une déesse rejetée et se faisant aduler comme telle.
« Mais qui sont tous ces gens, alors ? avait demandé Shannia.
-Les civils, avait répondu Freyja d’un ton neutre. Les combattants, lorsqu’ils meurent, accèdent au Vanaheim ou au Asaheim, mais les civils, les animaux et toutes les autres espèces vivantes viennent ici au moment de leur mort. »
Les personnes qu’ils avaient croisées pendant le chemin étaient effectivement aussi grises et froide que le sol, ce qui ne les empêchait pas de marcher, de travailler, de manger, de rire et de dormir. Le plus étonnant tenait dans le fait que ce monde représentait un au-delà semblable à leur vie sur Terre avant leur décès.
« Peut-être est-ce là le véritable enfer, justement, avait alors dit Halvorc. C’est de recommencer notre vie à perpétuité. »
Ils avaient traversé deux villages et une ville un peu plus grande avant d’entrapercevoir la tour d’une grande bâtisse, qu’ils avaient finit par rejoindre avant que le soleil blafard n’atteigne le zénith. L’astre pâle éclairait les scènes de la vie quotidienne des personnes comme au travers d’un filtre blanc.
IL ouvrait la marche et inspectait les alentours jusqu’à ce que son regard ne tombe sur l’immense tour qui s’élevait et qui se rapprochait lentement. La première chose à laquelle songea IL en la voyant était sa représentation personnelle de la Tour Sombre dans les nombreux romans du même nom de Stephen King. Il voyait cet immense édifice comme il avait imaginé la fameuse Tour Sombre, et IL s’attendait presque à voir surgir Roland et son ka-têt non loin d’eux.
C’est ridicule, pensa IL. Eux ne peuvent pas voyager si facilement entre les mondes.
« Il s’agit du manoir de Hel, dit Freyja. J’ai bien vu que vous n’avez aucune idée de l’endroit où nous nous trouvons, ce n’est pas bien difficile à inférer à vos têtes. »
Halvorc se contenta d’un haussement d’épaules désinvolte.
« Alors, dit-il, des petites explications ?
-Le royaume de Hel concerne uniquement les morts civiles, comme je vous l’ai précédemment expliqué. Pour toute mort de combattants, nous en sommes informés, nous autres Dieux, que nous soyons Vanes ou Ases. Mais c’est ici qu’arrivent les morts civiles.
-Vous pensez que les voleurs sont arrivés ici ? intervint Shannia.
-Comme nous n’avons pas été mis au courant de l'apparition de ces personnages, il est probable qu’ils soient arrivés ici. »
L’idée se tenait. Halvorc, pour qui l’identité d’un des voleurs était claire dans son esprit – il ne pouvait s’agir que de Séphy-Roshou, pour vouloir dérober une arme – n’attendit pas plus d’explications et poursuivit son chemin en direction de la tour. Freyja continua son récit, écoutée des autres.
« Hel règne ici et ses lois sont spéciales. Il est possible que nous rencontrions quelques obstacles sur le chemin. » Freyja s’arrêta, puis ajouta à voix basse : « Il faut dire qu’elle est la fille d’un Dieux Ases, Loki. » IL tiqua, ainsi que Shannia, mais pas pour les mêmes raisons. Shannia connaissait Loki de réputation, et si sa fille était du même acabit, ils n’auraient pas les informations facilement.
« Quel genre d’obstacles ? demanda Halvorc.
-Nous le saurons une fois arrivés, répondit Njörd. Malheureusement pas avant.
-Et c’est ainsi que l’expression Dieu seul le sait perds ici toute sa véracité. » en conclut IL avant d’éclater de rire. Personne ne l’imita.
Une fois le dernier village traversé, où de nombreuses maisons étaient en ruines et abandonnées, Halvorc remarqua que la tour aperçue au loin surplombait un véritable manoir gigantesque qui obstruait l’horizon sur des kilomètres. Les arbres se raréfiaient de plus en plus, et certains semblaient…
« …écrasés. Ou piétinés. » dit Shannia en se relevant. IL la regardait de loin, en se remémorant la jeune fille fragile qu’il avait rencontrée au Vanaheim. En quelques heures de voyage, elle avait déjà changée et s’était affirmée. Il se demanda un instant, dans un narcissisme parfaitement naturel chez lui, si ce n’était pas grâce à lui que la petite humaine s’était tant épanouie.
« Regardez là-bas ! Un fleuve ! » Halvorc tendit la main vers une immense rivière large et houleuse qui coulait quelques centaines de mètres en contrebas de la colline qu’ils venaient de monter. Njörd soupira.
« C’est la rivière Gjoll, un des obstacles évidents qui empêche les égarés de s’aventurer sur le véritable domaine réservé de Hel.
-Obstacle évident ? répéta Halvorc.
-Oui, car nous le connaissons. Mais je sais qu’elle nous réserve des surprises, en ce qui concerne les épreuves.
-J’espère juste ne pas devoir encore répondre à des énigmes… » maugréa IL.
La rivière Gjoll n’était malgré tout pas si infranchissable qu’on pouvait le croire, car c’était le passage obligé des morts qui entrait dans le royaume de Hel. Elle était souterraine par endroits, notamment à l’est d’où se trouvait le groupe de voyageurs où elle semblait jaillir du sol. Mais aucun pont n’était visible.
« Comment pouvons-nous passer ? demanda IL. En volant ? J’aurais du prendre ma cape de grosbill alors, zut.
-Il suffit de faire apparaître le pont Gjallarbruen, dit simplement Njörd.
-Oui, comme ça, en claquant des doigts. » Njörd ignora le sarcasme de IL et s’avança au bord du fleuve qui s’écoulait avec ferveur. Il leva les bras et inspira longuement.
« Ô Modgud, gardienne du Helheim et servante des Dieux, obéit à Njörd le Vanes et découvre le voile du Gjallarbruen… Maintenant ! »
Au début, rien ne se passa.
Puis, Halvorc aperçut une jeune femme sur l’autre rive, qui se tenait face à eux. Il eut du mal à en distinguer les traits, bien que celle-ci soit immobile. C’est alors que son œil fut attiré par un autre détail : Près de la jeune fille, des morceaux de bois apparaissaient. Et ces planches s’unissaient pour former un pont, un pont colossal qui enjamba la rivière en quelques secondes. Lorsque la dernière planche fut dévoilée, une voix s’éleva de derrière eux.
« Si vous voulez bien vous donner la peine de traverser… »
Halvorc se retourna vers la jeune fille qui venait de sortir de nulle part, et il comprit immédiatement pourquoi il n’avait pu distinguer ses traits : Elle n’en possédait pas. Son visage pâle n’avait ni yeux, ni nez ni bouche, et seul ses longs cheveux noirs tressés le décoraient. Pourtant, se dit Halvorc, elle vient de parler !
« Modgud… siffla Freyja.
-Vous vouliez passer, dit Modgud sans bouger. Je n’ai fait que vous obéir.
-Si jamais c’est une tentative pour…
-Les personnes qui tente de passer dans ce sens sont rares, dit Modgud en interrompant Freyja. J’ignore complètement les réactions de mon Gjoll. »
Freyja lui jeta un dernier regard torve, puis s’engagea sur le pont, suivit de Njörd, IL, Shannia et Halvorc qui fermait la marche. Modgud, elle, ne bougea pas.
Le pont craquait, mais ne tremblait pas sous les assauts de l’eau qui tempêtait en dessous. Des fines gouttelettes arrosaient les voyageurs, mais sans dommages. Le Gjallarbruen tenait bon. Il était extrêmement long mais aussi assez étroit, obligeant le groupe à avancer en file indienne. C’est lorsqu’ils furent arrivés au milieu que tout dérapa.
Une vague heurta le pont, qui tangua dangereusement. IL perdit un instant l’équilibre, mais Shannia lui tint le bras pour qu’il évite de verser par-dessus la rambarde. Njörd se retourna pour s’assurer que tout le monde était encore là, et il remarqua que Modgud avait de nouveau disparue du paysage.
Sous le pont, la rivière se déchaînait de plus en plus. De véritables vagues déferlaient sur eux, manquant à chaque instant de les renverser. Halvorc s’accrochait avec peine à la rampe de droite, trempé de la tête aux pieds. Des seaux d’eau se déversaient sur lui, lui collant ses cheveux noirs dans les yeux et alourdissant ses vêtements. Njörd fut balayé par des trombes d’eau et se retrouva allongé sur le pont.
« Accrochez-vous !! hurla IL.
-Il faut faire demi-tour ! ordonna Freyja qui s’était déjà retournée. C’est un piège !
-Nous sommes arrivés à la moitié de pont, et il est préférable de continuer ! » Freyja regarda Halvorc, qui avançait petit à petit, les mains agrippés à la balustrade. Ils se situaient effectivement au milieu du pont, et revenir sur la rive de départ à cause d’une instant de panique était complètement idiot. Elle se baissa pour soutenir Njörd et avança à son tour.
IL fermait maintenant la marche, Shannia devant lui. Le Gjallarbruen, auparavant immobile, tanguait maintenant sous les assauts des vagues. Shannia jeta un coup d’oeil derrière elle, et elle vit que IL la regardait.
« Qu’y a-t-il ?
-Rien… Si. Merci pour tout à l’heure. »
Shannia détourna le regard et continua sa marche. Elle avait retenu IL par réflexe, lorsqu’il avait failli tomber dans les eaux tumultueuses du Gjoll. Non qu’elle l’aurait abandonné à son triste sort, mais ce n’était pas pour lui qu’elle l’avait fait. Son récent changement d’attitude l’inquiétait, surtout envers son compagnon Halvorc.
« Nous sommes bientôt arrivés ! cria Njörd par-dessus le bruit de la rivière. Restez groupés et tenez-vous bien ! »
Au moment exact où IL posait le pied sur la terre ferme, le pont disparu et la rivière se calma. On aurait presque cru à une film en accéléré, tant la transition fut brève. Les bouillonnements se stoppèrent, et les vagues moururent, laissant le cours d’eau calme. Aucune trace non plus du Gjallarbruen. Ni de Modgud.
« Si jamais je la retrouve, celle-là… menaça Halvorc en reprenant son souffle.
-Elle est de l’autre coté. »
Tous suivirent des yeux l’index de Shannia pointé sur la berge d’où ils venaient, et ils virent Modgud et son visage lisse qui riait aux éclats.
*
* *
Nina éteignit sa télévision.
Elle avait remarqué les inquiétants décès surmultipliés des derniers jours, mais voir sans cesse relatées ces morts dans les journaux télévisés lui donnait la nausée. Elle préférait plutôt l’éteindre que de continuer à regarder s’empiler les cadavres. Sans qu’elle puisse en être sûre, elle avait en plus l’impression que ça avait un rapport avec elle.
Avec Traumen, et les excursions dans l’au-delà.
Elle décida d’appeler Aran.
« Allô ? répondit ce dernier au bout d’une unique sonnerie.
-C’est moi. Comment vas-tu ?
-Et toi ? Tu n’as reçu la visite de personne ? »
Nina resta quelques secondes muette, se demandant ce que signifiait cette question. Était-il jaloux, ou tout simplement inquiet ?
« Non, de personne. Pourquoi ?
-Rien. Simple intuition. Il y a des morts bizarres un peu partout, et j’avais peur pour toi, voilà. Si jamais un mec louche te tourne autour, n’hésite pas à m’en parler, hein !
-Oui ! Oui, bien sûr… Quelque chose te tracasse, toi, non ?
-Non, rien. »
Mais Nina n’était pas dupe, et elle sentait qu’Aran ne lui disait pas toute la vérité. Elle contourna l’obstacle, se promettant d’y revenir au plus vite. Elle changea son téléphone d’oreille et reprit :
« Tu es chez toi ?
-Hein ? Euh… Oui, pourquoi ?
-Tu regardes la télé, là ? »
Aran, dans sa chambre d’hôtel, alluma le poste. Il n’avait pas voulu lui dire qu’il se trouvait non loin d’elle, de peur de l’inquiéter plus encore. Tout comme il ne comptait pas lui dire qu’un policier lui tournait autour. Il espérait même que Thourn avait lâché prise, après l’épisode du cimetière la veille.
« Non, je ne regardais pas, mais maintenant ça y est. C’est les infos.
-Justement ! Tu as remarqué les divers décès un peu partout dans le monde ?
-C’est pas nouveau, tu sais. Il y a des guerres, des…
-Non, je parle des morts inexpliquées ! »
Aran ne voulait pas en parler, mais évidemment Nina était déjà au courant : Ces décès étranges se propageaient comme la peste, et Aran aussi y voyait un signe de mauvais augure. Il acquiesça à contrecœur.
« Tu penses que ça peut être en rapport avec nos excursions dans l’au-delà ? demanda-t-elle. Que c’est de notre faute ?
-Non, je ne pense pas, la rassura-t-il. À moins que nous ayons formé malgré nous une colonie de fans qui veulent mourir pour découvrir l’au-delà ! »
La touche d’humour fit mouche, et Nina se détendit. Avec le recul, elle se rendit compte que son idée n’avait aucun fondement, et qu’elle s’était fait du mouron pour pas grand-chose. Elle soupira, et au même moment la sonnette de chez elle tinta.
« Je dois te laisser, on sonne. Bye !
-Qui est-ce ? répondit immédiatement Aran. Si jamais c’est un policier, dis-lui de… » Mais Nina avait déjà raccrochée. Aran jeta le combiné sur son lit, puis s’allongea sur le dos. Il hésitait entre saisir son manteau et aller la rejoindre, ou patienter ici. Il espérait que c’était un simple ami venu lui rendre visite, mais son cœur battait la chamade.
Chez elle, Nina ouvrait la porte à un Serge Thourn souriant.
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Localisation : Dans les limbes torturées d'un esprit dérangé.
Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
Le passage du Gjoll les avait fatigués, mais ils n’abandonnèrent pas pour autant leur objectif. Le manoir de Hel était de plus en plus proche, et même si leurs vêtements étaient encore trempés, ils poursuivirent leur route. Freyja leur avait dit que bien d’autres embûches risquaient d’arriver, et le petit groupe se tenait sur ses gardes. L’épisode du pont avait tout de même marqué les esprits.
« On aurait du prendre des chevaux, dit IL. Nous aurions gagné du temps.
-Sauf que nous ne serions pas passés entre le Svartalfheim et le Nifelheim, dit Njörd. Je te rappelle que le passage dans la roche est relativement étroit, là-bas. »
IL ne répondit rien. Il se contenta de regarder Halvorc qui, lui, n’avait aucune peine à avancer : Ses vêtements étaient en majeur partie de cuir, et l’eau ne l’avait donc pas ralenti bien longtemps. Seuls ses cheveux démontraient qu’il avait été mouillé.
Aucune trace de vie de ce coté-ci du Gjoll. Pas d’arbres, pas de village ni aucun autre élément dérangeant le paysage si plat et froid, mis à part l’immense manoir et une colline sur leur droite. Derrière eux, le ricanement de Modgud avait disparu, et avec lui les sons des remous de la rivière qui avait tenté de les happer.
« Une fois arrivés là-bas, pensez-vous que Hel sera en mesure de nous informer ? demanda Shannia. Si elle refuse, que ferons-nous ?
-Nous ne pourrons pas faire comme avec Nidhögg, répondit Njörd. Autant j’ignore totalement si ce serpent savait réellement quelque chose, autant je pense que Hel possède forcément des informations. C’est elle qui est chargée des morts, ne l’oublions pas…
-Et si elle n’a aucuns renseignements à nous fournir ? »
Tous se tournèrent vers Halvorc.
« Je m’explique : Imaginons que ces voleurs ne soient pas apparus ici, comment pourrait-elle être au courant de quoi que ce soit ? Nous prenons pour point de départ une idée qui est peut-être erronée !
-Non, lâcha Njörd. Si quelqu’un est venu dans l’Yggdrasil, alors il est soit apparu dans Midgard où les Dieux sont venus le chercher, soit ici.
-Sauf si c’est un Dieu qui a fait le coup. »
Njörd et Freyja ne laissèrent rien trahir extérieurement de leur étonnement face à cette remarque. Mais ils se demandèrent tout deux quelle erreur ils avaient commise pour que ce simple humain pense ça.
« Tu as une idée de l’identité des voleurs ?
-Aucune. Et comme vous-même nous cachez des informations, nous avons peu de chances d’avancer. »
La tension était cette fois-ci palpable, et personne n’osait plus dire un mot. Njörd et Halvorc se fusillaient du regard. Loin d’eux, un grognement sourd se fit entendre.
« Qu’est-ce que tu oses insinuer ? cracha Njörd.
-Depuis notre départ du Svartalfheim, nous n’avons pas eu une once d’information, ni des endroits visités, ni de vous. Qu’est-ce que vous a dit le nain lors de votre petite réunion à laquelle nous n’étions pas désirés ?
-Il voulait s’entretenir d’affaires privées.
-Qui n’avaient rien à voir avec ce vol ? »
Njörd cilla, et Freyja s’approcha de lui pour le soutenir.
« Hrumir n’aime pas les humains. Il voulait simplement nous parler en étant plus à l’aise, et votre présence l’aurait gênée.
-Et quelle est la part de vérité dans ce mensonge ? rugit Halvorc en changeant de cible. Comment pouvons-nous être sûr que vous ne venez pas d’inventer cette histoire d’allergie aux humains ?
-Il faut simplement nous faire confiance ! s’insurgea Njörd. Et puis, de toute façon, nous n’avons pas de compte à vous rendre !
-Ah ça non, en ce qui concerne les comptes à nous rendre, ça vous ne l’avez pas fait. Si ces affabulations sont vraies, alors qu’est-ce qui vous empêche de nous révéler point par point votre petite discussion privée ? »
Un hurlement terrifiant vint interrompre la réponse de Njörd. IL se retourna vers la colline, d’où montait la clameur. Il y distingua une caverne sur le flanc, puis adressa une question silencieuse à Freyja.
« Je pense que c’est Garm, le loup de Hel. » répondit-elle.
Un second hurlement s’éleva de la caverne, puis le loup en sortit. Freyja avait eu raison en leur indiquant la nature de ce monstre : Il était fin et élancé, sa longue queue battait l’air, ses crocs ressortaient de ses babines retroussées et s’apprêtaient à déguster ses proies que fixait ses deux yeux rouges. Mais ce qu’avait omis de préciser Freyja, c’est que Garm était un loup géant de plusieurs mètres de haut.
Et ce loup géant bondit dans leur direction.
La distance était encore beaucoup trop longue pour tenter d’atteindre le manoir, mais aucun autre abri n’était présent à proximité. Njörd songea un instant à rebrousser le chemin jusqu’au Gjoll, mais qu’allaient-ils faire une fois là-bas ? Le pont avait disparu et il était aussi dangereux de vouloir traverser le Gjoll à la nage que d’affronter Garm.
« IL, qu’est-ce qu’on va faire ? piailla Shannia en s’accrochant à son bras.
-Je crains qu’il ne nous reste qu’une solution… » IL repoussa Shannia et se mit devant elle, comme pour la protéger. Shannia avait vu IL en action au Vanaheim, lorsqu’il avait mis à mal plus d’une dizaine d’individus sans peine. Elle recula près de Njörd et Freyja.
« Qu’est-ce qu’il va faire ? demanda Freyja.
-Il va se battre, je pense. Ou au moins le distraire pour nous laissez le temps de… Mais que fait Halvorc ? »
IL vit Halvorc le dépasser à toute vitesse et courir à la rencontre de Garm. Sans aucune arrière pensée de bon jeu de mot, il songea : Mais il est fou, il se jette dans la gueule du loup ! Qu’est-ce qu’il veut faire ?
Halvorc accéléra et rejoignit en un rien de temps le loup qui ne prêta pas la moindre attention à lui. Garm lui sauta par-dessus et continua de courir à la rencontre du reste du groupe. Halvorc entendit Shannia crier. Il réfléchit à la tournure que la situation venait de prendre, et modifia son plan en courant vers le loup géant.
Au prix d’un effort surhumain qu’il imputa à sa considération de Trauménien, il arriva à avancer assez vite ne serait-ce que quelques minutes pour lui donner le loisir d’attraper la queue de Garm dans un de ses larges battements. Le loup ralentit, sentant une présence intruse sur lui, et tourna sa tête monstrueuse vers Halvorc.
Sans attendre et en profitant que la sensation de vitesse avait cessé, Halvorc remonta la queue jusqu’au bas du dos de Garm, qui s’immobilisa complètement. De là où il était, Halvorc remarqua que le flanc de l’animal était déjà blessé sur une importante surface : Les poils étaient roussis et la chair brûlée. Garm devait souffrir, mais également être en colère.
Le loup ouvrit une gueule béante sur Halvorc et les crocs passèrent à quelques centimètres de son bras. Garm n’osait pas y aller trop franchement de peur de se mordre lui-même, et cela donnait un avantage certain à Halvorc, qui en profita pour exhiber son arme : Une faux apparue dans ses mains, comme par enchantement.
Le loup, sentant peut-être la menace, secoua son arrière-train pou se défaire de son intrus. Halvorc s’accrocha à une touffe de longs poils durs et lisses, mais il commença à glisser. Alors il planta rapidement mais profondément sa faux dans les blessures encore récentes de Garm, qui hurla de douleur.
« Mais il est complètement fou, il va se faire massacrer ! cria Shannia. IL va l’aider !
-Je pense qu’il a un plan en tête, dit IL sans bouger. Il n’aurait pas agit ainsi sinon. »
Si effectivement IL savait qu’Halvorc avait un plan pour partir ainsi à l’encontre d’un tel monstre, IL ignorait totalement la nature de ce plan, et si tout ceci en faisait partie. De plus, secrètement, il espérait que celui-ci tombe à l’eau. Shannia, de son coté, doutait de la sincérité de IL. Elle se rappelait encore de son refus d’aider Halvorc lors de l’épisode du serpent, et elle décida d’agir à nouveau. Elle fonça vers le loup en sortant elle aussi son arme : Une longue et fine épée relativement légère.
Halvorc évita soigneusement les dents effilées du loup géant et se demanda comment il allait faire pour redescendre au sol entier. La faux était toujours plantée dans le monstre, et ne semblait pas vouloir s’en déloger. Il vit Shannia courir vers eux, et pesta.
« Elle ne pouvait pas se mêler de ses affaires, elle ? »
Son cerveau enclencha la seconde et une idée risquée lui vint. Mais il n’avait ni le choix, ni le temps, alors il l’exécuta. Il prit appui sur ses jambes, s’enroula de longs poils autours de la main libre, et enleva d’un geste sec la lame de la faux, libérant un jaillissement de sang écoeurant. Garm beugla de nouveau, puis se jeta sur le coté. Halvorc vit le sol lui sauter à la figure, et sauta à son tour.
Heureusement pour lui, il atterri sur le dos du loup qui était allongé sur le sol. Garm se frottait la plaie sur la terre aride dans l’espoir d’atténuer la douleur, hélas sans résultat. Le sang s’écoulait dans les crevasses du sol. Halvorc sauta à terre et s’éloigna rapidement du monstre, rejoignant Shannia.
« Il est mort ?
-Non, juste calmé pour un moment. Pourquoi ne vous êtes-vous pas enfuis, tout à l’heure ? À quoi sert ma diversion si vous ne vous barrez pas ?
-Eh bien, nous pensions que… Eh bien…
-Vous pensiez mal, voilà. »
Halvorc passa à coté de Shannia et marcha en direction des autres. Shannia regardait ses pieds, confuse, ne sachant comment interpréter les mots d’Halvorc. Elle avait l’impression que celui-ci voulait la remercier d’être resté, mais qu’il préférait râler plutôt que de dire des paroles gentilles. Et Shannia savait que IL, s’il lui avait dit ce genre de phrase, aurait pensé ses mots et pesé ses paroles.
Elle se retourna et fut presque étonnée de trouver un Halvorc qui l’attendait.
« Tu viens ? dit-il avec un demi-sourire.
-Je… J’arrive… » Elle lui sourit en retour, rougissante. Le sourire d’Halvorc s’envola et il se mit à courir vers elle. Shannia recula d’un pas, et Halvorc la heurta violemment, juste avant que la patte griffue de Garm ne s’écrase par terre. Le loup grogna de dépit.
« Barre-toi, va les rejoindre, et cette fois-ci : Allez-vous en !! »
Shannia se redressa vers Halvorc qui s’évertuait à attirer l’attention du loup. Ce qui fonctionnait, car l’immense bête ignorait Shannia comme on ignore un caillou. Halvorc regarda une dernière fois Shannia et lui lança un regard énervé. Sans plus attendre, elle se releva et courut vers les autres.
Halvorc sauta sur le coté pour éviter un nouveau coup de griffe et roula sur lui-même avant de se remettre debout. Il se remercia mentalement de s’être inventé un corps aussi souple sur Traumen. Une fois qu’il fut sûr que le poisson était bien ferré, il fit un brusque demi-tour et se mit à courir vers la rivière Gjoll.
Garm le suivit en boitillant, n’allant plus aussi vite que tout à l’heure. Le loup gagnait du terrain, mais Halvorc espérait arriver à la rivière avant de se faire dévorer. Il jeta un coup d’œil au groupe, qui venait de retrouver Shannia.
« Il faut partir, allons au manoir tandis qu’il fait diversion ! »
IL saisit l’occasion au vol.
« Oui, allons-nous-en ! S’il survit, il nous rejoindra au manoir, ou bien nous le retrouverons en sortant. Et si le loup le rattrape…
-Eh bien, termina Freyja, il deviendra simple civil et restera dans le royaume de Hel pour l’éternité. »
Le silence tomba sur eux, puis ils se mirent à courir vers le manoir sans plus un mot. IL, lui, songeait que cette alternative était assez plaisante.
*
* *
Il ouvrit la fenêtre sur une matinée ensoleillée. L’horizon était dégagé, aucun immeuble ou autre bâtiment ne venait obscurcir sa vue sur les champs et les prairies alentours. Il adorait la campagne. Au début, il s’en rappelle encore, c’était plus par nécessité qu’il avait immigré ici, mais il s’était acclimaté sans peine à son nouvel habitat.
Il inspira une immense bouffée d’air frais et vivifiant. Son envie première était de crier, de crier au monde son bonheur. Tout fonctionnait comme il le désirait, et il y avait bien longtemps qu’il ne s’était pas sentit aussi bien. De plus, personne ne l’entendrait ici. Seulement les vaches du pré voisin, et encore. Il n’était même pas sûr d’obtenir un meuglement approbateur de leur part.
Il se retourna et se dirigea vers sa chambre où trônait un ordinateur allumé, dont l’écran scintillait d’innombrables étoiles en mouvement. Il s’assit devant son bureau et bougea la souris. La veille du moniteur se désactiva, et le fond d’écran noir apparu. Seuls deux icônes apparaissaient : l’une nommée Traumen, dont le symbole était barré, et l’autre était le « e » d’Internet Explorer.
Le curseur voleta de l’une à l’autre, puis resta en suspension au dessus de l’icône en deuil Traumen. Et il se mit à siffloter.
« Il va être temps que j’entre en scène. »
« On aurait du prendre des chevaux, dit IL. Nous aurions gagné du temps.
-Sauf que nous ne serions pas passés entre le Svartalfheim et le Nifelheim, dit Njörd. Je te rappelle que le passage dans la roche est relativement étroit, là-bas. »
IL ne répondit rien. Il se contenta de regarder Halvorc qui, lui, n’avait aucune peine à avancer : Ses vêtements étaient en majeur partie de cuir, et l’eau ne l’avait donc pas ralenti bien longtemps. Seuls ses cheveux démontraient qu’il avait été mouillé.
Aucune trace de vie de ce coté-ci du Gjoll. Pas d’arbres, pas de village ni aucun autre élément dérangeant le paysage si plat et froid, mis à part l’immense manoir et une colline sur leur droite. Derrière eux, le ricanement de Modgud avait disparu, et avec lui les sons des remous de la rivière qui avait tenté de les happer.
« Une fois arrivés là-bas, pensez-vous que Hel sera en mesure de nous informer ? demanda Shannia. Si elle refuse, que ferons-nous ?
-Nous ne pourrons pas faire comme avec Nidhögg, répondit Njörd. Autant j’ignore totalement si ce serpent savait réellement quelque chose, autant je pense que Hel possède forcément des informations. C’est elle qui est chargée des morts, ne l’oublions pas…
-Et si elle n’a aucuns renseignements à nous fournir ? »
Tous se tournèrent vers Halvorc.
« Je m’explique : Imaginons que ces voleurs ne soient pas apparus ici, comment pourrait-elle être au courant de quoi que ce soit ? Nous prenons pour point de départ une idée qui est peut-être erronée !
-Non, lâcha Njörd. Si quelqu’un est venu dans l’Yggdrasil, alors il est soit apparu dans Midgard où les Dieux sont venus le chercher, soit ici.
-Sauf si c’est un Dieu qui a fait le coup. »
Njörd et Freyja ne laissèrent rien trahir extérieurement de leur étonnement face à cette remarque. Mais ils se demandèrent tout deux quelle erreur ils avaient commise pour que ce simple humain pense ça.
« Tu as une idée de l’identité des voleurs ?
-Aucune. Et comme vous-même nous cachez des informations, nous avons peu de chances d’avancer. »
La tension était cette fois-ci palpable, et personne n’osait plus dire un mot. Njörd et Halvorc se fusillaient du regard. Loin d’eux, un grognement sourd se fit entendre.
« Qu’est-ce que tu oses insinuer ? cracha Njörd.
-Depuis notre départ du Svartalfheim, nous n’avons pas eu une once d’information, ni des endroits visités, ni de vous. Qu’est-ce que vous a dit le nain lors de votre petite réunion à laquelle nous n’étions pas désirés ?
-Il voulait s’entretenir d’affaires privées.
-Qui n’avaient rien à voir avec ce vol ? »
Njörd cilla, et Freyja s’approcha de lui pour le soutenir.
« Hrumir n’aime pas les humains. Il voulait simplement nous parler en étant plus à l’aise, et votre présence l’aurait gênée.
-Et quelle est la part de vérité dans ce mensonge ? rugit Halvorc en changeant de cible. Comment pouvons-nous être sûr que vous ne venez pas d’inventer cette histoire d’allergie aux humains ?
-Il faut simplement nous faire confiance ! s’insurgea Njörd. Et puis, de toute façon, nous n’avons pas de compte à vous rendre !
-Ah ça non, en ce qui concerne les comptes à nous rendre, ça vous ne l’avez pas fait. Si ces affabulations sont vraies, alors qu’est-ce qui vous empêche de nous révéler point par point votre petite discussion privée ? »
Un hurlement terrifiant vint interrompre la réponse de Njörd. IL se retourna vers la colline, d’où montait la clameur. Il y distingua une caverne sur le flanc, puis adressa une question silencieuse à Freyja.
« Je pense que c’est Garm, le loup de Hel. » répondit-elle.
Un second hurlement s’éleva de la caverne, puis le loup en sortit. Freyja avait eu raison en leur indiquant la nature de ce monstre : Il était fin et élancé, sa longue queue battait l’air, ses crocs ressortaient de ses babines retroussées et s’apprêtaient à déguster ses proies que fixait ses deux yeux rouges. Mais ce qu’avait omis de préciser Freyja, c’est que Garm était un loup géant de plusieurs mètres de haut.
Et ce loup géant bondit dans leur direction.
La distance était encore beaucoup trop longue pour tenter d’atteindre le manoir, mais aucun autre abri n’était présent à proximité. Njörd songea un instant à rebrousser le chemin jusqu’au Gjoll, mais qu’allaient-ils faire une fois là-bas ? Le pont avait disparu et il était aussi dangereux de vouloir traverser le Gjoll à la nage que d’affronter Garm.
« IL, qu’est-ce qu’on va faire ? piailla Shannia en s’accrochant à son bras.
-Je crains qu’il ne nous reste qu’une solution… » IL repoussa Shannia et se mit devant elle, comme pour la protéger. Shannia avait vu IL en action au Vanaheim, lorsqu’il avait mis à mal plus d’une dizaine d’individus sans peine. Elle recula près de Njörd et Freyja.
« Qu’est-ce qu’il va faire ? demanda Freyja.
-Il va se battre, je pense. Ou au moins le distraire pour nous laissez le temps de… Mais que fait Halvorc ? »
IL vit Halvorc le dépasser à toute vitesse et courir à la rencontre de Garm. Sans aucune arrière pensée de bon jeu de mot, il songea : Mais il est fou, il se jette dans la gueule du loup ! Qu’est-ce qu’il veut faire ?
Halvorc accéléra et rejoignit en un rien de temps le loup qui ne prêta pas la moindre attention à lui. Garm lui sauta par-dessus et continua de courir à la rencontre du reste du groupe. Halvorc entendit Shannia crier. Il réfléchit à la tournure que la situation venait de prendre, et modifia son plan en courant vers le loup géant.
Au prix d’un effort surhumain qu’il imputa à sa considération de Trauménien, il arriva à avancer assez vite ne serait-ce que quelques minutes pour lui donner le loisir d’attraper la queue de Garm dans un de ses larges battements. Le loup ralentit, sentant une présence intruse sur lui, et tourna sa tête monstrueuse vers Halvorc.
Sans attendre et en profitant que la sensation de vitesse avait cessé, Halvorc remonta la queue jusqu’au bas du dos de Garm, qui s’immobilisa complètement. De là où il était, Halvorc remarqua que le flanc de l’animal était déjà blessé sur une importante surface : Les poils étaient roussis et la chair brûlée. Garm devait souffrir, mais également être en colère.
Le loup ouvrit une gueule béante sur Halvorc et les crocs passèrent à quelques centimètres de son bras. Garm n’osait pas y aller trop franchement de peur de se mordre lui-même, et cela donnait un avantage certain à Halvorc, qui en profita pour exhiber son arme : Une faux apparue dans ses mains, comme par enchantement.
Le loup, sentant peut-être la menace, secoua son arrière-train pou se défaire de son intrus. Halvorc s’accrocha à une touffe de longs poils durs et lisses, mais il commença à glisser. Alors il planta rapidement mais profondément sa faux dans les blessures encore récentes de Garm, qui hurla de douleur.
« Mais il est complètement fou, il va se faire massacrer ! cria Shannia. IL va l’aider !
-Je pense qu’il a un plan en tête, dit IL sans bouger. Il n’aurait pas agit ainsi sinon. »
Si effectivement IL savait qu’Halvorc avait un plan pour partir ainsi à l’encontre d’un tel monstre, IL ignorait totalement la nature de ce plan, et si tout ceci en faisait partie. De plus, secrètement, il espérait que celui-ci tombe à l’eau. Shannia, de son coté, doutait de la sincérité de IL. Elle se rappelait encore de son refus d’aider Halvorc lors de l’épisode du serpent, et elle décida d’agir à nouveau. Elle fonça vers le loup en sortant elle aussi son arme : Une longue et fine épée relativement légère.
Halvorc évita soigneusement les dents effilées du loup géant et se demanda comment il allait faire pour redescendre au sol entier. La faux était toujours plantée dans le monstre, et ne semblait pas vouloir s’en déloger. Il vit Shannia courir vers eux, et pesta.
« Elle ne pouvait pas se mêler de ses affaires, elle ? »
Son cerveau enclencha la seconde et une idée risquée lui vint. Mais il n’avait ni le choix, ni le temps, alors il l’exécuta. Il prit appui sur ses jambes, s’enroula de longs poils autours de la main libre, et enleva d’un geste sec la lame de la faux, libérant un jaillissement de sang écoeurant. Garm beugla de nouveau, puis se jeta sur le coté. Halvorc vit le sol lui sauter à la figure, et sauta à son tour.
Heureusement pour lui, il atterri sur le dos du loup qui était allongé sur le sol. Garm se frottait la plaie sur la terre aride dans l’espoir d’atténuer la douleur, hélas sans résultat. Le sang s’écoulait dans les crevasses du sol. Halvorc sauta à terre et s’éloigna rapidement du monstre, rejoignant Shannia.
« Il est mort ?
-Non, juste calmé pour un moment. Pourquoi ne vous êtes-vous pas enfuis, tout à l’heure ? À quoi sert ma diversion si vous ne vous barrez pas ?
-Eh bien, nous pensions que… Eh bien…
-Vous pensiez mal, voilà. »
Halvorc passa à coté de Shannia et marcha en direction des autres. Shannia regardait ses pieds, confuse, ne sachant comment interpréter les mots d’Halvorc. Elle avait l’impression que celui-ci voulait la remercier d’être resté, mais qu’il préférait râler plutôt que de dire des paroles gentilles. Et Shannia savait que IL, s’il lui avait dit ce genre de phrase, aurait pensé ses mots et pesé ses paroles.
Elle se retourna et fut presque étonnée de trouver un Halvorc qui l’attendait.
« Tu viens ? dit-il avec un demi-sourire.
-Je… J’arrive… » Elle lui sourit en retour, rougissante. Le sourire d’Halvorc s’envola et il se mit à courir vers elle. Shannia recula d’un pas, et Halvorc la heurta violemment, juste avant que la patte griffue de Garm ne s’écrase par terre. Le loup grogna de dépit.
« Barre-toi, va les rejoindre, et cette fois-ci : Allez-vous en !! »
Shannia se redressa vers Halvorc qui s’évertuait à attirer l’attention du loup. Ce qui fonctionnait, car l’immense bête ignorait Shannia comme on ignore un caillou. Halvorc regarda une dernière fois Shannia et lui lança un regard énervé. Sans plus attendre, elle se releva et courut vers les autres.
Halvorc sauta sur le coté pour éviter un nouveau coup de griffe et roula sur lui-même avant de se remettre debout. Il se remercia mentalement de s’être inventé un corps aussi souple sur Traumen. Une fois qu’il fut sûr que le poisson était bien ferré, il fit un brusque demi-tour et se mit à courir vers la rivière Gjoll.
Garm le suivit en boitillant, n’allant plus aussi vite que tout à l’heure. Le loup gagnait du terrain, mais Halvorc espérait arriver à la rivière avant de se faire dévorer. Il jeta un coup d’œil au groupe, qui venait de retrouver Shannia.
« Il faut partir, allons au manoir tandis qu’il fait diversion ! »
IL saisit l’occasion au vol.
« Oui, allons-nous-en ! S’il survit, il nous rejoindra au manoir, ou bien nous le retrouverons en sortant. Et si le loup le rattrape…
-Eh bien, termina Freyja, il deviendra simple civil et restera dans le royaume de Hel pour l’éternité. »
Le silence tomba sur eux, puis ils se mirent à courir vers le manoir sans plus un mot. IL, lui, songeait que cette alternative était assez plaisante.
*
* *
Il ouvrit la fenêtre sur une matinée ensoleillée. L’horizon était dégagé, aucun immeuble ou autre bâtiment ne venait obscurcir sa vue sur les champs et les prairies alentours. Il adorait la campagne. Au début, il s’en rappelle encore, c’était plus par nécessité qu’il avait immigré ici, mais il s’était acclimaté sans peine à son nouvel habitat.
Il inspira une immense bouffée d’air frais et vivifiant. Son envie première était de crier, de crier au monde son bonheur. Tout fonctionnait comme il le désirait, et il y avait bien longtemps qu’il ne s’était pas sentit aussi bien. De plus, personne ne l’entendrait ici. Seulement les vaches du pré voisin, et encore. Il n’était même pas sûr d’obtenir un meuglement approbateur de leur part.
Il se retourna et se dirigea vers sa chambre où trônait un ordinateur allumé, dont l’écran scintillait d’innombrables étoiles en mouvement. Il s’assit devant son bureau et bougea la souris. La veille du moniteur se désactiva, et le fond d’écran noir apparu. Seuls deux icônes apparaissaient : l’une nommée Traumen, dont le symbole était barré, et l’autre était le « e » d’Internet Explorer.
Le curseur voleta de l’une à l’autre, puis resta en suspension au dessus de l’icône en deuil Traumen. Et il se mit à siffloter.
« Il va être temps que j’entre en scène. »
Mr.Magnum- Enorme floodeur
- Nombre de messages : 2475
Age : 42
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Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
Njörd fut le premier à atteindre le seuil du palais. Freyja s’arrêta auprès de lui, et intima aux deux autres de ne pas dépasser une certaine limite. Le palier du manoir était une immense pierre noire qui semblait luire. Mais dès qu’on la fixait, cette lueur disparaissait et la dalle semblait normale.
« Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Shannia. Pourquoi s’arrête-t-on ?
-C’est le manoir de Hel, dit Njörd. Et je pense que nous sommes en présence de Fallanda foradb, la pierre d’épreuves et de dangers.
-Fallanda forADB, ça doit être comme Séphy-Roshou ADB : dangereux. »
Personne ne releva la remarque incompréhensible pour les trois quarts du groupe. Njörd inspectait les alentours, soucieux de ne voir personne. Il n’osait pas non plus poser un pied sur la dalle. Arrivés devant le manoir, ils étaient à nouveau bloqués. Derrière eux, l’immense loup avait disparu. Ils n’avaient pas suivit l’affrontement, et ils espéraient tous – sauf un - qu’Halvorc avait réussit à s’en sortir indemne.
« Bon, alors que fait-on ?
-Je ne vois aucune épreuve, ni aucun danger, remarqua IL en se grattant la joue.
-Ça ne veux pas dire qu’il n’y en ai pas, ajouta Freyja.
-Alors il ne reste qu’une chose à faire : tester. »
Sans hésiter IL poussa Shannia sur la dalle. Celle-ci trébucha dans une ultime tentative pour ne pas marcher sur la pierre, mais finit par tomber tout de même. Njörd plissa les yeux, et Freyja détourna le regard. Ils étaient intimement persuadés que quelque chose de terrible allait arriver. Pour la même raison, IL ouvrait grand les yeux.
Mais Shannia, immobile sur la dalle, ne se faisait pas déchiqueter, ne se faisait pas tuer, ne se faisait pas découper, ne disparaissait pas, ne fondait pas, ne hurlait pas de douleur. Elle restait allongée, rien de plus. Elle se releva, aussi hébétée que les autres, puis traversa la dalle lentement. Arrivée devant l’immense porte, elle se retourna.
« Je crois que la voie est libre. » dit-elle la voix encore tremblante de peur.
Ce fut cet ultime acte de trahison qui poussera Shannia à la révolte, plus tard. À partir de ce moment là, elle se contenta d’ignorer IL et ses multiples tentatives de réconciliation.
« Mais puisque je te dis que je savais qu’il n’y avait aucun danger ! s’expliquait-il.
-De toute façon, s’il y en avait eu, tu n’aurais pas eu à t’excuser à qui que ce soit, alors cesse immédiatement d’aligner tes arguments sans fondements. »
La garce, songea IL. Elle prend de plus en plus confiance en elle, et il est hors de question qu’elle commence à entraver ma progression. Je me suis déjà débarrassé de Halvorc, alors ce n’est pas une simple humaine, combattante ou non, qui va me casser les pieds. Pourquoi a-t-il fallu que les pièges soient vraiment hors service ?
« Regardez, là ! »
Njörd leur montra deux silhouettes prostrées sur le carrelage de marbre sombre du sol. Ils s’approchèrent avec précaution. Il s’agissait d’un homme et d’une femme, tout les deux face contre terre, et visiblement assommés. Shannia s’agenouilla près de la femme et la retourna avec précaution.
« C’est Ganglot ! s’écria Freyja. L’autre doit être Ganglati, à coup sûr !
-Qui ? demanda IL.
-Les serviteurs de Hel, l’informa Njörd. Et si les pièges du manoir ne fonctionnent pas, voilà l’explication : Personne n’est là pour les faire fonctionner. Il a du arriver quelque chose à Hel, c’est sûr. »
Ils pressèrent tous le pas jusqu’au trône où Hel siégeait normalement, mais ils ne trouvèrent personne. Aucune trace des ustensiles de malheur qu’Hel affectionnait, qui déclenchaient les famines, les maladies ou les disputes dans son royaume. Ils avaient presque visités l’intégralité du manoir lorsque IL eut une idée.
« Et ce lieu n’a pas de cachots ? »
Lorsqu’ils arrivèrent dans les sous-sols du manoir, ils entendirent un faible murmure. Les clefs étaient accrochées à leur clou, juste à coté des geôles. Une simple porte en bois, qui s’ouvrit en grinçant comme dans toute bonne série B, et qui découvrit sur un vaste couloir. Le murmure se transforma en plaintes, puis en sanglots lorsqu’ils atteignirent la cellule.
Au fond croupissait une jeune fille qui pleurait. Elle était recroquevillée et se balançait d’avant en arrière, les yeux dans le vide. Ses cheveux étaient sales, et elle aussi. L’odeur emplissait le couloir, comme si elle n’avait reçu de visite, de soins ou de nourriture depuis des mois. Ce qui, ils l’apprendraient plus tard, était le cas.
La jeune fille releva un œil sur eux, puis sembla recouvrer une étincelle de vie : Elle se jeta contre les barreaux et hurla d’une voix éraillée par la souffrance.
« Sortez-moi d’ici, sortez-moi de cette cellule, je vais lui faire payer, à cette folle !!
-Hel ? demanda Freyja. C’est bien toi ?
-Qui veux-tu que ça soit, sombre idiote ? Ouvre-moi ! »
Njörd ouvrit la porte et Hel sortit en trombe. Elle avait retrouvé son instinct en quelques secondes, et elle dépassa tout le monde sans même un remerciement. D’un pas vif, elle marchait vers la sortie. Le groupe la suivit pour tenter d’avoir des explications.
« Hel, qu’est-il arrivé ?
-Je suis furieuse. Fu-ri-euse. Où sont Ganglati et Ganglot ?
-Je pense qu’ils sont en haut, à l’entrée du manoir. Quelqu’un ou quelque chose les as assommés, ils sont évanouis. »
Hel s’arrêta en haut des marches et se retourna. Ses cheveux étaient hirsutes, et elle était sale, mais elle gardait une aura d’impérialisme qui fit reculer Shannia. Freyja, devant elle, soutint son regard, mais on pouvait deviner qu’elle n’en menait pas large.
« Ces deux chiennes s’en sont aussi prises à eux ? Bien. Très bien. Elles vont voir ce qu’il en coûte de s’attaquer à Hel, fille de Loki et reine du royaume de Helheim. Et dire qu’elles ont osés me mettre dans ma propre prison. Vous vous rendez compte ? Ma propre prison ! À moi ! Hel…
-…fille de Loki, reine de chez toi, et tout le tralala. On sait. »
Hel foudroya du regard IL, qui regardait innocemment le plafond. Tout porte à croire qu’elle mit son envie de meurtre de coté pour le moment, car elle poursuivit sa marche accélérée, passant porte par porte et arrivant au hall principal.
« Combien de temps tu es restée dans ta cellule ? demanda Freyja.
-Je n’en sais rien. Des jours, des semaines, des mois… Aucune idée. Toujours est-il que je n’ai rien reçu depuis mon emprisonnement. Je meurs de faim et de soif. » Elle tourna sa tête vers Freyja, tout en marchant. « Oui, je sais parfaitement que nous pouvons survivre sans nourriture ni boisson, mais j’aime manger et boire. »
Shannia remarqua alors un détail pourtant flagrant qu’elle n’avait pourtant pas noté : Hel était scindée en deux. Une moitié était normale, d’une couleur de peau rosée et douce avec un oeil bleu-vert magnifique, un demi nez fin et gracile accompagné d’une moitié de bouche sensuelle. Mais l’autre moitié dénotait, avec une peau tirant sur le bleu, granuleuse ou écailleuse, de ce que Shannia pouvait en voir, et des traits féminins mais monstrueux.
Hel arriva devant une porte, qu’elle ouvrit en prononçant une formule compliquée. Njörd et Freyja l’avaient vue en passant, tentée de l’ouvrir, mais ils n’avaient pas réussis à la faire bouger.
« Ce sont mes appartements personnels, dit Hel. Installez-vous ici le temps que je me refasse une beauté.
-Ça risque de prendre du temps… » se moqua IL. Hel s’arrêta, serra les poings, puis fit demi-tour et s’avança sur IL. Elle cogna son index sur son torse.
« Si vous êtes trop pressé, môssieur l’inconnu aux cheveux rouges comme le pénis d’un porc en rut, je vous en prie, partez devant. Nous n’avons nul besoin d’une langue de vipère en ces lieux, et mon humeur est bien trop généreuse envers les simples d’esprit pour vous châtier. J’ai d’autres affaires bien plus urgentes, comme de retrouver ces intruses, pour vous accorder ne serait-ce qu’une infime seconde de plus d’attention. »
Elle pivota et alla se préserver des regards derrière un paravent richement décoré. Shannia pouffait de rire, tandis que IL, piqué au vif, reniflait de mépris. Freyja fit une ultime tentative d’explications :
« Quelles sont les intruses dont tu parles ?
-Deux femmes. Une vieille et une jeune, qui sont apparues là, comme ça. Je ne sais ni d’où elles viennent, ni où elles vont, mais elles vont me trouver sur leur passage, ça tu peux me croire. Je les retrouverais.
-Elles sont apparues avec les autres mortes, c’est ça ?
-Non, justement ! s’écria Hel. Elles sont apparues dans mon hall d’entrée ! Un instant, elles n’y étaient pas, et celui d’après, elles étaient là et elles saccageaient tout.
-Comment étaient-elles ?
-Une vieille habillée avec plein de frous-frous assez étranges, et une jeune qui était très légèrement vêtue. Je pense que la jeune était la chef, parce qu’elle n’arrêtait pas de rire aux éclats en cassant tout autours d’elle. C’est merveilleux, c’est merveilleux, disait-elle. Et hop, un miroir par ici, un vase par là… »
Njörd regarda Freyja, qui hocha la tête. Ça correspondait à la description que Hrumir avait faite des voleuses.
« Le fait est que quand je leur ai envoyé mes gardes pour les envoyer dans mes cachots, elles les ont tous mis en pièce. Alors je me suis déplacé, et c’est là que…
-Que quoi ? dit Freyja après quelques secondes de silence.
-Rha !! Qu’elle m’a flanqué une raclée, voilà ! La jeune aux cheveux argentés qui m’a mis à mal et qui m’a enfermé dans ma propre prison !! Chez moi !! Je vais l’exterminer ! »
IL imaginait la scène telle qu’elle avait du se passer : Séphy-Roshou accompagnée d’Erzébeth Bathory qui mettait à cas le manoir d’Hel en riant, puis qui enfermaient la reine de ce monde dans sa prison avant de partir semer la dévastation ailleurs. C’était sûrement elle la responsable du vol au Svartalfheim. Nous sommes entrain de remonter à la source de leur apparition, voilà ce qu’on fait.
Au même instant, Hel sortit de derrière le paravent. Elle s’était lavée, habillée et parfumée, et son aura de souveraine s’était démultipliée. Hel portait une robe simple et noire, rehaussée d’un corset étroit et également noir, qui gonflait sa poitrine relativement petite. Elle avait coiffé ses longs cheveux blonds et les avait attachés avec un ruban. Noir.
« Allons-y, dit-elle d’un air décidé.
-Où ça ? demanda Njörd.
-Et bien, comme manifestement personne ne sait où se trouvent ces deux garces, nous n’avons qu’à aller interroger l’aigle au sommet de l’Yggdrasil, celui qui voit tout. Vous pouvez rester là, si cela vous sied. J’irais seule.»
Elle jeta un regard méprisant vers IL.
« Je serais forcément mieux accompagné sans lui. »
« Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Shannia. Pourquoi s’arrête-t-on ?
-C’est le manoir de Hel, dit Njörd. Et je pense que nous sommes en présence de Fallanda foradb, la pierre d’épreuves et de dangers.
-Fallanda forADB, ça doit être comme Séphy-Roshou ADB : dangereux. »
Personne ne releva la remarque incompréhensible pour les trois quarts du groupe. Njörd inspectait les alentours, soucieux de ne voir personne. Il n’osait pas non plus poser un pied sur la dalle. Arrivés devant le manoir, ils étaient à nouveau bloqués. Derrière eux, l’immense loup avait disparu. Ils n’avaient pas suivit l’affrontement, et ils espéraient tous – sauf un - qu’Halvorc avait réussit à s’en sortir indemne.
« Bon, alors que fait-on ?
-Je ne vois aucune épreuve, ni aucun danger, remarqua IL en se grattant la joue.
-Ça ne veux pas dire qu’il n’y en ai pas, ajouta Freyja.
-Alors il ne reste qu’une chose à faire : tester. »
Sans hésiter IL poussa Shannia sur la dalle. Celle-ci trébucha dans une ultime tentative pour ne pas marcher sur la pierre, mais finit par tomber tout de même. Njörd plissa les yeux, et Freyja détourna le regard. Ils étaient intimement persuadés que quelque chose de terrible allait arriver. Pour la même raison, IL ouvrait grand les yeux.
Mais Shannia, immobile sur la dalle, ne se faisait pas déchiqueter, ne se faisait pas tuer, ne se faisait pas découper, ne disparaissait pas, ne fondait pas, ne hurlait pas de douleur. Elle restait allongée, rien de plus. Elle se releva, aussi hébétée que les autres, puis traversa la dalle lentement. Arrivée devant l’immense porte, elle se retourna.
« Je crois que la voie est libre. » dit-elle la voix encore tremblante de peur.
Ce fut cet ultime acte de trahison qui poussera Shannia à la révolte, plus tard. À partir de ce moment là, elle se contenta d’ignorer IL et ses multiples tentatives de réconciliation.
« Mais puisque je te dis que je savais qu’il n’y avait aucun danger ! s’expliquait-il.
-De toute façon, s’il y en avait eu, tu n’aurais pas eu à t’excuser à qui que ce soit, alors cesse immédiatement d’aligner tes arguments sans fondements. »
La garce, songea IL. Elle prend de plus en plus confiance en elle, et il est hors de question qu’elle commence à entraver ma progression. Je me suis déjà débarrassé de Halvorc, alors ce n’est pas une simple humaine, combattante ou non, qui va me casser les pieds. Pourquoi a-t-il fallu que les pièges soient vraiment hors service ?
« Regardez, là ! »
Njörd leur montra deux silhouettes prostrées sur le carrelage de marbre sombre du sol. Ils s’approchèrent avec précaution. Il s’agissait d’un homme et d’une femme, tout les deux face contre terre, et visiblement assommés. Shannia s’agenouilla près de la femme et la retourna avec précaution.
« C’est Ganglot ! s’écria Freyja. L’autre doit être Ganglati, à coup sûr !
-Qui ? demanda IL.
-Les serviteurs de Hel, l’informa Njörd. Et si les pièges du manoir ne fonctionnent pas, voilà l’explication : Personne n’est là pour les faire fonctionner. Il a du arriver quelque chose à Hel, c’est sûr. »
Ils pressèrent tous le pas jusqu’au trône où Hel siégeait normalement, mais ils ne trouvèrent personne. Aucune trace des ustensiles de malheur qu’Hel affectionnait, qui déclenchaient les famines, les maladies ou les disputes dans son royaume. Ils avaient presque visités l’intégralité du manoir lorsque IL eut une idée.
« Et ce lieu n’a pas de cachots ? »
Lorsqu’ils arrivèrent dans les sous-sols du manoir, ils entendirent un faible murmure. Les clefs étaient accrochées à leur clou, juste à coté des geôles. Une simple porte en bois, qui s’ouvrit en grinçant comme dans toute bonne série B, et qui découvrit sur un vaste couloir. Le murmure se transforma en plaintes, puis en sanglots lorsqu’ils atteignirent la cellule.
Au fond croupissait une jeune fille qui pleurait. Elle était recroquevillée et se balançait d’avant en arrière, les yeux dans le vide. Ses cheveux étaient sales, et elle aussi. L’odeur emplissait le couloir, comme si elle n’avait reçu de visite, de soins ou de nourriture depuis des mois. Ce qui, ils l’apprendraient plus tard, était le cas.
La jeune fille releva un œil sur eux, puis sembla recouvrer une étincelle de vie : Elle se jeta contre les barreaux et hurla d’une voix éraillée par la souffrance.
« Sortez-moi d’ici, sortez-moi de cette cellule, je vais lui faire payer, à cette folle !!
-Hel ? demanda Freyja. C’est bien toi ?
-Qui veux-tu que ça soit, sombre idiote ? Ouvre-moi ! »
Njörd ouvrit la porte et Hel sortit en trombe. Elle avait retrouvé son instinct en quelques secondes, et elle dépassa tout le monde sans même un remerciement. D’un pas vif, elle marchait vers la sortie. Le groupe la suivit pour tenter d’avoir des explications.
« Hel, qu’est-il arrivé ?
-Je suis furieuse. Fu-ri-euse. Où sont Ganglati et Ganglot ?
-Je pense qu’ils sont en haut, à l’entrée du manoir. Quelqu’un ou quelque chose les as assommés, ils sont évanouis. »
Hel s’arrêta en haut des marches et se retourna. Ses cheveux étaient hirsutes, et elle était sale, mais elle gardait une aura d’impérialisme qui fit reculer Shannia. Freyja, devant elle, soutint son regard, mais on pouvait deviner qu’elle n’en menait pas large.
« Ces deux chiennes s’en sont aussi prises à eux ? Bien. Très bien. Elles vont voir ce qu’il en coûte de s’attaquer à Hel, fille de Loki et reine du royaume de Helheim. Et dire qu’elles ont osés me mettre dans ma propre prison. Vous vous rendez compte ? Ma propre prison ! À moi ! Hel…
-…fille de Loki, reine de chez toi, et tout le tralala. On sait. »
Hel foudroya du regard IL, qui regardait innocemment le plafond. Tout porte à croire qu’elle mit son envie de meurtre de coté pour le moment, car elle poursuivit sa marche accélérée, passant porte par porte et arrivant au hall principal.
« Combien de temps tu es restée dans ta cellule ? demanda Freyja.
-Je n’en sais rien. Des jours, des semaines, des mois… Aucune idée. Toujours est-il que je n’ai rien reçu depuis mon emprisonnement. Je meurs de faim et de soif. » Elle tourna sa tête vers Freyja, tout en marchant. « Oui, je sais parfaitement que nous pouvons survivre sans nourriture ni boisson, mais j’aime manger et boire. »
Shannia remarqua alors un détail pourtant flagrant qu’elle n’avait pourtant pas noté : Hel était scindée en deux. Une moitié était normale, d’une couleur de peau rosée et douce avec un oeil bleu-vert magnifique, un demi nez fin et gracile accompagné d’une moitié de bouche sensuelle. Mais l’autre moitié dénotait, avec une peau tirant sur le bleu, granuleuse ou écailleuse, de ce que Shannia pouvait en voir, et des traits féminins mais monstrueux.
Hel arriva devant une porte, qu’elle ouvrit en prononçant une formule compliquée. Njörd et Freyja l’avaient vue en passant, tentée de l’ouvrir, mais ils n’avaient pas réussis à la faire bouger.
« Ce sont mes appartements personnels, dit Hel. Installez-vous ici le temps que je me refasse une beauté.
-Ça risque de prendre du temps… » se moqua IL. Hel s’arrêta, serra les poings, puis fit demi-tour et s’avança sur IL. Elle cogna son index sur son torse.
« Si vous êtes trop pressé, môssieur l’inconnu aux cheveux rouges comme le pénis d’un porc en rut, je vous en prie, partez devant. Nous n’avons nul besoin d’une langue de vipère en ces lieux, et mon humeur est bien trop généreuse envers les simples d’esprit pour vous châtier. J’ai d’autres affaires bien plus urgentes, comme de retrouver ces intruses, pour vous accorder ne serait-ce qu’une infime seconde de plus d’attention. »
Elle pivota et alla se préserver des regards derrière un paravent richement décoré. Shannia pouffait de rire, tandis que IL, piqué au vif, reniflait de mépris. Freyja fit une ultime tentative d’explications :
« Quelles sont les intruses dont tu parles ?
-Deux femmes. Une vieille et une jeune, qui sont apparues là, comme ça. Je ne sais ni d’où elles viennent, ni où elles vont, mais elles vont me trouver sur leur passage, ça tu peux me croire. Je les retrouverais.
-Elles sont apparues avec les autres mortes, c’est ça ?
-Non, justement ! s’écria Hel. Elles sont apparues dans mon hall d’entrée ! Un instant, elles n’y étaient pas, et celui d’après, elles étaient là et elles saccageaient tout.
-Comment étaient-elles ?
-Une vieille habillée avec plein de frous-frous assez étranges, et une jeune qui était très légèrement vêtue. Je pense que la jeune était la chef, parce qu’elle n’arrêtait pas de rire aux éclats en cassant tout autours d’elle. C’est merveilleux, c’est merveilleux, disait-elle. Et hop, un miroir par ici, un vase par là… »
Njörd regarda Freyja, qui hocha la tête. Ça correspondait à la description que Hrumir avait faite des voleuses.
« Le fait est que quand je leur ai envoyé mes gardes pour les envoyer dans mes cachots, elles les ont tous mis en pièce. Alors je me suis déplacé, et c’est là que…
-Que quoi ? dit Freyja après quelques secondes de silence.
-Rha !! Qu’elle m’a flanqué une raclée, voilà ! La jeune aux cheveux argentés qui m’a mis à mal et qui m’a enfermé dans ma propre prison !! Chez moi !! Je vais l’exterminer ! »
IL imaginait la scène telle qu’elle avait du se passer : Séphy-Roshou accompagnée d’Erzébeth Bathory qui mettait à cas le manoir d’Hel en riant, puis qui enfermaient la reine de ce monde dans sa prison avant de partir semer la dévastation ailleurs. C’était sûrement elle la responsable du vol au Svartalfheim. Nous sommes entrain de remonter à la source de leur apparition, voilà ce qu’on fait.
Au même instant, Hel sortit de derrière le paravent. Elle s’était lavée, habillée et parfumée, et son aura de souveraine s’était démultipliée. Hel portait une robe simple et noire, rehaussée d’un corset étroit et également noir, qui gonflait sa poitrine relativement petite. Elle avait coiffé ses longs cheveux blonds et les avait attachés avec un ruban. Noir.
« Allons-y, dit-elle d’un air décidé.
-Où ça ? demanda Njörd.
-Et bien, comme manifestement personne ne sait où se trouvent ces deux garces, nous n’avons qu’à aller interroger l’aigle au sommet de l’Yggdrasil, celui qui voit tout. Vous pouvez rester là, si cela vous sied. J’irais seule.»
Elle jeta un regard méprisant vers IL.
« Je serais forcément mieux accompagné sans lui. »
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Localisation : Dans les limbes torturées d'un esprit dérangé.
Date d'inscription : 18/01/2005
Re: Traumenschar
9. Jotunheim.
Les Ases écoutèrent attentivement les idées de Séphira Strife et de Soulblighter. Ceux-ci avaient longuement réfléchi sur le fait de leur parler ou non de ces impressions, de ces idées qui leur semblaient confuses. Ils parlèrent du pressentiment de Séphira vis-à-vis de cette ville, du sentiment de malaise qui semblait émaner des nains, ils parlèrent de leur rencontre avec l’elfe blond effrayé et bien évidemment de la révélation qu’il leur avait donnée.
« Les Vanes seraient à l’origine de la création de cette arme ?
-Selon ses dires, oui, confirma Séphira. Et je ne pense pas qu’il ait des raisons de nous mentir. Il m’a paru on ne peut plus sincère.
-Et, poursuivit Thor, toujours selon lui, cette arme serait un arc tirant des flèches de haine pure et capable de mettre à mal n’importe quel ennemi ? »
Le silence des Trauméniens attesta de la véracité des dires. Les Dieux se consultèrent du regard, puis se levèrent simultanément. Thor prit de nouveau la parole en marchant.
« Allons-y. Vous nous avez ouverts les yeux, avec vos paroles pleines de bon sens. Retournons au Svartalfheim interroger Hrumir.
-Quand on y pense, ajouta Heimdall, c’est vrai que nous n’avons pas été sollicité par Hrumir lui-même, mais par un de ses serviteurs. Je pense que celui-ci devait plutôt aller prévenir les Vanes, et non venir nous informer.
-C’est pourquoi un autre elfe noir a dû être envoyé chez les Vanes, et Hrumir leur a certainement donné tout les détails. Il s’est contenté de nous livrer le strict minimum, en gros, pour ne pas perdre la face. »
Tous approuvèrent. Ils débouchèrent sur la place du village où les attendait un regroupement d’elfes blonds. Le chef du village, dont le front s’ornait d’un superbe diadème argenté s’avança à leur rencontre, sourire aux lèvres. Séphira jaugea ce sourire un peu trop ostentatoire pour être franc.
« J’espère que vous ne désirez pas nous quitter si tôt, tout de même ? Les réjouissances viennent seulement de débuter ! Nous sommes tellement ravis d’accueillir des Dieux dans notre humble village…
-Nous vous en sommes reconnaissant, dit Thor, mais nous avons appris quelques informations qui nous obligent à quitter Alfheim plus tôt que prévu.
-Mais… commença le chef. Mais un Dieu est toujours endormi dans son logement, et il serait discourtois de le réveiller alors qu’il n’a pas son quota de repos. »
Le fameux Dieu endormi était parfaitement réveillé. Il surveillait la scène de sa chambre, un large sourire sur le visage. Les elfes blonds lui obéissaient à la perfection, et ils arriveraient à les retarder assez de temps. Il le faut, sinon Son courroux retombera sur moi. Et je n’ai aucune envie qu’Il s’occupe de mon cas, je préfère encore que Sa colère soit dirigée sur eux, plutôt que sur moi.
Loki retourna sur son lit et s’allongea, les yeux dans le vague. Il frissonna en pensant à Lui et à Ses méthodes de persuasion. Et à Sa voix. La Voix. Loki avait voulu Lui résister, au début, mais il était impossible de Lui faire face bien longtemps. Il avait cédé, mettant son ego de coté. Mais si ce qu’Il lui avait promis en retour arrivait vraiment…
« Laissez-le dormir, alors, mais laissez-nous passer ! dit Séphira sur un ton aimable.
-Vous ne repartez pas ensemble ? demanda un des elfes.
-Si on peut éviter, non, répondit Heimdall.
-Plus un pas ! » cria le chef en brandissant une lance. Il tremblait de toute part, ainsi que la dizaine d’elfes armés qui les tenaient en joue. Leurs regards trahissaient une peur profonde, ancrée dans leurs gènes. Mais les Dieux sentaient également qu’ils agissaient sous les ordres de quelqu’un d’autre. Sous la contrainte.
« Ils veulent nous retarder, dit Séphira Strife à Thor. Je savais que ce village était un traquenard. La chute du rêve.
-La chute du rêve ? répéta Thor sans saisir le sens.
-On va encore se battre ? ricana Soulblighter en faisant de nouveau craquer ses jointures. Vous me laissez le chef, là, avec son joli javelot ?
-Elfes blonds de Drïmfal, dans le royaume d’Alfheim, tonna Thor. Vous nous avez offerts l’hospitalité, le repos et la nourriture, et nous vous avons remercié. Mais si vous vous mettez en travers de notre chemin, alors vous nous verrez obligé d’employer la force. »
Le discours eu son effet : Trois des elfes en seconde ligne s’enfuirent sans demander leur reste. Les autres se regardaient dans l’espoir que l’autre soit le premier à baisser son arme. Mais le chef ne fléchissait pas.
« Très bien, dit Thor. Vous m’en voyez navrés. Heimdall ?
-Je m’en charge. »
Thor s’écarta et Heimdall avança en faisant tournoyer sa hache dans les airs. La double lame sifflait, et produisait un son proprement effrayant : On aurait cru entendre les gémissements des âmes qui avaient trouvées la mort avec cette arme. Les elfes, en face, étaient au comble de la peur. Leurs cheveux voletaient derrière eux, soufflés par le vent de la hache qui virevoltait de plus en plus vite.
Puis, Heimdall poussa un hurlement de rage pur et se lança sur les elfes. Le chef ferma les yeux mais ne bougea pas d’un centimètre, alors que derrière lui ses archers couraient en tout sens. Heimdall prit appui sur son pied droit, qu’il cala fermement sur le sol de bois et lança sa hache à la verticale. Elle rasa l’elfe blond en chef et alla s’encastrer dans le sol à ses pieds, explosant les lattes de bois.
« Allons-y ! » lança Thor.
Heimdall arracha son arme, dégageant une issue de secours où Thor, Séphira et Soulblighter sautèrent, suivis de Heimdall. Ils chutèrent dans les branchages, ces derniers ralentissant leur chute. Arrivés au sol, ils purent souffler.
« Bien joué, Heimdall, dit Séphira Strife. Jusqu’au dernier moment, j’ai cru que tu allais tous les éliminer.
-J’aurais préféré, grogna Soulblighter dans son coin.
-Ne traînons pas plus longtemps ici, dit Thor. Ils pourraient nous pourchasser, bien que la leçon qu’Heimdall vient de leur donner devra suffire à les dissuader. Direction, le Jotunheim.
-Nous n’allons pas interroger Hrumir ? demanda Séphira.
-Nous allons prendre un raccourci pour y aller, dit Heimdall. Je pense qu’il est inutile de retourner voir le géant Surt, n’est-ce pas mademoiselle ? »
Ils rirent de bon cœur, puis reprirent la route. Soulblighter regardait encore le village haut perché, et pensa à voix haute :
« Et Loki, alors ? Il n’y a pas de risques ?
-Aucun, répondit Thor en le dépassant. Ils voulaient seulement nous retenir, et tant qu’il dort, ils ne lui feront rien.
-Rien que pour ça, je ne les remercierai jamais assez ! Ils nous ont débarrassé de ce freluquet prétentieux ! » Heimdall éclata de rire à sa propre sortie. Soulblighter regarda encore en l’air, à travers les branches, croyant deviner le trou dans le plancher de la place du village. Puis il baissa les yeux sur la route et accéléra pour rejoindre ses compagnons.
En haut, les elfes blonds regardaient par l’ouverture pratiquée à la hache. Ils virent le petit groupe reprendre la marche. L’un des archers donna du coude au chef du village.
« On les poursuit ? demanda-t-il.
-Non. Inutile. Nous dirons à Loki qu’ils se sont enfuis avant que nous ne puissions y faire quoi que ce soit, et voilà tout. Envoie juste quelques hommes dans la forêt, pour lui faire croire que j’ai lancé la chasse.
-Aargh.
-Derek ? dit le chef en se retournant. Der… » Il vit tout d’abord le corps étendu sur le sol, puis la tête qui roulait, puis les pieds. De grands pieds. Des pieds qui ne portaient pas les bottes de son clan. Et avant même de lever la tête vers l’Ase en colère, il savait qu’il venait de vivre ses derniers instants.
Loki, ivre de rage et de peur, enfonça sa main nue dans le ventre du chef.
« Mais où se trouve Garm ? Est-ce qu’elles l’auraient également réduit à l’impuissance ? Les garces. Les sales petites garces ! »
Personne n’osa faire de commentaires. Shannia guettait les alentours, à la recherches du corps du chien géant, ou à défaut celui d’Halvorc, mais elle ne vit rien. IL la rejoignit et l’enlaça d’une main.
« Je crois qu’il est inutile de songer à le retrouver. »
Shannia se dégagea violement de son étreinte.
« Ne m’approche plus jamais, toi. Je ne sais pas ce que tu mijotes, mais je me pose de plus en plus de questions à ton sujet. À savoir, même, si tes motivations sont bien les mêmes que celles de ton compagnon.
-Mon compagnon défunt, paix à son âme. »
IL souriait. Shannia remarqua que les Dieux s’étaient éloignés d’eux, et qu’elle se retrouvait à l’écart avec un homme qui l’avait presque envoyé à la mort seulement quelques heures auparavant. Elle commença à prendre peur.
« Halvorc est peut-être encore ici, parmi nous, répliqua-t-elle.
-Ou peut-être a-t-il été dévoré par le chien géant, où bien s’est-il noyé dans le fleuve en tentant de lui échapper. Peut-être même qu’il est…
-Il est là !! » Shannia courut vers une silhouette qui titubait à leur rencontre. IL écarquilla les yeux, incrédule. Non, ce n’est pas possible, ça ne peut pas être lui ! Il n’a pas pu buter à lui seul ce putain de chien géant, c’est pas vrai ! Dites-moi que je rêve !!
« Qui c’est, celui-là encore ? grommela Hel.
-C’est un des nôtres, il nous accompagnait et il a… » Freyja choisit prudemment ses mots avant de poursuivre. « …fait diversion pour que nous puissions passer entre les griffes de Garm, tout à l’heure.
-Et il est encore en vie ? s’étonna Hel. Il va falloir que je sévisse, il se ramolli. »
Halvorc, hors d’haleine, posait un pied devant l’autre en vacillant, manquant de chuter à chaque pas. Lorsque Shannia lui sauta dans les bras, il ne pu garder l’équilibre et s’affala sur le sol. Shannia, tout en s’excusant, l’aida à se remettre debout, et le soutint en attendant que les autres arrivent.
« Tu as réussit à le tuer, c’est fou !
-Je ne l’ai pas tué, haleta Halvorc. Il est dans le Gjoll, certainement un peu plus bas. Je l’ai entraîné jusque là, puis je suis grimpé sur le pont… et là, la tempête de tout à l’heure a recommencé et l’a happé. Et ensuite j’ai… »
Halvorc tourna de l’œil, mais Shannia l’empêcha de tomber. Elle l’assit sur le sol, l’appela plusieurs fois, et il finit par se réveiller. Il retrouvait des couleurs peu à peu, reposant ses jambes éreintées. Njörd, Freyja et Hel les rejoignirent en premier, tandis que IL traînait la patte derrière eux.
« Tu as survécu ! s’exclama Njörd. C’est merveilleux d’avoir à son actif un élément aussi fort, dans son armée, n’est-ce pas ?
-Il a jeté le chien dans le Gjoll, pour s’en débarrasser, leur dit Shannia. Il a réussit à courir jusqu’à la rivière sans se faire rattraper !
-Garm mérite des coups de fouet. Je m’en occuperais dès que cette affaire sera réglée. Bon, ce n’est pas tout ça, mais on pourrait accélérer un peu l’allure ? »
Les Ases écoutèrent attentivement les idées de Séphira Strife et de Soulblighter. Ceux-ci avaient longuement réfléchi sur le fait de leur parler ou non de ces impressions, de ces idées qui leur semblaient confuses. Ils parlèrent du pressentiment de Séphira vis-à-vis de cette ville, du sentiment de malaise qui semblait émaner des nains, ils parlèrent de leur rencontre avec l’elfe blond effrayé et bien évidemment de la révélation qu’il leur avait donnée.
« Les Vanes seraient à l’origine de la création de cette arme ?
-Selon ses dires, oui, confirma Séphira. Et je ne pense pas qu’il ait des raisons de nous mentir. Il m’a paru on ne peut plus sincère.
-Et, poursuivit Thor, toujours selon lui, cette arme serait un arc tirant des flèches de haine pure et capable de mettre à mal n’importe quel ennemi ? »
Le silence des Trauméniens attesta de la véracité des dires. Les Dieux se consultèrent du regard, puis se levèrent simultanément. Thor prit de nouveau la parole en marchant.
« Allons-y. Vous nous avez ouverts les yeux, avec vos paroles pleines de bon sens. Retournons au Svartalfheim interroger Hrumir.
-Quand on y pense, ajouta Heimdall, c’est vrai que nous n’avons pas été sollicité par Hrumir lui-même, mais par un de ses serviteurs. Je pense que celui-ci devait plutôt aller prévenir les Vanes, et non venir nous informer.
-C’est pourquoi un autre elfe noir a dû être envoyé chez les Vanes, et Hrumir leur a certainement donné tout les détails. Il s’est contenté de nous livrer le strict minimum, en gros, pour ne pas perdre la face. »
Tous approuvèrent. Ils débouchèrent sur la place du village où les attendait un regroupement d’elfes blonds. Le chef du village, dont le front s’ornait d’un superbe diadème argenté s’avança à leur rencontre, sourire aux lèvres. Séphira jaugea ce sourire un peu trop ostentatoire pour être franc.
« J’espère que vous ne désirez pas nous quitter si tôt, tout de même ? Les réjouissances viennent seulement de débuter ! Nous sommes tellement ravis d’accueillir des Dieux dans notre humble village…
-Nous vous en sommes reconnaissant, dit Thor, mais nous avons appris quelques informations qui nous obligent à quitter Alfheim plus tôt que prévu.
-Mais… commença le chef. Mais un Dieu est toujours endormi dans son logement, et il serait discourtois de le réveiller alors qu’il n’a pas son quota de repos. »
Le fameux Dieu endormi était parfaitement réveillé. Il surveillait la scène de sa chambre, un large sourire sur le visage. Les elfes blonds lui obéissaient à la perfection, et ils arriveraient à les retarder assez de temps. Il le faut, sinon Son courroux retombera sur moi. Et je n’ai aucune envie qu’Il s’occupe de mon cas, je préfère encore que Sa colère soit dirigée sur eux, plutôt que sur moi.
Loki retourna sur son lit et s’allongea, les yeux dans le vague. Il frissonna en pensant à Lui et à Ses méthodes de persuasion. Et à Sa voix. La Voix. Loki avait voulu Lui résister, au début, mais il était impossible de Lui faire face bien longtemps. Il avait cédé, mettant son ego de coté. Mais si ce qu’Il lui avait promis en retour arrivait vraiment…
« Laissez-le dormir, alors, mais laissez-nous passer ! dit Séphira sur un ton aimable.
-Vous ne repartez pas ensemble ? demanda un des elfes.
-Si on peut éviter, non, répondit Heimdall.
-Plus un pas ! » cria le chef en brandissant une lance. Il tremblait de toute part, ainsi que la dizaine d’elfes armés qui les tenaient en joue. Leurs regards trahissaient une peur profonde, ancrée dans leurs gènes. Mais les Dieux sentaient également qu’ils agissaient sous les ordres de quelqu’un d’autre. Sous la contrainte.
« Ils veulent nous retarder, dit Séphira Strife à Thor. Je savais que ce village était un traquenard. La chute du rêve.
-La chute du rêve ? répéta Thor sans saisir le sens.
-On va encore se battre ? ricana Soulblighter en faisant de nouveau craquer ses jointures. Vous me laissez le chef, là, avec son joli javelot ?
-Elfes blonds de Drïmfal, dans le royaume d’Alfheim, tonna Thor. Vous nous avez offerts l’hospitalité, le repos et la nourriture, et nous vous avons remercié. Mais si vous vous mettez en travers de notre chemin, alors vous nous verrez obligé d’employer la force. »
Le discours eu son effet : Trois des elfes en seconde ligne s’enfuirent sans demander leur reste. Les autres se regardaient dans l’espoir que l’autre soit le premier à baisser son arme. Mais le chef ne fléchissait pas.
« Très bien, dit Thor. Vous m’en voyez navrés. Heimdall ?
-Je m’en charge. »
Thor s’écarta et Heimdall avança en faisant tournoyer sa hache dans les airs. La double lame sifflait, et produisait un son proprement effrayant : On aurait cru entendre les gémissements des âmes qui avaient trouvées la mort avec cette arme. Les elfes, en face, étaient au comble de la peur. Leurs cheveux voletaient derrière eux, soufflés par le vent de la hache qui virevoltait de plus en plus vite.
Puis, Heimdall poussa un hurlement de rage pur et se lança sur les elfes. Le chef ferma les yeux mais ne bougea pas d’un centimètre, alors que derrière lui ses archers couraient en tout sens. Heimdall prit appui sur son pied droit, qu’il cala fermement sur le sol de bois et lança sa hache à la verticale. Elle rasa l’elfe blond en chef et alla s’encastrer dans le sol à ses pieds, explosant les lattes de bois.
« Allons-y ! » lança Thor.
Heimdall arracha son arme, dégageant une issue de secours où Thor, Séphira et Soulblighter sautèrent, suivis de Heimdall. Ils chutèrent dans les branchages, ces derniers ralentissant leur chute. Arrivés au sol, ils purent souffler.
« Bien joué, Heimdall, dit Séphira Strife. Jusqu’au dernier moment, j’ai cru que tu allais tous les éliminer.
-J’aurais préféré, grogna Soulblighter dans son coin.
-Ne traînons pas plus longtemps ici, dit Thor. Ils pourraient nous pourchasser, bien que la leçon qu’Heimdall vient de leur donner devra suffire à les dissuader. Direction, le Jotunheim.
-Nous n’allons pas interroger Hrumir ? demanda Séphira.
-Nous allons prendre un raccourci pour y aller, dit Heimdall. Je pense qu’il est inutile de retourner voir le géant Surt, n’est-ce pas mademoiselle ? »
Ils rirent de bon cœur, puis reprirent la route. Soulblighter regardait encore le village haut perché, et pensa à voix haute :
« Et Loki, alors ? Il n’y a pas de risques ?
-Aucun, répondit Thor en le dépassant. Ils voulaient seulement nous retenir, et tant qu’il dort, ils ne lui feront rien.
-Rien que pour ça, je ne les remercierai jamais assez ! Ils nous ont débarrassé de ce freluquet prétentieux ! » Heimdall éclata de rire à sa propre sortie. Soulblighter regarda encore en l’air, à travers les branches, croyant deviner le trou dans le plancher de la place du village. Puis il baissa les yeux sur la route et accéléra pour rejoindre ses compagnons.
En haut, les elfes blonds regardaient par l’ouverture pratiquée à la hache. Ils virent le petit groupe reprendre la marche. L’un des archers donna du coude au chef du village.
« On les poursuit ? demanda-t-il.
-Non. Inutile. Nous dirons à Loki qu’ils se sont enfuis avant que nous ne puissions y faire quoi que ce soit, et voilà tout. Envoie juste quelques hommes dans la forêt, pour lui faire croire que j’ai lancé la chasse.
-Aargh.
-Derek ? dit le chef en se retournant. Der… » Il vit tout d’abord le corps étendu sur le sol, puis la tête qui roulait, puis les pieds. De grands pieds. Des pieds qui ne portaient pas les bottes de son clan. Et avant même de lever la tête vers l’Ase en colère, il savait qu’il venait de vivre ses derniers instants.
Loki, ivre de rage et de peur, enfonça sa main nue dans le ventre du chef.
*
* *
* *
« Mais où se trouve Garm ? Est-ce qu’elles l’auraient également réduit à l’impuissance ? Les garces. Les sales petites garces ! »
Personne n’osa faire de commentaires. Shannia guettait les alentours, à la recherches du corps du chien géant, ou à défaut celui d’Halvorc, mais elle ne vit rien. IL la rejoignit et l’enlaça d’une main.
« Je crois qu’il est inutile de songer à le retrouver. »
Shannia se dégagea violement de son étreinte.
« Ne m’approche plus jamais, toi. Je ne sais pas ce que tu mijotes, mais je me pose de plus en plus de questions à ton sujet. À savoir, même, si tes motivations sont bien les mêmes que celles de ton compagnon.
-Mon compagnon défunt, paix à son âme. »
IL souriait. Shannia remarqua que les Dieux s’étaient éloignés d’eux, et qu’elle se retrouvait à l’écart avec un homme qui l’avait presque envoyé à la mort seulement quelques heures auparavant. Elle commença à prendre peur.
« Halvorc est peut-être encore ici, parmi nous, répliqua-t-elle.
-Ou peut-être a-t-il été dévoré par le chien géant, où bien s’est-il noyé dans le fleuve en tentant de lui échapper. Peut-être même qu’il est…
-Il est là !! » Shannia courut vers une silhouette qui titubait à leur rencontre. IL écarquilla les yeux, incrédule. Non, ce n’est pas possible, ça ne peut pas être lui ! Il n’a pas pu buter à lui seul ce putain de chien géant, c’est pas vrai ! Dites-moi que je rêve !!
« Qui c’est, celui-là encore ? grommela Hel.
-C’est un des nôtres, il nous accompagnait et il a… » Freyja choisit prudemment ses mots avant de poursuivre. « …fait diversion pour que nous puissions passer entre les griffes de Garm, tout à l’heure.
-Et il est encore en vie ? s’étonna Hel. Il va falloir que je sévisse, il se ramolli. »
Halvorc, hors d’haleine, posait un pied devant l’autre en vacillant, manquant de chuter à chaque pas. Lorsque Shannia lui sauta dans les bras, il ne pu garder l’équilibre et s’affala sur le sol. Shannia, tout en s’excusant, l’aida à se remettre debout, et le soutint en attendant que les autres arrivent.
« Tu as réussit à le tuer, c’est fou !
-Je ne l’ai pas tué, haleta Halvorc. Il est dans le Gjoll, certainement un peu plus bas. Je l’ai entraîné jusque là, puis je suis grimpé sur le pont… et là, la tempête de tout à l’heure a recommencé et l’a happé. Et ensuite j’ai… »
Halvorc tourna de l’œil, mais Shannia l’empêcha de tomber. Elle l’assit sur le sol, l’appela plusieurs fois, et il finit par se réveiller. Il retrouvait des couleurs peu à peu, reposant ses jambes éreintées. Njörd, Freyja et Hel les rejoignirent en premier, tandis que IL traînait la patte derrière eux.
« Tu as survécu ! s’exclama Njörd. C’est merveilleux d’avoir à son actif un élément aussi fort, dans son armée, n’est-ce pas ?
-Il a jeté le chien dans le Gjoll, pour s’en débarrasser, leur dit Shannia. Il a réussit à courir jusqu’à la rivière sans se faire rattraper !
-Garm mérite des coups de fouet. Je m’en occuperais dès que cette affaire sera réglée. Bon, ce n’est pas tout ça, mais on pourrait accélérer un peu l’allure ? »
Mr.Magnum- Enorme floodeur
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Re: Traumenschar
Njörd et Freyja suivirent Hel qui râlait toujours, tandis que IL s’approchait d’Halvorc pour l’aider à son tour. Halvorc le repoussa sans ménagements.
« Shannia m’a raconté l’épisode de la dalle, cracha Halvorc. Je ne sais pas ce que tu veux exactement, mais nous en discuterons lorsque nous aurons retrouvé Séphy-Roshou, ou au moins lorsque nous reviendrons sur Terre.
-Mais Halvorc, se défendit IL, elle raconte n’importe quoi ! Si jamais les pièges s’étaient déclenchés, j’aurais été largement assez rapide pour la sauver, tu connais mon personnage Trauménien, c’est un grosbill puissance deux cents !
-Alors pourquoi ne pas y être allé toi-même, sur cette dalle ? »
La répartie cloua le bec de IL, et il regarda Halvorc et Shannia s’éloigner en serrant le poing. Il avait cru se débarrasser de cet inopportun avec Garm, et Halvorc s’en était sortit. Il avait cru en finir avec cette fouineuse de Shannia, et les pièges ne s’étaient pas déclenchés. Maintenant, ils étaient près de mettre la main sur Séphy-Roshou, et ça n’était pas bon pour Ses plans. IL ne voulait même pas imaginer Sa fureur si jamais ils ramenaient Séphy-Roshou d’entre les morts avant que Son plan ne soit achevé.
Heureusement que je L’ai prévenu, déjà, et j’espère juste qu’Il a commencé à prendre ses dispositions. Rien ne tourne comme on veut, ici. Pourvu que Séphy-Roshou soit déjà loin de ce monde. Ce serait déjà ça de prit.
IL se remit en route, en tentant de calmer sa fureur.
Le Jotunheim était paisible. Intégralement différent des autres mondes de l’Yggdrasil par une foultitude de détails, il s’imposait tout de même par sa taille et par la surveillance assidue dont il faisait l’objet. En effet, si les autres mondes étaient tous en paix les uns avec les autres, mis à part quelques dissensions passagères, le Jotunheim était en guerre latente avec le reste des peuples.
Vivant en autarcie, ce monde avait été légué en tant que territoire, ou prison, des Géants. Ces monstres ont été refoulés aux limites des mondes habitables et séquestrés dans le Jotunheim par Odin, afin de les avoir en permanence sous les yeux dans une optique de prévention continue.
Ce vaste territoire, à la mesure de ses habitants, restait assez insolite : Une immense montagne s’élevait en son centre, dominant les plaines vertes de l’Est. Au Sud s’étendait un désert peu habité, alors que l’Ouest était parsemé de vallées et formait un paysage ondulé et fortement prisé des Géants. Le Nord était recouvert d’une neige éternelle et immaculée. Le tout était entouré d’eau.
De toutes les bordures du Jotunheim, celle qui devenait de ce fait la plus étrange était l’extrémité Sud, où le désert aride s’enfonçait presque subitement dans une eau limpide. La partie Nord était, elle, recouverte de banquise, et des icebergs dérivaient lentement dans les deux autres ‘parties’ du Jotunheim, fondants au fur et à mesure. Le résultat était assez étrange à contempler : Le Jotunheim donnait ainsi l’impression d’un condensé de panoramas.
Le désert du Sud, où régnait une température proche de celle du Muspellheim, vit soudain apparaître un groupe de voyageurs. Ils émergèrent du sable et se retrouvèrent ainsi sous un soleil de plomb. Séphira s’épousseta les cheveux.
« Argh, ils sont pleins de sable, c’est malin !
-Je comprends pourquoi Heimdall nous a dit de profiter de la fraîcheur de la forêt, juste avant de sauter dans le trou, dit Soulblighter.
-Ne vous en faite pas, dit Thor. Nous n’allons pas traverser ce désert par des voies normales, nous allons emprunter la route des Ases. Ce royaume est trop dangereux, même pour nous. Les géants peuvent nous submerger d’un instant à l’autre. »
Ils se mirent en route vers un des bords du Jotunheim, pendant que Thor leur racontait que des routes accessibles uniquement des Ases avaient été érigées pour permettre un passage sécurisé dans le Jotunheim, et aussi permettre d’accroître la surveillance à l’intérieur de ce monde sans risques.
Soulblighter regarda l’immense montagne qui surplombait l’horizon derrière lui, puis l’immense océan dont ils s’approchaient. Puis son œil fut attiré par un mouvement sur sa droite. Il scruta les êtres qui couraient dans leur direction : Il distingua deux masses à peu près égales, l’une poursuivant l’autre.
« Je les ai vu aussi, dit Heimdall en utilisant sa vue imbattable.
-Deux géants qui viennent nous saluer ? demanda Soulblighter.
-Non : Le premier groupe est constitué de trois femmes et trois hommes. Je pense les reconnaître, mais je préfère ne pas savoir.
-Et le deuxième groupe ? » demanda Thor, qui s’était arrêté également.
Séphira les rejoignit, et plissa les yeux. Elle ne voyait pas grand-chose de précis, dans toute cette chaleur ambiante qui déformait les objets éloignés. Heimdall se lissa les poils de la barbe, en souriant.
« Le deuxième groupe est en fait une seule et unique personne : Il s’agit d’un géant de feu, au même titre que Surt. »
Séphira Strife tressaillit. Thor jaugea la distance qui leur restait à parcourir jusqu’à la route divine, et commença à lever une main pour annoncer la reprise de la marche. Il ne voulait pas avoir affaire avec les géants, même pour sauver des vies. Mais son geste fut interrompu par Soulblighter, qui lui sauta sur le bras et tira Thor au sol.
« Attention !! »
Une immense boule de feu passa à l’endroit même où s’était tenu Thor debout l’instant d’avant. Thor remercia Soulblighter en se relevant, puis attrapa Heimdall par le bras.
« Allons-y. Ça devient dangereux. »
Ils se mirent donc à courir vers la route qui survolait le Jotunheim, conduit par Thor qui savait exactement où elle débutait. Derrière eux, le groupe poursuivit par le géant en colère gagnait du terrain. Soulblighter, qui surveillait d’éventuelles autres boules perdues, finit par reconnaître les pourchassés.
Il tapota la main de Heimdall, qui lui jeta à peine un œil.
« Je sais, dit-il dans un soupir. S’ils arrivent à le distancer suffisamment, nous les ferons monter avec nous, en sécurité. Mais je ne peux pas risquer la vie de Thor, ou la mienne, pour si peu. Nous risquerions de déclencher le Ragnarök avant l’heure.
-Mais et si un Vane meurt, il se déclenchera également, non ? »
Heimdall ne répondit pas. Thor aperçut bientôt une silhouette près de l’eau, et il lui fit signe. La silhouette répondit par le même signal, puis elle s’affaira dans le sable. Lorsque le groupe des Ases la rejoignit, la gardienne de la porte avait ouvert le passage.
« Allez-y, dit-elle. Dépêchez-vous, je sens un géant en approche.
-Nous savons. » dit Thor.
Le passage s’ouvrait dans l’air comme une porte sur un autre monde. Sauf que cet autre monde était en fait un simple tube transparent qui passait au dessus du Jotunheim. De l’extérieur, le tube n’était pas visible. De l’intérieur, on le distinguait plus nettement. Et Séphira Strife, en s’y engouffrant, se doutait que ce passage était immatériel et donc indestructible. Une sorte de dimension parallèle. Elle fut soulagée une fois à l’intérieur.
Soulblighter la suivit, puis Thor y pénétra ensuite. Heimdall regardait encore au loin le groupe qui, hors d’haleine, n’arrivait néanmoins pas à semer le Géant furieux. Une autre boule de feu traversa l’air en grésillant. La phrase de Soulblighter résonna dans ses oreilles en un écho de conscience déplaisant.
Mais et si un Vane meurt, il se déclenchera également, non ?
Dans un soupir, Heimdall leva sa hache, et prit son élan. L’arme fit deux tours dans le vide, puis s’élança en direction du groupe, qui approchait. Heimdall leur hurla de se dépêcher, et ils puisèrent dans leurs dernières forces pour accélérer.
Le géant reçu la hache sur le plat dans le visage, et il tomba à la renverse. La hache poursuivit sa lancée, puis revint en tournoyant, passant une seconde fois au dessus du groupe de coureurs épuisés. Heimdall regarda passer Hel, Njörd, Freyja et trois humains inconnus près de lui, tandis qu’il récupérait agilement son arme. La gardienne s’approcha de lui.
« Dois-je les faire monter également ?
-Oui. Note tout ça sur le registre, et referme vite la porte. Le géant n’est qu’assommé, et il pourrait bien être mécontent lors de son réveil. » Il marqua une pause. « Je veux dire, encore plus mécontent qu’actuellement. »
DragonNoir toqua à la porte de sa propre chambre. Ces derniers temps, avec la mobilisation de son appartement en tant que quartier général des Traumenschar, il ne se sentait curieusement plus chez lui. Des gens allaient et venaient en permanence, s’affairant à diverses tâches aussi variées qu’obscures. Et retrouver quelqu’un dans cette surmultiplication de personnages relevait de l’ultime quête annexe d’un RPG : impossible à achever.
Ou presque.
« LIF, c’est toi ? Je peux entrer ? »
Un marmonnement positif lui répondit, vaguement. Il ouvrit la porte et aperçut le Ionisateur Fou affalé sur son lit, les yeux mi-clos et sans lunettes. DragonNoir dû presque faire un effort pour le reconnaître sans son éternel monture ronde. Il referma la porte derrière lui, pour préserver un semblant d’intimité à la pièce et à la conversation qui allait suivre.
DragonNoir n’acceptait pas qu’on considère les Trauméniens dont on était sans nouvelles comme perdus. Il refusait qu’on les abandonne ainsi à leur triste sort, et il avait ruminé un stratagème de longues heures durant pour les récupérer. C’est ainsi qu’il avait eu une idée. Une simple idée, mais qui pouvait fonctionner.
« J’ai besoin de tes services, LIF. »
Le jeune homme se redressa tant bien que mal, et se gratta pensivement la tête, tandis que DragonNoir lui développait oralement son idée. Une lueur d’excitation apparue bientôt dans ses yeux. Le Ionisateur Fou remit ses lunettes qui traînaient par terre : Il était à présent tout à fait réveillé. Et il souriait.
« Shannia m’a raconté l’épisode de la dalle, cracha Halvorc. Je ne sais pas ce que tu veux exactement, mais nous en discuterons lorsque nous aurons retrouvé Séphy-Roshou, ou au moins lorsque nous reviendrons sur Terre.
-Mais Halvorc, se défendit IL, elle raconte n’importe quoi ! Si jamais les pièges s’étaient déclenchés, j’aurais été largement assez rapide pour la sauver, tu connais mon personnage Trauménien, c’est un grosbill puissance deux cents !
-Alors pourquoi ne pas y être allé toi-même, sur cette dalle ? »
La répartie cloua le bec de IL, et il regarda Halvorc et Shannia s’éloigner en serrant le poing. Il avait cru se débarrasser de cet inopportun avec Garm, et Halvorc s’en était sortit. Il avait cru en finir avec cette fouineuse de Shannia, et les pièges ne s’étaient pas déclenchés. Maintenant, ils étaient près de mettre la main sur Séphy-Roshou, et ça n’était pas bon pour Ses plans. IL ne voulait même pas imaginer Sa fureur si jamais ils ramenaient Séphy-Roshou d’entre les morts avant que Son plan ne soit achevé.
Heureusement que je L’ai prévenu, déjà, et j’espère juste qu’Il a commencé à prendre ses dispositions. Rien ne tourne comme on veut, ici. Pourvu que Séphy-Roshou soit déjà loin de ce monde. Ce serait déjà ça de prit.
IL se remit en route, en tentant de calmer sa fureur.
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Le Jotunheim était paisible. Intégralement différent des autres mondes de l’Yggdrasil par une foultitude de détails, il s’imposait tout de même par sa taille et par la surveillance assidue dont il faisait l’objet. En effet, si les autres mondes étaient tous en paix les uns avec les autres, mis à part quelques dissensions passagères, le Jotunheim était en guerre latente avec le reste des peuples.
Vivant en autarcie, ce monde avait été légué en tant que territoire, ou prison, des Géants. Ces monstres ont été refoulés aux limites des mondes habitables et séquestrés dans le Jotunheim par Odin, afin de les avoir en permanence sous les yeux dans une optique de prévention continue.
Ce vaste territoire, à la mesure de ses habitants, restait assez insolite : Une immense montagne s’élevait en son centre, dominant les plaines vertes de l’Est. Au Sud s’étendait un désert peu habité, alors que l’Ouest était parsemé de vallées et formait un paysage ondulé et fortement prisé des Géants. Le Nord était recouvert d’une neige éternelle et immaculée. Le tout était entouré d’eau.
De toutes les bordures du Jotunheim, celle qui devenait de ce fait la plus étrange était l’extrémité Sud, où le désert aride s’enfonçait presque subitement dans une eau limpide. La partie Nord était, elle, recouverte de banquise, et des icebergs dérivaient lentement dans les deux autres ‘parties’ du Jotunheim, fondants au fur et à mesure. Le résultat était assez étrange à contempler : Le Jotunheim donnait ainsi l’impression d’un condensé de panoramas.
Le désert du Sud, où régnait une température proche de celle du Muspellheim, vit soudain apparaître un groupe de voyageurs. Ils émergèrent du sable et se retrouvèrent ainsi sous un soleil de plomb. Séphira s’épousseta les cheveux.
« Argh, ils sont pleins de sable, c’est malin !
-Je comprends pourquoi Heimdall nous a dit de profiter de la fraîcheur de la forêt, juste avant de sauter dans le trou, dit Soulblighter.
-Ne vous en faite pas, dit Thor. Nous n’allons pas traverser ce désert par des voies normales, nous allons emprunter la route des Ases. Ce royaume est trop dangereux, même pour nous. Les géants peuvent nous submerger d’un instant à l’autre. »
Ils se mirent en route vers un des bords du Jotunheim, pendant que Thor leur racontait que des routes accessibles uniquement des Ases avaient été érigées pour permettre un passage sécurisé dans le Jotunheim, et aussi permettre d’accroître la surveillance à l’intérieur de ce monde sans risques.
Soulblighter regarda l’immense montagne qui surplombait l’horizon derrière lui, puis l’immense océan dont ils s’approchaient. Puis son œil fut attiré par un mouvement sur sa droite. Il scruta les êtres qui couraient dans leur direction : Il distingua deux masses à peu près égales, l’une poursuivant l’autre.
« Je les ai vu aussi, dit Heimdall en utilisant sa vue imbattable.
-Deux géants qui viennent nous saluer ? demanda Soulblighter.
-Non : Le premier groupe est constitué de trois femmes et trois hommes. Je pense les reconnaître, mais je préfère ne pas savoir.
-Et le deuxième groupe ? » demanda Thor, qui s’était arrêté également.
Séphira les rejoignit, et plissa les yeux. Elle ne voyait pas grand-chose de précis, dans toute cette chaleur ambiante qui déformait les objets éloignés. Heimdall se lissa les poils de la barbe, en souriant.
« Le deuxième groupe est en fait une seule et unique personne : Il s’agit d’un géant de feu, au même titre que Surt. »
Séphira Strife tressaillit. Thor jaugea la distance qui leur restait à parcourir jusqu’à la route divine, et commença à lever une main pour annoncer la reprise de la marche. Il ne voulait pas avoir affaire avec les géants, même pour sauver des vies. Mais son geste fut interrompu par Soulblighter, qui lui sauta sur le bras et tira Thor au sol.
« Attention !! »
Une immense boule de feu passa à l’endroit même où s’était tenu Thor debout l’instant d’avant. Thor remercia Soulblighter en se relevant, puis attrapa Heimdall par le bras.
« Allons-y. Ça devient dangereux. »
Ils se mirent donc à courir vers la route qui survolait le Jotunheim, conduit par Thor qui savait exactement où elle débutait. Derrière eux, le groupe poursuivit par le géant en colère gagnait du terrain. Soulblighter, qui surveillait d’éventuelles autres boules perdues, finit par reconnaître les pourchassés.
Il tapota la main de Heimdall, qui lui jeta à peine un œil.
« Je sais, dit-il dans un soupir. S’ils arrivent à le distancer suffisamment, nous les ferons monter avec nous, en sécurité. Mais je ne peux pas risquer la vie de Thor, ou la mienne, pour si peu. Nous risquerions de déclencher le Ragnarök avant l’heure.
-Mais et si un Vane meurt, il se déclenchera également, non ? »
Heimdall ne répondit pas. Thor aperçut bientôt une silhouette près de l’eau, et il lui fit signe. La silhouette répondit par le même signal, puis elle s’affaira dans le sable. Lorsque le groupe des Ases la rejoignit, la gardienne de la porte avait ouvert le passage.
« Allez-y, dit-elle. Dépêchez-vous, je sens un géant en approche.
-Nous savons. » dit Thor.
Le passage s’ouvrait dans l’air comme une porte sur un autre monde. Sauf que cet autre monde était en fait un simple tube transparent qui passait au dessus du Jotunheim. De l’extérieur, le tube n’était pas visible. De l’intérieur, on le distinguait plus nettement. Et Séphira Strife, en s’y engouffrant, se doutait que ce passage était immatériel et donc indestructible. Une sorte de dimension parallèle. Elle fut soulagée une fois à l’intérieur.
Soulblighter la suivit, puis Thor y pénétra ensuite. Heimdall regardait encore au loin le groupe qui, hors d’haleine, n’arrivait néanmoins pas à semer le Géant furieux. Une autre boule de feu traversa l’air en grésillant. La phrase de Soulblighter résonna dans ses oreilles en un écho de conscience déplaisant.
Mais et si un Vane meurt, il se déclenchera également, non ?
Dans un soupir, Heimdall leva sa hache, et prit son élan. L’arme fit deux tours dans le vide, puis s’élança en direction du groupe, qui approchait. Heimdall leur hurla de se dépêcher, et ils puisèrent dans leurs dernières forces pour accélérer.
Le géant reçu la hache sur le plat dans le visage, et il tomba à la renverse. La hache poursuivit sa lancée, puis revint en tournoyant, passant une seconde fois au dessus du groupe de coureurs épuisés. Heimdall regarda passer Hel, Njörd, Freyja et trois humains inconnus près de lui, tandis qu’il récupérait agilement son arme. La gardienne s’approcha de lui.
« Dois-je les faire monter également ?
-Oui. Note tout ça sur le registre, et referme vite la porte. Le géant n’est qu’assommé, et il pourrait bien être mécontent lors de son réveil. » Il marqua une pause. « Je veux dire, encore plus mécontent qu’actuellement. »
*
* *
* *
DragonNoir toqua à la porte de sa propre chambre. Ces derniers temps, avec la mobilisation de son appartement en tant que quartier général des Traumenschar, il ne se sentait curieusement plus chez lui. Des gens allaient et venaient en permanence, s’affairant à diverses tâches aussi variées qu’obscures. Et retrouver quelqu’un dans cette surmultiplication de personnages relevait de l’ultime quête annexe d’un RPG : impossible à achever.
Ou presque.
« LIF, c’est toi ? Je peux entrer ? »
Un marmonnement positif lui répondit, vaguement. Il ouvrit la porte et aperçut le Ionisateur Fou affalé sur son lit, les yeux mi-clos et sans lunettes. DragonNoir dû presque faire un effort pour le reconnaître sans son éternel monture ronde. Il referma la porte derrière lui, pour préserver un semblant d’intimité à la pièce et à la conversation qui allait suivre.
DragonNoir n’acceptait pas qu’on considère les Trauméniens dont on était sans nouvelles comme perdus. Il refusait qu’on les abandonne ainsi à leur triste sort, et il avait ruminé un stratagème de longues heures durant pour les récupérer. C’est ainsi qu’il avait eu une idée. Une simple idée, mais qui pouvait fonctionner.
« J’ai besoin de tes services, LIF. »
Le jeune homme se redressa tant bien que mal, et se gratta pensivement la tête, tandis que DragonNoir lui développait oralement son idée. Une lueur d’excitation apparue bientôt dans ses yeux. Le Ionisateur Fou remit ses lunettes qui traînaient par terre : Il était à présent tout à fait réveillé. Et il souriait.
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Localisation : Dans les limbes torturées d'un esprit dérangé.
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